Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er novembre au 31 décembre 2004

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

Réformes au Funcinpec

Le 10 novembre, le Funcinpec révèle enfin sa liste des gouverneurs et des vice-gouverneurs : trois gouverneurs restent en place, deux sont mutés, cinq remplacés ; sept vice-gouverneurs restent en place, vingt-cinq sont mutés, vingt-quatre remplacés. Vingt-deux anciens gouverneurs et vice-gouveneurs, qui ont appris leur remplacement sans aucune discussion préalable, demandent des explications, accusent la direction du parti d’avoir touché des pots-de-vin, demandent le remplacement de Sirivuth, secrétaire général du parti, accusé de favoriser un clan, ou même de vouloir saboter le parti. Ils se plaignent d’avoir versé de grosses sommes lors des dernières élections et de n’être pas payés en retour. Le 13 décembre, Ranariddh se lance dans un examen critique de leur travail dans la coalition gouvernementale. Il crée une commission pour régler le conflit, confiée à Nhiek Bun Chhay. Les officiels déplacés en appellent au roi Sihanouk, fondateur du Funcinpec, mais celui-ci refuse de se mêler d’une histoire interne du parti. Le 28 décembre, les frondeurs acceptent de présenter leurs excuses à Ranariddh, pour ne pas déshonorer le parti. “Je suis leur père. S’ils veulent me présenter des excuses, je les accepterai et leur pardonnerai répond le président du parti, à condition que ceux-ci ne posent pas de conditions.

Le 23 décembre, Ranariddh propose de créer des commissions mixtes entre le PPC et le Funcinpec pour éviter que le cauchemar de 1997 ne se reproduise. Il n’exclut pas une fusion avec le PPC. Heng Samrin, président honoraire du PPC exprime de sérieux doutes sur cette fusion, vu les idéologies et les histoires différentes. De toutes façons, cette fusion sera décidée par le congrès du PPC.

Pour Sam Rainsy, ce désir de fusion est le signe que le Funcinpec se reconnaît comme incapable de gagner les prochaines élections en 2008 et tente de sauver des postes. Pour ces futures élections, Sam Rainsy demande de changer la constitution, de sorte que le vainqueur puisse former un gouvernement avec plus de 50 % des suffrages des députés, et non plus des deux tiers.

Ranariddh déclare vouloir réformer le Funcinpec : il fait élire sa fille Ratana Dévi comme vice-secrétaire générale du parti.

La cour de Phnom Penh classe sans suite la plainte déposée par 63 députés contre Sam Rainsy l’accusant d’être à l’origine de l’abdication du roi, car cette accusation ne correspond à aucune infraction prévue par la loi. La plainte en diffamation portée par Ranariddh contre Sam Rainsy qui l’accusait d’avoir touché 30 millions de dollars pour participer au gouvernement de Hun Sen, est rejetée à plus tard. Sam Rainsy avait invité Ranariddh à régler la question à l’amiable, mais avait, par précaution, déposé une plainte auprès de l’Union parlementaire de Genève, qui risquait de ruiner la carrière politique du plaignant.

Audience royale

Le nouveau roi voulait instituer à nouveau la pratique du “Congrès national comme du temps de son père, où le peuple pourrait porter directement au roi ses doléances. La tenue de ce congrès est prévue par la constitution de 1993, cependant, le gouvernement se dit trop occupé par la sécheresse pour adopter les lois nécessaires. Par contre, le Premier ministre accepte de se présenter deux fois par mois devant le roi, en compagnie d’un ministre. La première audience a lieu le 24 décembre : le Premier ministre est accompagné du ministre de l’Agriculture qui décrit un beau tableau de la récolte de riz.

Montagnards

Plusieurs centaines de Montagnards des hauts plateaux vietnamiens continuent à se réfugier au Cambodge (certains sont arrivés à Phnom Penh, d’autres au chef-lieu provincial de Ratanakiri). Sept cent soixante-dix Montagnards, en majorité des Djarais, se sont placés sou la protection de l’UNHCR. Deux cent quatre-vingt-seize obtiennent le statut de réfugié politique, 126 se le voient refuser. Trois cent trente-trois attendent. Plusieurs dizaines d’entre eux refusent de partir aux Etats-Unis comme réfugiés. Ils pensaient que l’UNHCR allait les aider à récupérer leurs terres confisquées par les autorités vietnamiennes et les rétablir dans leurs droits. Ils expriment le désir de s’installer au Cambodge. Depuis le début de l’année, seuls 67 Montagnards ont trouvé refuge aux Etats-Unis ou en Suède. Le 17 novembre, treize personnes sont escortées à la frontière vietnamienne. On est sans nouvelles depuis. Les autorités vietnamiennes les accusent d’inciter les autres Montagnards au départ.

Le 30 décembre, le ministère de l’Intérieur fait savoir que les Montagnards qui n’acceptent pas le statut de réfugiés seront reconduits à la frontière. Selon Human Rights Watch, plus de 2 000 montagnards ont quitté leur pays depuis 2001, 180 auraient été condamnés à des sentences de trois à treize ans de prison ; les autorités vietnamiennes auraient arrêté les membres des familles de ceux qui ont quitté le pays et soixante Montagnards de la province de Gia Lai ont été arrêtés entre le 12 et le 24 décembre. L’ambassade vietnamienne au Cambodge dément toute persécution.

  Sept familles de Montagnards (d’ethnie Chroeung, Tampoun, Jaray et Kachok), comprenant 34 personnes, qui vivaient dans la jungle à la frontière entre le Laos, le Vietnam et le Cambodge, sont reconduites au Cambodge par les autorités laotiennes. Elles ne savaient pas que le régime Khmer rouge était tombé, ni que l’armée vietnamienne s’était retirée du pays, et que la paix y régnait désormais. En 1995, neufs Montagnards avaient été découverts dans des conditions similaires.

Procès des ex-responsables Khmers rouges

Le 10 décembre, la délégation de l’ONU chargée de mettre au point le tribunal devant juger les ex-responsables des Khmers rouges, fixe son budget à 56 millions de dollars, soit beaucoup moins que les tribunaux concernant la Serbie ou le Rwanda. Treize millions seront à charge du gouvernement, qui couvrira les frais quotidiens, l’entretien des bâtiments, le salaire de ses magistrats. En fait il ne devrait débourser que deux millions et faire appel aux dons bilatéraux pour régler la note. L’Australie s’est engagée à verser deux millions, le Japon trois millions, la France 2,3 millions. Le tribunal se tiendra dans le quartier général de l’armée nouvellement construit, bien équipé et sécurisé. Il pourrait se tenir durant la première moitié de 2005. Ranariddh et certaines ONG de défense des droits de l’homme s’interrogent sur la tenue du tribunal dans le quartier général de l’armée, ce qui risque d’intimider d’éventuels témoins.

ECONOMIE

Environnement international

Le 2 novembre, le Premier ministre Hun Sen se rend en Chine pour la troisième fois durant l’année, lors de l’inauguration de la foire Chine-ASEAN. Durant cette foire, la Chine signe un accord avec l’ASEAN, prévoyant la création d’un marché de libre-échange en 2010. La Chine accorde un don au Cambodge de 600 000 dollars pour déminer les environs de la route menant de Kratié à la frontière, route dont la Chine a financé la reconstruction (à hauteur de 66 millions sur un total de 70), et qui a commencé le 18 novembre,. “L’amitié entre Phnom Penh et Pékin est irréversible, non seulement dans le domaine économique mais également politique affirme Hun Sen.

Les 29 et 30 novembre, les onze membres de l’ASEAN se réunissent à Vientiane avec les représentants du Japon, de la Chine, de l’Inde, de la Corée du Sud, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. La Russie est représentée par son ministre des Affaires étrangères. Les quatre pays les moins développés (Cambodge, Laos, Birmanie, Vietnam), dont le PIB ne représente que 20 % de celui des autres pays, s’unissent pour demander de l’aide des plus riches. Les représentants des différents pays signent vingt accords majeurs, sur les 35 prévus, dont un accord prévoyant une zone de libre-échange la plus importante du monde d’ici 2010.

L’accord multifibre, signé il y a quarante ans, qui fixe les quotas d’importation de produits textiles aux Etats-Unis se termine le 31 décembre. Après la fin des quotas, on estime que la Chine prendra 50 % du marché mondial, l’Inde 15 %, les autres pays passeront de 24 à 10 %. Les opinions sur les répercussions économiques sur le Cambodge divergent profondément.

D’après le ministre du Commerce, quinze des plus gros acheteurs européens (22 % du total des exportations textiles) et américains (71 %), représentant 45 % du total des exportations textiles, n’envisagent pas de diminuer leurs commandes, ni même les réduire. Certains acheteurs américains ont en effet des réticences à s’approvisionner en Chine. Selon la Banque mondiale, 60 % des acheteurs étrangers désirent même augmenter leurs commandes, au vu des bonnes conditions de travail du Cambodge. Quatorze pays en voie de développement font du lobbying auprès de l’administration américaine (coût : un million de dollars) pour obtenir des avantages tarifaires à leurs exportations. D’autre part, depuis le début de l’année, vingt-deux investisseurs ont déposé un dossier d’implantation au Cambodge, dix entreprises existantes ont sollicité l’extension de leurs activités. Seules neuf usines ont fermé, mais pas pour des raisons de quota. Les carnets de commandes sont pleins jusqu’en mars. Cependant les mauvaises infrastructures nationales (routes, électricité, téléphone, banques), la corruption et des délais non fiables, mettent en danger la compétitivité du pays.

Certains acheteurs ont négocié une baisse des prix comprise entre 10 et 16 %. Pour devenir plus compétitifs, les patrons des industries textiles proposent un travail de nuit. Les syndicats demandent un tarif de 200 % supérieur à celui du travail de jour. Ils seraient d’accord pour une augmentation de 130 %, à condition que la durée du travail de nuit soit fixée à 42 heures, au lieu des 44 pour celui de jour, que les ouvrières soient reconduites chez elles, et que soient établis des contrats de deux ans. Certains employeurs jouent au chantage de la délocalisation pour pressurer leurs ouvriers. L’OIT (Organisation internationale du travail) continuera ses inspections des usines cambodgiennes jusqu’en 2009.

Agriculture

Sécheresse

Au début novembre, les pluviomètres de Pochentong enregistrent des précipitations d’une hauteur de 1 033 mm au lieu de 1 196 l’an dernier. La queue du typhon Muifa, dévastateur aux Philippines et au Vietnam, occasionne quelques pluies à la fin novembre, et permet de sauver une petite partie des rizières sinistrées.

Nhim Vanda, ministre pour la Gestion des Catastrophes naturelles, invite les gens à manger moins, pour éviter la tension et du diabète. Plus sérieux, le 1er décembre, Hun Sen invite les paysans à diversifier leurs cultures et à se mettre à l’élevage. Le gouvernement distribue 2 000 pompes, fait creuser plus de 100 puits, distribue 400 000 litres de gas-oil pour faire fonctionner les pompes, mais ces aides profitent le plus souvent aux seuls membres du PPC. Selon le Premier ministre, il y a 100 000 pompes au Cambodge. Il ordonne de réduire de moitié les 50 litres de carburant mensuels alloués aux fonctionnaires pour consacrer les sommes économisées au fonctionnement des pompes. Il demande également aux pagodes d’aider les paysans : “Il est mieux d’aider le peuple que de construire de grands temples dit-il. Le patriarche Tep Vong, de l’ordre Mohanikai, affirme avoir donné 6 000 litres de carburant au Conseil des ministres. Le ministère des Finances affirme avoir transféré 11 000 litres de gas-oil à celui de l’Agriculture.

Le Comité d’action pour les droits de l’homme propose que les officiels de haut rang, les membres du Sénat et de l’Assemblée nationale mettent la main au portefeuille.

Officiellement, 10 % de l’ensemble des récoltes seraient détruites. Les efforts gouvernementaux auraient sauvé 55 000 hectares de rizières. Le gouvernement dispose d’un stock de 3 000 tonnes de riz pour aider les villageois à faire face. Selon le ministre de l’Agriculture en visite auprès du roi, le stock de riz de l’année s’élèverait à 450 000 tonnes.

Plusieurs rizières ne sont même pas moissonnées, faute de grains dans les épis. Plusieurs milliers d’hectares de rizières sont brûlées accidentellement en diverses provinces, spécialement en celles de Battambang, de Bantéay Méan Chhey, de Kompong Cham et de Prey Veng, engendrant une perte d’environ 10 000 tonnes de riz. Deux incendiaires involontaires sont arrêtés dans les provinces de Battambang et de Pursat.

Un nombre de paysans pauvres partent louer leur force de travail clandestinement en Thaïlande, dans une proportion supérieure aux autres années. On dénombre des vols à main armée de boufs de plus en plus nombreux dans les campagnes, certains vont même jusqu’à voler le riz sur pied pendant la nuit.Vols de la faim.

Le 29 novembre, Hun Sen donne son accord pour interdire l’exportation illégale du riz vers le Vietnam et la Thaïlande, riz payé très bas en période de moisson (décembre-janvier), racheté très cher en période de soudure (septembre-novembre).

Une retenue d’eau à Trapéang Thmar, dans la province de Bantéay Méan Chhey vient d’être réparée pour 1,7 millions de dollars, qui permettra l’irrigation de 11 000 hectares de rizière en saison des pluies et 7 000 en saison sèche.

