Eglises d'Asie

L’EGLISE CATHOLIQUE EN CHINE : 25 ANS DE RENOUVEAU

Publié le 18/03/2010




Un quart de siècle s’est écoulé depuis l’introduction des réformes par Deng Xiaoping, en décembre 1978. L’Eglise catholique en Chine a bénéficié, comme le reste de la société, du formidable appel d’air suscité par cette ouverture. En dépit des limites imposées par le Parti communiste, l’essor et le renouveau de l’Eglise ont été remarquables. Dans le texte ci-dessous, daté du 15 mai 2004, le P. Jean Charbonnier, …

responsable à Paris du ‘Service Chine’ des Missions Etrangères de Paris, livre une synthèse des avancées et des limites de l’Eglise de Chine d’aujourd’hui.

 

L’information sur l’Eglise en Chine diffusée par la presse ou certains programmes télévisés peut donner aux lecteurs européens une impression générale plutôt négative de la situation religieuse en ce pays. Les nouvelles d’arrestations d’évêques et de prêtres ou même de destructions d’églises sont encore relativement fréquentes et laissent le sentiment que les chrétiens de Chine sont toujours persécutés. L’intérêt de nombreux lecteurs pour tout ce qui est dissidence face à un régime totalitaire contribue en outre à forger l’image idéale d’une Eglise clandestine fidèle à Rome confrontée à une Eglise officielle « patriotique » compromise avec le Parti communiste chinois. Ces images qui hantent l’esprit de nombreux Européens demandent à être corrigées. Disons-le tout de suite : il n’y a pas « deux Eglises » en Chine. Il n’y a pas non plus d' »Eglise patriotique », mais seulement une Association patriotique des catholiques chargée de faire le lien avec les organismes gouvernementaux et d’assurer le respect de la ligne politique officielle à l’intérieur de l’Eglise.

Le caractère facilement politique de notre information même religieuse laisse dans l’ombre les aspects plus positifs de la vie de l’Eglise en Chine. Le contrôle de l’activité religieuse en Chine demeure sans doute très serré, mais il est clair que, compte tenu de nombreuses limites, un développement considérable de l’activité chrétienne a pris place depuis un quart de siècle.

La politique d’ouverture et de modernisation inaugurée par Deng Xiaoping au troisième Plénum du XIe Congrès du Parti en décembre 1978 a permis cet essor. Les croyants des cinq grandes religions de la Chine ont été invités, au même titre que les citoyens non croyants, à participer activement à la modernisation du pays. Cinq religions ont été officiellement reconnues : le bouddhisme, l’islam, le taoïsme, le protestantisme et le catholicisme. Ces religions ont été soigneusement distinguées des superstitions aveugles en tant qu’elles sont fondées sur des Ecritures canoniques et enseignent une discipline morale. On a su d’ailleurs attendre des chrétiens un apport privilégié, soit à cause de la compétence professionnelle et du dévouement de nombre d’entre eux, soit à cause de leurs liens avec les pays développés d’Amérique et d’Europe. Depuis vingt ans, ces liens ont été mis à contribution non seulement chez les chrétiens mais aussi auprès des autres religions mondiales, bouddhisme et islam, pour encourager les investissements et l’afflux des devises dans le pays.

Par contre, l’indépendance du christianisme chinois a été jalousement préservée contre toute ingérence étrangère. L’article 36 de la Constitution met en garde les religions contre la soumission à toute autorité extérieure, ce qui vise en particulier les catholiques et leur allégeance à l’autorité pontificale. Leur lien spirituel avec le pape est admis et la primauté pontificale en tant qu’article de foi n’est pas niée, mais le Saint-Siège se voit dénier tout pouvoir d’intervention dans l’Eglise de Chine. Pour des raisons politiques, le gouvernement chinois rejette jusqu’ici toute tentative de relation avec le Vatican. Deux conditions préalables à l’établissement de relations diplomatiques sont inlassablement répétées : 1.) le Saint-Siège doit d’abord rompre avec le gouvernement dissident de la République de Chine à Taiwan ; 2.) il doit renoncer à toute ingérence dans les affaires intérieures chinoises. Ce dernier point met en cause la nomination des évêques en Chine.

Un large éventail de positions catholiques

Le rejet officiel de l’autorité du pape explique la permanence de communautés catholiques « clandestines » qui refusent de se soumettre au contrôle et aux exigences de l’Association patriotique des catholiques. Ces clandestins dénoncent avec plus ou moins de rigueur les catholiques qui collaborent avec les autorités civiles et se soumettent aux directives de l’Association patriotique. En 1989, ils ont tenté de s’organiser et de former une Conférence épiscopale face à la Conférence épiscopale officiellement autorisée par le gouvernement depuis 1980. Rome a eu la sagesse de ne reconnaître ni l’une ni l’autre de ces conférences, limitant ainsi le danger d’une division radicale en deux Eglises antagonistes. Les divisions entre catholiques existent tout de même malheureusement mais sous des formes très diverses.

Un article récent signé du père jésuite Marc Zhu de l’Université catholique Fujen à Taiwan a été publié dans les numéros du 28 mars et du 4 avril 2004 du journal catholique Jiaoyou Shenghuo.

