Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er mars au 30 avril 2005
Publié le 18/03/2010
La levée de l’immunité parlementaire de trois députés du Parti Sam Rainsy (PSR), en date du 3 février, continue d’empoisonner la vie politique cambodgienne. Les vingt-quatre parlementaires PSR boycottent l’Assemblée nationale, qui, souvent, ne peut siéger, faute de quorum. Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, propose une modification du règlement intérieur exigeant la présence de 74 des 123 députés, au lieu de 87 actuellement (de 7/10 à 6/10). Une mesure utile qui semble toutefois, dans ce contexte, être prise pour museler davantage l’opposition.
Le porte-parole du PSR propose la libération de Chéam Channy, emprisonné depuis le 3 février, pour création d’“une armée de l’ombre”. Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, déclare que cette libération n’est pas de sa compétence.
De Paris, Sam Rainsy écrit au roi Sihamoni, “garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire En dépit de la levée “d’urgence” de son immunité, son dossier en justice n’a pas avancé. Pourquoi Ranariddh, ayant lui aussi porté plainte en diffamation, n’a pas été inquiété, s’interroge-t-on.
Le 3 mars, la Coalition de la société civile, regroupant plusieurs ONG de défense des droits de l’homme, fait appel à la communauté internationale : “La démocratie cambodgienne est sérieusement menacée.” L’Alliance pour la réforme et la démocratie en Asie condamne également la levée de l’immunité parlementaire des trois députés de l’opposition et l’emprisonnement de Chéam Chany, jugée “arbitraire”.
Le 10 mars, le Parlement européen estime que la levée de l’immunité parlementaire des trois députés crée un “pré-cédent dangereux qui affaiblit le corps législatif (.), sape les progrès démocratiques Il est demandé au gouvernement de Phnom Penh de “libérer immédiatement et sans condition Chéam Channy et à l’Assemblée nationale de “rétablir immédiatement l’immunité des trois parlementaires L’UE est désormais la seule instance internationale à défendre Sam Rainsy, les Etats-Unis restant silencieux, en vertu d’accords commerciaux passés avec le gouvernement cambodgien.
Ranariddh menace Kem Sokha de l’attaquer en diffamation, car il a révélé – après d’autres – que le contrat de construction de la nouvelle Assemblée nationale avait été accordé à un député PPC (Chéam Yéap) pour 27 millions de dollars, alors qu’un autre entrepreneur proposait le même travail pour 13 millions. On apprend, d’autres sources, que Ranariddh vient de s’acheter un nouvel avion.
L’hebdomadaire français l’Express révèle les malversations de Ranariddh. Ce dernier menace de porter plainte contre le journal pour diffamation, mais ne fait rien.
Le 16 mars, trois importants hommes d’affaires, très proches de Hun Sen, portent plainte en diffamation contre Sam Rainsy : la patronne de Phéapimex, le patron et un patron de casino. Ils réclament 37 000 dollars de dommages et intérêts. La démarche ne surprend personne. “C’est la stratégie du PPC pour détruire l’opposition dit le secrétaire général du PSR.
Le Premier ministre refuse de recevoir une délégation du PSR qui demande à le rencontrer, renvoyant leur lettre de demande d’audience du 22 mars. Le roi Sihamoni refuse également de recevoir cette délégation.
Le PSR lance une campagne de pétition dans le royaume pour demander au roi Sihamoni d’intervenir. 27 000 signatures en provenance des Etats-Unis sont envoyées au roi.
Le 3 avril, un militant PSR est assassiné dans le village de Basset (province de Kompong Speu). Le 8 avril, un autre militant PSR est tué à Chi Kreng (province de Siemréap). Le 19 avril, des hommes armés jusqu’aux dents pénètrent dans une maison d’un militant PSR, dans la province de Kompong Cham. Un des assaillants est blessé.
Le 26 avril, le PSR demande les minutes de la séance du 3 février de l’Assemblée nationale retirant l’immunité parlementaire à ses trois députés. Ranariddh s’y oppose, en prétextant que ces minutes appartiennent à l’Assemblée. On suppose que ces minutes n’existent pas et que la levée de l’immunité est parfaitement illégale.
Le 19 avril, Om Yentieng, conseiller de Hun Sen, affirme qu’il n’y a aucun mandat d’arrêt contre Sam Rainsy et que celui-ci n’a rien à craindre. Finalement, le leader de l’opposition devait rentrer au pays avant le 8 avril, date de sa participation au comité d’examen des frontières.
Le 2 mars, Chéa Sim, président du Sénat, part à Bangkok pour “raisons médicales”, escorté par Hok Lundy, chef de la police nationale. Certains observateurs pensent déceler dans cette escorte inhabituelle des divisions au sein du PPC, Chéa Sim n’étant pas très favorable à la formation d’un gouvernement avec le Funcinpec. Le PPC nie cette interprétation. Chéa Sim ne recevra pas le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, ni le Premier ministre birman. Il sera admis quelques jours à l’hôpital Calmette pour problème de cour.
Le 18 avril, lors d’une conférence de presse tenue à Genève, en marge de la session annuelle de la Commission des droits de l’homme, Peter Leuprecht, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU au Cambodge pour les droits de l’homme, stigmatise le régime cambodgien comme une “démocratie de façade où “l’impunité est une gangrène” qui fait “le lit de la grosse corruption “Je pense que c’est énorme et que cela atteint les plus hauts niveaux de l’Etat déclare-t-il. Le 26 mars, la Commission des droits de l’homme de l’ONU atténue quelque peu les propos de son envoyé spécial, “prend acte des progrès réalisés mais engage le gouvernement à “redoubler d’efforts pour établir l’Etat de droit, avancer dans sa réforme judiciaire (.), et rétablir l’immunité parlementaire” des trois députés de l’opposition.
