Eglises d'Asie

A l’étude depuis six ans, un nouveau corpus de règlements concernant la religion a été publié par le gouvernement

Publié le 18/03/2010




Le 30 novembre dernier, le Premier ministre Wen Jiabao a signé le décret n° 426 du Conseil pour les affaires d’Etat, promulguant ainsi les « Dispositions relatives aux affaires religieuses ». Composés de 48 articles répartis en sept sections, ces règlements ont été rendus public par les médias officiels (agence Xinhua, Quotidien du Peuple et China Daily) les 18 et 19 décembre derniers. A l’étude depuis six ans, ces règlements se substituent aux « Règlements sur la gestion des lieux de culte » de 1994 (1) et sont présentés par les autorités chinoises comme « le premier ensemble complet » de règlements concernant les affaires religieuses, promulgué par le gouvernement chinois. Ils entreront officiellement en vigueur le 1er mars 2005.

Dans le préambule du document, on peut lire que les dispositions de ces règlements visent à protéger « la liberté de croyance religieuse à maintenir l’harmonie entre les différentes religions et la société, et à réglementer les affaires religieuses à travers le pays. Bien que ne fournissant pas de définition du terme « croyance religieuse le texte continue : « Aucune organisation ou aucun individu ne peut forcer un citoyen à croire ou à ne pas croire dans la religion. Aucune organisation ou aucun individu n’est autorisé à exercer une discrimination contre un citoyen du fait qu’il adhère ou n’adhère pas à une croyance religieuse. » Suit ensuite tout un ensemble de dispositions concernant la protection des biens et des personnes attachés aux « groupes religieux les procédures à suivre pour la construction des édifices religieux, l’organisation des activités religieuses ainsi que les nominations de personnel religieux.

Pour l’agence Xinhua, ce nouveau dispositif réglementaire représente « une avancée majeure vers la protection de la liberté religieuse des citoyens chinois » dans un contexte de « développement socio-économique rapide ». Interrogés par divers médias étrangers, des spécialistes des questions religieuses en Chine formulent une analyse légèrement différente.

Selon Feng Jinyuan, chercheur à l’Académie des Sciences sociales, à Pékin, l’absence de définition de « la croyance religieuse » souligne la difficulté que les autorités chinoises rencontrent dès lors qu’elles ont à traiter de la religion. Le fait que la publication de ces règlements a été repoussée à plusieurs reprises depuis 2001 témoigne aussi de cette difficulté, ajoute-t-il. « Le cour des controverses a tourné autour de la définition à donner aux ‘affaires religieuses’ ainsi qu’à la portée à donner à ces règlements rapporte-t-il. Consulté – parmi un certain nombre d’autres chercheurs spécialistes des religions – par le pouvoir lorsque ce dernier travaillait à la mise au point de ces nouveaux règlements, le professeur Feng précise que le gouvernement a souhaité se donner les outils réglementaires afin de pouvoir continuer à gérer les affaires religieuses – et non les religions elles-mêmes – tout en évitant d’empiéter trop évidemment sur la liberté de religion des citoyens chinois, une liberté inscrite dans la Constitution de la République populaire.

Pour Anthony Lam Sui-ki, du Centre d’études du Saint Esprit, rattaché au diocèse de Hongkong, certaines des dispositions du nouveau texte pourraient signifier « un léger mieux » dans la manière dont Pékin a jusqu’ici géré ses relations avec les organisations religieuses. Anthony Lam souligne le fait que les fonctionnaires qui abuseront de leurs pouvoirs à l’égard de groupes religieux seront désormais susceptibles d’être poursuivis devant les tribunaux ou passibles de sanctions disciplinaires. « Les règlements précédents se limitaient à un ensemble de mesures administratives édictées en vue de gérer les organisations religieuses. Désormais, les textes mentionnent l’abus de pouvoir et ses conséquences. Ceci constitue une amélioration précise-t-il, tout en ajoutant aussitôt qu’il ne faut pas attendre du nouveau texte un changement majeur ni même immédiat dans la manière dont le pouvoir mène sa politique religieuse.

En octobre dernier (2), un responsable du Bureau des Affaires religieuses à Pékin estimait que « limiter l’autorité de l’Etat sur la religion [était] une conception révolutionnaire dans l’histoire chinoise Pour les observateurs, le nouveau texte va effectivement dans ce sens mais ne s’éloigne toutefois pas de la pratique habituelle du régime, pour qui « la stabilité sociale et l’harmonie » sont le fondement de toute nouvelle réglementation. Au nom de cette stabilité, le régime s’octroie le droit de dire qui, parmi les groupes religieux, a droit de cité et qui est rejeté dans la clandestinité et sujet à la répression. De même, au sein des groupes reconnus – l’Etat reconnaissant aujourd’hui cinq religions : le bouddhisme, le taoïsme, le catholicisme, le protestantisme et l’islam -, l’Etat se donne le droit de dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas.