Eglises d'Asie

Cédant à la pression des partis islamistes, le gouvernement a réintroduit la mention de la religion sur les passeports

Publié le 18/03/2010




Le 22 mars dernier, le ministre de la Défense Rao Sikander Iqbal a annoncé que le comité ministériel chargé de réfléchir à la présentation des passeports émis par le Pakistan avait recommandé de réintroduire sur les passeports la mention de la religion (1). “Le comité a recommandé à l’unanimité que la mention de la religion du titulaire soit portée à un endroit convenable du passeport a-t-il déclaré. Dès le lendemain, le gouvernement suivait cette recommandation et annonçait que les nouveaux passeports, introduits à la fin de l’année dernière et conçus pour satisfaire aux exigences techniques – notamment en matière de lecture optique – de l’Organisation internationale de l’aviation civile, seront modifiés. La couverture des passeports portera désormais la mention “République islamique du Pakistan” et les informations relatives à son titulaire feront mention de sa religion.

Selon le ministre de l’Information Sheikh Rashid, la décision gouvernementale d’indiquer à nouveau la mention de la religion sur les passeports n’a pas été prise pour répondre aux pressions exercées par les partis islamistes. Sa déclaration n’a toutefois pas fait illusion au Pakistan, où la coalition d’opposition Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), qui regroupe six partis islamistes, avait pesé de tout son poids pour obtenir que soit restaurée la mention de la religion. Le MMA avait appelé à la grève générale en cas de refus du gouvernement de faire marche arrière ; le 21 mars, des manifestations dans les principales villes du pays ont eu lieu à son initiative. Les islamistes dénonçaient la suppression de la mention de la religion sur les passeports comme une manouvre du président Pervez Musharraf visant à atténuer l’identité islamique d’une nation de 150 millions d’habitants, musulmans à 97 %. La formation politique de l’ancien Premier ministre Benazir Bhutto a qualifié la décision du gouvernement de “défaite concédée à l’extrémisme”.

Le 23 mars, la Commission ‘Justice et paix’ de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan a dénoncé la décision du gouvernement, estimant qu’elle accroissait le risque de discrimination pesant sur les minorités religieuses du pays. Pour le secrétaire de la Commission, le P. Peter Jacob, c’est là une question de principe sur laquelle l’Eglise se doit de réagir. “Si les forces libérales ne prennent pas position publiquement, les forces islamiques se considéreront libres de pousser leurs revendications a-t-il déclaré.

Au Pakistan, c’est un vote du Parlement en 1974 qui a introduit la mention de la religion sur les passeports. A l’époque, la mesure avait été présentée comme nécessaire pour empêcher les Ahmadiyas, minorité issue de l’islam mais considérée comme non musulmane par les musulmans, d’obtenir un visa pour partir en pèlerinage sur les lieux saints de l’islam, en Arabie Saoudite. De cette date jusqu’à l’introduction, fin 2004, des nouveaux documents de voyage, les passeports pakistanais ont porté la mention “République islamique du Pakistan” et faisaient mention de la religion de leur titulaire. Depuis la fin 2004, environ 80 000 passeports ne faisant pas mention de la religion de leur titulaire ont été émis.