Eglises d'Asie

Pour sa gestion des affaires religieuses, le gouvernement envisage de passer du règlement administratif à un cadre juridique fixé par la loi

Publié le 18/03/2010




« Les religions et le droit ». Tel est le thème d’un colloque organisé récemment à Pékin par l’Académie chinoise des Sciences sociales. A l’occasion de cet événement ont filtré quelques éléments de la réforme envisagée depuis quelques temps par le gouvernement concernant sa gestion des affaires religieuses (1). Le 19 octobre dernier, Zhang Xunmou, responsable du département pour les affaires politiques et juridiques du Bureau des Affaires religieuses, a déclaré que « le vieux schéma consistant à traiter des affaires religieuses en Chine par des décrets administratifs serait remplacé par des règles claires limitant les pouvoirs du gouvernement ».

Selon Zhang Xunmou, dont les propos sont rapportés par le South China Morning Post, le gouvernement étudie le moyen de limiter le contrôle étroit des autorités sur les religions et d’empêcher les ingérences arbitraires du pouvoir dans le fonctionnement des organisations religieuses, l’objectif recherché étant de donner une plus grande autonomie aux religions. En abandonnant les règlements administratifs pour passer à une politique définie au plan national dans le cadre de la loi, le pouvoir chinois définirait « les droits et les obligations, à la fois de l’administration compétente responsable des autorisations et des groupes religieux qu’elle administre ». Toujours selon Zhang Xunmou, « limiter l’autorité de l’Etat sur la religion est une conception révolutionnaire dans l’histoire chinoise ».

Par ailleurs, Zhang Xunmou a dit qu’il était temps que les religions se prennent en charge et se passent du soutien financier des autorités ; il a précisé que de nombreux groupes religieux étaient devenus sinon riches du moins à l’aise et qu’ils auraient à contribuer aux revenus fiscaux des localités.

Peu après, devant le même auditoire de l’Académie des Sciences sociales, le directeur adjoint du Bureau des Affaires religieuses, Ji Wenyuan, a tempéré l’optimisme des propos de Zhang Xunmou. Ji Wenyuan a en effet déclaré que « la stabilité sociale et l’harmonie » devaient être le fondement de toute nouvelle loi en la matière, précisant que « les circonstances particulières » de la Chine devaient être prises en compte. Il a ajouté que la Chine ne se doterait pas d’une législation comparable à celle en vigueur dans les pays occidentaux, du fait notamment qu’en Chine, les impératifs de l’Etat passaient avant ceux des religions. A titre d’exemple, il a cité la politique de l’enfant unique.

Pour les observateurs, le passage du règlement administratif à la loi en matière de politique religieuse s’inscrit dans le contexte plus large de l’édification progressive d’un Etat de droit en République de Chine populaire. En mars dernier, la Constitution du pays a été amendée de façon à y inscrire la notion de protection et de respect des droits de l’homme, y compris de la liberté religieuse (2). Désormais membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signataire de divers traités internationaux, la Chine se dote peu à peu d’un dispositif législatif complet. Toutefois, dans un pays où la séparation des pouvoirs n’est pas une réalité et où le pouvoir politique (le Parti communiste), le pouvoir civil (le gouvernement) et le pouvoir militaire (l’armée) sont concentrés entre des mêmes mains, l’arbitraire du système policier et judiciaire reste inentamé. Plus fondamentalement, les autorités chinoises ne reconnaissent pas aux droits individuels, et à la liberté de religion, un fondement propre ; les libertés, pour autant qu’elles puissent être défendues devant les tribunaux, restent du domaine de la concession, un domaine octroyé par l’Etat à la population.