Le 28 avril, Hun Sen s’en prend violemment à Ruom Ritt, en qui tout le monde reconnaît le nom de plume de Sihanouk. Il dit qu’il préfèrerait le voir mourir, et ainsi pouvoir lutter avec lui dans vingt ans, après sa réincarnation. Il emploie le péjoratif “A -” devant le nom de Ruom Ritt. Cette forme de mépris pour l’ancien roi est très mal perçue. Le 4 avril, Hun Sen menace Ruom Ritt de révéler tous les méfaits du Sangkum du temps de Sihanouk et les assassinats politiques de l’époque. Le Funcinpec ne réagit pas. Sihanouk déclare, pour la seconde fois, qu’il ne publiera plus les lettres de Ruom Ritt.
Administration
En février, le nombre des gouverneurs et vice-gouverneurs a été augmenté d’environ 200. Cinq cents membres du Funcinpec trouvent ainsi un nouvel emploi. Cette augmentation s’ajoute aux 334 membres du gouvernement, et aux 224 nouveaux généraux et de nombreux colonels nommés en janvier. L’ONG d’observation des élections Comfrel estime que ces nominations vont à l’encontre de l’affirmation gouvernementale déclarant vouloir réformer l’administration. “Nous payons le prix par une augmentation des dépenses de l’Etat et par un renforcement de la bureaucratie, dit le représentant de Nifec, autre ONG au même but. Ce n’est pas le travail à effectuer qui motive cette augmentation, mais les arrangements politiques entre les deux partis au pouvoir.” Chaque poste est un “bénéfice”.
Problèmes de frontières
Le 3 mars, Ranariddh annonce que le Laos fait des difficultés au Cambodge pour la réfection des neuf derniers kilomètres reliant Stoeung Treng à la frontière laotienne de Dâm Kralâr, qui ne fait que reprendre l’ancien tracé. Hun Sen menace d’y envoyer la troupe. Après un mois d’arrêt, la compagnie chinoise chargée de la reconstruction de la route reprend ses travaux. Certains voient la main du Vietnam derrière cette revendication laotienne. Le roi Sihanouk accuse le Vietnam et la Thaïlande d’avoir grignoté le territoire khmer, avec la complicité des autorités actuelles. Le secrétaire général du Parti communiste vietnamien est reçu le 28 mars par le roi Sihamoni et le Premier ministre. Les discussions avec le Premier ministre khmer ont porté sur le tracé des frontières et les relations économiques entre les deux pays. Les deux hommes s’engagent à poser “le plus vite possible” des bornes à la frontière des deux pays.
Le 23 avril, à la demande de son fils, le roi Sihamoni, le roi-père Sihanouk accepte de présider le Conseil national supérieur chargé des affaires frontalières. La princesse Vachéara et You Hok Kry y représenteront le Funcinpec, Sam Rainsy le PSR. Le roi se rendra lui-même sur les lieux contestés. Il prendra comme base de négociations les cartes établies par les Américains entre 1953 et 1969. Il annonce son retour de Pékin pour le 8 mai, et il se mettra au travail dès le 9.
Le Cambodge va envoyer quinze capitaines et lieutenants-colonels participer en tant qu’observateurs au cessez-le-feu au Soudan. Un second contingent composé de 134 hommes de troupe formés au déminage suivra. Le Premier ministre annonce qu’un millier d’hommes pourrait être ainsi envoyé de part le monde, à la demande de l’ONU.
Le 7 avril, le Premier ministre birman est reçu officiellement à Phnom Penh. Hun Sen ne s’oppose pas à la présidence de l’ASEAN par la Birmanie, comme certains pays. Il évoque sa position de non-ingérence dans les affaires des pays voisins, ce qui ne l’a pas empêché de soutenir solennellement la politique d’une seule Chine et du rattachement de Taiwan au continent.
Après avoir affirmé soutenir la candidature du Japon à un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, le gouvernement cambodgien retire son soutien, pour ne pas mécontenter la Chine, son plus important investisseur.
Montagnards vietnamiens
Sur les 668 Montagnards actuellement recensés par le UNHCR à Phnom Penh, 481 ont reçu le statut de réfugiés, les autres seraient en cours d’interviews. Quatre-vingt-trois ont rejoint un pays tiers, 70 devraient partir en Finlande. Soixante quinze dont le statut de réfugié est refusé seront remis aux autorités cambodgiennes. Depuis début mars, plusieurs dizaines ont choisi de rentrer au Vietnam, escortés par les agents de l’UNHCR. Le gouvernement vietnamien promet qu’ils ne seront pas inquiétés, mais l’UNHCR n’est toujours pas autorisé à vérifier les conditions de vie sur les Hauts Plateaux. L’Association des Montagnards des Etats-Unis s’insurge contre ces retours sans garanties suffisantes. Cinq Montagnards seraient encore cachés dans la forêt de Ratanakiri.
JUGEMENT DES EX-RESPONSABLES KHMERS ROUGES
Le 28 mars, les pays donateurs d’aide au Cambodge se réunissent à New York et s’engagent à fournir 38,4 millions de dollars sur les 56,3 nécessaires à la tenue du procès. Le 29 avril, la Commission européenne décide d’accorder 1,3 million de dollars, ce qui porte le total des aides promises à 39,9 millions. Le 30 avril, Kofi Annan déclare donc que le tribunal peut être mis en place dès que possible.
Cependant, le gouvernement cambodgien traîne les pieds et, sur les 13,3 millions concernant sa participation, il annonce qu’il n’en versera que 1,5, attendant le reste des donateurs. Bon nombre d’observateurs pensent que ce procès n’aura jamais lieu, et que l’on fait durer les préparations en attendant que les principaux chefs Khmers rouges meurent : la Chine a opposé son veto à la tenue du tribunal ; or, elle est le plus important investisseur au Cambodge. Le 21 avril, les Etats-Unis, jadis promoteurs du projet, refusent toute aide à la tenue d’un tribunal, sans doute pour des intérêts commerciaux et stratégiques. Ils arguent que le tribunal ne correspond pas aux normes internationales. Les pays scandinaves, généralement très engagés dans la défense des droits de l’homme, brandissent le même argument.
Les ONG cambodgiennes de défense des droits de l’homme réclament que soit rendue publique la liste des trente juges d’instruction et magistrats, en principe déjà choisis par le Conseil de la magistrature, ainsi que les critères de choix. Il y a beaucoup d’argent en jeu.