Le 8 décembre, un fonctionnaire du ministère pour les Ressources en eaux, affirme que 40 millions de dollars accordés par le GC seront affectés pour des projets d’irrigation. Il en faudrait deux milliards pour irriguer les 2,3 millions d’hectares de rizières du pays. Un barrage est prévu sur le Stoeung Kinit, dans la province de Kompong Thom, qui pourra irriguer 7 000 hectares, dont le coût s’élèvera à 30 millions : 16 millions de prêts de la BAD, 2,7 de l’AFD (Agence française de développement). Les travaux devraient être achevés en 2006. Mais, selon ce fonctionnaire, les donateurs mettent davantage leur priorité dans la santé et l’éducation que dans les investissements.

Selon le ministre de l’Agriculture, la pêche du petit poisson saisi pour faire du prahoc est passée de 10 000 à 40 000 tonnes.

Cultures vivrières

Une usine de manioc coréenne, qui a investi quatre millions de dollars, ne fonctionne que deux à trois mois par an, faute de matière première, alors qu’elle est conçue pour fonctionner 24 h/24. Une autre usine du même type fonctionne dans la région de Kompong Cham. La culture du manioc est d’un assez bon rapport, mais épuise les sols assez rapidement.

Les 6 300 familles habitant le Phnom Malay, ex-bastion des Khmers rouges, se sont lancées dans les cultures vivrières : 10 000 tonnes de maïs, 20 000 tonnes de soja, 1 000 tonnes de sésame. Seulement 30 % est vendu en Thaïlande, 70 % à des commerçants de Phnom Penh. La récolte de soja a presque doublé dans l’ensemble du pays, passant de 35 000 à 60 000 tonnes, grâce à de bonnes conditions climatiques (entre avril et juillet), de meilleures semences et l’augmentation des surfaces cultivées. Le prix à la tonne a baissé de 400 à 300 dollars.

Bois

Un rapport de Global Witness, évincée en 2003 de la surveillance des forêts, affirme que les coupes de bois continuent dans la zone protégée du Mont Aural, sous le patronage des hauts fonctionnaires et des généraux de Phnom Penh. Ces coupes concernent aussi bien le bois de construction que les essences précieuses, qui partent sur le Vietnam. En avril 2004, l’association a repéré 450 tronçonneuses, ainsi qu’une centaine de scieries. La loi forestière est utilisée par tous les rouages du pouvoir pour extorquer de l’argent aux auteurs de crimes forestiers : le chef de district perçoit 20 dollars au mètre cube ; l’administration de protection des forêts 50 dollars, et ainsi de suite. Les bois et équipements confisqués sont revendus ou utilisés par l’entreprise de l’auteur de la saisie. L’association énumère tous les échelons de la hiérarchie, jusqu’aux gardes du corps de Hun Sen. Elle dénonce le silence complice des bailleurs de fonds.

Le 17 novembre, trois officiers de la police des forêts de Kratié qui ont confisqué du bois de luxe sont battus par des inconnus, qui ne sont autres que des policiers.

Le 22 novembre, environ deux cents responsables locaux montent une opération pour arrêter la déforestation illégale par les militaires. Quelques jours plus tard, un villageois de Kratié est violemment attaqué par des militaires, et doit être hospitalisé. Les auteurs de l’attaque sont arrêtés.

Durant la dernière semaine de décembre, deux défricheurs de la forêt près de Bantéay Srey sont arrêtés.

Ressources pétrolières et minières

La société pétrolière américaine Chevron-Texas aurait découvert une réserve de plus de 400 millions de barils de pétrole et cinq milliards de mètres cube de gaz, à 90 miles des côtes cambodgiennes. Deux mille puits sont déjà en exploitation dans la partie thaïlandaise et mille dans la partie vietnamienne, ce qui pousse les autorités cambodgiennes à vouloir commencer l’exploitation au plus tôt, pour éviter que les réserves ne coulent chez leurs voisins. Le FMI demande cependant d’attendre que des structures légales soient mises en place pour régler l’exploitation pétrolière. “Pourquoi devrions-nous attendre répond Ranariddh, Ce pétrole appartient aux Cambodgiens” (du moins à certains d’entre eux !). Cette découverte rend cependant sceptiques beaucoup sur la rentabilité de ce petit gisement.

Le 22 novembre, en contradiction totale avec la loi cambodgienne, le ministère de l’Industrie et des Mines accorde le droit à une obscure société de prospecter dans la zone protégée du massif de l’Aural, pour y rechercher d’éventuels minerais.

Au début décembre, le ministère de l’Industrie interdit l’exploitation des mines de Païlin, qui sont de fait, épuisées. Il en resterait deux encore importantes et intactes, au Phnom Troap et au Phnom Thouren.

Taxes

Le 14 décembre Hun Sen exige une meilleure collecte des taxes, et fixe l’objectif à 12,1 % du PIB. 60 % du montant des taxes perçues iront aux provinces pour leurs dépenses structurelles, 30 % récompenseront les fonctionnaires zélés, 10 % sera versé à une caisse pour la lutte contre la corruption. Immédiatement, les prix montent sur les marchés, les vendeurs répercutant les taxes à percevoir sur le prix des denrées, dont les importateurs ne payaient que 70 % des taxes prévues. Le Premier ministre annonce également une hausse de 15 % des salaires des fonctionnaires – mesure à l’impact limité pour ceux des fonctionnaires qui touchent 30 dollars par mois. Il ajoute qu’éventuellement il prendra directement le contrôle de l’armée et de la police pour réprimer la contrebande, sans en référer à ses ministres. Le directeur du service des recouvrements des taxes au ministère des Finances est limogé “pour incompétence et remplacé par son adjoint. Le 16 décembre, le Premier ministre ordonne la suppression immédiate de tous les postes de contrôle illégaux sur les routes du royaume.

Les déclarations du Premier ministre sont bien accueillies par les milieux d’affaires, qui restent cependant sceptiques sur leur application. Selon eux, les officiers des douanes sont plus corrompus que ceux de la police.

La contrebande de produits pétroliers en provenance du Vietnam est plus florissante que jamais.

Système bancaire

Le 1er novembre, ANZ Banking Group, l’un des quatre plus importants groupes financiers australiens, signe un accord avec le groupe cambodgien Royal Group, pour ouvrir deux filiales à Phnom Penh et à Siemréap. Le groupe investit 9,9 millions de dollars. L’Australie est l’un des plus importants pays donateurs d’aide (30 millions par an, soit à peu près autant que la France). D’après le directeur de la Banque nationale, les dépôts effectués durant l’année seraient en augmentation de 22 % par rapport à l’année dernière, manifestant par là, la confiance au système bancaire cambodgien. Les prêts seraient en augmentation de 19 %.

