Eglises d'Asie

Les catholiques se joignent aux bouddhistes pour célébrer avec eux Vesak, la plus importante fête bouddhiste de l’année

Publié le 18/03/2010




Des chrétiens sri-lankais se sont joints cette année encore aux bouddhistes pour célébrer Vesak. Le fait mériterait à peine d’être noté s’il ne s’inscrivait dans un contexte marqué, ces derniers mois, par divers attentats contre des lieux de culte chrétiens et un projet de loi anti-conversion, dénoncé par les responsables chrétiens comme étant dirigé contre la communauté chrétienne (1).

Dans la paroisse Ste Cécile de Raddoluwa, à 25 km. au nord de Colombo, Vesak a donné lieu à une cérémonie particulière, comme cela se fait depuis une vingtaine d’années. Du 23 au 30 mai dernier, Vesak, qui célèbre l’anniversaire de la naissance, de l’illumination, de la mort et de l’entrée en nirvana de Bouddha, a vu le curé de la paroisse, le P. Anthony Cyril, et les moines bouddhistes prendre place ensemble dans une “dansela” (échoppe aux aumônes). Les dansela sont une des particularités populaires de la fête de Vesak propres au Sri Lanka. Les bouddhistes y font l’aumône pour gagner des mérites. Durant une semaine, les croyants cheminent de temple en temple pour honorer Bouddha. Dans des baraques dressées le long du chemin, on leur sert gratuitement collation, thé ou boissons sucrées.

Depuis décembre 2003, au Sri Lanka, les relations entre la majorité bouddhiste et les communautés chrétiennes, minoritaires, se sont tendues après certains actes de vandalisme et les incendies d’un certain nombre d’églises. Une autre tension est née du projet de loi déposé l’an dernier par les députés-moines du parti politique Jathika Hela Urumaya (JHU, Héritage national cinghalais), pour contrer les conversions religieuses. Ses partisans affirment que le projet veut seulement empêcher les conversions “moralement contestables comme, par exemple, celles obtenues par la force ou la séduction (2).

Parmi les bouddhistes du Sri Lanka, tous ne sont pas d’accord avec la politique menée par le JHU. A Raddoluwa, Leela Rathnasekara, âgée de 30 ans, secrétaire du Conseil de femmes bouddhistes et enseignante à l’école du dimanche du temple bouddhiste local, témoigne : “Quand je discute avec les bonzes du JHU, je leur demande : ‘Pourquoi, vous aussi, ne vous asseyez-vous pas ensemble au nom du seigneur Bouddha pour le bien du peuple ?'”. Elle défie les bonzes du JHU “d’oser apprendre quelque chose, et des moines bouddhistes et du prêtre catholique” de Raddoluwa. “La semaine de Vesak est faite pour la réconciliation et l’unité. Oublions l’animosité et unissons-nous les uns et les autres déclare-t-elle.

Pour le P. Antholy Cyril, les actions communes entreprises avec les bouddhistes permettent de dissiper les malentendus éventuels. “Puisque nous vivons dans une région bouddhiste, il nous faut être à leur côté. Ils sont une part de notre vie. Ma mission est de les aider à être de bons bouddhistes estime-t-il (3).

D’après le vénérable Raddoluwa Amerawansa Thero, responsable du temple bouddhiste de Raddoluwa, Bouddha et le Christ étaient, l’un et l’autre, animés d’une profonde spiritualité. Ils appartiennent à tout le monde. Donc, leur message est universel, enseigne-t-il, ajoutant : “Pour être un bon moine bouddhiste, les enseignements de Jésus sont très importants. Nous travaillons étroitement avec l’Eglise. Certains nous critiquent, mais ils comprendront bientôt. Je veux un jour voir une crèche (de Noël) dans un temple et des décorations de Vesak dans une église.”

Pour Shara Mohomed, un musulman, fréquenter les célébrations de Vesak est important pour l’éducation qu’il veut donner à son fils et sa fille, de manière à ce que ces enfants comprennent que les différentes religions du pays partagent beaucoup de points communs. Montrer à ses enfants que des catholiques peuvent participer à Vesak est une façon de leur faire expérimenter comment l’harmonie interreligieuse peut se bâtir dans leur pays. Il a ajouté espérer que, l’an prochain, des musulmans pourront se joindre aux célébrations de Vesak.

Parmi les bouddhistes qui ont exprimé leur approbation de cet esprit chrétien interreligieux au Sri Lanka, on trouve Ramani Gunaratne, un fonctionnaire de l’Education nationale, qui a déclaré que ces animations interreligieuses étaient comme un pont entre chrétiens et bouddhistes. H.M.S. Hapigahapitiya, membre de l’Association de la jeunesse bouddhiste, a confirmé de son côté qu’il appréciait le geste de croyants d’autres religions qui ont tenu à décorer leur maison avec des lanternes et des décorations de Vesak.