Par décret du Conseil des ministres en date du 6 avril, Tep Khunnal, diplomate du régime Khmer rouge, qui a épousé la seconde femme de Pol Pot, est promu gouverneur de l’arrondissement de Malay.
ECONOMIE
Selon l’Institut Economique du Cambodge, le PIB à Phnom Penh serait de 1 000 dollars, et de 180 dollars à la campagne.
A partir du 1er avril, les taxes d’importation des matières premières, concernant 458 produits, sont abaissées de 15 à 7 %, ou même supprimées, pour les PME, leur permettant d’être ainsi plus compétitives. Ces PME sont pénalisées par l’augmentation du prix des carburants.
Forêts
Global Witness diffuse un dossier explosif, dans lequel il révèle l’organigramme des personnes corrompues liées à l’exploitation illégale des forêts. Peu de hauts fonctionnaires du gouvernement et de l’armée sont indemnes.
Le 23 janvier, les fonctionnaires du ministère de l’agriculture repêchent 490 grumes, représentant 1 747 m3 de bois reposant au fonds du Mékong. Toutes ces grumes sont d’essences précieuses de première ou deuxième catégorie, représentant une valeur de 150 000 dollars. Huit cents m3 sont repêchés dans un autre district de Kratié. Selon les ONG de protection de l’environnement, les coupes de bois illégales continuent dans la province de Kratié. Le rapport annuel de l’administration des forêts pour 2004 précise que 623 grumes, représentant 1 026 m3, ainsi que plus de 5 000 animaux ont été saisis, 36 scieries illégales fermées. Le rapport signale qu’il est difficile aux autorités de faire leur travail, car ils s’opposent aux riches et aux puissants.
Les parachutistes lancent plusieurs opérations de destruction des petites entreprises d’abattage illégal de bois dans la province de Kompong Speu et de Pursat. Ils saisissent 422 grumes, mais les trafiquants s’enfuient.
La société Greenrich, groupe qui a continué la déforestation du parc national Botum Sakor, à Koh Kong, entre le 15 novembre et le 16 novembre 2004, est officiellement inculpée d’“abus de confiance et de délits (Bizarre : il doit manquer une date peut-être celle de l’année correspondant à la première date)
Agriculture
Riz
En dépit de chiffres officiels souvent contradictoires concernant la récolte de riz, 500 000 Cambodgiens vont devoir faire face au manque de riz cette année. Plus de 200 000 tonnes de riz décortiqué ont été perdus du fait de la sécheresse. Le 19 avril, le PAM (Programme alimentaire mondial) annonce une distribution de 1 500 tonnes de riz. Quinze membres du personnel du PAM sont licenciés à la suite des malversations dans les distributions de 2003-2004, portant sur 4 000 tonnes de riz détournées. Deux fonctionnaires du ministère des ressources en eau et météorologie font l’objet de sanctions administratives : ni avancement, ni augmentation de salaire, et ils ne recevront pas de “médaille d’or Le 29 mars, le gouvernement a dû rembourser un acompte de 300 000 dollars sur les 900 000 du montant des fraudes.
Le 13 mars, le Premier ministre annonce que son gouvernement, après avoir été celui de la construction des écoles, puis de la construction des routes, est désormais celui de l’irrigation. Il invite à remettre en fonction les petits systèmes d’irrigation. Espace Cambodge a terminé les travaux de percement de canaux sur plus de six km., de huit mares, dont la principale mesure 100 m sur 22, et 2,5 m de profondeur, toutes creusées à la barre à mine et la terre charriée dans de petits paniers.
Pêche
La pêche en eau douce aurait diminué de 10 % par rapport à 2003, et ne s’élèverait qu’à 250 000 tonnes. Les autorités seraient intervenues en 2 500 cas, et auraient saisi plus de 6 000 batteries (nécessaires pour électrocuter les poissons) ainsi que des milliers de mètres de filets illégaux. On rend responsables de cette baisse les nombreux barrages sur le Mékong, en amont du Cambodge.
Textile
Le 13 mars, le ministre du Commerce annonce qu’il démissionnera s’il ne parvient pas à mettre fin à la corruption dans l’année. Selon le ministre, 70 usines, sur les 290 agréées depuis 1996, ont fermé leurs portes, dont cinq depuis le 1er janvier, licenciant 26 000 ouvriers. La masse salariale est passée de 19 à 17 millions de dollars. Selon Van Sou Ieng, Français d’origine chinoise, réélu par ses pairs patron du syndicat des entrepreneurs du textile, onze usines ont fermé depuis le 1er janvier, vingt-cinq ont suspendu leurs opérations, quinze nouvelles se sont ouvertes. 11 000 ouvriers ont été licenciés, 17 000 mis en chômage technique, 4 à 5 000 nouveaux emplois ont été créés.
Le 14 mars, le Premier ministre annonce une prolongation de deux ans de l’exemption fiscale dont bénéficient les usines durant les trois premières années de leur exercice (soit 60 à 70 % d’entre elles), pour compenser les pertes dues à la corruption (qui, selon le syndicat des patrons, représentent entre 10 à 15 % du chiffre d’affaires). Selon la Banque mondiale, la corruption entre pour 6 % dans le prix de vente.
Tourisme
Plus de 400 000 touristes se sont rendus au Cambodge en janvier-février 2005, soit une progression de 26,5 %.
DONS et INVESTISSEMENTS
La BAD autorise 104 millions de prêts et de dons pour les deux années à venir pour venir en aide au système sanitaire cambodgien. Vingt-six millions sont destinés à la création d’un port à Siemréap et à la réinstallation des villageois de Chong Knéas, près de ce port ; 18 millions pour le développement du réseau de distribution d’eau potable en milieu rural ; 10 millions pour le programme de réforme du secteur financier ; 15 millions sont destinés à soutenir quatre projets touristiques régionaux, le gouvernement en versant cinq : eau potable à Siemréap, route de Choeung Aek, aéroports de Stoeung Treng et de Ratanakiri. La BAD a déjà déboursé 403 des 775 millions approuvés le 31 décembre 2003.