La première partie de l’article distingue dix situations différentes parmi les catholiques dits « officiels ». Mentionnons d’abord le cas des quelques diocèses qui sont les plus proches de la normalité catholique. Ces diocèses sont dûment reconnus par le Bureau des Affaires religieuses dans leurs limites administratives et leur direction ecclésiastique. L’Eglise y jouit d’une liberté suffisante sans le contrôle de l’Association patriotique. Les évêques sont élus par les prêtres du diocèse et officieusement reconnus par Rome. Ces diocèses ont leur séminaire et ne manquent pas de vocations. Le deuxième cas s’applique, d’après le P. Zhu, à la majorité des diocèses de Chine : les évêques et les prêtres non seulement font partie de l’Association patriotique, mais ils y occupent des postes de commande. En ce qui concerne la doctrine et les lois de l’Eglise, ils sont intégralement fidèles aux directives du Saint-Siège. Leurs évêques ont été reconnus discrètement par Rome soit avant soit après leur nomination. Les fidèles pratiquent leur foi ouvertement sans se demander s’il y a ou non une Association patriotique. S’ils ont l’occasion de participer à la messe en milieu clandestin, ils y vont sans difficulté et y reçoivent la communion. Le troisième cas concerne par contre une minorité de diocèses où les évêques n’ont pas demandé l’accord de Rome ni avant ni après leur consécration. Manque d’audace ou pressions exercées sur eux ? Toujours est-il qu’ils exercent leur tâche du mieux qu’ils peuvent. L’un d’eux a dit au P. Zhu qu’il avait la conscience en paix car il fallait parer au manque de pasteurs dans le diocèse. Il y a aussi le cas d’évêques qui ont fait une demande de validation à Rome et qui n’ont pas reçu de réponse. Ils ont renoncé à faire une nouvelle demande mais ils gèrent bien leur diocèse en mettant en ouvre efficacement le principe des « trois autonomies », y compris celle de l’indépendance financière. Plus fragile est la situation des diocèses où l’évêque faible et âgé tient à poursuivre sa tâche avec quelques prêtres dont certains se sont mariés. Les fidèles souffrent de cette situation mais vont tout de même à l’église, au moins pour assister à la messe. Plus pénible est le sixième cas d’un diocèse où les quelques prêtres se sont mariés au temps de la grande tourmente. Le seul non marié a été nommé chef du diocèse mais il est incapable de gouverner de sorte que ses sympathisants ont le moral au plus bas. L’apostolat ne se fait pratiquement plus et la simple subsistance matérielle fait problème. Les prêtres ne s’en sortent plus. Les religieuses âgées ne peuvent que chercher un soutien dans les diocèses voisins. Un septième cas de diocèse officiel peut faire gémir : pas d’évêque ; le chef de diocèse pressenti est un jeune prêtre qui aime l’argent et qui passe ses journées à négocier avec les autorités civiles la restitution de tous les biens d’Eglise sans se préoccuper d’aucun service pastoral. Ce contexte de sécularisation fait que les jeunes prêtres et religieuses sombrent dans des querelles sentimentales. Certains s’adonnent à la boisson, d’autres abandonnent le ministère au grand désespoir de la communauté des fidèles. Plus consolant, le cas d’un diocèse où le vieil évêque a assuré son ministère dans une grande pauvreté en se préoccupant de former une relève. Après sa mort, le jeune candidat à l’épiscopat n’a pas voulu être consacré sans avoir obtenu d’abord l’accord du Saint-Siège. Pendant des années, il a rempli remarquablement sa tâche de chef du diocèse. Un neuvième et dixième cas compliquent encore la situation : le cas d’un évêque consacré au cours d’une visite à l’étranger mais non reconnu par le Bureau des Affaires religieuses. L’Association patriotique refuse de reconnaître les prêtres qu’il ordonne ; et enfin le cas de diocèses où au moins deux évêques revendiquent le pouvoir, les deux étant officiels ou bien l’un étant officiel et l’autre clandestin.

