Eglises d'Asie

HONGKONG : ALLOCUTION DE Mgr ZEN ZE-KIUN AUX CHRETIENS VENUS SE JOINDRE A LA MANIFESTATION POUR LA DEMOCRATIE DU 1er JUILLET 2004

Publié le 18/03/2010




Vendredi dernier, la Commission ‘Justice et paix’ du diocèse catholique de Hongkong me pressait de lui donner le texte de mon discours pour la prière d’aujourd’hui. C’est le psaume de la messe de ce jour qui m’a inspiré. Le Psaume 137 décrit le peuple de Dieu réduit en esclavage, emmené à Babylone, loin de Sion. Après une journée de travail forcé, ils s’asseyent au bord du fleuve et pleurent ; ils se rappellent leur terre où ils pendaient leurs cithares aux saules de la rive. Leurs maîtres leur commandent : « Chantez-nous un cantique de Sion ! » Comment auraient-ils pu avoir le cour à chanter ! De leur cour, seuls des pleurs pouvaient couler. « Que ma main droite se détache si je t’oublie, Jérusalem ! Que ma langue se colle à mon palais si ton souvenir en moi se perd ! » Pour moi, c’est comme si ce psaume nous aidait à exprimer la tristesse qui est en nos cours.

Le 1er juillet est l’anniversaire de notre retour sous la souveraineté de notre pays, ce qui, bien sûr, est une bonne chose. Ne devrions-nous pas fêter cet anniversaire ? Mais, en fait, nous ne sommes pas d’humeur à célébrer !

Ne vous méprenez pas ! Laissez-moi insister sur quoi j’ai déjà insisté : le retour à la Chine est une chose juste qui vaut d’être célébrée. Au cours de la messe d’action de grâce et d’invocation du 1er juillet 1997, j’ai dit dans mon homélie : « Il y a un siècle, un gouvernement impotent a accepté un traité inégal et cédé cette terre qui était une partie de la Chine à la Grande-Bretagne. C’était un échange immoral. Aujourd’hui, dans un environnement anti-colonial et alors que la Chine se dresse comme une nation forte sur la scène internationale, il a été remédié à cette injustice historique. C’est juste et c’est ce qu’il fallait faire. Dieu qui est le Seigneur de la justice applaudit des deux mains et nous louons Son nom dans la jubilation. »

Mais, à la même occasion, j’ai ajouté : « Nous ne devons pas seulement célébrer la fin de 150 ans de honte nationale. Nous nous tenons au moment présent et nous regardons vers l’avenir. Le 1er juillet n’est pas seulement une journée du souvenir. C’est aussi un jour d’engagement. » J’ai dit aussi : « Nous espérons que ce retour politique est aussi un retour culturel pour Hongkong et pour la Chine, et finalement, à travers ce retour culturel, que c’est un retour religieux. » Le retour à la mère-patrie est un événement merveilleux mais travailler à la venue du Royaume de Dieu est encore plus merveilleux. « Le Royaume de Dieu exige que nous nous transformions nous-mêmes et que nous transformions le monde. Alors que nous célébrons dans la joie le retour de Hongkong à la Chine, n’oublions pas que de nombreux problèmes demeurent qui attendent de notre part de trouver des solutions. »

Aujourd’hui, sept ans après ce retour, notre situation semble plus loin encore du royaume des cieux et, si nous sommes toujours en exil, il y a plus de tristesse que de joie.

Il y a sept ans, les trois évêques, au nom de l’Eglise catholique, ont pris part à la Cérémonie de retour de Hongkong à la Chine. Nous avons été témoins de ce grand événement historique. Mais de nombreux épisodes malheureux ont suivi et nous ont placé en situation de conflit avec le gouvernement de la Région administrative spéciale (de Hongkong) : le droit au regroupement familial (the right of abode), l’article 23 de la Loi fondamentale, etc. Tout ceci, bien entendu, ne nous donne pas à penser que le retour a été un événement négatif. Mais, étant donné que nous sommes désormais maîtres de notre propre destinée et que nous sommes appelés à jouir d’un haut degré d’autonomie selon le principe ‘Un pays, deux systèmes’, nous avons le droit et le devoir de prendre une part active aux affaires publiques. Nous devons user de notre liberté d’expression et des autres libertés d’une manière positive afin de travailler à l’avènement du Royaume de Dieu.

L’an dernier à la même date, j’ai pris part à la cérémonie de levée des couleurs nationales et à la réception officielle organisée pour l’anniversaire du retour de Hongkong à la Chine. Et, dans l’après-midi, je suis venu au Parc Victoria pour une assemblée de prière et encourager nos frères et sours à se joindre à la manifestation. Cette année voit se reproduire le même scénario. Je ne vois pas de contradiction à agir ainsi. Car manifester, c’est précisément prendre part à l’achèvement du processus de retour, c’est hâter l’avènement du royaume céleste, c’est faire que tout un chacun dans notre mère-patrie éprouve de la fierté pour Hongkong.

Chers frères et sours, vous qui êtes présents ici, permettez-moi en votre nom d’exprimer à voix haute la principale insatisfaction qui est dans vos cours. Certaines personnes aux motifs dissimulés ont instillé de la défiance entre nous et le gouvernement central, avec pour conséquence que le gouvernement central nous soupçonnent de ne pas être patriotes, d’ouvrer à l’indépendance. Et cela a aboutit à ce que le gouvernement central mette son veto au suffrage universel pour 2007 et 2008 avant même que nous ayons eu une chance de débattre du problème.

Aujourd’hui, nous sommes dans la rue pour dire que nous sommes confiants que les dirigeants du gouvernement central comprendront que la raison de cette manifestation est la stabilité et la prospérité à long terme de Hongkong et que nous voulons montrer au monde la vitalité du principe ‘Un pays, deux systèmes’. Nous sommes confiants que, si nous avons la confiance des dirigeants du gouvernement central et des autorités de la Région administrative spéciale, les Hongkongais seront unis pour résoudre leurs propres problèmes et qu’au lieu d’être une charge pour notre mère-patrie, nous serons capables de contribuer positivement au développement de notre pays.

Chers frères et sours en Christ, nous sommes heureux de voir que, ces jours-ci, se manifestent des signes de réconciliation. Les rameaux d’olivier ici sont le symbole de notre désir et de notre espoir pour la paix. Puisse votre marche d’aujourd’hui être paisible de bout en bout. Qu’il survienne des troubles et je vous demande de ne pas retourner mot pour mot, coup pour coup. Ce qui est plus important et que, dans les jours qui viennent, nous gardions à cour nos idéaux de démocratie et de liberté, dans la patience et la persévérance, chacun à sa position de combat : en tant que parents, enseignants, membres des professions juridiques, des médias, des partis politiques, que nous soyons semeurs de démocratie et d’espérance !