Le 24 mars, l’Union européenne (UE) accorde un don de 670 000 dollars au ministère du Commerce, pour protéger la propriété intellectuelle, une mesure prévue par l’entrée dans l’OMC. Quarante-sept lois doivent être votées, notamment sur le copyright. La législation sur la propriété intellectuelle entrera en vigueur le 1er janvier 2007.
Selon Mekong Private sector Developpement, parmi les 700 ONG ouvrant au Cambodge, 200 ont développé des projets à caractère commercial destinés à aider les pauvres.
Poste et télécommunications
Le 16 mars, le Japon accorde un prêt de 28 millions de dollars au gouvernement cambodgien pour la création d’un réseau de télécommunications dans la sous-région du Grand Mékong. Un câble de fibre optique de 394 km. va être tiré entre Kompong Cham et Sihanoukville. Les Télécommunications, dont le capital (contesté) serait de 60 millions de dollars, vont être partiellement privatisées. Il y a au Cambodge 698 410 téléphones portables. Le ministère a engrangé 36,7 millions de dollars en 2004, soit 19,6 % de plus que l’année précédente.
Armée
Le 7 mars, Son Chhay, député PSR, accuse le ministère de la Défense d’avoir passé un contrat de 62,5 millions de dollars pour la confection de 50 000 uniformes, à une société, comme par hasard, dirigée par Sok Hong, fils de Sok Kong, patron de la toute puissante Sokimex, et neveu de Sok An, ministre du Conseil des ministres. Une autre société, Paragon, qui fournit le riz aux troupes, proposait le même travail pour 57,5 millions. Le prix de chaque uniforme est de 70 dollars pour les hommes de troupe, et de 322 pour les officiers.
Le 28 février, l’UE signe un accord pour renforcer son aide à l’armée royale cambodgienne. Treize dépôts d’armes devraient être construits d’ici la fin de l’année. Cette initiative sera complétée par des formations et par du matériel de gestion informatique.
Le 31 mars, un incendie ravage un entrepôt de 50 tonnes de munitions entreposées en dehors de toutes les règles de sécurité, dans la banlieue de Battambang. L’explosion fait au moins six morts et trente blessés, dont dix graves ; 157 maisons sont détruites en quatre villages, 239 autres sont endommagées, mais restent habitables ; 1 300 obus non explosés sont ramassés par le CMAC à une dizaine de kilomètres à l’entour. Deux colonels, dont on a retrouvé les voitures de luxe passées en contrebande dans les débris de l’entrepôt, sont arrêtés. Dans un premier temps, on a cru à un accident technique, puis on semble s’orienter vers un acte de sabotage, fruit d’une rivalité entre deux groupes financiers qui viseraient à acquérir le terrain.
Le 1er avril, six hommes, dont trois policiers chargés de la garde d’un dépôt appartenant à une société chinoise de construction de la route Kratié-Stoeung Treng, sont arrêtés pour avoir dérobé 525 kg d’explosifs. Le 25 avril, six adultes et deux enfants sont accusés d’avoir volé deux tonnes de fer et 150 litres de gasoil à la même société.
Le ministère de la Défense envisage d’acheter quatre navires à la Chine, pour un coût de 60 millions de dollars, sur un prêt sans intérêt de la Chine, pour surveiller ses frontières maritimes.
SOCIETE
Travailleurs émigrés cambodgiens
183 000 Cambodgiens travaillent clandestinement en Thaïlande. Nhep Bunchin, ministre cambodgien de l’Emploi et de la Formation professionnelle, négocie l’octroi d’un “passeport” reconnu par les autorités des deux pays et valable deux ans. Ce “passeport” leur permettra de se déplacer sur tout le territoire thaïlandais, de bénéficier de meilleurs salaires, et de déposer leurs gains en banque, ce qui leur évitera de s’en faire délester par les gardes-frontières des deux pays. Ce passeport ne sera attribué qu’aux travailleurs cambodgiens actuellement en Thaïlande. Le ministre envisage de traiter la situation des travailleurs cambodgiens travaillant en Malaisie de la même façon.
Le ministre cambodgien demande aux entrepreneurs thaïlandais de payer 1 000 baths (environ 20 euros) en plus des 500 prévus par l’accord.
Depuis le début du mois d’avril, la Thaïlande expulse plus de 6 000 travailleurs cambodgiens illégaux, peut-être en rétorsion de l’exigence du ministre khmer.
Depuis le 9 mars, la Malaisie accepte à nouveau des travailleuses cambodgiennes, par l’intermédiaire de la société Philimore Cambodia, enregistrée en 1998 auprès du ministère des Affaires sociales. Le nombre des travailleurs cambodgiens en Malaisie serait compris entre 10 et 20 000, dont plus d’un millier de clandestins. Désormais deux cents personnes pourront partir chaque mois, munies d’un passeport, d’un visa et d’une carte de travail. Les contrats sont de deux ans renouvelables, avec un salaire moyen de 130 dollars. Un stage de préparation de trois mois est prévu avant le départ, notamment pour l’apprentissage de l’anglais, ainsi qu’un examen médical (dépistage du sida et syphilis).
Justice
Le 2 mars, six personnes condamnées à de fortes peines, “anormalement libérées sont ré-arrêtées sur ordre du maire de Phnom Penh. Ces assassins ou kidnappeurs auraient retrouvé la liberté contre 10 000 ou 20 000 dollars. Selon un rapport de la police municipale, 274 personnes auraient ainsi bénéficié des largesses de juges ou de procureurs de la cour, 369 voleurs de province auraient aussi été relâchés dans les mêmes conditions. (On fait remarquer que Nhim Sophéa, neveu de Hun Sen, n’a pas été ré-arrêté.) Le 3 mars, Hun Sen annonce la mise à pied de deux procureurs de la cour de Phnom Penh. Selon le Premier ministre, la foule lynche les voleurs parce qu’elle n’a pas confiance en la justice. “La santé de toute notre société est en jeu dit-il. En décembre 1999, Hun Sen avait ordonné la ré-arrestation de 195 suspects et criminels, mais la corruption n’a pas changé pour autant. Certains juristes s’inquiètent de l’ordre de Hun Sen et parlent d’une ingérence de l’exécutif dans le système judiciaire, ainsi que d’“un abus de pouvoir dangereux Cependant, l’opinion publique réagit favorablement.
