Eglises d'Asie

Des responsables catholiques précisent la place de l’Eglise dans le débat politique national

Publié le 18/03/2010




Au sein d’une conjoncture politique agitée, caractérisée ces dernières semaines par la levée de l’immunité parlementaire de trois députés de l’Assemblée nationale, dont Sam Rainsy, chef de l’unique parti d’opposition (1), des responsables catholiques ont précisé la place que, selon eux, l’Eglise est appelée à tenir dans le débat national. Selon Mgr Emile Destombes, vicaire apostolique de Phnom Penh, l’Eglise n’est pas engagée en tant que telle dans le débat politique, mais elle ne se désintéresse pas pour autant de la chose politique. « Si nous considérons le politique dans l’acception générale de ce terme, il est évident que l’Eglise ne peut y être étrangère. Chaque fois que l’Eglise parle de paix, de justice, de pardon et de solidarité, par exemple, on peut dire que l’on est au cour de la vie politique d’une société donnée a précisé Mgr Destombes, dans un entretien accordé à l’agence Ucanews au début du mois de mars (2).

Au cours des dix années passées, a précisé l’évêque de Phnom Penh, l’Eglise au Cambodge a travaillé à l’édification d’une société où les gens puissent vivre en paix et dont le socle soit la justice sociale, le pardon et la réconciliation. « Ces valeurs évangéliques ne sont pas éloignées de ce à quoi la plupart des Cambodgiens aspirent a-t-il ajouté, citant l’enseignement de Jean-Paul II selon lequel « il ne peut y avoir de paix sans justice et de justice sans pardon ».

Interrogé à propos de l’influence politique de l’Eglise du Cambodge sur la société contemporaine cambodgienne, Mgr Destombes répond que l’Eglise locale n’a jamais eu une quelconque influence et ne prétend pas en avoir, tout particulièrement en ce qui concerne le jeu politicien. Refusant de commenter les récents développements de la vie politique nationale, il se contente d’affirmer : « Ce sont là des particularités politiques qui ne sont pas de notre ressort. »

Interrogé par la même agence Ucanews, le directeur du Centre culturel catholique à Phnom Penh, le P. François Ponchaud, explique que la situation du clergé missionnaire, d’origine étrangère, implique une impossibilité à participer directement à la vie politique. « Mais, ajoute-t-il, parce que l’Evangile ne peut être enchaîné, nous gardons notre liberté d’expression. » Au sujet de la levée de l’immunité parlementaire des trois députés, le P. Ponchaud précise qu’il n’est pas possible de ne pas rappeler que le parti de Sam Rainsy représente un million d’électeurs, que le parti au pouvoir a fait en sorte qu’aucune des neuf commissions parlementaires n’échoie à ce parti et qu’« au sein d’une société démocratique, la voix du parti de l’opposition est muselée ». Selon lui, la levée de l’immunité parlementaire des trois députés constitue « un pas vers un régime dictatorial ».

Revenant sur les propos tenus il y a un mois par le Premier ministre Hun Sen, lors d’une visite à Wat Langka, important temple bouddhiste de Phnom Penh, selon lesquels les moines doivent se tenir à l’écart de la politique, le P. Ponchaud dit que ce sont des propos corrects d’un point de vue bouddhique. Il ajoute aussi que cela ne doit pas faire oublier les moments où le bouddhisme cambodgien a joué un rôle politique, tel cet incident de 1942, sous le protectorat français, où 250 moines bouddhistes manifestèrent pour protéger les ouvres littéraires et l’alphabet khmers ; plus récemment, ces dernières années, des moines ont participé à des manifestations pour le Parti Sam Rainsy. « Si le clergé bouddhiste se voit interdire toute influence politique, comment comprendre que le vénérable Tep Vong, patriarche suprême de la secte bouddhique Mohanikaya, soutienne ouvertement le parti au pouvoir ? s’interroge encore le P. Ponchaud.

Revenant sur le rôle des prêtres catholiques auprès des fidèles (3), le P. Ponchaud explique que les prêtres « peuvent réfléchir avec les catholiques à propos de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, de ce qui est juste et de ce qui est injuste ». « De cette façon, nous pouvons contribuer à leur enrichissement spirituel en tant que chrétiens, mais il est clair qu’en tant que prêtres, nous n’avons le droit ni de contraindre ni de pousser les gens à adopter telle ou telle opinion ou affiliation politique ajoute-t-il, concluant que les chrétiens se doivent de combattre l’injustice sociale et que ce combat-là « n’est pas forcément dirigé contre le gouvernement ».