Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er mai au 30 juin 2004

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

Fin de la saga suicidaire pour la formation du gouvernement ?

Un nouveau gouvernement sera sans doute formé quand vous parviendra ce texte. Il nous a semblé intéressant de retracer les étapes récentes des négociations entre les partis, qui ont précédé l’accord final du 29 juin.

– Le 27 juin 2003, lors des élections législatives, le PPC sort vainqueur, avec 73 députés, mais il lui en manque neuf pour avoir la majorité des deux tiers, prévue par la Constitution pour obtenir la confiance de l’Assemblée.

– Le 5 novembre 2003, un accord, concocté par le roi Sihanouk et signé par les trois partis, prévoit un gouvernement tripartite.

– Le 15 mars 2004, le FUNCINPEC négocie seul avec le PPC, pour la formation d’un gouvernement 2+1/2, c’est-à-dire gouvernement PPC et FUNCINPEC, avec participation de ministres PSR dans le quota réservé au FUNCINPEC.

Après plusieurs interruptions, les groupes de travail des négociateurs du FUNCINPEC et du PPC devaient reprendre leurs rencontres le 5 mai, pour tenter de résoudre leurs treize points de désaccords sur les 73 initiaux. Le 4 mai, le PPC reporte la rencontre, prétextant de ce que la radio Ta Prom, royaliste, a rompu la trêve dans la guerre des ondes, en donnant la parole à des auditeurs qui ont critiqué Hun Sen et son gouvernement. Le PPC demande le renvoi de son directeur, mais le FUNCINPEC répond que ce dernier n’est pas membre du parti.

Le 6 mai, le Premier ministre annonce la promotion de Im Sethy, secrétaire d’Etat (PPC), au poste de ministre de l’Education nationale, à la place de Tol Lah (FUNCINPEC), décédé ; de Vong Vathana, secrétaire d’Etat (PCC), à la place de Neav Sithong (FUNCINPEC), comme ministre de la Justice, reprochant à ce dernier de ne plus travailler. Hun Sen précise que ces décisions ne sont que provisoires et que le FUNCINPEC reprendrait ces postes dès que les ministres manifesteraient leur volonté de travailler, en ne boycottant plus les réunions bihebdomadaires du Conseil des ministres. Décision, somme toute, assez logique. Les 85 ministres, secrétaires d’Etat et sous-secrétaires d’Etat du FUNCINPEC menacent de démissionner en bloc, face à cet « abus de pouvoir qui viole l’accord passé en 1998 entre les deux partis sur le partage du pouvoir. Le remplacement d’un ministre doit se faire par le secrétaire d’Etat du même parti. Cependant, le 12 mai, après plusieurs conversations téléphoniques entre Hun Sen et Ranariddh, les ministres démissionnés se rendent à Pochentong pour accueillir Hun Sen rentrant du Laos, et tous recommencent à travailler comme avant.

Le 11 mai, le roi demande aux trois partis d’envoyer des représentants à Pyongyang pour tenter de résoudre « la crise politique grave qui a humilié notre nation sur le plan international et qui porte atteinte à l’intérêt éminent de la nation et des citoyens Le roi avertit que la réunion sera filmée, « pour que la population et la communauté internationale soient informées des responsabilités de chacun Au PSR, on applaudit : « Nous soutenons le roi à 100 % les deux autres partis sont moins enthousiastes. Dans une réponse commune, datée du 12 mai, Hun Sen et Ranariddh se disent d’accord avec la proposition du roi, mais ne se rendront pas à Pyongyang, pas avant que les groupes de travail n’aient réussi à résoudre la crise par eux-mêmes. Le roi accuse le coup, le qualifie de « camouflet » mais assure ne pas tenir rigueur cette réponse « impolie » et « manquant de savoir-vivre 

Le 14 mai, cinq nouveaux points de litige sont résolus : baisse du prix de l’essence, abandon du contrôle des subventions aux ONG, abandon du projet de subventions aux partis… Mais Ranariddh part de nouveau en voyage pour quinze jours aux Etats-Unis… Un autre point (création d’un comité de contrôle de l’enseignement supérieur) est résolu le 17 mai.

Le 20 mai, le Premier ministre promet de réintégrer les 17 fonctionnaires du FUNCINPEC limogés en septembre dernier, après la formation du prochain gouvernement et examen « au cas par cas 

Le 25 mai, quatre sous-points ont trouvé une solution : la réforme de l’armée, la création d’une institution de lutte contre la corruption, les lots de pêche, la suspension temporaire de l’exploitation forestière. Cinq points épineux restant sans solution sont soumis à Ranariddh et au Premier ministre : convocation du Premier ministre chaque mois devant l’Assemblée, tenue de forums gouvernement-citoyens, création d’un ministère de l’Immigration, abolition des traités passés avec le Vietnam, le péage de la route nationale n° 5. Devant la lenteur du processus engagé, Sam Rainsy décide de répondre à l’invitation du roi. Il se rendra à Pyongyang du 2 au 10 juin avec son épouse. Heng Samring épingle Ranariddh, disant que ses voyages répétés à l’étranger ne sont que des ruses pour freiner les négociations.

Le 30 mai, de Pyongyang, le roi Sihanouk demande la révision de la Constitution stipulant que le roi règne mais ne gouverne pas, mais qu’en même temps il est le garant de l’indépendance et de la souveraineté nationale, ainsi que de l’indépendance du système judiciaire. Il voudrait que ses pouvoirs correspondent à ses responsabilités, pour ne pas assumer la responsabilité d’un système judiciaire « reconnu comme corrompu et incompétent partout dans le monde Le roi craint d’autre part que le Cambodge ne devienne une république après sa mort. Le PSR soutient l’idée d’amendements constitutionnels.

