Eglises d'Asie – Sri Lanka
Des catholiques et des responsables de l’Eglise jugent irréaliste le plan gouvernemental visant à interdire toute construction à moins de 100 mètres du rivage
Publié le 18/03/2010
Le P. Ivan Pietersz est curé de la paroisse Saint Joseph à Payagala, un village situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Colombo et peuplé en quasi-totalité de catholiques. Le 26 décembre 2004, le tsunami a ravagé les lieux et le prêtre a manqué d’y laisser la vie. De la catastrophe, il n’a sauvé qu’un véhicule et une soutane. Selon lui, la création d’une zone tampon le long du rivage est « complètement impraticable » et signifierait qu’on retire aux pêcheurs à la fois leur lieu de vie et leur moyen de subsistance. « Si le gouvernement est sincèrement désireux de protéger les populations de la côte, pourquoi ne travaille-t-il pas à la mise au point d’un système d’alarmes sonores ou à la mise en place de mesures de protection comme cela existe au Japon ? s’interroge-t-il, ajoutant que, parce que les populations catholiques vivant le long des côtes vont être affectées par la mesure gouvernementale, les responsables de l’Eglise doivent prendre position.
Mgr Kingsley Swampillai, évêque de Trincomalee-Batticaloa, un diocèse catholique couvrant la majeure partie de la côte orientale du pays, s’est exprimé dans le même sens. Son diocèse ainsi que celui de Galle, pour la partie sud du pays, ont été les deux plus affectés par le cataclysme du 26 décembre. « Le gouvernement veut sans doute agir pour le bien de la population mais sa décision est irréaliste pour plusieurs raisons déclare-t-il. Tout d’abord, face aux catastrophes naturelles apportées par la mousson et les typhons, une zone de cent mètres de large ne diminuerait pas de manière significative les dégâts causés par les eaux et le vent. Ensuite, si une telle bande de cent mètres de large est créée, il faut s’assurer que les personnes expulsées pourront être déplacées sur de nouveaux terrains. Où les trouver ?, s’interroge l’évêque. Enfin, l’économie du pays souffrira un grave dommage si les pêcheurs, dont la vie est intimement liée à la mer, perdent leur gagne-pain. « La limite des cent mètres est juridiquement invalide et concrètement incertaine, étant donné l’érosion de la côte par la mer ajoute-t-il pour conclure.
Selon le P. Wikrama Fonseka, curé de la paroisse Saint Sebastian, à Diyalagoda, au sud de Colombo, le gouvernement a sans doute voulu agir animé de bonnes intentions, mais ne dit rien de la réalisation pratique de son plan. Le tsunami a sans doute tout détruit sur cette bande de cent mètres mais « ces terrains appartiennent aux résidents et les autorités ne peuvent s’en saisir ». Rejetant comme « futile » l’idée avancée par certains de construire des blocs d’appartements pour reloger les pêcheurs, le prêtre s’interroge : « Les autorités sont-elles prêtes à dédommager les pêcheurs qui viendraient à perdre leur propriété foncière ? Malheureusement, rien n’a été dit à ce sujet. »
Dans le diocèse de Galle, le P. Charles Hewawasam, responsable de Notre Dame de Matara, a échappé de peu à la mort lorsque les eaux ont ravagé le sanctuaire marial. Aujourd’hui, il s’inquiète des conséquences de la mesure gouvernementale sur le maintien de l’activité économique le long des côtes. Le P. Herman Fernando, directeur de SedGalle, le service social du diocèse, souligne quant à lui que la législation prévoit déjà une interdiction de construire à moins de 42 mètres du rivage. L’extension à cent mètres de cette interdiction signifierait « la ruine de l’industrie touristique et de la pêche estime-t-il.
Selon les derniers bilans, le tsunami du 26 décembre a causé la mort de 31 000 personnes au Sri Lanka. On déplore par ailleurs plusieurs milliers de disparus.