Budget 2005

Le 16 décembre, 92 députés sur 103 présents, y compris, pour la première fois ceux du PSR, adoptent le projet de budget pour 2005. Ce budget se chiffre à 795 millions de dollars, soit une augmentation de 43 millions par rapport à celui de 2004. Le ministère de l’Education nationale, officiellement du moins, recevra 91 millions, celui de la Santé 79 millions, celui de l’Agriculture 12,5 millions, le Développement rural 6 millions. La Défense, on s’en doute, en période de paix, rafle 117,2 millions. Vingt-deux millions sont prévus pour le remboursement de la dette publique. Rien n’est prévu pour le tribunal des ex-responsables khmers rouges. La croissance est prévue à 2 %. On prévoit une augmentation de 21,3 % des recettes des impôts, et 19,5 % de celle des taxes d’importation. L’opposition s’étonne de ce que l’exploitation des forêts ne rapporte que huit millions, les pêches que deux millions, rien de l’hévéaculture (qui en 1970 représentait 40 % des rentrées en devises). Alors que le nombre de touristes ne cesse d’augmenter, (44 % en 2004), les recettes attendues sont en baisse, peut être à cause de la tendance à des séjours de plus en plus courts.

AIDES ET INVESTISSEMENTS

De janvier à octobre, les investissements s’établissent à 48 projets pour une valeur totale de 206 millions de dollars, dont cinq projets représentant 8,53 m dans le tourisme (en 2003, 37 projets pour une valeur de 219 m, dont neuf projets représentant 19,64 m dans le tourisme). Le tourisme représente 12 % du PIB. Il convient d’ajouter onze projets d’expansions, qui totalisent 61 millions. Les investissements locaux sont en augmentation : 71 millions contre 41 en 2003, mais avec moins de projets. Les Cambodgiens (vingt projets) et les Asiatiques sont les principaux investisseurs (Chine : 15 projets ; Taïwan : 6 ; Malaisie : 6 ; Singapour : 3 ; Corée : 2 ; Thaïlande : 2 ; Grande-Bretagne : 2 ; Japon : 1 ; Etats-Unis : 1 ; Canada : 1. Ces investissements étrangers représentent 132 millions de dollars (contre 66 en 2003).

Le 9 novembre, l’Union européenne accorde une aide de 500 000 euros pour doter le Cambodge d’outils lui permettant de procéder aux contrôles de qualité et de conformité des produits destinés à l’exportation.

Durant la seconde semaine de novembre, la BAD signe l’octroi d’un prêt de 92 millions de dollars pour quatre projets de développement dans le domaine agricole.

Le 15 novembre, la Banque mondiale (BM) rappelle qu’elle a accordé, en décembre 2003, un crédit de 40 millions de dollars pour l’électrification des campagnes. Ce plan s’élève à 125 millions, financés par la BAD, le Fonds nordique de développement et le gouvernement. Actuellement, seuls 15 % des foyers disposent d’électricité.

Le 22 novembre, la BM annonce sa décision d’exclure cinq personnes et quatre sociétés, dont la société française Thales, pour malversation dans le processus de démobilisation de 15 000 soldats. Tout financement est suspendu depuis le 1er novembre. L’opération lancée en 2001, prévoyait la démobilisation de 30 000 soldats, par tranche annuelle de 15 000, pour un montant total de 42 millions de dollars. Un premier versement de 18,4 millions a été effectué en 2001. En 2002, la BM avait suspendu ses versements, pour “faiblesse du cadre institutionnel”. La société Thales, des sociétés chinoises et cambodgiennes auraient surfacturé les motos remises aux militaires pour 6,9 millions de dollars. La BM réclame à ces sociétés le remboursement de 2,8 millions de dollars. Officiellement les opérations de démobilisation se terminent le 31 décembre.

Le 2 décembre, est inauguré le port de l’homme d’affaires cambodgien Mong Rethy. Hun Sen en profite pour affirmer que les investisseurs de moins de deux millions de dollars pourront demander des autorisations directement aux autorités provinciales.

Le 2 décembre, l’UE accorde une aide de 25 millions d’euros pour appuyer les activités de développement de longue durée dans les provinces de Bantéay Méan Chhey, Siemréap et Battambang. Le 30 décembre, l’UE débloque 900 000 dollars pour financer un projet-pilote de gestion administrative dans les villes de Siemréap et de Battambang.

Le 8 décembre, est signé un contrat de construction de onze millions de dollars pour la construction d’une route reliant Banteay Méan Chhey à la frontière thaïlandaise, à Balila. Les constructeurs sont autorisés à prélever un péage sur les véhicules qui emprunteront cette route.

La SCA (Société concessionnaire de l’aéroport) accorde une licence de cinq ans à la Thaï Airways pour la maintenance des avions à l’aéroport de Pochentong et de Siemréap. La Thaï faisait déjà la maintenance de huit des quatorze compagnies transitant par ces aéroports.

Les travaux de réfection des 152 km. reliant Koh Kong à Sré Ambel, qui doit comprendre quatre ponts, recommencent, ils seront achevés d’ici deux ans, et financés par deux prêts d’une valeur totale de 19 millions de dollars, accordés par la Thaïlande. Cet axe pourrait devenir un axe important d’échanges routiers avec la Thaïlande.

Les cinq jours de la foire vietnamienne du 15 novembre, montre l’accroissement du commerce avec le Vietnam : le Vietnam a officiellement exporté pour 275 millions de dollars vers son voisin, durant les six derniers mois, auxquels il faut ajouter 500 millions de marchandises passés en contrebande. Officiellement le Vietnam a importé pour 75 millions de produits cambodgiens.

Les chemins de fer royaux ont importé deux motrices de Chine, il est prévu d’en importer dix autres et 300 wagons dans les cinq années à venir. Le matériel roulant est actuellement de neuf à dix locomotives, cinq wagons voyageurs, 30 à 35 citernes, environ 80 wagons de marchandises. La liaison entre Phnom Penh et Battambang est effectuée tous les jours, celle avec Sihanoukville environ quinze fois par semaine.

La BAD promet un prêt de 20 millions de dollars, sur vingt-quatre ans, pour aider au développement des petites et moyennes entreprises, qui emploient 45 % de la main d’ouvre disponible. Le nombre des PME a augmenté de 12 % depuis 1999. Un groupe financier américain Shorecap International prête 750 000 dollars pour du micro-crédit en direction des femmes.

La Chambre de commerce franco-cambodgienne élit Jean-Boris Roux (RM Asia) à sa présidence.

REUNION DU GROUPE CONSULTATIF

Tous les trois ans, les pays donateurs d’aides au pays se réunissent dans un Comité consultatif (Consultative Group, CG). Le CG n’a pas pu se réunir en 2003 comme prévu, à cause de la crise politique cambodgienne. En dépit de toutes les critiques émises de divers côtés, l’aide internationale demeure à peu près égale à celle du passé.

Au début du mois de novembre, l’USAID (agence des Etats-Unis pour le développement) publie un rapport accablant sur la corruption du gouvernement cambodgien et l’absence de réalisations des réformes promises lors des précédentes réunions du GC. Selon l’USAID, la corruption amputerait les ressources de l’Etat de 300 à 500 millions de dollars.

Plus de 200 ONG se réunissent le 30 novembre, et demandent que les aides soient conditionnées à l’efficacité des mesures annoncées. Les ONG ne demandent pas la suppression des aides, mais le consensus sur une stratégie claire : “L’argent est un instrument puissant pour créer une volonté politique.” En dépit des milliards d’aides apportées depuis 1993, le niveau de vie du peuple ne s’est pas amélioré, le taux de mortalité infantile a progressé.

