Eglises d'Asie

Henan : accès de violence entre populations chinoises Han et musulmans Hui

Publié le 18/03/2010




Le 27 octobre dernier et dans les jours qui ont suivi, dans la province du Henan, un incident au premier abord mineur a dégénéré en une émeute grave mettant aux prises populations chinoises Han et musulmans Hui. L’état d’urgence a été rapidement décrété par les autorités dans le district de Zhongmou, où s’est produit l’incident, et les journalistes chinois comme étrangers interdits d’approcher la région. Le 1er novembre, Pékin a officiellement confirmé l’incident, déclarant qu’il avait fait sept morts et quarante-deux blessés et que dix-huit personnes avaient été arrêtées.

Selon l’agence d’information Xinhua, l’incident a débuté par une altercation entre un villageois, dénommé Hu, du village de Nanren, dans le district de Zhongmou, et un autre, nommé Liu, du village de Nanwei. Selon une version relatant les faits, l’altercation trouve son origine dans un accident de la circulation, un chauffeur de taxi Hui aurait renversé et tué une fillette Han, âgée de 6 ans ; dans une autre version, c’est une collision entre deux tracteurs conduits par des paysans des deux groupes qui est à l’origine de l’émeute, ou bien encore un différend entre camionneurs Hui et paysans Han. Toujours est-il que plusieurs milliers de paysans Han auraient ensuite effectué un raid de représailles contre le village Hui de Nanren et, selon l’imam cité par France-Presse, auraient incendié des maisons et une briqueterie. Le bilan de ces journées d’émeute serait supérieur aux chiffres avancés par les autorités : il y aurait eu une vingtaine de morts. Le chiffre de 148 morts a aussi été évoqué, notamment par le New York Times.

Si les heurts violents entre musulmans Hui et populations Han ne sont pas rares (1), le bilan de l’incident du district de Zhongmou semble cependant être le plus lourd enregistré ces dernières années dans des affrontements intercommunautaires en Chine. Le black-out imposé par les autorités aux médias tant locaux qu’étrangers traduit leur inquiétude et leur souci d’éviter des manifestations de solidarité des communautés Hui éparpillées dans le pays.

Interrogé par le Straits Times de Singapour, Gilles Guiheux, du Centre français de recherche sur la Chine contemporaine, basé à Hongkong, explique que “de tels conflits peuvent être provoqués par des événements insignifiants à la base, mais, lorsqu’ils explosent ainsi que cela a été le cas à Zhongmou, cela traduit le fait que les tensions sont aujourd’hui très fortes, des tensions qui le plus souvent sont contenues ou cachées”. Selon le chercheur, les disparités économiques sont la cause première de la tension constatée dans le Henan, une province pauvre et agricole. “La plupart des opportunités économiques sont monopolisées par les Han. Cela crée des problèmes à travers tout le pays estime-t-il. Selon d’autres spécialistes de la société chinoise contemporaine, la cause de tels accès de violence est ailleurs. Ils expliquent combien est grand le ressentiment des Han envers les minorités ethniques et les privilèges dont jouissent ces dernières, ce qui est facteur de tensions. Les Han seraient particulièrement sensibles au statut particulier réservé aux cinquante-six minorités ethniques reconnues par les autorités, un statut qui leur permet d’avoir accès à des subventions dans le domaine éducatif, à un traitement préférentiel dans le système scolaire et à la possibilité de ne pas être soumis à la politique de l’enfant unique.

Les musulmans de Chine sont officiellement au nombre de vingt millions et sont divisés en plusieurs groupes dont les deux principaux sont les Hui et les Ouïghours. Les Ouïghours sont principalement présents dans la province occidentale du Xinjiang et les Hui, au nombre d’une dizaine de millions, sont présents dans tout le pays. Dans le Henan, les Hui forment une communauté assez importante, la troisième de Chine par la taille après celles de la région autonome Hui du Ningxia – région créée pour eux – et de la province du Gansu, deux provinces situées dans le nord-ouest du pays. Les Hui sont la plus ancienne des ethnies de Chine à avoir adopté l’islam, au VIIe siècle ; aujourd’hui, rien ne les distingue ethniquement ou linguistiquement des Han si ce n’est leur appartenance à l’islam.

L’éruption de violence du Henan vient s’ajouter à différents autres incidents qui ont éclaté à travers le pays, trahissant une certaine volatilité de la société actuelle. Dans la province du Sichuan, dans le district de Hanyuan, des paysans, mécontents de la faiblesse des indemnités qui leur ont été proposées pour évacuer une zone où doit être édifié un barrage hydroélectrique, ont manifesté le 27 octobre. Un manifestant a trouvé la mort. Le 18 octobre, à Wanzhou, district de la municipalité de Chongqing, une simple altercation de rue a dégénéré en bataille rangée impliquant plusieurs milliers de personnes. Le 20 octobre, dans le Zhejiang, ce sont 2 000 étudiants qui sont descendus dans la rue pour protester contre le passage à tabac d’un étudiant chinois par des étudiants étrangers. Enfin, le 6 novembre, dans une banlieue de Canton, la police armée s’est heurtée à un groupe de vendeurs ouïghours, rendus furieux par l’expulsion de l’un d’eux d’un marché local.