Eglises d'Asie

Le meurtre d’un moine bouddhiste dans le nord de la Thaïlande est dénoncé par des organisations religieuses comme le symptôme d’une banalisation de la violence

Publié le 18/03/2010




Dans la nuit du 17 au 18 juin dernier, le vénérable Supoj Suwajano, moine bouddhiste, a été poignardé à mort. L’événement a eu lieu au centre bouddhique Mettadhamma, situé dans le district de Fang, dans la province de Chiang Mai. Selon le vénérable Kittisak Kittisophano, qui secondait la victime pour assurer la direction du centre, les responsables du meurtre sont à chercher du côté de l’administration et d'”intérêts particuliers” qui peuvent tirer profit de la disparition du moine.

Le vénérable Supoj était connu pour sa défense de l’environnement. Depuis quelques temps, il était en butte à des tentatives d’intimidation. Selon le vénérable Kittisak, des personnalités locales, dont des militaires et des politiciens, souhaitaient mettre la main sur un terrain de 700 rai (113 hectares), couvert de forêt et jouxtant le centre Mettadhamma. Un projet de plantation d’orangers et d’installation touristique avait été mis au point. Ce à quoi s’opposait le moine, au nom de la défense de l’environnement. “Plusieurs fois, le vénérable Supoj et moi avons été menacés pour que nous quittions les lieux. Des hommes de main nous ont promis que nous ne serions plus jamais en sécurité et bien que nous soyons des moines, ils n’hésiteraient pas à recourir à la violence contre nous a déclaré le vénérable Kittisak, ajoutant que la police locale avait été avertie dès 2002 de ces intimidations mais qu’elle n’avait rien fait.

Pour un certain nombre d’organisations religieuses, réunies à Bangkok le 22 juin dernier, le meurtre du vénérable Supoj n’est pas un incident isolé, mais doit être replacé dans un contexte de violence croissante. Selon le groupe bouddhiste Sekiyatham, la Commission ‘Justice et paix’ de la Conférence des évêques catholiques de Thaïlande et le Conseil des organisations musulmanes de Thaïlande, la mort du vénérable Supoj porte à dix-huit le nombre des défenseurs des droits de l’homme et des protecteurs de l’environnement qui ont été assassinés ou sont portés disparus depuis que le Premier ministre Thaksin Shinawatra est arrivé au pouvoir, en 2001. “A qui le tour ? ont demandé les responsables de ces organisations religieuses.

Pour le P. Vichai Phoktavi, ancien secrétaire de la Commission ‘Justice et paix’, “l’Eglise doit prendre la parole au sujet de la mort du moine et les catholiques doivent faire connaître ce qui s’est passé dans le district de Fang et pourquoi le moine est mort. Il en va de la défense des droits de l’homme”. Selon le prêtre catholique, la société thaïlandaise connaît une évolution très négative : “Si vous vous opposez aux puissants, vous pouvez finir assassiné.”

Pour le bouddhiste Sulak Sivaraksa, le fait que la mort du vénérable Supoj soit liée à une affaire de terrains convoités par des politiciens indique que “l’Etat perçoit les moines qui protègent l’environnement comme une menace, une menace qui peut être éliminée par le meurtre”. Que la Thaïlande soit un “pays de bouddhistes” ne change rien à l’affaire et montre seulement que les moines ne sont pas considérés comme intouchables. Le nom du vénérable Supoj vient s’ajouter à une longue liste de militants qui défendent l’intérêt des petits face aux puissants et à un gouvernement qui ne se soucie pas de les défendre, a expliqué Sulak Sivaraksa, coorganisateur de la rencontre du 22 juin.

Parmi la liste des dix-huit personnes tuées ou disparues ces derniers temps, on trouve le nom de Somchai Neelapaijit. Avocat, il est président de l’Association des avocats musulmans de Thaïlande et vice-président du Comité pour les droits de l’homme de la Société des juristes de Thaïlande. Il a disparu depuis mars 2004, sans doute à la suite d’un enlèvement. On trouve également le nom de Charoen Wataksorn, défenseur de l’environnement dans la province de Prachaub Khiri Khan. Il a été assassiné le 21 juin 2004.

Le P. Vichai estime que les responsables religieux doivent prendre position aux côtés des défenseurs de l’environnement et des pauvres gens. “Aujourd’hui, la société thaïlandaise est en crise car beaucoup ont perdu confiance. Le meurtre est devenu une maladie sociale déplore-t-il (1).