Eglises d'Asie

La mort d’un catholique, emprisonné pour profanation, suscite, au sein des minorités religieuses, débats et protestations au sujet de la loi contre le blasphème

Publié le 18/03/2010




Un catholique pakistanais, Samuel Masih, arrêté et détenu au nom de la loi contre le blasphème, est mort le 28 mai dernier, quelques jours après avoir été grièvement blessé par un policier musulman qui l’avait frappé à la tête avec un instrument contondant. Au moment de l’agression, la victime, âgée de 27 ans, était à l’hôpital de Lahore où, depuis sa prison, elle avait été transportée pour y soigner une tuberculose avancée.

Samuel Masih avait été accusé de profanation d’objet sacré, infraction répertoriée à l’article 295-A du Code pénal pakistanais, qui prévoit une peine de deux ans de prison. Le bibliothécaire d’une mosquée l’avait accusé d’avoir jeté des ordures sur une dalle de marbre où étaient inscrits des versets du Coran. La messe des funérailles de Samuel Masih a été célébrée, le 29 mai, dans la cathédrale du Sacré Cour à Lahore, sous la présidence de l’archevêque, qui a déclaré un peu plus tard que « une fois de plus, cette affaire mettait en lumière l’absurdité des lois sur le blasphème Il a ajouté : « Samuel a été la victime inutile d’une loi vague et d’un fanatique qui s’est autoproclamé le défenseur de cette loi. »

Quelques jours plus tard, le 5 juin, les problèmes soulevés par cette mort ont été débattus lors d’un séminaire du Parti chrétien pakistanais, qui avait été organisé au Club de la presse de Lahore en même temps qu’un service à la mémoire du défunt. Quelque deux cents personnes y participaient, parmi lesquelles des hauts fonctionnaires du gouvernement. Tous ont été unanimes dans la condamnation du geste du policier, même s’il s’est trouvé quelques fonctionnaires pour affirmer la nécessité du maintien de la loi contre le blasphème dans le but d’assurer le respect de la religion. Ainsi, le sénateur Khalid Ranjha, ancien ministre fédéral de la Justice, a dit aux participants : « Il n’est pas nécessaire d’abolir la loi sur le blasphème. Cependant, des suggestions pourraient être faites pour mettre un terme à des applications erronées. » Il a souligné la signification du respect pour les autres religions et mis en cause la discrimination dans laquelle étaient tenues les personnes de croyances différentes. Il a suggéré que, pour parvenir au respect mutuel, des conférences et des carrefours pourraient être organisés qui rectifieraient des mentalités formées à l’irrespect de l’autre dès leur plus jeune âge.

Le P. Inayat Bernard, représentant de la Commission épiscopale pour le dialogue interreligieux et l’ocuménisme, a exprimé son désaccord avec le précédent orateur pour ce qui concernait la nécessité du maintien de la loi contre le blasphème. Selon lui, si cette loi n’est pas abrogée, les chrétiens et les membres des autres minorités religieuses continueront d’être des victimes, et les heurts intercommunautaires se perpétueront. « Nous ne croyons pas en ces lois qui désunissent le peuple et font naître la haine entre divers groupes a-t-il dit. Un évêque en retraite, Mgr Timotheus Nasir, de l’association des Eglises chrétiennes bibliques, est intervenu pour faire remarquer que le fondamentalisme avait altéré l’image du pays en faisant mauvais usage de la loi contre le blasphème. Il a précisé que la situation serait meilleure si les mêmes peines étaient appliquées à ceux qui font preuve de manque de respect à l’égard du Christ et des saints chrétiens. On a encore entendu d’autres participants chrétiens marquer un vif soutien à l’appel lancé par le président Musharraf, le 15 mai dernier, pour procéder à la révision des lois contre le blasphème, ainsi que des dispositions de l’ordonnance Hudood, nom donné à un complément au Code islamique criminalisant des actes tels le vol, la consommation d’alcool et l’adultère (1).