Dans la deuxième partie de son article publié le 4 avril 2004, le P. Marc Zhu ouvre un second éventail montrant la diversité des positions catholiques qualifiées de « clandestines » ou de « non officielles ». Les divers groupes clandestins ont pour trait commun de rejeter le contrôle de l’Association patriotique qui leur imposerait de soutenir l’indépendance de l’Eglise en Chine. Poursuivis souvent par la police pour leurs assemblées non déclarées, les clandestins ont chèrement payé leur fidélité à l’Eglise universelle. Ils ont ainsi acquis une réputation d’héroïsme. Et pourtant, de même que du côté officiel, on peut rencontrer chez eux le meilleur comme le pire. Le cas le plus commun de communauté clandestine est celui de paysans pauvres, fervents dans la prière et bien servis par leurs évêques et prêtres. Ceux-ci sont très limités dans leurs possibilités de déplacement. Les messes sont célébrées dans des demeures privées souvent trop étroites. Deuxième cas : l’évêque est vieillissant et faible et les prêtres ont peu de liens entre eux, chacun cherchant au contraire à survivre sur son territoire. Leurs fidèles, pêcheurs ou paysans, commencent à douter d’eux. Troisième cas plus fréquent : des régions se trouvent dépourvues d’évêque clandestin et Rome n’accorde plus la faculté d’en consacrer de nouveaux. La direction du diocèse repose sur quelques prêtres âgés. Leurs fidèles leur font une confiance indéfectible. Ils refusent d’accueillir les jeunes prêtres formés dans les séminaires officiels et ils veulent encore moins entrer dans les églises officielles. Les chrétiens récitent assidûment les prières du matin et du soir, le chapelet et font des chemins de croix, mais ils ont rarement l’occasion d’assister à la messe et de recevoir la communion. Tel est du moins le comportement des personnes âgées car les jeunes sont de moins en moins nombreux à les rejoindre. Quatrième cas : la faiblesse et l’épuisement d’un personnel d’Eglise peu formé dû au manque de séminaires ou de noviciats réguliers. Pour les grandes fêtes, les chrétiens voudraient se confesser et communier mais les quelques prêtres épuisés ne suffisent plus à assurer ce ministère. Cinquième cas : le manque de plus en plus sensible d’évêques clandestins entraîne des rivalités chez les jeunes prêtres qui aspirent à l’épiscopat soit par ferveur spirituelle soit par ambition. Leurs désirs déçus les mènent à perdre confiance en Rome. Les fidèles trouvent leur attitude négative et perdent le moral. Certains n’y tenant plus entrent dans les églises officiellement ouvertes et y reçoivent les sacrements. Sixième cas enfin : condamnation outrancière des catholiques de l’Eglise ouverte reconnus coupables de collaborer avec le diable. On refuse toute relation avec des proches de la même famille ou de la même école, on leur manque de respect. Certains proclament qu’il y a péché mortel à entrer dans une église autorisée, qu’aller se confesser à un prêtre officiel c’est ajouter péché sur péchés. Quelques prêtres condamnent sans aucune retenue l’évêque ou les prêtres en charge dans le diocèse, niant la légalité et même la validité de leur ministère, jetant le doute sur leur foi et mettant en cause leur vie privée, les voyant déjà en enfer.

Le P. Marc Zhu conclut de cette enquête qu’il est par trop simpliste de diviser l’Eglise de Chine en deux parties officielle et clandestine, que l’Eglise officielle est sans doute liée à l’Association patriotique mais qu’elle n’est pas en fait manipulée par cette association, que la majorité des évêques officiels ont obtenu l’accord de Rome et que ceux qui ne l’ont pas encore obtenu n’ont pas forcément rompu avec Rome, que l’Eglise officielle n’est pas contrôlée en tout par le gouvernement et qu’elle jouit en fait d’une liberté suffisante dans le ministère pastoral, que l’Eglise officielle suit les directives romaines dans son enseignement et sa discipline et use de moyens divers pour assurer ses liens avec le Saint-Siège, qu’il peut y avoir du côté officiel des personnalités faibles et fautives, mais que personne n’est partisan d’une rupture avec Rome.

Quant aux clandestins, écrit le P. Zhu, les évêques et les prêtres qui les dirigent se montrent sans doute inébranlables dans leur fidélité à Rome, mais la surveillance exercée sur eux limite beaucoup leur efficacité ; leur vieillissement et le manque de jeunes prêtres peut rendre inquiet sur l’avenir de ces communautés ; cette Eglise manque d’une direction solide et les jeunes prêtres, en dépit de leur courage, ne peuvent faire de grands projets ; ils manquent d’ailleurs de moyens en personnel et en finances. Les fidèles pour leur part ne sont pas tous des petits saints. Souvent d’un niveau d’éducation peu élevé, ils suivent aveuglément leurs prêtres mais ils ne sont pas sans souffrir secrètement de la division actuelle de l’Eglise. Quant aux plus agressifs contre les évêques officiels (y compris les prêtres), font-ils vraiment preuve de fidélité au pape ? On peut se demander s’ils n’y trouvent pas leur intérêt ou simplement l’expression d’une animosité personnelle.

Les conflits qui continuent à opposer officiels et clandestins sont évidemment regrettables s’ils vont jusqu’à une exclusion mutuelle. C’est alors un contre témoignage, une négation de l’Evangile d’amour mutuel annoncé par le Christ. D’un autre côté, ce bouillonnement d’orientations diverses est significatif du message chrétien qui demande à la fois présence au monde et retrait du monde. Les clandestins maintiennent le cap du primat de la foi et de la fidélité à l’Eglise. Les officiels font l’effort de s’intégrer à leur société et à sa culture. Ils ont la possibilité de rayonner les valeurs chrétiennes dans la masse des non-croyants.

L’immense effort d’une nouvelle génération

Les protestants de Chine ont aussi leurs problèmes, mais ils sont peut-être moins dépendants de leurs pasteurs et moins querelleurs autour de règlements canoniques. Ils centrent leur message sur l’acceptation de Jésus-Christ Sauveur plus que sur les lois de l’Eglise. Leurs chants sacrés sont plus simples et proches de la vie du peuple. Leurs Eglises tradi-tionnelles sont aussi coiffées par un Mouvement patriotique des Trois autonomies, mais les évangélistes soutenus par l’Amérique et Taiwan font preuve d’un élan extraordinaire, bien plus dynamique que le témoignage des catholiques clandestins. Ils sont d’ailleurs aussi victimes de descentes de police dans leurs nombreuses assemblées non déclarées officiellement et leurs dirigeants doivent payer des amendes ou faire de la prison. En 1950, le nombre des protestants était bien inférieur à celui des catholiques. Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus nombreux et plus connus de la population. Certains évêques catholiques apprécient d’ailleurs ces progrès de l’Evangile et souhaitent que leurs fidèles puissent montrer autant de dynamisme. C’est le cas en nombre de régions où la nouvelle génération des jeunes prêtres et jeunes religieuses fait preuve d’un dynamisme audacieux en divers domaines de la vie d’Eglise.

