Eglises d'Asie – Chine
HONGKONG : Mgr ZEN APPELLE A NE PAS APPLIQUER LA NOUVELLE LOI SUR L’EDUCATION
Publié le 18/03/2010
Que la paix soit avec vous.
Le 8 juillet dernier, le Conseil legislatif (Legislative Council) a adopté à une majorité de 29 voix pour et 21 voix contre la « Loi (amendée) sur l’éducation 2002 texte présenté par le gouvernement. Selon les nouvelles dispositions législatives, chacune des écoles subventionnées par les pouvoirs publics doit être dotée d’un Comité de gestion intégré, lequel est l’organe responsable de l’école devant le gouvernement. Ce Comité de gestion doit être formé de représentants élus parmi les enseignants, les parents d’élèves et d’autres personnalités indépendantes choisies au sein de la société civile.
Ce texte de loi et l’« Ordonnance (amendée) sur l’éducation 2004 » changent radicalement le système éducatif de Hongkong, qui a pourtant fait ses preuves depuis plusieurs décennies. Il démolit le partenariat et la relation de confiance et de collaboration qui existent entre les organismes de tutelle des écoles privées sous contrat d’association avec l’Etat et le gouvernement. Les organismes de tutelle n’auront désormais plus le pouvoir d’exercer la tutelle des écoles placées sous leur responsabilité.
De plus, le mécanisme de supervision des organismes de tutelle qui ont la responsabilité d’un nombre important d’écoles a été démantelé. Les structures centrales de ces organismes de tutelle (telles le Comité central de gestion des écoles catholiques diocésaines et notre Bureau pour l’éducation) ne seront plus autorisées à conseiller et à aider les écoles, chacune prise individuellement. Enfin, l’atmosphère hautement politisée de notre société ne manquera pas de gagner les écoles et nous n’avons aucune garantie que nos écoles pourront être gérées selon la vision et la mission qui étaient les leurs à l’origine.
Toutes les écoles vont se retrouver dans une situation semblable à celle des écoles publiques, directement placées sous la tutelle du gouvernement qui, en mettant en avant un soi-disant renforcement de la décentralisation, a en fait mis en place les conditions d’une centralisation du pouvoir entre ses seules mains.
Les organismes de tutelle des écoles catholiques et des écoles protestantes ont vivement protesté contre de tels changements unilatéraux, révolutionnaires et aveugles portés au système éducatif. De nombreux universitaires et analystes ont démontré le caractère inapproprié, l’injustice et les dommages que ne manquera pas de provoquer la loi telle qu’elle a été adoptée. Mais le gouvernement a persisté dans sa politique, manipulant l’opinion publique et réussissant à démolir le système en place qui, encore une fois, a fait ses preuves et a montré sa capacité à fournir un bon niveau d’éducation.
Nos prédécesseurs dans l’Eglise ont contribué d’une façon remarquable aux réalisations en matière d’éducation à Hongkong. Au sein de la société, les écoles catholiques jouissent d’une bonne réputation. Mais, avec cette nouvelle loi, nous courons le risque qu’à l’avenir nous soyons contraints d’abandonner la tutelle de certaines écoles pour la céder au gouvernement si, dans le cas où l’autorité de supervision au sein d’une école donnée nous est retirée, nous ne sommes plus en mesure de garantir que l’éducation dispensée dans nos écoles est véritablement catholique. Pour l’heure, nous essayons encore de maintenir notre position. Cela semble répondre au désir à la fois des parents d’élèves et des enseignants.
Lors d’une réunion tenue le 21 septembre 2004, le Bureau catholique pour l’éducation est arrivé au consensus selon lequel notre politique est de « garder la structure en place et promouvoir une éducation école par école ». Des consultations supplémentaires ont permis de s’assurer que tous les organismes de tutelle au sein de l’Eglise étaient d’accord avec cette politique et étaient prêts à agir à l’unisson.
En tant qu’évêque du diocèse de Hongkong, et au nom de tous les organismes de tutelle dans le diocèse, je rends publique par la présente lettre la politique décidée lors de ces réunions et consultations et ajoute certaines précisions.
