Eglises d'Asie

Selon le Premier ministre, la Bible traduite en malais ne figure pas parmi les livres interdits par le gouvernement, mais doit porter la mention : « Pas pour les musulmans »

Publié le 18/03/2010




Le 19 avril dernier, le Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi a officiellement déclaré que la Bible traduite en malais ne figurait pas parmi les livres interdits par les autorités. Il a toutefois précisé que sa diffusion était donc libre, à condition que la couverture de chaque exemplaire de ces bibles porte la mention : « Pas pour les musulmans » et que ces bibles soient disponibles exclusivement dans les églises et les librairies chrétiennes.

Le Premier ministre réagissait ainsi à une polémique qui s’était développée les jours précédents, lorsque Datuk Seri Mohd Nazri Abdul Aziz Nazri, ministre rattaché au bureau du Premier ministre, avait déclaré que les bibles en Bahasa Malaysia et en Bahasa Indonesia étaient interdites à la vente du fait de l’interdiction constitutionnelle de tenter de convertir un musulman à une autre religion que l’islam. Selon les quotidiens The Star et The Sun, le ministre en question estimait que l’interdiction de la vente libre de bibles en malais était nécessaire pour « empêcher leur usage visant à convertir des gens au christianisme ». Un journaliste du Sun ajoutait que le ministre souhaitait que toute personne trouvée en possession d’une bible en malais soit déférée devant un tribunal.

La polémique prenant de l’ampleur et un ministre chrétien du gouvernement, Tan Sri Bernard Dompok, affirmant que « la langue nationale [pouvait] être utilisée pour quelque usage que ce soit, y compris la pratique d’un culte le Premier ministre a tranché, déclarant à la presse : « Il ne doit pas y avoir de souci à ce sujet. J’ai reçu dans mon bureau les responsables des différentes dénominations chrétiennes lorsque j’étais Premier ministre adjoint. Je leur ai dit votre Bible est votre Bible. Je ne vais pas interdire votre Bible, même si la Bible est écrite en malais. » Abdullah Badawi a succédé au Premier ministre Mohamad Mahathir en octobre 2003.

Les principales Eglises chrétiennes n’ont pas réagi officiellement à la polémique, et n’ont pas – pour l’heure – commenté les restrictions imposées par le Premier ministre à la diffusion de la Bible en malais. Wong Kim Kong, secrétaire général de la Communion nationale des chrétiens évangéliques, a déclaré que la mesure gouvernementale était « en contradiction avec la politique du Premier ministre Badawi de promouvoir l’harmonie religieuse dans le pays ». Il a ajouté que les premières victimes en étaient les chrétiens qui ne parlent pas anglais et qui représentent « au moins la moitié des chrétiens de Malaisie orientale où ils utilisent des bibles traduites [en malais ou dans leurs langues] ».

Pour les observateurs, ce développement s’inscrit dans un contexte plus ancien, où, depuis de nombreuses années, un certain nombre de groupes musulmans protestent contre l’utilisation de la langue nationale par les chrétiens dans leur liturgie et leurs publications. Ils refusent ainsi que certains mots comme « Dieu » soient utilisés en malais par des religions autres que l’islam. Dans un pays où les musulmans sont un peu moins de 60 % de la population, ces problèmes ont provoqué, au fil des ans, de multiples interventions des dirigeants chrétiens, hindous, bouddhistes et sikhs auprès des autorités fédérales. En avril 2003, le ministère fédéral de l’Intérieur avait ainsi interdit une Bible traduite dans la langue du peuple Iban, avant de faire machine arrière face aux protestations et après un appel du Conseil des Eglises de Malaisie (1). Tout récemment, enfin, le 27 avril dernier, la police a arrêté deux Américains, leur reprochant de distribuer à des musulmans des livrets de littérature chrétienne. Les deux ressortissants américains, Ricky Ruperd et Zachry Harris, ont été interpellés à Putrajaya, la nouvelle capitale administrative du pays, édifiée à cinquante kilomètres de Kuala Lumpur.