Eglises d'Asie

Province de la frontière du Nord-Ouest : l’Eglise catholique demande la remise en liberté d’un chrétien mis en examen pour profanation du Coran

Publié le 18/03/2010




Le 4 juillet dernier, la Commission ‘Justice et paix’ de l’épiscopat catholique pakistanais a demandé la remise en liberté de Yousaf Masih, un chrétien âgé de 60 ans, arrêté et mis en examen par la police le 28 juin 2005 pour profanation du Coran, un crime puni de la prison à vie par l’article 292-C du Code pénal pakistanais, plus connu sous le nom de “loi anti-blasphème”. La Commission estime que les faits ne sont pas établis et que la police n’a pas fait son travail, en procédant sans délai à la mise en examen sans avoir mené une enquête préliminaire. Les faits se sont produits à Nowshera, ville de la Province de la frontière du Nord-Ouest, une province dirigée depuis 2003 par une coalition de partis islamistes et où la charia a force de loi.

Selon le déroulement des faits tel qu’il a été établi par la Commission ‘Justice et paix’, Yousaf Masih, balayeur de son état depuis une trentaine d’années, brûlait des ordures – dont des papiers – selon les directives que lui avait données son employeur. Analphabète, il ne pouvait savoir ce qui était écrit sur les papiers qu’il était chargé de détruire. C’est alors que des enfants ont rapporté l’avoir vu brûler des pages du Coran. Peu après que les enfants eurent rapporté cela, les haut-parleurs de la mosquée voisine ont clamé qu’une profanation du Coran avait eu lieu. Les trente-cinq familles hindoues et les six familles chrétiennes du quartier ont alors cherché refuge auprès du poste de police local. Une foule d’environ deux mille hommes en colère s’est ensuite pris aux habitations de ces familles, saccageant au passage un temple hindou, avant d’exiger de la police que l’homme en question leur soit livré. Selon Ashar Javaid, représentant local de la Commission ‘Justice et paix’, le calme est peu à peu revenu dans la ville après que des renforts de la police et de l’armée eurent été déployés.

Entre temps, la police a mis en examen Yousaf Masih pour profanation du Coran. La Commission catholique dénonce cette mesure à deux titres : premièrement “il est évident qu’un employé chargé de l’entretien, âgé de 60 ans et analphabète, alors qu’il brûle des papiers selon les instructions de son employeur, ne peut pas être soupçonné d’avoir délibérément entrepris quelque chose qui s’approche, ne serait-ce que de loin, à une profanation du Coran” ; , “la procédure mise en place en 2004 n’a pas été respectée, ainsi qu’en témoigne, avec cet incident, le fait qu’une plainte [pour profanation] a été enregistrée sans enquête préalable et qu’une simple rumeur a suffi à provoquer un trouble à l’ordre public et le déclenchement d’une procédure judiciaire”. En mai 2004, à la suite de requêtes répétées de responsables catholiques, protestants et hindous, le chef de l’Etat avait demandé une révision des procédures d’application de la loi sur le blasphème (1). Depuis cette date, la police doit mener une enquête préliminaire sur les plaintes qui lui sont soumises et qui tombent sous le coup de la loi sur le blasphème ; l’objet de cette enquête est de déterminer la réalité des faits, de nombreux abus ayant eu lieu ces dernières années, des plaignants utilisant la loi pour régler des litiges entre personnes privées n’ayant rien à voir avec la religion.

A l’Assemblée législative de la Province de la frontière du Nord-Ouest, le ministre des Affaires parlementaires, Malik Zafar Azam, a déclaré qu’une enquête sur l’affaire de Yousaf Masih avait été ouverte et que les émeutiers seront punis. Huit personnes ont été interpellées à la suite de l’attaque du temple hindou, a-t-il précisé, ajoutant que deux officiers de police avaient été suspendus. Des indemnités seront débloquées au profit des familles hindoues et chrétiennes victimes des émeutiers, a-t-il également précisé.

Dans la même ville de Nowshera, au mois d’avril dernier, un musulman converti au christianisme avait été lynché à mort par une foule. La police n’était pas intervenue à temps pour le mettre à l’abri de musulmans en colère (2). Dans la Province de la frontière du Nord-Ouest, les chrétiens forment à peine 0,5 % de la population.