Un comité de huit membres est créé pour examiner les irrégularités dans les décisions de justice. Le 31 mars, l’affaire est confiée à la cour de Battambang, afin d’éviter que la cour de Phnom Penh ne soit juge et partie. Neuf magistrats sont mis en accusation.
Le 20 avril, la Cour d’appel confirme les condamnations contre les membres des CCF (Combattants cambodgiens pour la liberté). Des graffitis de soutien aux CCF apparaissent sur des murs de Phnom Penh. Certains y voient une provocation du gouvernement pour lui permettre d’arrêter d’autres opposants.
Mouvements sociaux
L’industrie textile est en péril. Le Premier ministre rend assez volontiers les ouvriers responsables de vouloir tuer la poule aux oufs d’or. Cependant, au vu des faits, ces ouvriers ne font que réclamer le minimum de justice.
Le 7 mars, la société de confection textile Cambodia Garment ferme son usine et laisse 900 chômeurs qui protestent, en vain, pour la troisième fois. La société a ouvert son usine il y a six mois. Les chômeurs sont payés à 50 % de leur salaire, ce qui fait supposer que les activités pourraient reprendre.
Le 9 mars, le tribunal de Kandal condamne trois syndicalistes à payer 300 000 dollars de dommages et intérêts aux propriétaires des usines pour avoir provoqué des arrêts de travail. Les intéressés font appel.
Le 15 mars, la police armée de bâtons électriques et de fusils d’assaut AK 47 arrêtent six travailleurs, et en dispersent 200 autres, qui protestent devant leur usine AIA Garment.
Le 15 mars, le patron chinois de l’usine Long Heang Factory, à Ang Snuol, ferme son usine et s’enfuit en Chine sans avoir payé ses 330 ouvriers depuis février.
Le même jour, 71 ouvriers de l’usine Sun Shiny reprennent le travail après une grève d’une semaine pour réclamer leurs salaires de janvier et février. La direction paye les salaires de janvier, et promet de payer ceux de février en avril.
Le 5 avril, des soldats armés d’AK 47, de l’unité 70 (les gardes du corps de Hun Sen), dispersent une manifestation d’ouvriers de la CHP Garment factory, à Dangkao, dans un faubourg de Phnom Penh. L’usine appartient à Chéa Soeun, proche de Hun Sen.
Le 6 avril, la police disperse 90 ouvriers de l’usine Kin Tai Garment qui manifestent devant la cour municipale de Phnom Penh qui a émis un jugement condamnant leur grève, alors que le Conseil d’arbitrage avait rendu un autre avis.
Le 8 avril, pour la première fois, le ministère de l’Intérieur répond à un courrier du SIORC lui assurant que le gouvernement soutient le droit de grève et de manifestation, si elles sont organisées en toute légalité, c’est-à-dire avec l’autorisation des autorités. Cependant, ces autorités ont refusé systématiquement toutes les autorisations, pour raisons de “sécurité”. Après un refus des autorités, les syndicats sont autorisés à défiler le 1er mai. Le ministère n’a jamais répondu aux demandes de sanctions émises par les syndicats à l’encontre de policiers qui ont commis des violences contre les grévistes. Le SIORC et les associations de défense des droits de l’homme constatent que la répression a augmenté depuis le début de l’année.
Le 19 avril, cinq représentants syndicaux SIORC de l’usine Thai Ya, dans le secteur de Ponhéa Lu, sont convoqués par la police, puis incarcérés, suite à une plainte de la direction les accusant de leur avoir fait perdre 12 000 dollars par le débrayage du millier de travailleurs de l’usine, le 12 avril. Pour forcer ses 1 000 ouvriers à faire des heures supplémentaires, à l’approche du Nouvel An, la direction avait enfermé les travailleurs à l’intérieur de l’usine. Adhoc proteste contre ces arrestations, faites sans investigation préalable. Le 20 avril, les ouvriers se mettent en grève, bloquent la nationale 5 en brûlant des pneus. Ils demandent de ne pas faire plus de 21 heures supplémentaires par semaine (durée légale : 48 heures). Le 21 avril, la direction retire sa plainte et assure, par écrit, ne plus obliger les travailleurs à faire des heures supplémentaires.
Le 21 avril, la police, armée de fusils d’assaut AK 47 et de matraques électriques, disperse des manifestants de l’usine de confection Kin Tai, qui réclament une amélioration de leurs conditions de travail. Deux femmes sont blessées. En mars, cette usine a licencié trois cents employés.
Spoliations et grogne paysanne
Le 9 avril, le Premier ministre tonne contre les officiels de haut rang qui s’accaparent les terres des pauvres, et demande aux gouverneurs de prendre de lourdes sanctions. “Nous avons déjà entendu beaucoup de paroles semblables par le passé, ce que nous voulons c’est une action commente le responsable de Global Witness. Les spoliations de terres par les hauts fonctionnaires et militaires continue, mais souvent dégénère en conflits sanglants.
Le 28 février, on apprend que la police de Païlin a arrêté 117 paysans accusés de défricher des terres. Ils sont relâchés après “éducation”.
Le 4 mars, les autorités gouvernementales et des hommes d’affaires doivent se retirer face à 145 villageois de O Yadaw, dans la province de Ratanakiri, défendant leurs terres contre un projet de plantation de caoutchouc, lancé par la société Men Sarun, propriété d’un sénateur PPC, à qui a été accordée une concession de 20 000 hectares, en 1995. Les autorités provinciales tentent de fermer l’Association des Montagnards, fondée en 2000 pour préserver la culture des minorités, qu’elles supposent être instigatrice des manifestations. Le 12 mars, elles confisquent une pétition signée par plus d’une centaine de personnes. Le 18 mars, les autorités provinciales menacent d’expulsion les ONG qui soutiennent les Montagnards dans leur lutte contre l’extorsion de leurs terres.
