Eglises d'Asie – Thaïlande
Un groupement interreligieux interpelle le gouvernement et lui demande de régler la crise dans le sud musulman du pays par des moyens pacifiques
Publié le 18/03/2010
La cérémonie a eu lieu à Bangkok. Plusieurs centaines de personnes y ont pris part et les médias, écrits et audiovisuels, en ont largement rendu compte. Le groupe Sekiyatham pour les bouddhistes, la Commission épiscopale ‘Justice et paix’ pour l’Eglise catholique et le Conseil des organisations musulmanes de Thaïlande pour les musulmans en étaient les co-organisateurs. Le vénérable Mahajerm Suvajo, de l’institut universitaire de formation pour les moines Maha Chulalongkorn Ratchavidhayalaya, a présidé la prière bouddhique pour les morts, dite par une dizaine de moines. Vithaya Visetrana, un des responsables du Conseil des organisations musulmanes, a récité la prière musulmane pour les morts. Et enfin, le P. Chusak Sirisut, directeur du Centre de recherche sur la religion et la culture, a lu la prière des morts au nom de l’Eglise catholique. Après la cérémonie religieuse, un séminaire a rassemblé les participants à cet événement pour débattre autour du thème : “Les croyants et la transformation de la situation dans un Sud en feu”.
Depuis la tragédie du 25 octobre, la situation dans les quatre des cinq provinces du sud du pays qui sont à majorité musulmane semble chaque jour se dégrader davantage. Pas un jour ou presque ne se passe sans une nouvelle attaque et de nouveaux morts : au moins 28 morts en deux semaines, presque tous bouddhistes, les attaques n’étant plus ciblées, comme c’était le cas depuis le renouveau des tensions en janvier dernier, contre les représentants de l’Etat ; tout le monde semble désormais potentiellement visé. Le sénateur Jon Ungpahkorn, de Bangkok, a participé au séminaire interreligieux du 6 novembre. De retour d’une mission d’enquête dans le Sud, il s’est dit très soucieux du fait que de nombreux Thaïlandais estiment que la répression exercée contre les militants musulmans “est la bonne chose à faire, voire n’est pas assez sévère”. Pour éviter que la situation ne s’envenime, il a notamment mis en garde les médias locaux contre le risque de se laisser manouvrer et de présenter négativement les habitants du Sud musulman, sans prendre le temps d’entendre la sincérité de leur revendication pour plus de justice.
En écho à ces propos, Vithaya Visetrana a estimé que la “vérité” était la seule issue possible dans ce conflit. Présenter les musulmans comme des tueurs de bouddhistes est une tactique “très dangereuse a-t-il déclaré. Pour sa part, le P. Chusak Sirisut a dit qu’il avait appelé des religieuses catholiques responsables d’écoles implantées dans les provinces méridionales de Pattani et Yala et que ces dernières rapportaient que les villageois avaient reçu des tracts menaçant de mort quiconque ne coopérerait pas avec les groupes musulmans extrémistes. Le P. Chusak a qualifié la situation dans le Sud de “précaire des extrémistes cherchant à utiliser la religion pour inciter à la violence les populations musulmanes locales.
Le P. Chusak a ajouté qu’“en tant que croyants, nous ne pouvons rester les bras croisés”. Il s’est dit prêt à répondre à l’appel de Chamlong Srimuang, ancien gouverneur de Bangkok, qui, présent au séminaire, a demandé au groupement interreligieux de se rendre dans le Sud du 23 au 26 novembre prochain.
Par ailleurs, le 8 novembre, 144 intellectuels et professeurs d’université ont publié une lettre ouverte au Premier ministre par laquelle ils affirment que c’est uniquement en misant sur le dialogue avec les musulmans que la tension pourrait retomber. “Nous exprimons notre plus complet désaccord avec la politique qui fait du recours à la force le moyen de régler le problème et nous appelons le gouvernement à changer sa politique ont écrit ces intellectuels. Pour nombre d’observateurs locaux, la marge de manouvre du Premier ministre s’amenuise à mesure que le temps passe et qu’à la répression menée par les forces de sécurité répond l’engrenage de la violence. Pour Gothom Arya, président du Forum asiatique pour les droits de l’homme et le développement, basé à Bangkok, il n’est pas trop tard : “Nous sommes encore globalement dans un conflit entre population et autorité centrale, et non entre bouddhistes et musulmans.”