Eglises d'Asie

A Dacca, une explosion, probablement d’origine criminelle, dans un immeuble appartenant à une famille chrétienne provoque des craintes au sein de la petite communauté chrétienne du pays

Publié le 18/03/2010




Le 17 septembre dernier, peu avant minuit, une forte explosion a dévasté un immeuble d’habitations situé à Luxmibazar, quartier de la vieille ville de Dacca. Six personnes ont été blessées et l’une d’elle, le gardien de l’immeuble, un musulman, est mort de ses blessures deux jours plus tard. Selon la police, l’explosion trouve son origine dans une fuite de gaz. Selon des fonctionnaires de la municipalité et des sources au sein de l’Eglise catholique locale, ce sont des racketteurs cherchant à faire pression sur la petite minorité chrétienne de la ville qui sont derrière l’explosion.

L’immeuble visé appartient en effet à une famille catholique, les Gomes. Une partie des appartements de l’immeuble était occupée par des membres de cette famille et le reste était loué, principalement à des familles hindoues. Selon le P. Elias Palma, curé de la paroisse de la Sainte-Croix à Luxmibazar, ces derniers temps, des « santrashi » – ou racketteurs – menaçaient la famille Gomes. « A deux occasions, la famille a cédé à leurs demandes et payé 80 000 taka (1 600 euros). Ils ont continué et demandaient plus. Le 5 septembre, ils ont appelé pour exiger d’être payés une nouvelle fois. Le 7 septembre, toujours au téléphone, ils ont dit que la famille Gomes allait « voir » ce qui allait se passer pour avoir refusé de verser plus d’argent raconte le P. Palma qui ajoute que, ces dernières années, plusieurs familles chrétiennes ont vendu leurs biens immobiliers et quitté la région pour échapper aux « santrashi » et à leurs extorsions de fonds ou « chanda ». Depuis le début de l’année, trois des quinze familles de la paroisse qui possèdent des biens immobiliers ont tout vendu et sont partis s’établir à l’étranger, précise encore le prêtre qui craint que ce nouvel incident n’incite de nouveaux propriétaires à émigrer si rien ne change. Pour éviter de voir leurs biens détruits, les chrétiens propriétaires doivent soit céder aux racketteurs soit se placer sous la protection, rarement désintéressée, de politiciens locaux. Pour l’heure, les Gomes vivent « dans la peur a-t-il conclu.

Le 19 septembre, Mgr Michael Rozario, archevêque de Dacca, s’est rendu sur les lieux de l’incident pour apporter son soutien à la famille Gomes, qui a dû trouver à se loger ailleurs étant donné l’étendue des dégâts provoqués par l’explosion. La veille, Mgr Paul Tschang In-Nam, nonce apostolique au Bangladesh, avait fait de même, exprimant le souhait que les chrétiens du pays puissent vivre au Bangladesh au même titre que les musulmans, les hindous et les bouddhistes – « pas plus, pas moins ».

L’explosion de Luxmibazar est la neuvième qui se produit dans le pays depuis le début de l’année 2004. Apparemment sans liens entre elles, ces explosions, provoquées par des bombes ou des grenades, se sont produites dans tout le pays, à Dacca, la capitale, mais aussi dans le nord-est, le sud-est et le sud-ouest. Vingt-neuf personnes y ont trouvé la mort, 265 autres ont été blessées. Aucune n’a été revendiquée. Selon la presse locale, les commanditaires de ces attentats sont à chercher du côté de l’extorsion de fonds ou de règlements de comptes politiques.

Peuplé de 130 millions d’habitants, le Bangladesh est un des quatre plus grands pays musulmans du monde, 87 % de sa population se réclamant de l’islam. Les hindous forment une forte minorité de 12 % de la population, les chrétiens (0,3 %) et les bouddhistes (0,6 %) constituent de très modestes minorités.