Le 4 mars, 148 représentants de familles de Siemréap, en passe d’être expulsées de leurs terres, au profit d’une société qui y construira des hôtels, écrivent à Kofi Annan et en appellent au roi Sihamoni et à Hun Sen. Ces terres leur avaient été remises par l’UNHCR à leur retour des camps de réfugiés en Thaïlande. Le gouvernement leur propose deux dollars le m2.
Dans son rapport devant la Commission des droits de l’homme de l’ONU, Peter Lumprecht, représentant spécial du secrétaire général, en plus de la dérive dictatoriale du régime actuel, fait état de quarante concessions accordées depuis 2003, couvrant 808 296 hectares (la loi cambodgienne n’autorise que les concessions de 10 000 hectares). Il y voit une crainte pour la stabilité politique du régime.
Le 14 mars, le Premier ministre annonce la reprise du système des concessions pour développer le pays. Après les propos de Peter Lumprecht, il se dit “Premier ministre d’un Etat souverain, non ministre d’un Etat colonisé. Il me pose des questions comme à un prisonnier
Le 7 mars, à Sihanoukville, treize habitations sont détruites par des militaires, à l’aide d’un bulldozer. Une société propose de planter des acacias sur ces terrains. Des affrontements ont lieu avec les villageois pendant deux heures. Deux conducteurs d’engins sont légèrement blessés. A supposer que l’expulsion soit légale, le recours aux militaires est illégal. Le 9 mars, toujours à Sihanoukville, les villageois dégagent l’accès à leurs maisons bloquées par des dépôts de terres, effectués par des bulldozers de l’armée. Le 13 mars, les bulldozers repassent à l’action et détruisent trente maisons.
Le 9 mars, à Phnom Penh, plus de soixante protestataires, armés de bâtons et de machettes, empêchent des militaires de combler un étang qui jouxte leurs maisons, et menacent de mettre le feu à leurs véhicules. Le chef de village saisit deux fusils d’assaut AK 47 des militaires.
Le 13 mars, une roquette B40 est tirée sur la voiture du chef de la police de Poïpet.
Le 21 mars, à Poïpet, plus de 200 hommes de la police militaire, armés de fusils d’assaut AK 47, tirent sur 218 familles qui refusaient d’être expulsées, pour remettre leur cinq hectares de terrain à un général. On déplore six morts, dont une femme qui portait un bébé dans les bras. Les ONG de défense des droits de l’homme et l’ONU protestent, les ambassades, à part celle d’Australie, restent silencieuses. Les policiers nient voir tiré, mais accusent un provocateur déguisé en policier. Il faut se souvenir que la commune de Poïpet est sous contrôle du PSR. Le procureur de Battambang inculpe près de 200 personnes, dont 77 policiers, 42 gendarmes pour leur éventuelle implication dans la fusillade. Ces prévenus sont toutefois laissés en liberté.
Le 24 mars, 200 villageois de la province de Bantéay Méan Chhey se rendent devant le bureau des députés pour demander qu’ils règlent les litiges fonciers les opposant aux militaires. Par exemple, à Préah Neth Préah, 222 familles demandent la sécurisation des 444 hectares sur lesquels elles vivent, et où les militaires font des incursions. Dans le district d’O Chrouv, cinquante villageois sont aux prises avec des soldats qui convoitent les cent hectares où ils vivent.
Les habitants du voisinage de Boeung Trabèk, au sud de Phnom Penh, manifestent en brûlant des pneus contre la mairie qui voudrait vendre leur terrain de 26 hectares à une société privée.
Le 4 avril, une centaine de villageois de Sen Monorom (Mondolkiri) manifestent contre la société Wuzhishan (filiale de la Phéapimex) qui empiète sur leurs terres et détruit leurs lieux saints.
Le 11 avril, 600 habitants de Sophy, district de O Chrouv, manifestent pour protester contre les fonctionnaires qui coupent les arbres et détruisent la forêt pour la vendre à des hommes d’affaires.
Le 22 avril, une cinquantaine de paysans de Bavel (province de Battambang) et de trois villages de la province de Siemréap manifestent devant l’Assemblée nationale. Les premiers sont en litige avec d’anciens Khmers rouges intégrés dans l’armée qu’ils accusent d’avoir vendu leurs 62 hectares de terres et détruit leurs récoltes. Les autres accusent les autorités locales d’avoir vendu les 1 500 hectares qui les font vivre.
Le 26 avril, une quarantaine de Montagnards de Ratanakiri portent plainte contre un acheteur de 500 hectares de terrain qui les a dupés et fait signer un contrat sans leur montrer ni leur lire le texte, pour 400 dollars chacun. Cet achat aurait été arrangé par un haut fonctionnaire du ministère de l’Aménagement du territoire. L’acheteur a commencé à y planter des hévéas. Le gouverneur de Ratanakiri déclare interdire la vente des terrains.
Rien n’est réglé pour les terrains de Koh Pich, en face du casino Naga de Phnom Penh. La municipalité offre d’acheter les terrains pour 2,5 dollars le m2, et de donner pour 4 dollars de compensation en nature. Les familles occupant le terrain réclament 10 dollars (prix du terrain : à Kompong Cham 25 dollars le m2 ; à Skun, 9 dollars ; à Khieng Svay, 7 dollars. En février dernier, une société avait évalué ce terrain à 25 dollars le m ).
“Les émeutes de Samlaut qui ont préludé au déclenchement du mouvement Khmer rouge, en 1967, avaient 1 000 fois moins d’ampleur que le mécontentement actuel dit un ancien ministre du Sangkum.
Vente de biens nationaux
Une société singapourienne va construire un supermarché et des appartements sur l’ancien emplacement du siège de la Croix-Rouge cambodgienne. La valeur de la transaction n’est pas révélée.
Le Secrétariat à l’aviation civile loue une de ses deux propriétés, située dans l’île de Koh Poh (au large de Sihanoukville), à une société japonaise pour 70 ans. Le Conseil des ministres récoltera 12 000 dollars par an après la seconde année.
