Eglises d'Asie

Le règlement relatif aux affaires religieuses entré en vigueur le 1er mars 2005 est analysé comme un progrès par certains observateurs et comme un texte apportant peu de nouveau par d’autres

Publié le 18/03/2010




Depuis que le texte du décret 426 du Conseil des affaires d’Etat a été rendu public le 18 décembre 2004 (1), différents observateurs des affaires religieuses en Chine populaire ont donné leur opinion sur la portée et la signification de ce nouveau document. Intitulé : “Dispositions relatives aux affaires religieuses le décret a été signé par le Premier ministre et vient remplacer un texte réglementaire datant de 1994 (2). Pour certains observateurs, le décret, qui entre en vigueur ce 1er mars, représente un progrès dans la mesure où il fixe des limites à l’arbitraire des fonctionnaires du gouvernement chargés d’appliquer la politique religieuse du régime. Pour d’autres, le décret ne fait que reprendre en les précisant des dispositions déjà en place et n’apporte que peu d’éléments nouveaux.

Selon Anthony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d’études du Saint Esprit, du diocèse catholique de Hongkong, les anciens règlements ne comportaient aucune disposition limitant le pouvoir des fonctionnaires des Affaires religieuses, l’administration qui applique la politique religieuse fixée par le gouvernement. Au chapitre 6 du décret, les articles 38 et 39 comportent des éléments nouveaux sur la garantie de la liberté religieuse. Les fonctionnaires abusant de leur responsabilité doivent être pénalisés, indique le décret. Selon le chercheur hongkongais, c’est là une nouveauté qui représente un certain progrès, théorique certes, dans la mesure où sa portée réelle dépend de l’application concrète qui en sera faite, mais néanmoins notable.

Pour sour Beatrice Leung Kit-fun, religieuse hongkongaise qui enseigne à Taiwan, il est important de noter que le document émane du Conseil des affaires d’Etat. C’est un texte réglementaire qui n’a pas la portée d’une loi votée par l’Assemblée nationale populaire. Par conséquent, son interprétation reste du seul ressort de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, ex-Bureau des Affaires religieuses. La limitation de l’arbitraire du pouvoir reste donc d’une portée limitée. Néanmoins, souligne la religieuse, le nouveau texte est plus détaillé que le règlement qu’il remplace. Il pourra par conséquent être utilisé de façon plus efficace par les acteurs de la vie religieuse pour défendre “les activités religieuses normales qui sont, stipule l’article 3 du décret, protégées par l’Etat.

Le P. Jean Charbonnier, des Missions Etrangères de Paris, souligne quant à lui qu’une des faiblesses intrinsèques du nouveau décret tient en l’absence de définition précise de ces “activités religieuses normales”. Négativement, il s’agit d’activités qui ne troublent pas l’ordre public. Positivement, il s’agit des activités autorisées. Quant au contenu de ces activités, continue le P. Charbonnier, le décret ne le décrit pas, mais on peut se référer aux distinctions établies par ailleurs entre “religion” et “superstition”. Les religions, reconnues par l’Etat (bouddhisme, taoïsme, islam, catholicisme, protestantisme), ont des Ecritures, une morale, un rituel, une discipline canonique. Les superstitions sont aveugles et magiques ; elles nuisent à la santé physique et morale et sont potentiellement subversives. En ce sens, les “sectes” ou “cultes pervers” (xiejiao) sont des superstitions organisées ou des hérésies (yiduan).

Interrogé par l’agence Ucanews (3), Kwun Ping-hung, observateur de longue date des questions religieuses en Chine, estime lui que le nouveau décret n’apporte rien de nouveau. En terme de contrôle des religions et des activités religieuses, “pas de resserrement, pas de relâchement déclare-t-il, en ajoutant que les implications du texte pour l’Eglise catholique en Chine ne sont ni positives ni négatives. La société chinoise a considérablement évolué ces dernières années, souligne-t-il, et Pékin, par ces nouvelles dispositions, entend “rappeler à ceux qui ne sont pas dans le système” que le gouvernement chinois garde un oil attentif sur la scène religieuse. Toujours selon Ucanews, un autre observateur, désireux de conserver l’anonymat, considère que le décret n’apporte rien de neuf et souligne que le président Hu Jintao, représentant de la quatrième génération des dirigeants chinois, n’a pas, à ce jour, fait montre d’une attitude positive à l’égard de la question religieuse.

Selon l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights in China, il est intéressant de noter que le décret ne fait pas mention des cinq religions officiellement reconnues par le régime (bouddhisme, taoïsme, islam, catholicisme et protestantisme). L’article 11 du décret a trait à l’organisation des pèlerinages à l’étranger des musulmans et l’article 27 à la nomination des évêques catholiques. Mais, au-delà de ces deux références particulières, le décret ne fait pas spécifiquement mention des cinq religions reconnues. Selon Nicolas Becquelin, de Human Rights in China, ce point peut laisser penser que la porte n’est pas fermée à la reconnaissance officielle de confessions telles que l’Eglise orthodoxe ou l’Eglise méthodiste.

En Chine même, Mgr Pius Jin Peixian, évêque “officiel” de Shenyang, dans la province du Liaoning, a déclaré qu’il avait réuni les prêtres et les religieuses de son diocèse pour débattre du nouveau décret. La conclusion était qu’il n’y avait pas grand-chose de neuf par rapport au règlement de 1994. A Pékin, Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois, a rapporté que, lors des consultations qui ont été menées dans les mois qui ont précédé la rédaction du décret 426, des voix s’étaient élevées pour demander le vote d’une loi sur la religion. Mais, a-t-il précisé, des responsables religieux ont estimé “que le temps n’était pas encore venu pour cela et qu’il fallait procéder étape par étape”.

Selon un prêtre catholique “clandestin”, qui a lu du nouveau décret ce que les médias locaux en ont dit, “l’application des règlements dépend de la politique arrêtée par le pouvoir, et non de l’application de l’Etat de droit”. Il a aussi précisé qu’il faudra du temps avant que le décret soit pleinement appliqué, les interprétations que pourront en avoir les fonctionnaires au niveau central et leurs homologues au niveau local pouvant différer. A titre d’exemple, il a cité l’article 22 et ses dispositions relatives aux “activités religieuse de grande ampleur”. A première vue, cet article est précis et détaillé mais les activités religieuses en question ne sont pas définies. “Les officiels peuvent utiliser cet article comme prétexte pour interdire nos activités dès lors que l’atmosphère politique l’exigera a-t-il analysé.