Eglises d'Asie

Un projet de loi anti-conversion, que l’Eglise catholique refuse dans son principe, va prochainement être discuté au Parlement

Publié le 18/03/2010




Dans l’air depuis plusieurs mois (1), retardé par la dissolution de l’Assemblée nationale en février dernier, un projet de loi anti-conversion a été déposé officiellement. Paru au Journal officiel le 31 mai dernier et intitulé “Loi de prohibition des conversions forcées à la religion il devrait être discuté à partir du 20 juillet prochain, ouverture de la prochaine session parlementaire, devant la Chambre élue le 2 avril dernier. Les responsables de l’Eglise catholique, qui ont fait savoir à plusieurs reprises et à divers interlocuteurs leur opposition à un tel texte de loi, ont déclaré vouloir engager la discussion avec le gouvernement sur cette question et consulter toutes les parties impliquées, à savoir “les bouddhistes, les hindous et les autres communautés religieuses du pays”.

Le projet de loi proposé aux députés est en fait double dans son initiative. Le texte publié au Journal officiel a été rédigé par un membre, le vénérable Omalpe Sobitha Thera, du Jathika Hela Urumaya (JHU, Héritage national cinghalais), parti qui a réussi à faire entrer neuf moines bouddhistes dans la nouvelle Chambre (2). Proclamant son refus de participer à l’une ou l’autre des alliances partisanes dominant la vie politique du pays, le JHU, soutenus par une partie seulement du clergé bouddhiste, a fait campagne pour “moraliser” la politique et en “finir avec la pollution culturelle”. Le 18 juin, c’était au tour du ministre pour les Affaires bouddhiques, Ratnasiri Wickremanayake d’annoncer le dépôt d’un projet de loi anti-conversion. Egalement titulaire du portefeuille de la Sécurité publique, de la Loi et de l’Ordre, ministre adjoint de la Défense, Ratnasiri Wickremanayake a déposé ce projet de loi au nom de la coalition au pouvoir, l’UPFA (Alliance pour la liberté du peuple uni). Les deux projets de loi sont analogues sans être similaires.

Le projet de loi du JHU s’apparente fortement aux textes de loi votés l’an dernier dans plusieurs Etats de l’Inde voisine (3). Une peine de prison ferme allant jusqu’à cinq ans et une amende montant jusqu’à 150 000 roupies (1 250 euros) sont prévues pour les personnes reconnues coupables d’avoir utilisé la contrainte, la ruse ou des moyens frauduleux pour convertir un individu à une autre religion. Les peines montent à sept ans et 500 000 roupies dans le cas où la personne convertie est un mineur, une femme, une personne bénéficiant des programmes gouvernementaux d’aide sociale, un prisonnier, un handicapé physique ou mental, un policier, un étudiant, une personne hospitalisée ou réfugiée ou bien encore toute autre personne répondant aux critères définis par le ministère des Affaires bouddhiques. Le texte précise encore que les conversions doivent être portées à la connaissance des autorités locales, aussi bien par la personne convertie que par la personne qui a “facilité” la conversion. En cas d’omission de cette dernière obligation, les sanctions encourues vont jusqu’à cinq années de prison ferme et 150 000 roupies d’amende.

Réagissant le 18 juin au dépôt de ces deux projets de loi, Mgr Oswald Gomis, archevêque de Colombo et président de la Conférence des évêques catholiques, a déclaré que ces textes “limitaient les droits fondamentaux de l’être humain”. Renvoyant aux déclarations que la Conférence a produites ces derniers temps à ce sujet (4), il a dit que l’Eglise souhaitait engager le dialogue avec le gouvernement sur ce dossier en passant par l’entremise du ministre pour les Affaires chrétiennes, Milroy Fernando. Il a aussi ajouté que les évêques catholiques souhaitaient “par ailleurs en discuter avec toutes les parties impliquées, à savoir les bouddhistes, les hindous et les autres communautés religieuses du pays”. Il a rappelé que le problème avait déjà fait l’objet d’un débat, entre chrétiens, dans le cadre du Conseil national chrétien qui regroupe les principales Eglises chrétiennes du pays.

Le débat sur les conversions “non éthiques” a pris de l’ampleur au Sri Lanka à la fin de l’an dernier. Dans ce pays bouddhiste à 70 %, les agissements de différentes dénominations protestantes, présentes dans le pays sous le couvert d’action humanitaire, ont provoqué de vives réactions dans une partie de la communauté bouddhiste. L’Eglise catholique, tout en affirmant son droit le plus absolu à propager la Bonne Nouvelle, a pris soin de dénoncer les groupes fondamentalistes qui essaient d’attirer à eux aussi bien des catholiques que des bouddhistes ou des hindous. Au sein de la minorité chrétienne du Sri Lanka, qui représente environ 8 % de la population totale, près de neuf chrétiens sur dix appartiennent à l’Eglise catholique. Cette dernière se trouve donc en première ligne lorsque les partisans du JHU ou les personnes qui partagent leurs idées sur l’importance de la “pureté” bouddhiste de la société cinghalaise créent un amalgame entre les fidèles des différentes Eglises chrétiennes. Dans les derniers jours du mois de décembre 2003 et les premières semaines de l’année 2004, une vingtaine d’églises catholiques et de temples protestants ont été victimes d’attaques attribuées à des fondamentalistes bouddhistes (5).