Une base militaire située à Russey Kéo, où était stocké du matériel militaire lourd, est accordée à une société privée cambodgienne en échange de la reconstruction d’une autre base dans la province de Kompong Chhnang. Le transfert, légitime, pour des raisons de sécurité, est entouré de l’habituelle opacité.
L’Association d’amitié de la police, dont les locaux sont situés à Borey Keila, en plein cour de Phnom Penh, doit céder son terrain à la Phanimex. “On ne peut pas résister, car c’est une décision du gouvernement se contente de dire le président de l’association.
Les autorités gouvernementales se proposaient d’“échanger” l’emplacement de l’hôpital provincial de Siemréap, situé au cour de la ville, pour le transporter à 15 kilomètres. Cependant, devant le tollé général, notamment de la coopération belge qui a versé six millions de dollars pour quatre ans, le gouvernement fait machine arrière. Le prix du terrain serait de sept millions de dollars. Cependant, le 27 avril, des hommes d’affaires reprennent leurs visites.
Le ministre de la Culture accorde à Kit Meng, patron du Royal Group, qui chapeaute le réseau de télévision, et de Mobitel, ainsi que de la gestion du terrain de l’hôpital Monivong, la gestion du théâtre du Bassac. “Ils vont construire des magasins tout autour estime Van Molyvann, le constructeur du théâtre. “La culture n’est pas faite pour rapporter de l’argent, c’est une mission de l’Etat dit un artiste.
Le 23 mars, on annonce que les six hectares de l’Institut polytechnique Préah Kossomak, construit en 1965, sont accordés à l’incontournable Phanimex, qui reconstruira une université à l’extérieur de Phnom Penh, pour une valeur de quatre millions de dollars “L’Etat encourage les investisseurs locaux se justifie le gouvernement.
Le 28 mars, les enseignants d’un collège de Chrui Changvar se mettent en grève pour protester contre l’attribution par le Conseil des ministres, le 18 février, de 1,4 hectare appartenant à l’école, à des gens du voisinage.
Le 29 mars, le ministre du Commerce annonce l’échange des bureaux de son ministère contre d’autres locaux à construire en dehors de Phnom Penh.
Le 1er avril, la municipalité de Phnom Penh loue le terrain de Choeung Aek, où ont été exécutés et enterrés les 17 000 torturés de Tuol Sleng, à une société japonaise, la JC Royal Cie, pour une durée de trente ans, avec 15 000 dollars de location les cinq premières années. Trois dollars seront désormais demandés aux visiteurs étrangers, 500 riels aux Cambodgiens. En 2004, la municipalité a gagné 20 688 dollars de la vente des billets d’entrée à Choeung Aek. C’est l’émoi parmi les ONG cambodgiennes de défense des droits de l’homme, qui jugent indigne que “l’on autorise des étrangers à faire du bénéfice sur nos morts. C’est honteux !”. On parle également de privatiser la sinistre prison de Tuol Sleng.
Les 241 familles habitant un immeuble insalubre près du pont Monivong sont invitées à déguerpir. Il ne serait pas impossible que la société NG Seven ait des visées sur le terrain.
Le 13 avril, on apprend que le ministère du Tourisme, vaste bâtiment de style colonial, a été échangé avec la société fantôme New Hope, contre une villa équipée d’air conditionné, avec un supplément de 100 000 dollars, partagé entre les trente membres du ministère “pour leur accord”. Le ministère fait savoir par la suite qu’il ne recevra que 40 000 dollars. Le bâtiment, qui avait fait l’objet d’un accord entre les municipalités de Phnom Penh, Paris et Venise pour sa restauration, a été démoli durant la semaine de congé suivant le Nouvel An.
La crèche municipale de Phnom Penh, où demeurent encore 300 enfants handicapés, est vendue. L’hôpital de dermatologie est échangé à une société (non précisée) qui le reconstruira en périphérie de la capitale.
Le 26 avril, une centaine de professeurs de l’Université des Beaux Arts, dont les locaux ont été vendus à la société Mong Rethy, se mettent en grève pour demander un dédommagement de 1 200 dollars chacun, afin de s’acheter des véhicules pour se rendre au travail. Finalement, Mong Reththy accepte de donner 700 dollars à chacun des 400 enseignants.
Le 28 avril, on apprend qu’une concession de zone franche de 192 hectares de Stoeung Haw, dans la région de Sihanoukville, est attribuée au groupe Attwood Investment, dont la femme du ministre du Commerce détient 10 % du capital, soit un million de dollars.
Que l’Etat ait besoin d’argent, qu’il veuille installer ses infrastructures hors de la capitale, rien de plus légitime. Ce que reprochent les ONG c’est l’opacité dans laquelle se passent toutes ces transactions, dont les bénéficiaires sont tous des proches des autorités. Il est vrai que le “peuple” se confond avec les membres du Parti du Peuple Cambodgien, à qui appartiennent les richesses du pays.
Santé
Le 1er mars, le ministère de la Santé se félicite de l’amélioration de ses services : en 2004, il bénéficie de 833 établissements, contre 823 en 2003, de 31 hôpitaux de référence, dont 18 en province, pourvus d’un bloc opératoire. 745 118 patients ont consulté en 2004, contre 586 213 en 2003. Dans 14 districts, les patients auraient la possibilité de soins gratuits grâce à une politique tripartite de recouvrement des frais : ONG, gouvernement et patients payants. Les autorités ont fermé 34 cabinets de médecins et 409 cabinets dentaires dépourvus de licence. Il tente de lutter contre les pharmacies illégales, mais, sur 33 dossiers remis à la justice, deux ont fait l’objet de poursuites. Le 6 avril, un service de prévention de la transmission du sida de la mère à l’enfant est créé à Phnom Penh. Dix-neuf centres de soins et hôpitaux offrent déjà ces soins, dont cinq à Phnom Penh.
Selon le Centre de cardiologie, 10 000 enfants ont un besoin urgent d’opération chirurgicale, 100 000 autres souffrent d’une maladie cardiaque.