Les jeunes prêtres pour leur part ont réussi à mettre en ouvre de façon remarquable la réforme liturgique lancée par Vatican II. Et pourtant, ce n’est qu’à partir de 1982 au séminaire de Shanghai qu’ils ont commencé à découvrir les documents conciliaires. La messe et les sacrements étaient déjà célébrés en chinois à Taiwan, Hongkong et Singapour depuis 1965. En Chine, les célébrations étaient toujours en latin, le prêtre célébrant à voix basse le dos tourné à l’assemblée, les fidèles psalmodiant des prières en vieux chinois répétées depuis trois siècles. Le latin a d’ailleurs été maintenu officiellement jusqu’en 1992 par souci patriotique face à une évolution extérieure imposée par Rome. Les évêques ont fini par faire admettre que le rejet de la langue nationale n’était pas particulièrement patriotique. Le P. Thomas Law, de Hongkong, a été alors invité à se faire le messager de la nouvelle liturgie dans les grands séminaires de Chine. Etant affaire intérieure de l’Eglise, le culte n’est pas soumis aux ingérences gouvernementales. Il suffit que le prêtre n’enfreigne pas de tabous politiques dans ses homélies. Autour du culte, il est également possible d’organiser des chorales, des équipes de servants de messe, des groupes d’études bibliques. Ces groupes de jeunes aiment organiser des visites en d’autres diocèses, surtout sur les grands lieux de pèlerinage à Marie la Sainte Mère: en mai sur la colline de Sheshan, près de Shanghai, ou bien à Donglu dans la plaine du Hebei (pèlerinage interdit par la police depuis une dizaine d’années) ; en août à Bansishan, sur une montagne du Shanxi, ou à Mozishan, en Mongolie intérieure, en septembre à la grotte de Lourdes de Jilin, en Mandchourie, ou encore à Notre-Dame de Liesse, dans le sud du pays à Guiyang.

La ferveur de ces rassemblements attire de nombreuses conversions et les catéchuménats sont particulièrement florissants dans les grandes villes, à commencer par Pékin où de nombreux étudiants d’université se font instruire de la foi chrétienne. Craignant une discrimination qui demeure encore dans la bureaucratie officielle, ces convertis s’abstiennent de faire état de leur foi religieuse. Mais le christianisme est généralement bien vu et attire encore plus que les autres religions du pays. Pourquoi ? D’abord, le christianisme n’est plus considéré comme une religion étrangère. Le régime communiste lui a offert un immense service en en faisant une des religions de la Chine avec un personnel entièrement chinois. Ensuite, le christianisme est considéré comme lié à la modernité en faisant appel à la conscience individuelle, au respect de la personne humaine. Certains intellectuels comme le professeur You Xilin, du Shanxi, pensent même que le christianisme est l’antidote indispensable aux déviations morales causées par la modernisation. Certains théoriciens du marxisme ont d’ailleurs pu avancer une réinterprétation des vues de Marx et de Lénine en montrant que ces piliers du marxisme ne qualifièrent pas toujours la religion d’« opium du peuple » et que le Parti communiste chinois s’est fourvoyé en ignorant l’apport positif de la religion à la vie sociale, à la culture et à la morale. Mais la vieille garde du Parti est vigilante et interdit aux cadres de croire en une religion. L’idée demeure qu’une personne scientifiquement et politiquement bien éduquée ne doit pas se fourvoyer dans l’illusion religieuse. Est-ce bien une conviction marxiste ou tout simplement peut-être la permanence du vieil humanisme confucéen : « Respecter les esprits mais s’en tenir éloigné » (‘jing er yuan ).

L’activité des jeunes prêtres s’est également déployée jusqu’à l’excès dans la construction d’églises et de sanctuaires divers tels le « square des douze apôtres » dans le diocèse de Nanchong ou les multiples grottes de Lourdes qui rappellent parfois les rocailles ornées de pavillons des jardins traditionnels chinois. En dépit de la pauvreté de la population catholique des villages, les prêtres veulent bâtir beau, grand, avec des tours et des flèches les plus hautes possibles. Pour « donner de la face » à l’Eglise catholique, ils veulent faire au moins aussi beau que l’église protestante ou le temple bouddhiste. Ils ont pour argument que plus l’église est imposante, plus les catéchumènes affluent. Bâtir une église ou restaurer une vieille église est considéré par les évêques et les prêtres comme dépense prioritaire car, disent-ils, dès qu’il y a une église, toute la vie catholique reprend et s’organise. Il est vrai que l’ensemble rituel de la religion fait bien partie de leur tradition culturelle. La cathédrale de Xianxian consacrée en octobre 2003 est un vaste monument dressé dans la plaine du Hebei avec des flèches de 46 m. de haut et une grande nef sans colonnes où peuvent se presser plus de mille fidèles. La construction a coûté huit millions de yuans, une somme considérable pour cette communauté de paysans pauvres. Des soutiens financiers ont dû affluer de l’étranger, car ce diocèse est l’un des plus connus et des plus fervents de Chine et des prêtres de ce diocèse ont migré dans les années 1950 en divers pays du monde. Xianxian fut autrefois la terre de mission des jésuites français de la province de Champagne. Ils y ont laissé le souvenir de grands connaisseurs de la culture chinoise, tels Léon Wieger, Séraphin Couvreur ou Henri Bernard-Maître. La région garde aussi le souvenir de saints martyrs massacrés par les Boxers en 1900.