Le 1er décembre, la BM présente son rapport : “Le Cambodge à la croisée des chemins très critique sur la corruption et les réformes promises non réalisées. Les recettes de l’Etat ne se montent qu’à 9 % du PIB (15 % au Laos, 16 % dans les pays pauvres voisins), du fait que les grandes entreprises ne paient pas d’impôts, mais des pots-de-vin, représentant 5 à 6 % de leur chiffre d’affaires, soit le double qu’au Bangladesh, au Pakistan ou en Chine. Les paysans sans terres représentent entre 12 et 15 % de la population, l’attribution des concessions est jugée “opaque” et inéquitable. Selon la BM, Les pays donateurs devraient “faire partie de la solution, plutôt que du problème, en absorbant 50 % de l’aide en coopération technique (salaires, rapports, voyages, etc.), en se substituant parfois aux experts locaux, au lieu de construire les capacités du Cambodge. En 2002, le salaire des 800 experts étrangers a représenté 162 millions de dollars, soit 21 % des aides (salaire moyen : 15 000 dollars), plus que tous les 300 000 salariés de l’exécutif cambodgien (salaire officiel : 40 dollars).

Selon Amnesty International, le Cambodge n’a tenu aucun de ses engagements en matière de réforme du système judiciaire. Selon Human Rights Watch, aucune amélioration n’est à signaler quant au respect des droits de l’homme. Selon Global Witness, la corruption, l’incompétence et les actes illégaux n’ont fait qu’empirer dans l’exploitation des forêts.

Avant la tenue du GC, le gouvernement prend des mesures pour créer un climat psychologique favorable :

Le 5 décembre, le Premier ministre lance une réforme des finances publiques, pour rendre plus crédible le budget national.

Le 6 décembre, une vingtaine d’ONG de défense des droits de l’homme, regroupant 300 personnes sont autorisées à manifester. Depuis le 29 janvier 2003, date des manifestations violentes contre l’ambassade de Thaïlande, toutes les manifestations publiques sont interdites. Le gouvernement veut montrer qu’il respecte les droits fondamentaux. Mais “c’est une supercherie affirme un président d’association. Les manifestations seront à nouveau interdites par la suite.

Les bailleurs de fonds accordent 504 millions de dollars, soit 131 millions de moins qu’en 2002. Cependant, cette différence est surtout le fruit d’un calcul différent qui n’inclut pas l’apport des ONG, ce qui réduit l’aide de 2002 à 514 millions. Les sommes allouées par les donateurs multilatéraux sont en baisse (la BM passe de 70 à 45), mais l’aide bilatérale en légère hausse. Le Japon fait passer son aide de 130 à 123, pour donner un avertissement : “Nous n’avons pas constaté les progrès que tout le monde attendait déclare l’ambassadeur du Japon. La France maintient son aide à 30 millions, en appelant le gouvernement à faire les réformes nécessaires. Les bailleurs se sont contentés des mêmes recommandations pieuses. La BM renouvelle ses avertissements : désormais son aide sera fonction des performances, le Vietnam, par exemple, a vu son aide passer de 2,8 à 3,4 milliards de dollars, en fonction de ses bons résultats.

La société civile se réjouit du changement de la stratégie des bailleurs de fonds qui ont parlé d’une seule voix, ainsi que du fait que les pays donateurs et le gouvernement se réuniront tous les trois mois pour évaluer les progrès effectués dans l’agenda des réformes. La prochaine réunion est fixée le 7 mars.

Le 15 décembre, Ruom Ritt, “ami d’enfance du roi Sihanouk” (nom de plume de l’ancien monarque) commente : “Les donateurs sont parfaitement et impeccablement kafkaïens” en donnant des “aides sonnantes et trébuchantes” au Cambodge actuel, “archi-pourri, faussement démocratique et territorialement rétréci à cause de sa “position stratégique de premier plan Il s’indigne du fossé gigantesque séparant “le Cambodge des riches et puissants et le Cambodge des pauvres et lésés de toutes façons”.

SOCIETE

Un recensement mené en mars donne une population totale du pays à 13 millions d’habitants. La taille des familles semble diminuer, le taux d’alphabétisation augmenter. 38,8 % de la population est âgée de moins de 15 ans, 50 % est comprise entre 15 et 49 ans.

Des équipes mobiles d’officiers d’état-civil, financées par la BAD et l’Unicef, se rendent dans les communes pour procéder aux actes d’enregistrements divers, au lieu que la population ne se déplace. Cela a permis la multiplication des actes enregistrés par dix.

Justice

On pouvait penser que l’élection de Suon Visal comme bâtonnier, le 18 octobre, en remplacement de Ky Tech, aligné sur le pouvoir, annonçait un début de changement dans la justice. Cependant, le 19 novembre, la cour d’appel de Phnom Penh, lors d’une séance à huis clos, annule l’élection de Suon Visal et renomme Ky Tech dans ses fonctions. De nouvelles élections devront avoir lieu dans trois mois. Onze des dix-neuf membres du bureau du Barreau refusent cette décision, comme contraire à la loi.

Le 16 décembre, Hun Sen félicite la justice pour avoir condamné son propre neveu à la prison. Cependant on apprend que son neveu, Nhim Sophéa, incriminé pour avoir tué trois personnes avec un fusil d’assaut AK 47, le 27 octobre 2003, lors d’un accident de la circulation, a été acquitté le 19 août, lors d’un jugement à huis clos par la Cour d’appel. Ni les parents des victimes, ni leurs avocats n’étaient convoqués. On a fait porter la responsabilité des meurtres sur un certain Sam Deun, que personne ne connaît, personnage fictif vraisemblablement inventé pour la cause.

Le 29 décembre, deux Thaïlandais et un Cambodgien musulmans, arrêtés en mai-juin 2003, avant et après la venue de Colin Powell, sont condamnés à la perpétuité, après vingt mois de détention. Un Egyptien est acquitté, faute de preuve ; trois autres, dont Hambali, sont condamnés par contumace. Les condamnés sont accusés d’être en lien avec la Jemaah Islamiah, impliquée dans l’attentat de Bali en 2002 et de l’hôtel Marriott de Djakarta en 2003. Les preuves à charge reposent sur des informations fournies par les services de renseignement américains, non dévoilées, et sur la foi d’un seul témoin, chauffeur de moto-taxi, nommé Than Lundy, de Siemréap, qui ne parle pas anglais, ni ne semble connaître Phnom Penh, et qui affirme avoir entendu ses passagers comploter un attentat contre les ambassades américaine et anglaise. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne félicitent le gouvernement pour le bon fonctionnement de la justice. Le porte-parole du gouvernement regrette l’acquittement de l’Egyptien. La plupart des ONG de défense des droits de l’homme financées par les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne restent silencieuses. Seul le Bureau des Nations Unies se dit “préoccupé par les irrégularités” constatées durant le procès.

