Eglises d'Asie

Même si la culture du jaquier (l’arbre à pain) est florissante, les paysans ne connaîtront la prospérité que s’ils savent s’organiser en coopératives et se doter d’un crédit mutuel

Publié le 18/03/2010




Cette année encore, grâce aux jaquiers qui poussent par milliers dans la région du Savar, les cultivateurs, catholiques pour la plupart, peuvent espérer un relativement bon revenu. Tel n’a cependant pas toujours été le cas. Il y a une cinquantaine d’années, ce sont des catholiques pauvres qui ont quitté Dacca pour venir s’installer au Savar, une région de collines située à 30 km. au nord-ouest de la capitale du Bangladesh. La culture des jaquiers, plus connus sous le nom d’arbres à pain, a rapidement permis à ces cultivateurs de manger à leur faim. A tel point que, dans ces familles catholiques, le menu traditionnel, fait de riz au curry, était remplacé par des jacquiers, matin, midi et soir. Les paysans donnaient le surplus à plus pauvre qu’eux.

Cependant, étant donné la quantité et la qualité des jaques produits, des spéculateurs comprirent qu’il y avait là une source de profit à exploiter. Ils se mirent à prêter de l’argent aux cultivateurs catholiques en se faisant rembourser en nature, sur la récolte des jaquiers. Ils dégageaient d’importants profits en revendant ailleurs les jaques. Les cultivateurs eux, pris dans la spirale de l’endettement et des taux d’intérêt usuriers, ne pouvaient envoyer leurs enfants à l’école, les conflits familiaux n’étaient pas rares et il était même difficile pour eux de faire face aux nécessités les plus élémentaires de la vie.

Aujourd’hui, le Savar est connu pour ses jaques vendus partout dans le pays et même à l’exportation. Une visite dans les villages tels que Dharenda, Dewgaon, Kamalapur et Rajason, fiefs des 5 000 paroissiens catholiques de la région, permet de découvrir des maisons construites en dur, des écoles, un dispensaire ; des automobiles et des motos circulent et l’atmosphère générale est plutôt à l’optimisme. Mais il n’y a pas que les jaquiers d’important dans la région. Dans cette prospérité retrouvée, ce n’est pas la production de jaques qui a été déterminante, mais le « Crédit mutuel des jaquiers une institution dont le germe a été planté il y a quarante ans avec l’aide de missionnaires.

L’idée d’un « crédit mutuel » est née d’une enquête menée par un missionnaire américain de la Congrégation de la Sainte-Croix, le P. Leo Sullivan, curé de la paroisse de Dharenda en 1959. Avec l’argent généré par la vente des jaques, la coopérative mise alors sur pied fut en mesure d’accorder des prêts. Ce qui permit aux cultivateurs de se libérer de l’emprise des prêteurs sur gage. En 1973, avec le P. Charles R. Houser, successeur du P. Sullivan, la coopérative devint une institution quasi paroissiale et prit la forme d’une véritable société de crédit mutuel.

Pour Joseph Costa, le premier président de la Société chrétienne de crédit mutuel de Dharenda, « cette coopérative a montré que, quand un groupe, avec des intentions honnêtes, s’attelle à une tâche difficile, il peut réussir à faire quelque chose Il souligne la qualité de l’habitat, des maisons en dur avec des toilettes à la place de cabanes au toit de chaume, et le fait que les enfants du village sont tous scolarisés. Mais l’essentiel, ajoute-t-il, c’est que les familles sont devenues plus solides à tous points de vue grâce à la sécurité financière ainsi acquise. Certains ont utilisé les prêts du crédit mutuel pour démarrer des affaires dans l’agroalimentaire et sont devenus de véritables hommes d’affaires, avec des bureaux et des entrepôts dans la capitale.

Fin mai 2005, le crédit mutuel comptait 2 124 membres, dont des lycéens et des étudiants de premier ou deuxième cycle universitaire. La presque égale répartition des membres en fonction de leur sexe – 1 060 hommes et 1 064 femmes – indique que « les femmes travaillent et progressent autant dans la famille et dans l’Eglise que les hommes dans la paroisse », souligne encore Joseph Costa. Le capital du crédit mutuel est de 15,4 millions de takas (200 000 euros) ; chaque mois, les remboursements se montent en moyenne à deux millions de takas. Des « bourses d’étude P. Leo Sullivan » ont par ailleurs été mises en place pour aider les étudiants les plus doués. En 2003, le crédit mutuel de Dharenda a été désigné par le ministère des Coopératives comme étant la « meilleure coopérative pour l’ensemble de ses performances ».