Les jeunes religieuses sont encore plus nombreuses que les jeunes prêtres. Une quarantaine de noviciats sont dispersés dans le pays. Venant généralement de familles paysannes pauvres, elles n’ont souvent bénéficié que d’une éducation n’atteignant pas la fin du secondaire. Elles appartiennent à des congrégations locales fondées récemment par des évêques chinois ou bien à des communautés chinoises fondées autrefois par les congrégations internationales comme les Franciscaines Missionnaires de Marie, les Auxiliatrices des âmes du purgatoire, les Présentandines, les Sours du Sacré-Cour, les Sours du Saint-Esprit, etc. Elles n’ont pas le droit officiellement d’appartenir à des congrégations internationales ayant une supérieure générale à l’étranger. Leur supérieur est en fait l’évêque de leur diocèse et souvent le curé local dans les paroisses où elles sont envoyées. L’autorité de leur supérieure religieuse s’en trouve de fait plutôt réduite et les tâches qui leur sont confiées sont souvent celles d’humbles servantes. Les évêques dépensent le gros de l’argent dont ils disposent pour la construction d’églises et fort peu pour le bien-être et la formation des religieuses. Pour les besoins de services sociaux, un certain nombre de religieuses ont pourtant été formées comme médecins ou infirmières. Des religieuses venues de Taiwan ou de Hongkong ont également aidé les communautés à mieux s’organiser et à mieux comprendre l’enjeu spirituel et les exigences de leur vocation. Les dirigeantes de la Commission de catéchétique du diocèse de Hongkong ont également circulé dans tout le pays pour initier les jeunes religieuses à des méthodes de catéchèse plus vivantes que la simple répétition des prières ou du catéchisme questions-réponses.

A la différence de nombreux prêtres qui s’appuient encore largement sur des financements étrangers ou même les prennent pour acquis pour des constructions d’église ou des entreprises liées à l’Eglise, les religieuses sont d’esprit plus indépendant et moins influencées par l’étranger. Elles parviennent à se financer elles-mêmes grâce à leur gestion de jardins d’enfants ou de cliniques. Elles manifestent leur indépendance des modèles occidentaux entre autres par le port du pantalon plus adapté qu’une longue robe à leurs travaux quotidiens et à la coutume locale. Face au conflit « officiels – clandestins » autour duquel les prêtres gaspillent beaucoup d’énergie, les religieuses tendent à garder une position ouverte à tous. Etant reconnues officiellement au niveau du diocèse, elles regrettent qu’une certaine discrimination soit faite à l’égard de leurs communautés qui travaillent en milieu clandestin. Mais bien conscientes des contraintes politiques, elles évitent de confronter les autorités gouvernementales. N’ayant aucun pouvoir dans la hiérarchie ecclésiastique, elles échappent à l’attention du gouvernement. Elles y gagnent plus de liberté et de temps pour se livrer à des activités diverses qui font sortir l’Eglise de son monde clos et l’ouvrent aussi aux non-chrétiens. Cette souplesse a pour effet de réduire l’ingérence politique dans les activités habituelles de l’Eglise et d’aider indirectement les prêtres à survivre sous la pression du régime. Proches des familles locales par l’intermédiaire des enfants, des malades ou des vieillards, les sours font de fréquentes visite à domicile et sont proches des gens. Elles reprennent ainsi avec courage et dévouement un rôle qu’ont su remplir pendant deux siècles les « Vierges chinoises fondées au XVIIIe siècle. Leur service auprès des femmes et des enfants est indispensable à la vitalité de l’Eglise chinoise.

Le difficile affranchissement de contraintes outrancières

Le dynamisme des religions n’est pas sans inquiéter la direction du Parti communiste chinois. Depuis l’an 2000, quelques événements ont marqué un raidissement dans l’attitude des gouvernants. Plus le pays s’ouvre grâce aux réformes économiques et à l’entrée dans l’Organisation mondiale du commerce et plus la politique intérieure tend à se resserrer en vue de maintenir la stabilité et la cohésion sociale. La rigueur officielle s’est abattue en particulier sur le mouvement Falungong, un vaste exercice d’épanouissement physique et spirituel inspiré des gymnastiques du souffle (qigong) et de la dévotion populaire bouddhiste. Ce mouvement, très organisé et très populaire, bien que sans but politique, pouvait faire craindre la montée d’une force morale capable de mettre en cause la maîtrise idéologique du Parti.