La justice ne compte que 120 juges et 65 procureurs. Ils reçoivent un salaire compris entre 330 et 640 dollars.

Les Cambodgiens règlent la majorité de leurs conflits hors du système légal, 44 % des cas nécessitent la médiation des aînés, d’autres celle du chef de village, un sur cinq des cas est porté plus haut. On dénombre, par contre, dix-neuf lynchages durant l’année, encouragés par la tolérance des autorités. Personne n’a été arrêté pour ce type de crime.

Sept membres supposés des CFF (Combattants Khmers pour la Liberté), condamnés à trois ans de prison en juin 2001, n’étaient toujours pas libérés en décembre 2004, après avoir purgé la totalité de leur peine.

Les ONG de défense des droits de l’homme protestent contre une rafle d’enfants des rues dans la nuit du 3 novembre, envoyés dans un véritable centre de détention en dehors de Phnom Penh, où personne ne peut entrer.

Mouvements sociaux

Le ministre du Commerce argue des bonnes conditions sociales dans les usines de confection textile pour attirer de potentiels acheteurs. Cependant, de nombreux mouvements sociaux prouvent que le respect des lois sociales laisse encore à désirer :

Le 4 novembre, les ouvriers de l’usine de textile KP Garment se mettent en grève pour demander le paiement de la moitié du salaire de 160 d’entre eux licenciés le 29 octobre, officiellement pour absence de commandes. Les machines à coudre ont été emportées par la direction avant la grève. Les ouvriers redoutent qu’elles ne soient louées à une autre société. Le 23 décembre, 57 ouvrières manifestent pour obtenir des indemnités après la fermeture de leur usine. Elles n’ont reçu que 45 dollars, alors que certaines d’entre elles y travaillent depuis six ans.

Le 5 novembre, 700 ouvriers de l’usine United Garment de Siha-noukville reprennent le travail après la décision de la direction d’ac-cepter le paiement des trois jours fériés pour le couronnement du roi.

Le 5 novembre, l’usine de confection textile Luen Thaï ferme ses portes, laissant 1 800 employés au chômage. En octobre, elle avait annoncé son intention de quitter le pays en raison des troubles sociaux et du manque de commandes. 1 600 employés acceptent de signer une feuille de départ volontaire, 200 refusent.

Le 22 novembre, deux entreprises de confection textile sont sanctionnées pour violations du code du travail, pour une somme totale de 1 250 dollars. C’est un premier pas vers une implication des instances judiciaires pour le respect du code du travail.

Le 24 novembre, soixante-dix policiers d’une brigade d’intervention font grève pour protester contre l’amputation de leurs salaires, pour n’être pas présents 24 heures sur 24 à leur lieu de travail. Les salaires étant trop bas, certains policiers gagnent leur vie comme moto-taxi. L’un d’entre eux est déshabillé et battu.

Le 8 décembre, 300 ouvriers de l’usine de textile Ho Hin manifestent pour la réouverture de leur usine. Le 19 novembre, la direction avait renvoyé trois délégués syndicaux, déclenchant ainsi une grève jusqu’au 24. Le 29 novembre, l’usine est fermée, officiellement pour manque de commandes. Le 15 décembre, cent ouvriers manifestent pour réclamer leurs salaires et leurs indemnités de licenciement. Deux cents d’entre elles qui manifestaient devant la maison de Hun Sen le 24 décembre, sont dispersées violemment par la police : Hun Sen est trop occupé par la préparation du mariage de sa fille.

Le 22 décembre, un délégué syndical du SIORC de l’usine Terratex Knitting est agressé à coup de chaîne à laquelle est attaché un cadenas. C’est la onzième agression d’un délégué syndical de l’année.

Le 28 décembre, une trentaine d’employés de l’usine You Cheng rattrapent la gérante de leur usine à Pochentong, qui tentait de fuir sans payer ses 428 ouvriers. L’usine sera fermée du 1er janvier au 15 février. Elle est internée à la police de l’Immigration, puis libérée sur intervention de son avocat et de l’ambassade de Chine. Elle signe un papier autorisant la vente du matériel de l’usine si elle ne rentre pas au Cambodge.

Les petits commerçants du centre commercial Sorya se mettent en grève suite à l’annonce d’une augmentation du loyer de leurs échoppes pouvant s’élever jusqu’à 40 %. Une solution à l’amiable est trouvée pour une augmentation entre 5 et 20 %.

Rong Chum, déjà président de l’AIEC (Association indépendante des enseignants du Cambodge), est élu président d’une Confédération syndicale.

Spoliations de terres

Le 18 octobre, le Premier ministre Hun Sen demandait aux hauts fonctionnaires ou militaires de rendre les terres confisquées aux paysans. Cette déclaration semble n’avoir été qu’un effet d’annonce pour les Etrangers, avant la tenue du GC. Les faits résistent aux paroles :

Le 5 novembre, 65 paysans de la province de Kompong Speu manifestent devant l’Assemblée nationale contre la spoliation de 195 hectares leur appartenant bien avant 1997, et accordés le 17 août dernier à une société agro-alimentaire pour y planter des anacardiers (des noix de cajou) et des acacias.

Dans les provinces de Pursat et de Kompong Chang, 318 028 hectares sont accordés à la Phéapimex, société très proche de Hun Sen, pour y planter des acacias, en vue de produire de la pâte à papier. Environ 500 villageois vivent sur cette concession et y cultivent des rizières. En 2000, le gouvernement avait accordé 30 000 hectares à la dite société, mais avait dû battre en retraite devant l’opposition populaire. Selon la loi de 2001, aucune concession ne peut dépasser 10 000 hectares. Les travaux de déboisement commencent le 10 novembre. Les différents ministères se rejettent la responsabilité de l’octroi de cette concession. Une grenade est lancée dans la nuit du 12 novembre sur un groupe de villageois qui manifestent. Huit personnes sont blessées. On accuse évidemment les responsables du mouvement de protestation d’avoir lancé la grenade, mais il semble que ce soit le fait d’un agent de la Phéapimex, en collaboration avec la police. Après une semaine d’arrêt, les travaux de défrichage recommencent, sous protection de policiers qui se prétendent gardes du corps de Hun Sen. Le 30 novembre, des policiers et militaires bloquent une manifestation de cent paysans sous prétexte qu’ils n’ont pas d’autorisation du ministère de l’Intérieur (la loi de 1991 ne demande que l’autorisation des autorités locales). Les villageois suspendent leur manifestation pendant la moisson. Les villageois sont depuis sans cesse harcelés par des policiers qui veulent les intimider.

A Mondolkiri, la société chinoise Wuhishan, soutenue par Cheng Sophéap, directeur de la fameuse Phéapimex, a reçu une concession de 10 000 hectares, qu’elle nettoie avec des herbicides, pour y planter des acacias. Plus de 2 000 Montagnards, non consultés préalablement, protestent en vain. Hun Sen prévoit d’accorder 199 999 hectares à la dite société, en contradiction avec les lois du royaume. Il faut signaler que ces plantations sont catastrophiques pour l’environnement.

