Eglises d'Asie

Des responsables religieux musulmans ont émis une fatwa, déclarant anti-islamiques les attentats-suicide

Publié le 18/03/2010




Le 17 mai dernier, 58 dignitaires musulmans, responsables d’écoles coraniques, ont émis une fatwa (décret religieux), déclarant que les attentats-suicides visant des citoyens ordinaires et des lieux de culte sont contraires à l’enseignement de l’islam et ne peuvent pas représenter un instrument au service du djihad (la guerre sainte). “Cette déclaration vise le meurtre d’innocents à la suite d’explosions ou d’attentats-suicide qui ont tué des milliers de personnes au Pakistan au cours des dernières années a expliqué le mufti sunnite Muneebur Rehman, qui a ajouté : “Trop de personnes ont été tuées dans des mosquées ou dans des attentats ciblés commis au nom de l’islam.”

Signée par des dignitaires tant sunnites que chiites, la fatwa pose comme principe qu’il est interdit (haram) de tuer des innocents et que ceux qui commettent de tels crimes encourent la peine de mort. Le mufti Muneebur Rehman, qui est président d’une association regroupant des écoles coraniques, Tanzeemul Madaris Pakistan, a précisé que “quiconque participait à une attaque suicide en pensant qu’il ou elle agissait avec la bénédiction de Dieu ne sera pas considéré comme étant musulman”.

Les dignitaires musulmans ont par ailleurs précisé que la fatwa était applicable uniquement au Pakistan et qu’elle visait à détromper les esprits, certaines organisations religieuses ayant convaincu les candidats aux attaques-suicide qu’ils monteraient directement au Paradis. “Cette propagande donne une mauvaise image de l’islam. A travers ce décret, nous voulons éviter que des gens innocents deviennent des instruments dans les mains des ennemis de l’islam a encore déclaré le mufti Muneebur Rehman.

Dans un pays où, depuis le début des années 1990, plus de 4 000 personnes sont mortes dans des attentats à la bombe, à la voiture piégée ou des attaques ciblées, du fait de conflits entre la minorité chiite et la majorité sunnite (1), la déclaration des religieux musulmans a été bien accueillie par le gouvernement. Le ministre fédéral des Affaires religieuses, Aamir Liaquat, a déclaré que la fatwa “pourrait assainir la situation” au Pakistan, étant donné que ses signataires sont “des gens qui ont une certaine autorité”. Il a ajouté que “le meurtre d’innocents dans des lieux publics en Irak, en Israël ou ailleurs [était] également contraire aux enseignements de l’islam”. En août 2001, le président Pervez Musharraf avait déclaré hors-la-loi les groupes extrémistes sunnites et chiites ; la mesure n’a pas empêché les violences entre les deux communautés de continuer : pour la seule année 2004, 160 morts ont été recensés du fait de ce conflit.

Du côté de l’Eglise catholique, Mgr John Saldanha, archevêque de Lahore et président de la Conférence des évêques du Pakistan, a déclaré “apprécier” la condamnation des attentats-suicide par les religieux : “Nous aussi, en tant que catholiques, nous sommes opposés à ces actes de violence. La vie est un don sacré et nous ne pouvons l’ôter selon notre bon vouloir, parce que Dieu nous l’interdit.” Il a également émis le souhait que “ce type de décret soit pris dans d’autres pays”.

En dépit de la fatwa du 17 mai, une explosion au mausolée de Bari Imam, dans la banlieue d’Islamabad, a fait dix-neuf tués le 27 mai 2005. Selon les premiers éléments de l’enquête, il s’agirait d’un attentat-suicide. Après quatre jours de célébrations religieuses réunissant des sunnites, le mausolée, ce vendredi 27 mai, était fréquenté principalement par des chiites. Les deux confessions musulmanes, chiite et sunnite, revendiquent le contrôle du mausolée, aux mains des sunnites depuis plus de vingt ans. Trois jours plus tard, le 30 mai, à Karachi, un attentat-suicide contre une mosquée fréquentée par des chiites a fait cinq morts et six autres personnes sont mortes dans l’incendie consécutif d’un restaurant voisin, une succursale d’un Kentucky Fried Chicken.