La grippe aviaire fait quatre victimes humaines au Cambodge, mais on ne peut parler d’épidémie. Le 4 mars, la BAD annonce l’octroi d’un don de 1,6 million de dollars en assistance technique pour développer la coopération régionale en matière de santé animale. L’OMS accorde un don de 40 000 dollars pour éduquer les Cambodgiens contre les dangers de la grippe aviaire dans 6 000 villages. Le 30 mars, le gouvernement japonais donne trente motos par le biais de la FAO pour les vétérinaires cambodgiens, afin de faciliter leur travail de surveillance sanitaire. AusAID (Australie) accorde une aide de 150 000 dollars, l’USAID (Etats-Unis) 100 000, le Canada s’engage pour 60 000 pour lutter contre le virus. Le ministère de la Santé a dépensé 2 700 dollars janvier.
La tuberculose tue une personne chaque heure au Cambodge, 70 000 nouvelles personnes en sont affectées chaque année, 10 000 en meurent, soit plus que par le sida.
Mines
Le 4 mars, le gouvernement japonais accorde un don de 1,6 million de dollars au CMAC pour 2005, pour déminer les provinces de Battambang et de Pursat, qui restent les deux provinces les plus minées. Depuis 1991, le Japon a fourni une aide de près de 50 millions dans ce domaine. Les mines ont provoqué 941 accidents en 2004 (840 en 2003).
Drogue
Même si l’Autorité de lutte contre la drogue a multiplié les arrestations en 2004, le rapport du Bureau international en date du 1er mars fustige la complicité des militaires et des dignitaires du régime, la corruption, la faiblesse des institutions qui bloquent toute action efficace. 10 000 pilules d’amphétamines entreraient chaque jour au Cambodge, dont 25 % seraient réexportées en Thaïlande. Des laboratoires mobiles seraient installés au Cambodge. 1 000 tonnes de marijuana seraient produites chaque année au Cambodge. On signale de très nombreuses saisies de drogue en tous genres durant les deux derniers mois.
Le 17 mars, l’Assemblée nationale alourdit les peines concernant la production et la commercialisation des drogues, pouvant aller jusqu’à la prison à vie et 125 000 dollars d’amende.
Education nationale
Le gouvernement américain promet une distribution de nourriture gratuite à 10 000 enfants de huit provinces à partir du mois d’avril, sous forme de farines de blé et de soja transformées par des PME cambodgiennes en pain ou en sachets de nouilles. Cette aide représente 2,5 millions de dollars, étalée sur une durée de deux ans. Cette fabrication devrait créer environ 1 000 emplois.
La BM accorde vingt millions de dollars d’aide à l’Education nationale, plus huit millions de prêts pour améliorer l’éducation et la construction d’écoles.
Prisons
Le 23 mars, des prisonniers de la prison de Trapéang Thong, près de la frontière vietnamienne, non loin de Mémot, sortent de leur atelier avec leurs outils coupants, prennent en otage trois personnes de l’administration pénitentiaire, dont le directeur, et montent à bord de trois véhicules pour tenter de sortir de la prison. Les gardiens tirent dans le tas : dix-huit morts par balles, dont le directeur, atteint d’une balle dans la tête, et trois blessés. Onze détenus sont en fuite. Les corps sont immédiatement enterrés à l’intérieur de la prison, interdisant ainsi toute expertise des ONG de défense des droits de l’homme. Les journalistes et membres des ONG sont interdits de visite. Certains morts et blessés porteraient des menottes. Cette prison, rénovée en 1998, héberge actuellement 927 prisonniers condamnés à de lourdes peines. Si les ONG déplorent les mauvaises conditions de détention, elles condamnent la fusillade, les détenus ne disposant pas d’armes à feu.
La surpopulation des prisons et les mauvaises conditions de vie font que les détenus n’ont plus rien à perdre. Le ministère des Finances donne une allocation de 1 000 riels par jour et par détenu (25 cents de dollar), mais les fonctionnaires du dit ministère en ponctionnent 200 au départ. Après plusieurs ponctions successives, il en reste environ 200 pour le détenu.
DIVERS
In memoriam
Le 25 mars, Madeleine Giteau, historienne, ancien conservateur du musée de Phnom Penh, spécialiste, entre autres, des fresques de pagodes, nous a quittés. En plus de sa grande connaissance de l’art cambodgien, c’était une amie de longue date Cambodge-Infos que nous regrettons et dont nous tenons à honorer la mémoire.
Patrimoine
En début février, des équipes du ministère de la Culture et des membres de l’EFEO découvrent la cinquième route “impériale” des temps angkoriens partant de Boeung Méaléa, passant près de Koh Ker et rejoignant Wat Phu au sud du Laos. Cinq chaussées rayonnaient autour d’Angkor, dont l’une est empruntée par la nationale 6 actuelle (Siemréap-Kompong Thom) ; elle rejoignait Sambor Prey Kuk, une autre partait vers Préah Khan. Des villes-garnisons étaient construites le long de ces routes “dans une stratégie militaire de contrôle du territoire”.
Le 14 avril, la police de Banteay Méan Chhey confisque 80 objets anciens stockés dans une villa : poteries, statues, etc.
Pour la première fois, au Cambodge, un chanteur cham enregistre un DVD.
Religion
Après la mort de Jean-Paul II, l’ancien roi Sihanouk envoie une longue lettre de condoléances dans laquelle il exprime son “plus profond respect et une admiration sans bornes et rapporte sa visite au pape avec lequel il avait évoqué “les excellentes relations entre les catholiques et nos rois khmers, protecteurs de toutes les religions et croyances Une délégation cambodgienne présidée par Sok An, ministre du Conseil des ministres, s’est rendue à Rome pour les funérailles, le roi Sihamoni a participé au service funèbre donné en l’église de Phnom Penh, apportant trois immenses gerbes de fleurs, l’une en son nom, une autre au nom du roi-Père, et une autre au nom de la reine. Après l’élection de Benoît XVI, le roi Sihamoni a envoyé une lettre de félicitations au nouveau pape, dans laquelle il salue son “immense autorité morale” : “Le Cambodge a fait siennes depuis toujours les valeurs (.) de meilleure compréhension entre les hommes, de compassion accrue envers les plus faibles, de respect de la vie et d’extinction de toute violence.”