Le 15 novembre, neuf villageois sont arrêtés à Sihanoukville lors de manifestations pour réclamer 125 hectares de terres confisquées par l’administration. Trente sont arrêtés le lendemain. Soixante-douze autres fuient se réfugier à Phnom Penh. Treize des personnes emprisonnées sont relâchées le 23 décembre.

Le 19 novembre, une centaine de personnes, représentant 133 familles de Stoeung Trang, manifestent devant l’Assemblée nationale pour protester contre Sim Vanna, directeur de la plantation de Boeung Ket, qui en 1997 a dépossédé les paysans des 431 hectares qu’ils cultivaient.

Dans la région de Bavel, plus de cent paysans, représentant 112 familles, moissonnent la rizière sur 180 hectares de terres qui ont été vendues illégalement par un ancien chef khmer rouges à 46 familles, sans en consulter les occupants. Le 22 novembre, deux membres des 112 familles sont arrêtés. Le 5 décembre, 30 autres sont arrêtées.

Le 22 novembre, les autorités de Kratié brûlent cent maisons de personnes établies illégalement dans une zone protégée.

Le 5 décembre, sept ou huit militaires de l’unité 31 basée à Kompong Speu tentent d’expulser 150 familles du village de O Kalaung. Ils incendient une vingtaine de maisons et blessent quatre villageois qui affirment avoir défriché cette terre depuis 1987. Les policiers sont arrêtés.

Le 7 décembre, un général conseiller au ministère de l’Intérieur est arrêté pour avoir fourni de faux titres de propriété.

Ordre est donné le 6 décembre à 134 familles vivant sur l’île de Koh Pich, en face du casino Naga, de quitter les lieux. “Une puissante et riche personne doit vouloir s’accaparer de ce terrain estime un résident.

Le 24 décembre, la police et les autorités locales battent en retraite devant une foule de deux cents personnes protestant contre la décision de justice de les déposséder de leurs terres, au profit d’un chef militaire.

Santé

71 258 cas de malaria ont été répertoriés en 2003, dont 3 762 dans la province de Païlin, 4 640 dans celle de Kampot, 7 032 dans celle de Pursat, 2 935 dans celle de Stoeung Treng. L’Allemagne fournit une aide de 79 242 dollars pour un programme pilote de lutte anti-malaria.

Le 1er novembre est inaugurée une extension de l’hôpital Sihanouk, construit pour les plus démunis, par un don de 120 000 dollars de la part d’un riche Japonais. Cet hôpital prodigue chaque jour des soins à 300 personnes. Le 12 novembre, un bâtiment de 1 000 m est inauguré dans l’hôpital Préah Kossomak pour les consultations externes et les malades du sida. Ce bâtiment a été financé à hauteur de 162 000 dollars par le gouvernement japonais. Médecins du monde y a transféré son quartier général. Le 23 novembre, un nouvel hôpital est ouvert à Bantéay Méan Chhey, équipé avec une unité chirurgicale et une de rayons X, pour les 180 000 habitants du secteur. Une ONG chrétienne et RCHA ont financé les 80 000 dollars nécessaires à sa construction.

Le 10 novembre, la société pétrolière Sokimex, très proche du pouvoir, annonce la création d’un immense hôpital construit en collaboration avec la municipalité de Ho Chi Minh-Ville. Sa construction demandera un investissement de vingt millions, sur un projet de 50 à 60 millions. Deux sites sont à l’étude. Un groupe d’hommes d’affaires thaïlandais est également sur un projet semblable, avec un investissement de Singapour.

Le 1er novembre, la société Vanvymex (qui partage les mêmes locaux que la société Phéapimex, proche de Hun Sen), reçoit la concession d’importation de 162 médicaments. Son président accompagne Hun Sen en Chine.

Le 10 novembre, la Commission européenne accorde une aide de 3,5 millions d’euros pour améliorer la santé des enfants : purification de l’eau et amélioration des conditions d’hygiène.

Le 14 novembre, le Premier ministre déplore la corruption qui règne dans le système de santé, et qui empêche la bonne répartition des médecins sur le territoire khmer : “70 % des médecins sont au service de 30 % de la population, dans les grandes villes et chefs-lieux de province.”

Les 18-24 novembre se tiennent à Phnom Penh la sixième édition de “Cambodge Santé qui rassemble des spécialistes de dix-sept nations, avec plus de 300 communications et 1 800 participants, suivies d’une “Journée de pharmacie”, avec l’étude de plantes médicinales, puis des “Journées de la chirurgie”, avec 80 communications.

La route tue plus que les mines : en 2003 on a dénombré 824 accidents, faisant 2 714 blessés graves, et plusieurs milliers de blessés légers. Pendant la même période, les mines ont tué environ 116 personnes et blessé 656 autres. D’après un rapport de la BAD, le Cambodge perd annuellement 116 millions de dollars, soit 3,1 % de son PIB, à cause des accidents de la route. C’est le plus haut pourcentage de la région, qui pourtant est déjà très élevé : l’ASEAN comprend 14 % du parc mondial de véhicules, mais représente 44 % des morts par accidents routiers. Pour la seule fête des eaux (25-27 novembre), on déplore 68 accidents, qui ont fait 27 morts et 137 blessés, dont 65 grièvement. Les accidents occupent la troisième position dans les problèmes de santé publique. Le 8 décembre, Handicap International distribue des casques à 1 500 élèves. Seulement 8 % des conducteurs de motos portent un casque, alors que 74 % des victimes d’accidents sont des conducteurs de motos.

L’Allemagne annonce une aide de 835 000 dollars pour le déminage des provinces d’Oddar Méan Chhey et de Siemréap.

Drogue

Le 21 novembre, une Cambodgienne est arrêtée à Poïpet, en possession de 8 000 cachets d’amphétamines.

Le 8 décembre, Wong Moon Chi, un Hongkongais, arrivé au Cambodge depuis 1992 et sans doute un gros patron de la drogue, est arrêté puis extradé, en collaboration avec les polices étrangères. Il serait impliqué dans une vingtaine de grosses affaires de trafic sur Hongkong, l’Australie et les Etats-Unis.

Trafic d’êtres humains

Le 16 novembre, le Premier ministre préside une conférence de deux jours sur le trafic d’êtres humains. Selon un rapport diffusé lors de cette conférence, 20 000 personnes sont engagées dans la prostitution, dont 20 % contre leur gré ; 90 000 personnes seraient entrées illégalement en Thaïlande, dont 800 à 1 000 sont renvoyées chaque jour au Cambodge. Selon le Premier ministre, l’urgence est de combler les lacunes juridiques dont profitent les trafiquants au détriment des victimes.