Ranariddh rentre au Cambodge le 29 mai. Hun Sen vient lui rendre visite le 2 juin, à sa résidence. Les deux hommes s’entretiennent pendant quatre heures et demi, et parviennent à un accord sur les cinq points laissés en litige par les groupes de travail. « Nous sommes parvenus à un accord définitif… Nous en sommes fiers dit Ranariddh. Il accepte le principe du vote bloqué : un seul vote élira le président de la nouvelle Assemblée nationale et accordera sa confiance au Premier ministre, principe qu’il avait farouchement refusé pourtant au début des négociations. Sur la question des frontières, les deux hommes ont convenu de ne pas abroger les traités frontaliers signés avec le Vietnam, mais de créer un Conseil supérieur, présidé par le roi, qui chapeautera l’actuel comité des frontières. Pour les salaires des fonctionnaires, on envisage une augmentation de certaines catégories d’agents de l’Etat, tous seront augmentés de 10 à 15 % par an, dès la formation du nouveau gouvernement. Sur la concession des péages de la nationale n° 4 à la société AZ, Hun Sen promet d’en réviser le contrat. Pour la réforme judiciaire, les deux hommes sont d’accord sur la nécessité d’un système indépendant et neutre. Quant au fonctionnement des institutions, Hun Sen dit qu’il se présentera devant l’Assemblée chaque semaine pour répondre aux questions des députés. Pour l’immigration, le FUNCINPEC a obtenu le principe de la création d’un ministère.

Ne reste plus aux groupes de travail qu’à s’entendre sur le protocole d’accord régnant la bonne entente entre les deux partis et à se répartir les portefeuilles ministériels. Tout le monde se félicite de l’issue heureuse de dix mois de tractations et y voit un progrès de la démocratie : on a discuté d’un programme avant d’attribuer des postes. « Le plus important, dit Hun Sen, était le programme politique, pas le pouvoir. » Cependant, Ranariddh déclare à Voice of America que « le protocole d’accord est aussi important que le programme politique. S’il n’y avait pas d’accord sur ce protocole, la formation du gouvernement serait retardée, voire remise en cause 

Dès le 2 juin, le PPC remet au FUNCINPEC son projet de protocole d’accord, « en fonction des résultats des dernières élections » : 60 % des postes sont attribués au PPC, 40 % au FUNCINPEC. Chéa Sim sera président du Sénat, Ranariddh président de l’Assemblée nationale, Hun Sen Premier ministre, secondé par cinq Vice-Premiers ministres (trois PPC et deux FUNCINPEC). Sur 26 ministères, 16 iront au PPC, qui placera également 79 de ses hommes parmi les 136 secrétaires d’Etat. Deux postes supplémentaires de vice-gouverneur dans chaque province et district seront créés pour assurer un partage équitable des postes.

Le FUNCINPEC tarde à donner son propre projet de protocole. Livré avec trois jours de retard, ce protocole préconise la répartition du pouvoir à égalité avec le PPC du haut en bas de l’exécutif, avec la création d’un poste de co-ministre du Conseil des ministres, le maintien des co-ministres de la Défense et de l’Intérieur. Il précise également que le mandat du Premier ministre ne pourra être reconduit qu’une seule fois. La réaction du PPC est immédiate : « Il est impossible que nous partagions le pouvoir à part égale, dit le porte-parole du gouvernement. Sinon ce n’est pas la peine de faire des élections Le PPC a obtenu 73 sièges, contre 50 pour les deux partis de l’Alliance réunis.

Le projet de protocole d’accord établi par le FUNCINPEC comprend 115 clauses et corrige sérieusement le projet du PPC sur des points importants :

– lutte contre la corruption : que l’Assemblée adopte le projet déjà entériné par le Conseil des ministres et envoyé aux députés lors de la précédente législature.

– amendements de la Constitution : si l’un des deux parti quitte le gouvernement, celui-ci doit obtenir la confiance des deux tiers des députés. Si la crise n’est pas résolue dans les six mois, on procèdera à de nouvelles élections. Le mandat du Premier ministre n’est renouvelable qu’une fois.

– frontières : que le Conseil national prévu soit institué d’ici la fin de l’année. Qu’aucun accord d’exploitation pétrolière et gazière ne soit conclu sans l’avis de ce Conseil.

– élections : que les lois électorales soient amendées, que le CNE soit composé sur le modèle du Conseil national suprême. Les chefs de villages doivent être élus le plus rapidement possible.

– système judiciaire : mise à la retraite immédiate des magistrats ayant atteint l’âge de soixante ans.

– assemblée nationale : création d’un poste supplémentaire de vice-président pour le PSR.

« Les négociations ont fait un pas en arrière. Ce que demande le FUNCINPEC est irréalisable déclare le porte-parole du gouvernement, car il réintroduit des éléments écartés lors de l’accord sur le programme politique, et ce n’est pas de la compétence des groupes de travail. Ranariddh se déclare optimiste et envisage un troisième tête à tête avec Hun Sen pour régler les problèmes. Le 10 juin, Sirivudh, secrétaire général du FUNCINPEC, se rend à Pyongyang. Le 11 juin, le FUNCINPEC remet la deuxième partie de son projet de protocole d’accord, en 17 pages, et revendique les ministères de l’Economie et des Affaires étrangères.

Sam Rainsy estime que les neuf députés qui manquent au PPC pour avoir la confiance des deux tiers de l’Assemblée vont lui coûter la moitié des postes ministériels : « C’est l’intérêt du pays qui exige 50-50, et non les intérêts de l’alliance. » Il fait de plus remarquer qu’en additionnant les voix du FUNCINPEC et celles du PSR, l’Alliance est presque à égalité avec le PPC. Le PPC s’insurge contre ce mode de calcul, faisant remarquer que le PPC a obtenu 73 sièges à l’Assemblée, et que le FUNCINPEC et le PSR réunis n’en ont que 50. D’autre part, pendant toute la campagne, les deux partis n’ont cessé de s’insulter mutuellement au point d’en oublier le PPC. Donc, pour le PPC, il ne peut y avoir de répartition que 60-40. Le 18 juin, le FUNCINPEC envisage de faire appel aux bons offices du roi. « Nous sommes disposés à suivre à 100 % les conseils et propositions du roi, sans la moindre condition… Il nous convoquera à Phnom Penh ou à Pyongyang. » Au PPC, on préfère une solution obtenue par des négociations bilatérales. Sam Rainsy propose un retour à l’accord signé devant le roi le 5 novembre, et remis en cause par le PSR et le FUNCINPEC par la suite… « plus le programme politique de l’accord FUNCINPEC-PCC que l’on mélange ! »

« Tout ce que je demande, dit pour sa part le roi, c’est la possibilité de rentrer au sein de ma patrie avant le 31 octobre 2004 pour fêter son 82e anniversaire, mais il n’exclut pas la possibilité d’en être empêché, si les « grands politiciens » ne sont pas parvenus à résoudre cette crise d’ici-là.