En ce qui concerne les catholiques, un acte hostile à l’égard de Rome a été posé le 6 janvier 2000 avec l’ordination forcée de cinq évêques à Pékin le jour même où le pape consacrait douze évêques à Rome. Cette ordination a révélé la faiblesse de l’Association patriotique. Sur douze évêques pressentis, cinq seulement ont accepté après avoir été trompés ou contraints. Les séminaristes de Pékin ont refusé de participer à cette ordination sous contrôle policier. Est-ce une réponse innocente de Rome ? Le pape canonisait 120 martyrs de Chine le 1er octobre suivant, jour de la fête nationale chinoise. Les réactions ont été vives chez les gouvernants chinois. En avril 2003, trois documents concernant la gestion des diocèses et la participation des autorités civiles au côté des évêques officiels a pu faire craindre un renforcement du contrôle gouvernemental et une ingérence accrue dans les affaires d’Eglise. C’était sans doute l’intention des cadres du Front uni. Mais les règles établies pour la gestion pastorale des diocèses reprenaient avec quelques adaptations locales les articles du droit canon de l’Eglise universelle et ne pouvaient que favoriser une meilleure administration de l’Eglise. Quarante évêques ont approuvé ces documents, sachant que la présence à leurs côtés des dirigeants civils rendrait malheureusement inefficaces des directives pastorales par ailleurs excellentes.

La Conférence épiscopale officielle est trop compromise avec la direction civile pour obtenir l’écoute de l’ensemble des catholiques. Ses nominations d’évêques en tout cas ne suffisent pas à décider les candidats à l’épiscopat à accepter la tâche. Les jeunes prêtres élus par les confrères de leur diocèse et approuvés par le gouvernement local cherchent par tous les moyens à obtenir l’accord du Saint-Siège. Un pas de plus a été franchi depuis un an par trois jeunes évêques. Non seulement ils ont obtenu leur nomination par le Saint-Siège mais ils ont encore voulu que cette nomination soit annoncée ouvertement, réduisant ainsi à peu de poids leur nomination par la Conférence épiscopale officielle, ce qui a entraîné une vive réaction des autorités civiles. Le 25 septembre 2003, dans la province de Canton, l’atmosphère était très lourde dans l’église de Meizhou quand le nouvel évêque, Mgr Liao Hongqing, a été consacré sous la surveillance d’une centaine de policiers en civil ou en uniforme, avec interdiction de concélébrer pour les prêtres amis venus de Hongkong et d’ailleurs et obligation d’annoncer officiellement la nomination par la Conférence épiscopale chinoise. En dépit de tout cet appareil, le jeune évêque a eu l’audace à la fin de la cérémonie d’annoncer en langue locale hakka la bonne nouvelle de sa nomination par Rome. Dans la province du Hebei, au nord du pays, un autre évêque nommé par Rome, le P. Feng Xinmao, diplômé de l’université de Louvain, avait tenu à en faire l’annonce officielle. Ce geste lui valut d’attendre environ deux ans l’autorisation d’être consacré. Grâce peut-être à ses bonnes relation avec les cadres civils de la région, il a pu finalement être consacré, mais non sans de gros ennuis le jour même de la célébration. C’était le 6 janvier 2004, quatre ans jour pour jour après l’ordination forcée de cinq évêques à Pékin. Les cadres civils ont voulu imposer la lecture de la nomination par la Conférence épiscopale chinoise. Mais l’évêque, ses prêtres et tous les fidèles du diocèse voulaient entendre l’annonce de la nomination par le Saint-Siège. La cérémonie a été retardée de huit heures. Tout au long de la journée, des processions de fidèles sont arrivés des villages en récitant le chapelet. Comment s’opposer obstinément à la volonté du peuple ? Finalement, un accord a pu être négocié avec la partie gouvernementale sur le rituel de la célébration. Troisième cas de transgression : la consécration d’un jeune évêque auxiliaire pour le diocèse de Shuozhou, dans le nord de la province du Shanxi. Le vieil évêque, Mgr Luo Jun, a fait plusieurs demandes aux autorités civiles pour que soit autorisée la consécration du P. Ma Cunguo, élu par les prêtres du diocèse. Pas de réponse. De guerre lasse, l’évêque a fixé la date de l’ordination au 8 février 2004. La consécration a pris place en présence des prêtres du diocèse et d’une foule de fidèles. Mais, comme il n’y avait pas d’autorisation officielle, les évêques invités comme co-consécrateurs n’ont pu se rendre à la cérémonie.

Ces témoignages de prêtres officiels rejoignent un effort du côté clandestin pour briser la barrière qui empêchait toute communion avec les officiels. En juillet 2003, Mgr Han Zhihai, jeune évêque clandestin de Lanzhou, lointain diocèse situé sur le Fleuve jaune au nord-ouest de la Chine, a écrit une lettre à ses amis évêques leur demandant de « libérer les catholiques chinois de l’ambiguïté créée par la situation de division » qui est celle de la Chine aujourd’hui. Notant que la plupart des évêques officiels ont été légitimés par Rome et se trouvent ainsi en communion avec l’Eglise universelle, il invite à poser des gestes concrets de réconciliation, en particulier la participation à la même eucharistie là où l’évêque et les prêtres ont donné des signes clairs de leur union à Rome.

Solidarité de l’Eglise universelle

L’ouverture de la Chine au monde ces 25 dernières années a permis des rencontres et des échanges religieux qui ont certainement contribué à soutenir le moral d’une Eglise qui se sentait en situation fausse du fait de son isolement. Grâce à une initiative de l’évêque de Shanghai et à l’appui de quelques missionnaires familiers de la Chine, quelques centaines de prêtres, séminaristes et religieuses ont pu aller poursuivre des études de théologie en Amérique, en Europe et aux Philippines au cours des dix dernières années. Ces séjours à l’étranger ne vont pas sans difficulté pour diverses raisons : retard accumulé dans les sciences religieuses dû à la pauvreté de la formation depuis la réouverture des séminaires en 1983, décalage entre la ferveur des communautés catholiques traditionnelles et une vie d’Eglise très sécularisée en Occident, conflit intellectuel entre une manière de penser chinoise soucieuse d’harmonie entre l’homme et son environnement naturel et social et une logique occidentale s’exprimant de façon abstraite et critique. D’un autre côté, quel que soit le succès de leurs études, les étudiants de théologie à l’étranger font l’expérience d’une foi plus réfléchie dans un milieu sécularisé et sans complaisance pour la religion. Ils peuvent ainsi apprendre à mieux comprendre l’apport de la foi chrétienne à la vie humaine et se préparer à en témoigner dans la société chinoise matérialiste qui se développe aujourd’hui.