Suite à la sortie du film Holy Lola, le 1er décembre, Jean-Pierre Raffarin débloque onze procédures d’adoptions d’enfants cambodgiens par des couples français. Coïncidence, le 19 novembre, une américaine, Lauryn Galindo, qui avec sa sour ont “facilité”, en 2001, l’adoption de 700 enfants, est condamnée dans son pays à dix-huit mois de prison. Elle renvoie la faute aux différents ministères cambodgiens à qui elle affirme avoir remis 3 500 dollars par ministère et par bébé. Les propos de Xavier Darcos, ministre de la Coopération, en visite au Cambodge, voulant régler les adoptions avec l’administration, semblent faire preuve d’irréalisme.

Le 8 décembre, soit le lendemain de la réunion du GC, durant lequel la gouvernement s’est engagé à faire des réformes, et l’avant veille de la journée internationale des droits de l’homme (fériée au Cambodge), une trentaine d’hommes, dont certains en armes et en uniformes militaires, débarquent au siège de l’ONG Afésip (Agir pour les femmes en situation précaire), et embarquent 83 femmes qu’une opération du service de lutte contre le trafic humain du ministère de l’Intérieur avait sorties la veille de l’hôtel Chai Hour II où elles étaient vouées à la prostitution. Près de la moitié sont des mineures, et dix d’origine vietnamienne. Des témoins oculaires voient les jeunes femmes emmenées dans des voitures de luxe, un véhicule porte une plaque d’immatriculation de l’armée. La police arrête sept personnes, dont cinq hommes, qui sont remises en liberté sur ordre venu d’en haut. Les policiers de l’unité d’élite en faction devant l’Afésip avaient abandonné leur poste. Des menaces de mort sont proférées à l’encontre des dirigeants de l’Afésip. Les ambassades américaine et française réagissent.

Le 10 décembre, 59 filles manifestent devant l’ambassade américaine contre l’Afésip, pour enlèvement et séquestration, visiblement manipulées par la direction de l’hôtel. L’Afésip accuse le patron du Chhai Hour, visiblement un gros bonnet de la prostitution chinoise, qui aurait versé 100 000 dollars pour mener le raid contre l’Afésip. Il était lui-même présent sur les lieux. Cet établissement est fréquenté par les “très haut fonctionnaires” qui payent des sommes astronomiques pour avoir des rapports sexuels avec des vierges.

La générale Un Sokhunthéa et son adjoint, chefs du service de lutte contre le trafic d’êtres humains au ministère de l’Intérieur, sont suspendus de leurs fonctions, pour “insubordination” et “diffusion de fausses nouvelles Le service avait lancé une enquête depuis plusieurs mois, puis organisé la libération des 83 filles en collaboration avec l’Afésip. Devant la réprobation unanime des ONG de défense des droits de l’homme, deux commissions inter-ministérielles sont créées pour enquêter sur l’affaire. Les témoins sont interrogés en présence du staff de l’hôtel. Les ONG de défenses des droits de l’homme et les ambassades refusent de participer aux deux commissions d’enquête et déclarent enquêter selon leurs principes.

C’est “un bon exemple de crime organisé au niveau politique. Pourquoi ces syndicats du crime ont un accès politique plus facile que ceux qui veulent promouvoir la justice et éradiquer l’esclavage ? s’interroge Pierre Legros, fondateur de l’Afésip.

Education

Le 27 novembre, Rong Chum, président de l’Association indépendante des enseignants du Cambodge (AIEC), est reconduit dans ses fonctions pour quatre ans, par 99 voix sur 150 délégués, dont 110 venant de province. Le congrès désigne également les quinze membres du comité directeur. L’AIEC revendique 6 000 adhérents. L’objectif de l’AIEC pour les quatre années à venir est la lutte contre la corruption des directeurs d’établissements scolaires et l’augmentation du salaire des enseignants à cent dollars par mois. Déjà durant les derniers mois, plusieurs grèves ou manifestations des enseignants ont obtenu la révocation de directeurs d’école corrompus : quatre à Kompong Cham, un à Kompong Thom, un à Koh Kong.

Une soixantaine d’enseignants d’Oddar Méan Chhey se mettent en grève pour demander le versement de leurs salaires : depuis le mois de juillet, ils n’en ont touché que la moitié, n’ont pas touché ni les heures supplémentaires depuis deux ans, ni les primes d’éloignement et de déplacements prévues.

Une heure de cours par mois est prévue de la 1ère à la 6ème classe sur l’éducation routière, les droits de l’homme et libertés, plus dix heures données par un officier de police. Un nouveau programme scolaire est prévu pour la rentrée prochaine.

Le 13 décembre, la BAD accorde deux prêts de 45 millions de dollars pour faciliter l’accès des enfants à l’éducation primaire et secondaire, et la construction de 450 collèges et lycées, avec tout leur équipement d’ici 2007. Le gouvernement contribuera à raison de 8,6 millions de dollars au projet.

Le 16 décembre, Xavier Darcos, ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, signe deux conventions de financement d’un montant de trois millions de dollars pour la formation d’enseignants, de chercheurs francophones et la promotion de l’offre de formation continue de l’université d’Agriculture. L’autre porte sur la structuration du secteur culturel au Cambodge. Un accord est paraphé sur le statut de l’EFEO (Ecole française d’Extrême-Orient).

Patrimoine

Pour la première fois les Etats-Unis décident de contribuer à la préservation du site d’Angkor, en accordant une aide de 500 000 dollars pour les travaux de réfection du Phnom Bakeng qui risque d’être rapidement endommagé par les touristes.

Selon les experts, le Bayon serait en danger, à cause du pompage d’eau par les différents hôtels, qui en modifient les soubassements.

Le 24 décembre, des militaires découvrent six sculptures d’anciens bas-reliefs dans des sacs de paddy, dissimulés dans des fourrés à la frontière khméro-thaïlandaise.

Phnom Penh

Douze rues de l’arrondissement de Chamcar Mon vont être rénovées, les frais couverts par moitié par les riverains, et l’autre moitié par la municipalité. L’an prochain, 80 autres rues devraient être goudronnées.

DIVERS

Le 6 novembre, Hun Mana, fille de Hun Sen, prend le contrôle du réseau de radio et de télévision Bayon, qui laisse présager du manque d’indépendance de réseau d’information.

La fête des eaux a été troublée par la queue de typhon Muïfa. Quarante-trois pirogues ont coulé, douze n’existaient que sur le papier. Les rameurs ont reçu chacun 20 000 riels (5 dollars). On constate une baisse de la fréquentation populaire, sans doute à cause de la misère engendrée par la sécheresse.

Un rallye automobile organisé par l’Inde et l’ASEAN, du 22 novembre au 11 décembre, traverse onze pays, avec une soixantaine de véhicules et plus d’une centaine de participants. Ce rallye est dépourvu de toute compétition, se veut un signe de la promotion des relations commerciales et touristiques entre ces divers pays.

Aux Etats-Unis, une étude indique que les réfugiés cambodgiens sont parmi les Asiatiques les moins bien intégrés dans la société américaine.