Eglises d'Asie

Le largage par avion de millions d’oiseaux en papier sur le sud musulman du pays ne suffit pas à ramener la paix

Publié le 18/03/2010




Plus de cent millions d’origami ont été largués au dessus des provinces à majorité musulmane du sud du pays. Les Thaïlandais ont répondu massivement à l’initiative lancée par le Premier ministre Thaksin Shinawatra pour signifier à la minorité musulmane des trois provinces méridionales frontalières avec la Malaisie que l’ensemble de la nation thaïlandaise souhaite la paix et la concorde avec sa minorité musulmane. Selon le discours officiel, les pliages de papier en forme d’oiseau “apportent la paix et l’espoir à ceux qui posent le regard dessus”. Le 5 décembre dernier, une cinquantaine d’avions des forces armées ont largué les origami, expression de la solidarité des Thaïlandais. A terre, les enfants étaient invités à les collecter et à les échanger contre des cadeaux. Le Premier ministre avait dédicacé son oiseau et promis une bourse d’études ou un emploi à celui qui le récupérerait.

Dans les heures qui ont suivi le largage des pliages de papier, plusieurs bombes ont explosé dans le sud musulman. Dans la soirée du 5 décembre, dans la province de Narathiwat, un haut fonctionnaire a été blessé par l’explosion d’une bombe placée sur le bord d’une route. Le lendemain au matin, dans la même province, un engin explosif placé près d’un marché a blessé un militaire en faction. La demeure d’un enseignant de Narathiwat a été réduite en cendres et, dans la province de Yala, une école a été partiellement incendiée. La police a par ailleurs rapporté qu’un ancien procureur de Pattani avait été assassiné par balles le 5 décembre.

Depuis le début de cette année, le regain de tension dans le sud musulman a fait plus de 550 morts. Il ne se passe pas un jour désormais sans que les journaux thaïlandais ne rapportent des échauffourées dans cette région. Après la tragédie de Tak Bai, lors de laquelle 78 manifestants musulmans ont péri étouffés après avoir été entassés dans des camions militaires le 25 octobre dernier (1), le retour au calme exige plus qu’une opération symbolique de largage d’origami, estiment les observateurs locaux. Cité par le quotidien Libération, un musulman de la ville de Yala déclarait : “Dans l’islam, la paix ne vient pas du papier, elle vient de Dieu.” A Bangkok, le Premier ministre, qui prépare les élections législatives du début 2005 dans la sérénité étant donné le soutien que lui accorde une confortable majorité de Thaïlandais, réfléchissait à la mise en place d’une législation d’exception restreignant les libertés individuelles pour pacifier le sud musulman.