Eglises d'Asie – Malaisie
Interdit dans un premier temps, le film ‘La Passion du Christ’ de Mel Gibson a reçu une autorisation de diffusion restreinte aux seuls chrétiens
Publié le 18/03/2010
La décision a été annoncée à la fin du mois de juillet dernier. Le 4 août, le journal d’information en ligne Malaysiakini rapportait les propos suivants du Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi : “Le gouvernement a été approché par un groupe spécifique de personnes demandant si des projections de ce film pouvaient être organisées dans les locaux de leurs églises. Nous leur en avons donné la permission et sommes allés au-delà en autorisant la projection du film aux chrétiens dans les salles de cinéma.” En mars-avril dernier, lors de la sortie mondiale du film, les distributeurs malaisiens de ‘La Passion’ n’avaient pas obtenu de visa d’exploitation du fait que les règles de censure en vigueur dans le pays interdisent la reproduction par l’image d’un prophète cité dans le Coran – ce qui est le cas de Jésus, considéré par les musulmans comme un prophète. L’efficacité de la censure s’était trouvée amoindrie par le fait que des DVD pirates du film étaient facilement accessibles dans les rues de Kuala Lumpur au prix relativement modique de huit ringgits (1,70 euro).
Dans ce pays à majorité musulmane mais plurireligieux et multiethnique (2), la décision gouvernementale a été critiquée par différents secteurs de la société. Le 5 août, Teresa Kok, catholique et membre du Parti d’action démocratique (opposition), a estimé que la limitation imposée par le ministère de l’Intérieur allait à l’encontre de la politique gouvernementale de promotion de la tolérance interreligieuse et interraciale et était inconstitutionnelle. Selon elle, “le simple fait de regarder un film à propos d’une grande figure religieuse ne saurait suffire à convertir une personne”. En revanche, une autorisation de diffusion sans restriction “aiderait à promouvoir une meilleure compréhension de la religion a-t-elle déclaré. Dans le New Straits Times, quotidien connu pour refléter généralement les vues du gouvernement, un éditorialiste célèbre, Rose Ismail, a estimé que “la restriction imposée implique que la dévotion des musulmans de Malaisie à l’islam est ténue et fragile au point qu’ils puissent facilement se laisser séduire par d’autres croyances religieuses”.
Le pasteur Hermen Shastri, secrétaire général du Conseil des Eglises (protestantes) de Malaisie a pour sa part vivement réagi à la décision gouvernementale. Lors d’une conférence de presse, il a déclaré : “Nous n’admettons pas que ce film soit exclusivement réservé aux chrétiens. Cela va à contre-courant de la volonté de favoriser les bonnes relations entre les religions, qui est l’une des pierres angulaires de la vie sociale en Malaisie depuis l’indépendance de notre pays.” Il a ajouté que si, à l’évidence, il existe des différences doctrinales entre l’islam et le christianisme, “cela ne signifie pas que, si une communauté religieuse n’est pas d’accord avec une interprétation, d’autres communautés religieuses, comme les hindous ou les bouddhistes, ne devraient pas être autorisées à voir ce film”.
Certains observateurs ont mis en avant le fait que l’autorisation gouvernementale est intervenue quelques jours avant que le Premier ministre prononce un discours devant la Commission plénière sur la foi et l’ordre du Conseil ocuménique des Eglises, réunie à Kuala Lumpur du 28 juillet au 6 août. Abdullah Ahmad Badawi, parlant de la Malaisie comme d’“un pays musulman a déclaré aux délégués chrétiens venus du monde entier : “En tant que Premier ministre de Malaisie, je ne suis pas un dirigeant des musulmans mais un dirigeant musulman de tous les Malaisiens ajoutant qu’il venait prononcer son discours comme “un musulman désireux d’initier un dialogue avec ses amis chrétiens [.] dans un monde où cela semble de plus en plus difficile à réaliser.” “Ce dont nous avons chaque jour plus besoin, c’est d’un effort concerté pour initier un dialogue interreligieux a-t-il ajouté.