Le 26 juin, un communiqué, signé par Hun Sen et Ranariddh, annonce qu’un accord est intervenu entre les deux hommes dans la matinée ; il est qualifié de « définitif » : le PPC obtient 60 % des portefeuilles, et le FUNCINPEC 40 %, sur « la base du résultats des élections et de concessions Cet accord est signé officiellement au palais d’état de Chamkarmon le 30 juin, « journée historique « victoire pour la démocratie en présence des principaux membres des groupes de travail et des personnalités gouvernementales.

Le nouveau gouvernement comprendra 26 portefeuilles, soit un de plus que l’ancien gouvernement, mais le nombre de secrétaires et de sous-secrétaires d’Etat, passe de 175 à 260, afin de satisfaire tout le monde. Chaque ministère comptera cinq secrétaires d’Etat (trois PPC et deux FUNCINPEC), et cinq sous-secrétaires d’Etat répartis selon la même proportion entre les deux partis.

– quinze ministères PPC : Conseil des ministres, Affaires étrangères, Plan, Commerce, Agriculture, Aménagement du territoire, Environnement, Industrie, Ressources en eau, Affaires sociales, Postes et télécommunications, Information, Justice, Relation avec le parlement, secrétariat d’Etat à la Fonction publique.

– dix ministères FUNCINPEC : Santé, Développement rural, Transports publics, Education, Culture, Emploi et Formation professionnelle, Affaires féminines, Cultes, Tourisme et secrétariat d’Etat à l’Aviation civile.

– les ministères de la Défense et de l’Intérieur continueront d’être dirigés par deux co-ministres. Le ministère de l’Economie, dirigé par un PPC, comporte un premier secrétaire FUNCINPEC avec rang de ministre.

– le PSR semble exclu du marchandage.

Le PPC rafle tous les ministères « lucratifs ».

Le 8 juillet, la nouvelle Assemblée, convoquée par son doyen, doit se réunir, et débattra de la loi constitutionnelle autorisant la procédure de « vote bloqué puis le texte ira devant le Sénat. Son adoption permettra l’élection du bureau de l’Assemblée puis le vote de confiance au nouveau gouvernement qui entrera en fonction à la mi-juillet.

Plusieurs personnalités de la société civile critiquent la procédure du « vote bloqué comme « violant la Constitution » et « méprisant le roi qu’elle ignore 

Le FUNCINPEC et le PSR soulignent « la victoire de la démocratie » : l’Alliance a montré que personne ne peut gouverner indéfiniment le Cambodge, l’Alliance a suscité des débats sans précédents sur des questions d’importance nationale, l’Alliance a mis en place une grande force politique qui offre une alternative crédible pour gouverner le pays. L’Alliance souligne six points, considérés comme fruit de ses « onze mois d’audace » :

– amendement de la loi électorale et modification du CNE ;

– examen des traités frontaliers ;

– mise en place d’un plan concret pour contrôler la corruption ;

– mise en place d’un plan concret pour réformer le système judiciaire ;

– création d’un Comité national des droits de l’homme indépendant et neutre ;

– établissement d’une règle de prise de décision par consensus entre le Premier ministre et les Vice-Premiers ministres.

Le tribunal pour juger les ex-dirigeants Khmers rouges

Le 21 mai, l’Australie annonce qu’elle double son assistance financière au tribunal « à caractère international » devant juger les ex-responsables Khmers rouges, la portant à 2,1 millions de dollars. La veille, la Suisse annonce une participation au tribunal. La France, la Grande-Bretagne et le Japon se sont également engagés à financer ce tribunal dont le coût pourrait s’élever à environ 50 millions de dollars. Le 2 juin, on apprend toutefois que la France, le Japon, l’Australie, et même les Etats-Unis et les Pays-Bas voudraient diminuer le budget prévu pour le jugement, et de le faire passer de 50 à 30 millions de dollars, dont 15 versés par le gouvernement cambodgien.

En avril, suite à une demande de personnalités du PSR, le procureur général Henrot Raken avait ordonné aux procureurs provinciaux de Battambang, de Siemréap et de Bantéay Méan Chhey, l’arrestation de Khieu Samphan et de Nuon Chéa, en se basant sur la loi de 1994 plaçant les Khmers rouges « hors la loi Cependant, les procureurs refusent, estimant que cet ordre ne peut émaner que du tribunal « à caractère international Hun Sen émet un avis semblable.

Durant la dernière semaine du mois de mai, Ieng Sary part en Thaïlande pour faire soigner son cour. De nombreux anciens cadres Khmers rouges partent en Thaïlande : « C’est comme une seconde maison dit l’un d’entre eux.

Montagnards

Selon l’association ADHOC, le 11 mai, six Montagnards sont arrêtés et reconduits à la frontière.

Au début du mois de juin, d’importantes forces de police sont déployées dans les provinces de Ratanakiri et de Mondolkiri à la recherche des Montagnards réfugiés du Vietnam. Elles mettent en place des barrages sur les routes, interdisent aux Montagnards cambodgiens de s’éloigner à plus de quatre kilomètres de leurs villages. Les autorités jugent les accusations de violation des droits de l’homme sans fondement.

Le 18 mai, le ministre cambodgien des Affaires étrangères affirme que les Montagnards vietnamiens sont des « immigrants illégaux » ou des « immigrés économiques » désirant gagner un autre pays, et seront expulsés en tant que tels ; il accuse à nouveau l’UNHCR d’inciter les Montagnards à quitter le Vietnam et de violer la souveraineté du pays. « Au Vietnam, il n’y a pas de guerre, pas de crise politique grave, on n’opprime pas les Montagnards affirme le ministre. Quatre-vingt-sept Montagnards se sont mis sous la protection de l’UNHCR à Phnom Penh. Le 21 mai, Amnesty International s’indigne de la position de Phnom Penh. Le roi Sihanouk ridiculise les arguments du gouvernement : le Vietnam est dans une situation économique bien meilleure que celle du Cambodge, on ne voit donc pas pourquoi ils s’y réfugieraient pour des raisons économiques ! Les diplomates du Canada, des Etats-Unis, de l’Allemagne, de l’Angleterre interviennent en faveur des réfugiés, et demandent au gouvernement cambodgien de respecter la convention de Genève de 1951 qu’il a signée. Six nouveaux Montagnards arrivent au bureau de l’ONU, à Phnom Penh, le 25 mai.