1. « Garder la structure en place »
L’« Ordonnance (amendée) sur l’éducation 2004 » stipule que toutes les écoles subventionnées qui fonctionnent à la date du 1er janvier 2005 doivent être dotées d’un Comité de gestion d’ici à 2010 (cette date est susceptible d’être repoussée à 2012 si l’état des lieux qui doit être réalisé en 2008 le juge utile). La politique sur laquelle nous nous sommes mis d’accord est que jusqu’à cette date butoir, nos écoles fonctionneront selon le schéma qui existe à ce jour, à savoir les organismes de tutelle nomment les superviseurs et les directeurs d’écoles, les superviseurs étant les personnes légalement responsables devant le gouvernement pour les écoles dont ils ont la charge. Aucune école ne doit, pour l’heure, se doter d’un Comité de gestion intégré. Au cas où le gouvernement, dans certains cas précis, fasse de la mise en place d’un tel Comité de gestion une condition pour accorder à une école de nouveaux terrains ou bâtiments, nous débattrons de la question, au cas par cas, et proposerons une solution.
Un certain nombre de nos écoles fonctionnent déjà avec un Comité de gestion où des enseignants, des parents d’élèves et des anciens élèves ont été désignés. Parfois, ces membres sont présentés comme ayant été « élus », mais il peut sembler plus précis de dire qu’ils ont été nommés car, en fin de processus, ils ont été désignés par les organismes de tutelle. Le critère pour ces nominations et désignations doit être un accord explicite avec notre vision de l’éducation. La présence de ces enseignants, parents d’élèves et anciens élèves dans les Comités de gestion représente une contribution appréciable à la mission d’éducation. Nous encourageons toutes les écoles à continuer à trouver et à former de telles personnes parties prenantes dans l’éducation qui partagent notre vision et notre mission et nous les invitons à rejoindre les Comités de gestion.
2. « Promouvoir une gestion école par école dans le domaine de l’éducation »
Depuis 1991, date à laquelle le gouvernement a lancé le concept de gestion des établissements scolaires école par école, les écoles catholiques ont activement pris part au développement de ce modèle. A ce jour, en plus d’inviter les parties prenantes dans les Comités de gestion, nous avons décidé de mettre en place, pour la gestion au quotidien des écoles, un « Comité exécutif d’école » (School Executive Committee, SEC), suivant en cela ce qui a été proposé dans le rapport n° 7 de la Commission pour l’éducation. Cette structure, placée à un niveau différent de celui des Comités de gestion, est un très bon instrument afin de promouvoir une gestion individualisée, au sein de chaque école.
Ici, je demande instamment à toutes les écoles catholiques du diocèse de mettre en place de tels Comités exécutifs d’école, et ce d’ici la fin de l’année scolaire. Notre Bureau pour l’éducation transmettra à toutes les écoles le cadre à suivre pour les aider à définir les termes de référence à utiliser afin que chaque comité ainsi créé soit adapté à chaque situation particulière. Ensuite, par des vérifications, des amendements, des partages d’expériences, nous pourrons mettre en place une direction unifiée améliorée, la date butoir étant toujours la fin de cette année scolaire.
Les SEC ainsi formés pourront comprendre des enseignants, des parents d’élèves et des anciens élèves (voire même des élèves à partir du niveau du lycée), tous élus. De nombreuses questions pourront être débattues dans cette instance. Les Comités de gestion seront très certainement heureux de pouvoir accéder aux propositions émises par les SEC. Les interactions créées entre les deux structures contribueront à l’amélioration de la gestion des écoles.
A travers le travail qui sera effectué au sein de cet ensemble à deux niveaux, j’espère que nous parviendrons à deux choses : 1.) prouver que la gestion au niveau de chaque école ne requiert pas l’incorporation des Comités de gestion dans les écoles et 2.) nous préparer pour le moment où nous aurons à appliquer la nouvelle ordonnance. Lorsque nous aurons réalisé cela, nous pourrons alors avec confiance attendre que les gestionnaires élus parmi les parents d’élèves et les enseignants seront choisis parmi ceux qui partagent notre vision et notre mission.
Chers frères et sours dans le Christ, pour préserver notre tradition catholique dans le domaine de l’éducation, nous devons prendre les mesures que je viens de décrire, même si elles paraissent aller dans le sens d’une confrontation avec le gouvernement. Nous ne recherchons pas la confrontation, telle n’est pas notre intention. Nous agissons dans le cadre de la loi, et nous ne tolérerons aucune mesure discriminatoire de la part du gouvernement qui pourrait nuire aux intérêts de nos élèves et de nos enseignants du fait de notre politique.
Puisse le Seigneur nous donner la sagesse et le courage à cette heure difficile, afin de préserver notre précieux héritage et que nous puissions donc nous montrer dignes de ceux qui nous ont précédés.
En vous remerciant pour votre obéissance et votre collaboration,
Avec mes souhaits les meilleurs et les plus sincères,
Mgr Joseph Zen, sdb,
évêque du diocèse de Hongkong