Des professeurs de théologie, liturgie, Ecriture Sainte, capables d’enseigner en chinois, ont également été invités de Taiwan, Hongkong et autres lieux à aller donner des cours dans les séminaires de Chine pour parer au manque de personnel enseignant et diffuser les réformes encouragées par le Concile Vatican II. L’un d’eux, shanghaiais d’origine, le salésien Chen Rijun, a pu enseigner la philosophie au séminaire de Sheshan, à Shanghai. Devenu depuis l’évêque de Hongkong connu sous le nom de Mgr Zen Ze-kiun, il continue à faire connaître les orientations catholiques en matière de morale personnelle et sociale. Soutenant les progrès de la vie démocratique à Hongkong depuis le retour de Hongkong sous souveraineté chinoise le 1er juillet 1997, il n’a pas été sans créer quelques inquiétudes à Pékin qui ne souhaite pas voir se développer un foyer de démocratie à ses portes. Interdit de séjour sur le continent depuis plusieurs années, il a pourtant été autorisé à passer quelques jours à Shanghai fin avril 2004 pour y retrouver sa famille et faire un pèlerinage au sanctuaire marial de Sheshan.

A leur retour en Chine après un séjour en Amérique ou en Europe, les jeunes prêtres fraîchement diplômés ont souffert d’un nouveau décalage entre ce qu’ils avaient découvert dans une ambiance de grande liberté et ce qui leur était pratiquement impossible d’accomplir sous l’autorité de vieillards à l’esprit conservateur ou sous de multiples contraintes d’ordre politique. Leurs confrères restés dans le pays craignaient aussi parfois de les voir s’emparer des postes les plus intéressants du diocèse. Certains n’ont pu soutenir le choc et ont quitté le ministère. La plupart des autres par contre rendent de grands services, souvent comme professeurs ou même supérieurs de grands séminaires. Quelques-uns font preuve d’une grande énergie et prennent des initiatives prometteuses. A Pékin, le P. Pierre Zhao Jianmin, docteur de l’université de Louvain, a lancé un cours d’initiation à la culture chrétienne pour une quarantaine d’universitaires possédant déjà la maîtrise d’une langue étrangère. La dizaine de professeurs qu’il emploie sont pour la plupart des jeunes prêtres diplômés en Amérique. A Shijiazhuang, capitale de la province du Hebei, le P. Zhang Shijiang, formé aux Philippines, dirige les Presses catholiques de la foi, diffuse un journal sur Internet et a mis sur pied un service Caritas, analogue au Secours catholique européen. Dans le sud-ouest du pays, à Kunming, le jeune père Chen Kaihua, qui n’a pas encore bénéficié d’études à l’étranger, est pourtant connu des milieux académiques chinois. En 1998, lors d’un colloque à Hangzhou, il présentait son catalogue des bibliographies d’ouvrages catholiques chinois publiés depuis trois siècles. Tout en assurant son service pastoral à Kunming, il a organisé en 2003 une exposition de photographies reflétant la vie du peuple dans la province du Yunnan, exposition qui attire un public nombreux et crée un lien avec la minorité chrétienne de la province. A l’échelon national, une année de formation permanente pour une quarantaine de jeunes prêtres ayant dix ans de sacerdoce a été organisée de mars à décembre 2003 dans les vastes locaux du séminaire national de Daxing. Les éléments les plus qualifiés de l’Eglise catholique en Chine s’acheminent ainsi vers un niveau de compétence qui leur permettra d’assurer une formation locale des prêtres, religieuses et dirigeants laïcs et aussi de pouvoir développer un dialogue avec les intellectuels non chrétiens de l’Académie des sciences ou des universités qui poursuivent des recherches très pointues sur la théologie chrétienne et l’histoire du christianisme.

Sur le plan des études académiques, des recherches et des publications, de multiples échanges prennent place, en particulier lors de colloques organisés soit en Chine, soit en Occident. L’histoire des relations culturelles est-ouest est un domaine privilégié de la rencontre. Les chercheurs chinois qui travaillent l’apport de missionnaires du XVIIe et XVIIIe siècle sont parfois gênés par leur manque de connaissance du latin, du français et des langues européennes autres que l’anglais. Ils aimeraient pouvoir placer quelques experts en stage dans des Instituts européens pour une durée d’environ deux ans, de façon à leur permettre de consulter les archives des instituts missionnaires. Les Instituts catholiques de Belgique, d’Allemagne, d’Italie ont soutenu cet effort de la part des Chinois. La France pourrait faire davantage en ce domaine, vu l’ampleur de l’activité de ses missionnaires en Chine depuis plus de trois siècles : jésuites, Missions Etrangères de Paris, lazaristes, etc. Il est vrai que le développement considérable de l’activité missionnaire pendant la période coloniale tend à occulter la richesse des échanges avec la Chine en d’autres périodes plus sereines. L’histoire chrétienne en Chine aux XIXe et XXe siècles est d’ailleurs encore peu abordée par les chercheurs chinois. L’interprétation marxiste de l’histoire rend encore impossible l’étude objective de certains sujets. Par contre, les professeurs chinois de cultures ou de religions comparées se sont attelés à traduire quantité d’ouvrages de théologiens occidentaux contemporains. Ils découvrent dans la théologie européenne un sens du drame de l’histoire, de la misère de l’homme et de la tragédie de sa rédemption, de son affranchissement de l’esclavage du mal, autant d’éléments qui leur paraissent manquer dans la vision chinoise du monde.