Le 11 juin, le gouvernement reconnaît qu’il y a de « vrais réfugiés » parmi les Montagnards. Un nouveau mémorandum sera signé avec l’UNHCR en juillet. Il envisagerait d’autoriser l’UNHCR à installer des bureaux dans les provinces de Mondolkiri et de Ratanakiri. Il y aurait 200 Montagnards cachés dans la nature, et 88 demandeurs d’asile.

Rapports avec la Thaïlande

Les responsables de la sécurité thaïlandaise laissent entendre qu’un certain nombre de Chams, originaires du Cambodge, ont participé aux violences séparatistes des musulmans du sud de la Thaïlande, en mai dernier, qui ont fait 113 morts du côté des « rebelles ». Les autorités cambodgiennes nient, mais certains responsables de mosquées affirment que 50 à 100 étudiants chams étudient effectivement chaque année en Thaïlande.

Le 4 mai, les représentants cambodgiens et thaïlandais se réunissent à Aranyaprathet (Thaïlande) pour régler le conflit frontalier surgi les 8 et 20-21 avril entre les deux pays à Tuol Prasat. On décide de ne rien changer avant une délimitation définitive de la frontière.

Les commissions culturelles thaïlandaise et cambodgienne, créées lors de la réunion des gouvernements des deux pays à Siemréap en mai 2003, se réunissent pour la première fois les 18-21 mai à Phnom Penh et à Siemréap. Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire, mais d’en tirer des enseignements pour éviter que ne se reproduisent des événements comme ceux du 29 janvier 2003. La tension reste cependant vive dans la population. Le 6 mai, des ouvriers de l’usine textile Suntec se sont mis en grève car une cliente thaïlandaise a osé arracher des clichés des temples d’Angkor punaisés dans un bureau, et les aurait piétinés. Elle a dû quitter précipitamment le pays, et une autre Thaïlandaise a dû présenter des excuses.

Dans les provinces de Bantéay Méan Chhey et de Battambang, suivies par celle de Siemréap, les autorités demandent que dans tous les villages on donne la priorité au khmer, pour « lutter contre l’influence thaïlandaise » et « rendre le khmer visible pour défendre notre identité ».

Lors du voyage de Hun Sen au Laos, les 10-12 juin, les deux gouvernements se sont entendus sur la libre circulation de leurs ressortissants entre les deux pays. Aucune mention n’est faite sur l’installation de nouvelles bornes frontières dans le communiqué conjoint.

ECONOMIE

Dans un rapport préparé l’an dernier pour le groupe consultatif et rendu public le 9 juin, la Banque mondiale affirme que la corruption et l’inefficacité du gouvernement bloquent toute croissance économique du pays, et exprime des vues très négatives sur l’investissement dans le pays. Les pots de vins payés par les entreprises sont le double que ceux payés au Bangladesh, réputé comme le plus corrompu de la région, et s’élève à un total de 120 millions de dollars par an.

Les prix des légumes et de la viande ont fortement augmenté au mois de juin en raison de la sécheresse, mais surtout à cause de l’augmentation du prix de l’essence à la pompe (plus 8,5 % à Phnom Penh).

Bois

Le 12 mai, le sous-secrétaire d’Etat à l’Environnement et des agents de la Banque mondiale survolent le parc national de Virak Chhey, dans la province de Ratanakiri. Ils découvrent « d’innombrables piles de troncs, des campements et de grandes routes menant à la frontière laotienne La Banque mondiale a débloqué 4,9 millions de dollars sur une période de cinq ans (2000-2005) pour la protection de ce parc, qui couvre 330 000 hectares, et doit effectuer deux vols de surveillance par an. Le gouverneur accuse les forces armées frontalières. De retour à Phnom Penh, des photos et des documents sont remis au Premier ministre qui autorise, le 8 juin, une commission d’enquête composée de membres des ministères de l’Intérieur, de la Défense et de l’Agriculture à se rendre sur place. Global Witness avait déjà signalé dès 2003 le transport de bois dans la région. « Les agents de la Banque mondiale quittent leur bureau une fois par an pour mon-ter dans un avion et découvrent subitement qu’il y a un problème dit le responsable de l’association.

Le 21 mai, Global Witness attire l’attention du gouvernement sur des coupes de bois « illégales pratiquées dans la province de Mondolkiri depuis juillet 2003 et qui se sont poursuivies jusqu’en mars 2004. Une route de 30 Km a été tracée pour acheminer le bois vers une scierie. Ces coupes n’ont pu être opérées qu’avec la complicité des autorités locales et de militaires de haut rang. Une société a été autorisée à prélever les « vieux arbres ce qui masque 95 % des coupes illégales. Global Witness donne même le nom de la responsable du trafic : Mme Séang Léang Chhum. Un des camions transportant le bois a détruit un pont sous son poids, à Snoul, faisant plusieurs morts, le 10 avril dernier. Des témoins oculaires certifient que 240 m3 de bois précieux ont été emportés, le 27 mars, alors que le permis signé le 25 mars, pour la compagnie Samling et non au nom de Mme Chum, n’autorisait le transport que de 90 m3.

Le 26 mai, la SGS (Société Générale de Surveillance) rend public son premier rapport depuis qu’elle a remplacé Global Witness. Elle fait état d’informations en provenance d’ONG ou de journaux concernant d’importantes activités illégales menées par des unités de l’armée, mais n’est pas allée vérifier sur place. Aucune mention n’est faite du rapport de Global Witness du mois de février, mettant en cause des dignitaires de l’armée, dans les provinces d’Oddar Méan Chhey, de Kratié, de Préah Vihéar, aucune mention de l’affaire Kép Chutéma, gouverneur de Phnom Penh, transportant illégalement du bois, en mars dernier. Sihanouk est désespéré : « La nouvelle patrie d’Angkor est proche de la déforestation totale et irréversible écrit le monarque. Le même jour, neuf ONG, dont Global Witness, Oxfam, WFF, préconisent la suppression du système de concessions forestières.

