Eglises d'Asie – Chine
LES AUTORITES SE PENCHENT SUR LE DESEQUILIBRE DES NAISSANCES GARCONS/FILLES
Publié le 18/03/2010
Le Parti communiste est souvent montré du doigt pour la politique de l’enfant unique mise en ouvre en Chine. Pour le gouvernement chinois, cette politique a permis de freiner la croissance de la population du pays, mais, pour les opposants à cette politique, c’est là la raison majeure pour laquelle nombre de familles ont recours à l’échographie et à l’avortement sélectif pour s’assurer que leur enfant à naître sera bien un garçon.
La Chine est aujourd’hui un des pays où le “manque” de filles est le plus important. Jusqu’à récemment, le gouvernement a largement ignoré, voire nié le problème. Mais, en mars dernier, le président Hu Jintao a déclaré que ce problème devait être résolu avant l’année 2010. Dans la foulée, les autorités gouvernementales ont déclaré que les avortements sélectifs seraient considérés comme des actes criminels, relevant du Code pénal. Ces avortements avaient déjà été mis hors-la-loi, mais il est de notoriété publique que les médecins acceptent souvent des pots de vin de la part de parents qui veulent être certains d’avoir un garçon (1).
Concrètement, le gouvernement n’abandonne pas la politique de contrôle des naissances, mais il se montre désormais ouvert à l’étude d’inflexions éventuelles. L’an dernier, le Conseil pour les affaires d’Etat, le gouvernement de la Chine, a nommé un groupe de 250 démographes et autres experts pour examiner des questions comme le déséquilibre des naissances garçons/filles, la baisse du taux de fécondité et la manière de se préparer au vieillissement rapide de la population. Le groupe a, entre autres, reçu pour consigne de réfléchir à la question de savoir s’il est opportun, ou quand il le sera, pour la Chine de passer à une politique de deux enfants par famille. Ceci afin de prévenir un probable effondrement démographique. “A l’avenir, nous devrons considérer cette question, déclare Hao Linna, porte-parole de la Commission nationale pour la population et le planning familial. Nous avons à faire des recherches pour savoir à quelle date, quand et comment faire cela. Nous devons étudier comment changer, sous quelle forme et suivant quelle méthode.”
En attendant, les autorités gouvernementales sont d’accord sur le fait qu’on ne peut pas remettre à plus tard la correction du déséquilibre des naissances. Les experts débattent pour savoir dans quelle mesure la politique chinoise de la population est responsable de ce problème, et ils remarquent que ce problème est antérieur à la politique de l’enfant unique. D’autres pays asiatiques comme l’Inde et la Corée du Sud ne préconisent pas l’enfant unique et, pourtant, ils connaissent eux aussi un déséquilibre des naissances filles/garçons. Mais les statistiques montrent qu’en Chine, ce déséquilibre a augmenté depuis que le contrôle de la population a commencé à la fin des années 1970.
Début janvier 2005, le gouvernement a annoncé qu’au niveau national, le ratio s’est établi à 119 garçons pour 100 filles. Les études montrent que le ratio moyen, dans le reste du monde, est d’environ 105 garçons pour 100 filles. Les démographes annoncent que, d’ici à quelques décennies, la Chine pourrait compter jusqu’à 40 millions d’hommes célibataires incapables de trouver une partenaire pour se marier.
Ici, dans le sud-est de la Chine, récemment, quelques centaines d’élèves ont répété un défilé dans la cour de leur école, une école secondaire de Lanxi. L’école va jusqu’à l’équivalent de la classe de troisième et, dans les classes les plus élevées, environ 60 % des élèves sont des garçons. Les écoliers, surtout des garçons, brandissaient des drapeaux et paradaient à l’unisson devant un tableau faisant la promotion de la dernière campagne de propagande en cours et dont le slogan était : “Respectons les filles !”
Les officiels locaux ont amené là un reporter en visite parce que l’école de Anxi participe à un programme pilote intitulé : “Porter attention aux filles Les écolières issues des familles pauvres sont dispensées de frais de scolarité, tout comme les élèves dont les familles comptent deux filles. Hu Hongbin, le principal de l’école, est fier de faire visiter une salle d’exposition où des affiches portent les photos des filles qui ont bénéficié de ce programme.
Le principal explique que la salle d’exposition est destinée à encourager l’estime de soi-même chez les filles, bien qu’elle semble plutôt faite pour impressionner les visiteurs officiels. Il précise aussi que les lycéennes peuvent désormais obtenir des bourses pour l’université. Il ajoute enfin que le nombre des étudiantes à l’université a fait un bond, passant de 149 en 2003 à 271 en 2004.
Lin Lingling, une solide jeune fille de 18 ans, est en dernière année de lycée. Elève modèle choisie pour bénéficier de ce programme, elle espère entrer à l’université l’an prochain. “On dit que les garçons sont bons pour la logique, dit-elle. Lorsqu’ils entrent au lycée, quelques uns d’entre eux disent être bien meilleurs que les autres. Mais, en fait, nous les filles, nous sommes pareilles qu’eux.”
Malgré tout, la plupart des parents en Chine, surtout dans les régions rurales, affichent leur préférence pour les garçons. Selon Li Shengming, fonctionnaire à la Commission d’Anxi pour le planning familial, cette préférence est multiséculaire et s’explique en grande partie par des considérations pratiques. Les familles de paysans veulent des garçons pour travailler la terre, et tous les parents, qui se soucient de leurs vieux jours, savent que, selon les traditions chinoises, un garçon se doit de prendre soin de ses parents. Tandis qu’une fille se marie et, de ce fait, est rattachée à la famille de son mari. A la campagne, où il n’y a pas de réel filet de protection sociale, un fils est considéré comme l’équivalent d’une pension de retraite. “Autrefois, il était d’usage que, si vous n’aviez que des filles, vous étiez déconsidéré précise Li Shengming.
En réponse à cette situation, le gouvernement a introduit un programme pilote selon lequel environ 300 000 personnes âgées en milieu rural reçoivent une retraite annuelle équivalent à 180 dollars – une belle somme à la campagne – si elles ont seulement un enfant ou bien plusieurs filles. Selon Li Shengming, l’objectif de ces avantages financiers est de donner une valeur monétaire aux filles et, ce faisant, de réduire l’incitation à avorter les fotus de sexe féminin. Mais la portée limitée de ce programme réduit son impact. Hao Linna, le porte-parole de la Commission nationale pour la population et le planning familial à Pékin, précise en effet qu’Anxi est une des vingt-quatre localités seulement où les filles reçoivent une aide financière, et le budget consacré à cette expérience n’est pas appelé à croître de façon considérable.
La politique de la population en Chine a depuis longtemps cessé de reposer sur la seule règle de l’enfant unique. Globalement, les familles en milieu urbain se limitent le plus souvent à un enfant et les familles en milieu rural sont autorisées à avoir un deuxième enfant si le premier est une fille. Au sein des minorités ethniques, les familles sont parfois autorisées à avoir trois enfants ou plus, pour empêcher leurs populations de décliner.
Il reste que, même ainsi, il sera difficile de changer les attitudes en Chine. Récemment, le gouvernement a célébré en fanfare la naissance du 1 300 millionième citoyen de la République populaire de Chine, en faisant une occasion de propagande pour louer les efforts visant à ralentir la croissance de la population.
(1) NdT : Récemment, les autorités de la province du Henan, la province la plus peuplée du pays avec 97 millions d’habitants, ont annoncé qu’une prime de 1 000 yuans (100 euros) récompensera les personnes qui dénonceront ceux qui commettent des avortements sélectifs pour éliminer les embryons et les fotus de sexe féminin.