L’idée d’appartenir à une Eglise inquiète peu ces intellectuels qu’on a pu qualifier de « chrétiens culturels ». Mais les échanges directs entre croyants étrangers et chinois se sont multipliés aussi grâce aux « service Chine » de quelques instituts missionnaires, grâce au Centre d’études du Saint Esprit du diocèse de Hongkong, grâce au Guide to the Catholic Church in China en anglais et chinois, publié à Singapour depuis 1986. La sixième édition, disponible depuis le 1er juin 2004, s’est enrichie de centaines d’adresses d’églises, de plus d’un millier de numéros de téléphone et de plusieurs adresses électroniques pour les centres catholiques les plus importants. Internet est d’ailleurs un lieu d’échange qui s’est développé ces dernières années à une allure vertigineuse. Les sites catholiques chinois sont aujourd’hui en service soit à Shijiazhuang, soit au Centre d’étude chrétien de Taofengshan à Hongkong, soit bien sûr à l’agence catholique d’information Ucanews, etc. L’information d’actualité sur la vie de l’Eglise en Chine est diffusée en français par le bulletin bimensuel Eglises d’Asie, en allemand par la revue mensuelle China Heute, en anglais par la revue trimestrielle China Study Project, en italien et autres langues par l’agence Fides, la revue Asia News et le bulletin Mondo e Missione.

Le proverbe chinois « bai wen bu ru yi jian » (‘Entendre cent fois ne vaut pas voir une fois’) a incité de nombreux Occidentaux à faire le voyage de Chine. Les visiteurs chrétiens ont ainsi pu participer à la messe chinoise locale et rencontrer les évêques, prêtres et fidèles du pays. Ces rencontres introduisent un aspect missionnaire dans des parcours touristiques ou commerciaux : même après 25 années d’ouverture progressive, les chrétiens de Chine sont toujours réconfortés par la présence amicale et solidaire de chrétiens d’autres pays.

Depuis quelques années, les communautés catholiques de Chine sortent davantage des villages pauvres pour se développer dans les milieux professionnels urbains. Les chrétiens qui ont les moyens de s’offrir un voyage en Europe sont avides de pèlerinages dans les grands sanctuaires de Lourdes, Lisieux, Rome, etc. A Paris, la cathédrale Notre Dame, l’église de la Madeleine, le Sacré Cour reçoivent aussi la visite de touristes chinois de plus en plus nombreux. L’accueil des visiteurs chinois peut être amélioré avec des petits guides explicatifs en chinois.

Les milliers d’étudiants chinois sans religion particulière qui viennent étudier quelques années dans les universités d’Europe méritent également un accueil et un service d’information que les diocèses concernés sont amenés à prendre en compte. En France, quelques prêtres ont compris l’importance de cet enjeu, à Lyon, à Angers, à Brest, à Poitiers, à Pau, à Grenoble et bien sûr à Paris. Même sans savoir parler chinois, ces prêtres peuvent faire appel à quelques volontaires chinois parlant le français et aussi se procurer des missels, Bibles, catéchèses et ouvrages divers importés à Paris depuis Hongkong, Taiwan, Singapour, Shanghai, etc. Comme un certain nombre d’étudiants souhaitent être instruits de la foi chrétienne, il est important de mettre au point pour eux un programme de catéchuménat spécial, car leurs questions et leur intérêt diffèrent souvent des aspects abordés dans le catéchuménat local. Quoiqu’il en soit des motivations de chacun, l’approche chinoise de l’Evangile se fait sur fond d’amitié, de respect et de confiance mutuelle. La prière, la liturgie, les chants sacrés et la petite Voie spirituelle ouverte par Ste Thérèse sont des aspects centraux de cette approche. La relation science et foi peut faire problème pour certains, peut-être sous l’effet de l’éducation reçue dans les écoles chinoises. Ils sont pourtant moins allergiques aux religions que bon nombre d’Européens. Leur vision esthétique du monde, leur sens de la poésie et des symboles sont des atouts psychologiques pour un approfondissement du sens de l’existence humaine.

Pour conclure brièvement, notons que le processus actuel de mondialisation aiguillonné par des impératifs économiques doit en même temps comporter un aspect humain, moral, social et culturel. De ce point de vue, le dialogue de plus en plus riche entre le monde chinois et l’Occident peut avoir beaucoup de poids pour forger une base éthique reconnue mondialement.

L’ouverture mutuelle et les moyens de communication n’ont jamais été aussi développés. Seules nos faiblesses humaines et chrétiennes nous empêchent d’en tirer tous les fruits.