Le 31 mai, Hun Sen menace (à l’intention des donateurs étrangers) ceux qui pratiquent des coupes illégales de bois ou défrichent des zones forestières. Il demande à toutes les autorités concernées de faire la chasse à ceux qui enfreignent la loi, y compris les « riches et les puissants 

Le 3 juin, Global Witness dénonce une série de coupes de bois dans la région de Kompoong Thom, en violation du moratoire du 1er janvier 2002. Ces « crimes forestiers » sont commis par des militaires dans la concession Phéapimex-Fuchan, proche de Hun Sen, sur une superficie de 16 Km , coupant des essences de luxe (acajou, ébène,etc.). Les deux responsables des régions militaires de Kompong Thom et de Kompong Cham sont les commanditaires, et reversent une partie de leurs profits à un agent de la Phéapimex nommé M.83. Au moins trois scieries opèrent dans le secteur sous la protection des militaires. Hun Sen accuse Global Witness de mensonge.

Le 9 juin, Hun Sen ordonne l’annulation de tous les titres de propriété accordés sur des terres défrichées ou déboisées, gagnées sur le domaine forestier national. Ces terres doivent être reboisées. La même directive interdit l’exploitation des carrières dans les forêts protégées. Hun Sen presse le ministère de la Défense de localiser les unités de l’armée afin qu’elles ne se livrent pas à des activités illégales en matière forestière.

Une entreprise coréenne utilise le bois d’hévéa pour la fabrication de meubles.

Budget

Depuis dix ans, le Cambodge a emprunté 1,6 milliard de dollars, dont 774 millions à la Banque mondiale. A partir de l’an prochain, le gouvernement devrait consacrer 4 à 5 millions de dollars pour le remboursement des emprunts contactés, soit l’équivalent de 2 % des dépenses de l’Etat, et entre 10 et 15 millions après 2005. A ce rythme il faudra plus de cent ans pour rembourser les prêts, sans compter les intérêts. Depuis 1994, le pays ne s’acquitte chaque année que des intérêts. Selon la FEER, le Cambodge doit en outre 1,6 milliard de dollars à la Russie et 500 millions aux Etats-Unis.

Le 24 mai, Sam Rainsy démontre dans une lettre de quatre pages qu’il est possible pour le gouvernement d’augmenter les salaires de ses fonctionnaires à 100 dollars par mois. Le Conseil des ministres calcule ses dépenses sur une base de 350 000 fonctionnaires, mais Sam Rainsy estime pour sa part à 70 000 les fonctionnaires « fantômes » dont les chefs de service empochent la solde. Les autorités gouvernementales reconnaissent avoir rayé des cadres 9 000 « fantômes et qualifie les chiffres de Sam Rainsy de « spéculation Cette année, le gouvernement dépensera 166 millions pour ses fonctionnaires, dont 23 seront affectés aux institutions, tels que le Palais royal, le Sénat, l’Assemblée nationale. Sam Rainsy estime que 400 millions de dollars sont détournés chaque année par la corruption.

Par une directive en date du 13 mai, Sok An, ministre du Conseil des ministres, autorise le transfert des revenus de la Compagnie des services aériens du Cambodge, en partie propriété de l’Etat, pour rembourser les dommages causés aux sociétés thaïlandaises Samart et Plastics modernes, jusqu’à concurrence de 12 millions de dollars.

Lutte contre la contrebande d’essence

Le 1er juin, la police, armée de fusils d’assaut et de bâtons électriques, met fin brutalement à une manifestation pacifique de 100 à 300 étudiants et de chauffeurs de moto-double (taxis cambodgiens à moto) protestant contre la montée subite du prix de l’essence. Cinq personnes sont interpellées puis relâchées. Les ONG de défense des droits de l’homme et l’opposition protestent. Le roi critique l’emploi de la force contre des manifestants désarmés. L’essence est environ deux fois plus chère au Cambodge qu’en Thaïlande et qu’au Vietnam. En dépit de l’augmentation des véhicules, le chiffre des taxes sur l’essence dues au gouvernement diminue…

L’essence passait à flot continu en provenance du Vietnam, à Koh Thom. Des « fourmis » sont capables d’emporter 600 litres d’essence sur leur moto. On estimait que l’équivalent d’un camion-citerne passait ainsi par des sentiers dissimulés. Plus de 20 000 litres par jour ont été transportés en mai et juin. Ainsi l’essence était vendue presque à la moitié du prix fixé dans la capitale. Les Cambodgiens payent avec du riz ou d’autres produits agricoles. Depuis le début du mois de juin, les douaniers vietnamiens ont mis fin au trafic qui a chuté de 60 %. Le trafic continue grâce aux familles vietnamiennes qui ont le droit d’acheter chaque jour 120 litres d’essence pour leur consommation domestique. Les trafiquants patentés sont interdits.

Mong Rethy, homme d’affaires proche de Hun Sen, s’offre un port privé pour l’import-export à 60 Km de Kompong Som qui lui a coûté sept millions de dollars. Il pourra y exporter sa production d’huile de palme, des boufs et du manioc. Les taxes seront moins élevées « chez lui » qu’au port de Kompong Som…

Aides et investissements

Le 18 mai, le Japon accorde une assistance de 18,4 millions de dollars : 13,4 millions pour l’amélioration du réseau de distribution d’eau de la ville de Siemréap, et 5 millions pour le financement d’études de jeunes Cambodgiens au Japon.

Le 19 mai, se tient à Phnom Penh la réunion des Chambres de commerce et de l’industrie de l’Asie-Pacifique, dont le Cambodge est devenu le 23e membre en 1997. Vingt-trois délégations étrangères et 87 sociétés participent à la réunion et tentent d’évaluer si l’environnement dans le royaume est propice aux investissements. Un entrepreneur indien se déclare prêt à investir dix millions de dollars dans la construction d’une usine électrique de dix mégawatts. Le président de l’Association des patrons de l’industrie textile du Cambodge s’en prend violemment aux syndicats qui lancent des grèves inconsidérément, et au gouvernement, dont la corruption est exorbitante, comme dangers principaux de son industrie au Cambodge.

L’Australie s’engage à accorder 610 000 dollars pour aider l’investissement privé.

Le 21 mai, Finance Corporation (IFC), organisme de soutien au secteur privé de la Banque mondiale, accorde un prêt de six millions de dollars à la banque Ascléda, dont elle est actionnaire à hauteur de 12,5 %. La banque Ascléda s’est spécialisée dans les prêts de faibles montants aux particuliers.

Le gouvernement britannique annonce l’octroi de 250 000 dollars pour lancer une étude sur la pauvreté dans la région du Tonlé Sap, où vivent 1,2 millions d’habitants.

Travailleurs immigrés

200 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail.

Depuis la fin des années 1990, des contingents de jeunes femmes khmères sont partis en Malaisie. Certaines se sont retrouvées dans les circuits de la prostitution.

Suite à un accord conclu en 2001, la Corée du Sud accepte des travailleurs cambodgiens. Manpower Cambodia (IMC) propose 550 contrats de trois ans, recrutés durant la seconde quinzaine de mai. L’IMC a limité les candidatures à 1 100, les candidats doivent être âgés de 20 à 40 ans, avoir étudié jusqu’à la fin du collège. Les femmes enceintes, les séropositifs, les porteurs d’hépatite ou les gens infectés de maladies sexuellement transmissibles ne sont pas admis. Après un mois de formation au Cambodge, les intéressés toucheront 80 % de leur salaire mensuel (473 dollars) pendant les trois premiers mois, pour 44 heures hebdomadaires de travail. Les candidats n’ont à débourser que les frais de passeports.

Près de 90 000 ouvriers cambodgiens – dont 50 000 clandestins – travaillent en Thaïlande, sur le million de travailleurs immigrés que compte ce pays. Le 30 mai, les deux royaumes ont signé un accord de coopération pour tenter de réguler ce flux migratoire. Ils sont convenus de recenser ces travailleurs immigrés.

Six sociétés originaires de Malaisie, deux de Corée du Sud, trois de Thaïlande, une de Brunei ont reçu l’agrément du ministère des Affaires sociales pour recruter des travailleurs cambodgiens.

SOCIETE

Le 1er mai, malgré le refus de la municipalité, 300 syndicalistes rendent hommage à Chéa Vichéa, responsable syndical assassiné le 22 janvier dernier. Le cortège se dirige vers l’Assemblée nationale pour demander l’augmentation du salaire minimum à 70 dollars (65 euros) et la diminution du temps de travail de 48 à 44 heures. Le 22 juin, une pétition, signée par 21 633 ouvriers, fonctionnaires et membres de la société civile, demandant au roi d’élever Chéa Vichéa comme « héros des ouvriers est portée au Palais.

Nouvel assassinat d’un syndicaliste

Le 7 mai, à 15 heures 45, Ros Chandareth, âgé de 42 ans, responsable du SIORC dans l’usine textile Tri Nonga Komara, est abattu par deux individus circulant à moto, près de l’usine qu’il venait de quitter. Il avait étudié l’électricité pendant cinq ans en URSS. Il a été exécuté par des tueurs à gages, dont on ne connaîtra sans doute jamais les commanditaires. Cet assassinat est un nouveau message clair à l’encontre de l’action syndicale. Les syndicalistes sont inquiets mais déclarent que rien ne leur fera abandonner la lutte. La branche Asie-Pacifique de la Confédération internationale des syndicats libres (ICFTU-APRO) dénonce ce nouveau crime. La Fondation Son Sann condamne cet assassinat, le comparant aux crimes commis par les Khmers rouges. Plusieurs responsables du SIORC se disent inquiets pour leur sécurité, certains se disent suivis par des hommes louches.

La police promet 300 dollars de récompense à toute personne qui lui fournirait des informations sur l’assassinat, et pousse le cynisme d’émettre l’hypothèse qu’il serait l’ouvre du PSR qui aurait agi dans le but de déconsidérer le gouvernement.

Conditions de travail dans les entreprises de confection

Un rapport de l’OIT (Organisation internationale du travail), qui a mené sa huitième enquête dans 65 usines de confection, estime les conditions de travail « plutôt positives » : pas de travail forcé, rares cas de harcèlement sexuel, pas de main d’ouvre enfantine, peu de violations des droits syndicaux… Les problèmes restent le paiement des salaires et l’obligation fréquentes de faire des heures supplémentaires. Avec l’entrée dans l’OMC, qui vraisemblablement n’interviendra pas avant 2005, les quotas d’importation sans taxes aux Etats-Unis et en Europe seront supprimés. Les « bonnes » conditions de travail pourraient aider le Cambodge à garder ses marchés, face au géant chinois, assez peu respectueux des droits sociaux.

Le 16 mai, près de la moitié des 400 ouvriers de l’usine textile Top World Garment Cambodia se mettent en grève pour demander une compensation au titre du déménagement de leur usine de Chak Angrè à Chroy Ampil. Ce déménagement semble aux syndicats « un bon prétexte pour se débarrasser des éléments gênants, sans la moindre compensation Les syndicats proposent une prime compensatoire pour éloignement pendant sept ans, et une augmentation du salaire mensuel à 49 dollars. La direction n’est d’accord que sur une durée de la prime de quatre mois seulement. Le 21 juin, une centaine d’ouvriers se mettent à nouveau en grève pour protester contre la direction de l’usine qui ne respecte pas l’arrêt du Conseil d’arbitrage stipulant qu’elle doit défrayer les ouvriers de leurs frais de transport aux cours des six mois suivants, suite au déplacement de l’usine. La direction préfère porter l’affaire devant la justice. Avec le coût des trajets, certains ouvriers vont démissionner, ce qui permettra à la direction d’embaucher de nouveaux ouvriers qui n’auront aucune ancienneté, et sans avoir à payer des indemnités de licenciement. Généralement, les directions d’usine de confection respectent les arrêts du Conseil d’arbitrage.

Le 2 juin, 4 000 ouvriers de l’usine de confection Sports Wear cessent le travail pour protester contre le licenciement de treize de leurs délégués syndicaux, le 31 mai.

Un millier d’ouvriers de l’usine de confection Lucky Zone Apparel se mettent en grève pendant trois jours pour protester contre leurs conditions de travail : à chaque grande averse, leur usine est envahie par des eaux pestilentielles, du fait de canalisations défectueuses. Les toilettes ne fonctionnent donc plus. Privés de l’hygiène minimale, les ouvriers demandent à ne pas travailler les jours de grande pluie, et d’être dédommagé à 50 % de leur salaire.

Le 22 juin, une centaine d’ouvriers de l’usine Dai Young refusent de reprendre le travail tant que leur chef de groupe, une femme qui a maltraité une ouvrière, ne sera pas licencié.

Le 24 juin, Lay Sophéap, déléguée syndicale du SIORC, est agressée chez elle par deux hommes qui la laissent pour morte. Après une journée dans le coma, elle reprend son travail. Cette agression semble faire suite à un mouvement social entamé dans son usine le 23 juin afin de résoudre 17 points en litige avec la direction de l’usine.

Le 28 juin, Chéa Mony, frère de Chéa Vichéa, est élu à la tête du SIORC, par 665 voix sur 800. Sam Rainsy est venu assister à l’élection. Le nouveau secrétaire entend continuer la lutte pour obtenir satisfaction au sujet de deux revendications principales : réduction des heures supplémentaires obligatoires, augmentation du salaire ouvrier à 45 dollars. Le SIORC, créé le 15 décembre 1996, revendique 45 466 membres et est présent dans 93 usines.

Conflits sociaux dans le secteur de l’hôtellerie de luxe

Les mouvements sociaux dans les hôtels de luxe continuent et ne trouvent pas de solution.

Le personnel de l’hôtel de luxe Mi-casa tente en vain de constituer un syndicat. Le 24 mars, quatre employés soupçonnés de vouloir créer un syndicat sont suspendus. La direction tente d’en créer un elle-même.

Le 7 mai, puis le 9 mai, la direction des hôtels Cambodiana, Sofitel Angkor et Intercontinental parviennent à un accord avec leur personnel, par l’entremise du Conseil d’arbitrage. Tous les employés, sauf six, accusés d’intimidation par , reprendront le travail et le ministère des Affaires sociales donnera des directives précises dans les trois mois sur la question du versement de la taxe de « service 

Cependant, le 8 mai, le Grand Hôtel d’Angkor, à direction singapourienne, fonde un syndicat à sa dévotion, non reconnu par le ministère des Affaires sociales, et refuse de réembaucher 225 employés licenciés pour grève depuis la mi-avril. La direction de l’hôtel Le Royal fait savoir, le 16 mai, qu’elle a passé un nouvel accord collectif similaire, valable pour un an. Elle remplace la taxe de service par un fixe allant de 50 à 70 dollars selon la saison, et maintient le licenciement de 97 employés. Le 24 mai, les syndicats, lors d’une conférence de presse, demandent en vain la réintégration des 300 grévistes licenciés et la restauration de la taxe de service.

Le 8 juin, le Conseil d’arbitrage demande à la direction de l’hôtel Le Royal de réembaucher les 97 employés licenciés le 11 avril dernier et de leur verser leur salaire depuis cette date. La direction est épinglée pour avoir « organisé l’élection illégale de nouveaux délégués du personnel… faisant preuve d’un flagrant mépris à l’égard de la liberté d’association et du droit à la négociation collective 

Le 20 juin, les employés licenciés manifestent à nouveau. « Parce qu’il a de l’argent et du pouvoir, le groupe singapourien propriétaire de l’hôtel se met au dessus des lois et n’a pas à se plier aux décisions du Conseil d’arbitrage remarque le Centre américain pour la solidarité internationale, venu prêter main forte aux syndicalistes cambodgiens. Une chaîne de solidarité internationale commence à se mettre en place : après les syndicats de Londres, de Bangkok, ceux de Los Angeles et de New York font pression sur le groupe Raffles et appellent à un boycott de ses établissements. Les syndicats craignent que l’exemple de Raffles soit suivi dans d’autres secteurs de l’économie. Pour la fête de l’Indépendance américaine, le 4 juin, l’ambassade des Etats-Unis ne choisit pas Le Royal comme lieu de réception.

La Norvège débloque 220 000 dollars pour un programme de formation des ouvriers au droit du travail organisé par l’OIT, jusqu’en 2006. Elle prend ainsi la suite du Danemark qui aide à cette formation depuis 1998. A la fin 2003, on comptait 155 responsables syndicaux nationaux, 70 formateurs syndicaux, 1 575 délégués syndicaux et 9 475 membres syndicaux qui avaient suivi des sessions de formation dans ce cadre.

Un troisième accident mortel survient dans la construction du casino Naga à Phnom Penh. « Personne ne se préoccupe des conditions de sécurité sur les chantiers dit un responsable syndical. « On embauche des saisonniers qui ont pour seule angoisse de perdre leur emploi. » Le ministère des Affaires sociales se plaint du manque de collaboration des chefs de chantiers qui ne les autorisent pas à visiter les chantiers… Ces accidents en chaîne commencent à effrayer les ouvriers.

Démobilisation

Les 1 200 militaires démobilisés en 2001 ont commencé à toucher leur prime le 16 mai, à Battambang, avec une évaporation moyenne de 30 %, justifiée par les repas et « frais de dossiers 

Une délégation du Sénat américain se rend au Cambodge le 25 mai pour enquêter sur d’éventuelles malversations ou corruptions de la Banque mondiale dans le processus de démobilisation, bloqué depuis juillet 2003.

Santé

Le 2 juin, on apprend que le ministère de la Santé n’a touché que 5 % du budget alloué pour l’année, soit 2,8 millions sur 56,75 prévus. En 2003, le ministère n’a pu toucher que 52 % du budget.

L’association Marguerite – Marie du CHU de Nantes prévoit de venir en aide à l’hôpital de Kompong Trabek pendant dix ans. L’hôpital Saint Camille de Brie sur Marne passe également un accord de partenariat avec cet hôpital fondé et dirigé par le vénérable Yos Hut.

Médecins du Monde cesse ses activités à l’hôpital Calmette pour aller travailler à l’hôpital Kossomak, au service des malades du sida, dans des locaux construits grâce à l’aide du Japon.

Le 23 juin, la coopération suisse débloque le gel des 2,2 millions de dollars pour les hôpitaux construits et dirigés par Béat Richner. On reprochait à Béat Richner son refus de signer le protocole de l’OMS déterminant la politique sanitaire pour les pays en développement et ses critiques virulentes contre l’OMS et le gouvernement cambodgien. « J’ai accusé l’OMS et l’UNICEF de provoquer un génocide passif par leurs politiques analyse, à juste titre, à notre avis, le docteur.

Drogue

Le 30 avril, 8 000 plants de marijuana d’une plantation d’un hectare sont brûlés à Sambor, province de Kratié. Deux jours auparavant, 120 plants avaient été détruits dans la province de Takéo.

Au cours du 1er semestre 2004, 103 trafiquants de drogue ont été arrêtés.

Trafic d’êtres humains

Dans son rapport annuel concernant le trafic d’êtres humains, rendu public le 15 juin, le Département d’Etat américain reconnaît que le Cambodge a « fait un effort sérieux et soutenu » pour combattre ce fléau. Il recevra donc 5,6 millions de dollars, soit 10 % de plus que prévu. Ces fonds iront à des ONG qui débusquent les trafiquants. 153 suspects ont été arrêtés en 2003, 142 emprisonnés.

Durant la dernière semaine du mois de juin, la Grande-Bretagne, à la suite des Etats-Unis et de la France et d’autres pays européens, interdit à ses concitoyens d’adopter des enfants cambodgiens pour ne pas encourager le trafic d’enfants.

Education nationale

La représentante de l’AIEC (Association indépendante des enseignants du Cambodge) de Battambang affirme que la prime d’ancienneté des enseignants (0,50 euro !) leur a été supprimée, empochée par les fonctionnaires comme « frais administratifs Neuf instituteurs de Kompong Cham se plaignent de n’avoir pas touché leur salaire depuis octobre, suite à leur refus d’être mutés dans des villages éloignés.

On pré-achète les diplômes du baccalauréat entre 200 et 700 dollars selon les réseaux du ministère de l’Education nationale. Selon Rong Chum, président de l’AIEC et les sources personnelles d’ECI, les enseignants réclament entre 20 et 50 dollars aux élèves de terminales pour leur accorder des bons points, ou pour obtenir des bons points pour des cours non suivis, la réussite au baccalauréat dépendant pour un cinquième des résultats obtenus durant l’année. C’est une pratique devenue désormais « normale Les étudiants de Phnom Penh et de quelques lycées de province ont pu acheter les questionnaires à choix multiples avant la date des examens.

Le 29 juin est inauguré un nouveau bâtiment à l’Université de Droit et de Sciences économiques. Construit par la France, il permettra notamment aux étudiants khmers de profiter d’échanges avec les étudiants vietnamiens et laotiens. Ce bâtiment et ses équipements informatiques ont coûté trois millions d’euros.

Sport

Deux nageuses et deux coureurs se préparent pour les Jeux olympiques d’Athènes.

Cambo Six est l’unique structure officiellement accréditée pour recevoir les paris à l’occasion de l’Euro 2004. Cependant, les autres bookmakers, interdits, sont tolérés. Les parieurs thaïlandais, pourchas-sés chez eux par la police, se ruent à la frontière cambodgienne : le 12 juin, 5 619 se sont présentés aux différents postes frontière, contre un millier habituellement. On estime que les Thaïlandais vont parier aux environs de 650 millions d’euros.

DIVERS

Religion

Le 7 mai, la fête du Sillon sacré, qui inaugure le début de la saison des labours, a été présidée par le prince Sissowath Chivanmonirat, vice-président du Sénat, en présence de Chéa Sim, chef de l’Etat par intérim. C’est la dernière fois que cette fête se tient à Phnom Penh. A l’avenir, elle se tiendra en province.

Durant la semaine du 2 au 9 mai, 150 moines bouddhistes originaires de Thaïlande, de Birmanie et du Laos, en visite dans les provinces de Kompong Speu et de Kompong Thom ont planté 30 000 arbres.

Le temple de la pagode de Tani, dans la province de Kampot, qui abritait des fresques datant des années 1940, rares au Cambodge, a été rasé. Un édifice en béton armé sera édifié à sa place.

Distinction

Le 10 mai, à Pékin, le 20e prix Albert Londres de l’audiovisuel est décerné à Rithy Panh pour son film « S 21, la machine de mort Khmer rouge Ce film a déjà été lauréat du prix François Chalais au festival de Cannes 2003, et récemment du prix Vaclav Havel.

Le 26 mai, le peintre Vann Nath, rescapé de la prison S 21 et acteur dans le film de Rithy Panh, reçoit les insignes de chevalier des Arts et des Lettres des mains de l’ambassadeur de France à Pnom Penh.

A la fin mai, le Ballet royal en tournée au Maroc a obtenu un vif succès, devant un public réputé difficile.

Patrimoine

Le squelette d’un être humain datant de plus de deux mille ans est découvert dans le Baray occidental. Il appartenait sans doute à une nécropole, qui atteste l’implantation d’hommes sur le site d’Angkor avant notre ère. Sur le même site, en 1930, Georges Trouvé avait découvert une stèle portant des inscriptions datant de 713.

Phnom Penh

Début 2007, la Canadia Bank va construire une tour de 24 étages, culminant à 112 m., près de la gare de Phnom Penh. Hun Sen s’est déclaré favorable à une telle construction. Le PSR réagit, et rappelle qu’aucune construction de grande hauteur n’est autorisée dans un rayon de trois kilomètres autour du Phnom.

France

A Tournefeuille, dans la banlieue de Toulouse, quatre enfants cambodgiens, dont trois frères, meurent étouffés dans l’incendie de leur maison.