Eglises d'Asie

Dans le Nord-Ouest du pays, des paysans, empoisonnés par des rejets toxiques de l’industrie minière, sont aidés par des catholiques

Publié le 18/03/2010




Dans le district de Mae Sot, situé dans la province de Tak, à environ 400 km. au nord-ouest de Bangkok, des habitants de plusieurs villages souffrent d’empoisonnement. Meekee, une Karenne âgée de 54 ans, est clouée au lit ; elle ne peut plus se déplacer et le moindre mouvement la fait souffrir. Sour Marilou Camacho, de la congrégation des Filles de la charité, explique que les médecins ont diagnostiqué de graves disfonctionnement des reins, dû à un empoisonnement au cadmium. Les douleurs de Meekee sont si intenses que les seules pensées qui l’habitent sont des pensées suicidaires, rapporte la religieuse.

L’empoisonnement au cadmium est relativement commun dans le district de Mae Sot. Au moins 350 personnes sont affectées et deux en sont mortes. “De nombreux villageois restent alités et attendent de mourir raconte la religieuse, dont la congrégation vient en aide aux habitants de quatre villages, à Mae Tao Mai, Mae Tao, Mae Ku Kae et Pha Dei, fournissant réconfort et soins médicaux aux populations karenne et thaïe.

La source de l’empoisonnement en question est connue, même si l’affaire n’a pas fait la ‘Une’ de la presse à Bangkok. Il s’agit du cadmium rejeté dans l’environnement par deux sociétés minières qui extraient du zinc des collines situées au-dessus des villages affectés. Le cadmium est un rejet toxique issu du processus de raffinage du zinc, mené sur place par les deux sociétés. En juin 2005, le très officiel Bureau de contrôle des maladies et l’hôpital de Mae Sot ont mené des analyses et conclu que près du quart de la population du district présentait un niveau excessif de cadmium dans le sang. Selon les autorités, l’empoisonnement proviendrait de la consommation de riz contaminé et d’autres études ont montré que le riz cultivé localement comportait de 0,7 à 2 milligrammes de cadmium par kilo, là où les normes internationales préconisent de ne pas consommer au-dessus de 0,2 milligrammes. Seize kilomètres carrés de terres arables ont été classés comme contaminées par le zinc et le cadmium.

Dans le village de Pha Dei, le P. Rangsipol Plienphan, curé de la paroisse Saint-Pierre, s’indigne. “Peut-on encore manger ou boire quoi que ce soit qui vienne d’ici ? interroge-t-il, racontant que ses journées et celles des religieuses qui l’assistent se passent à fournir une aide médicale, à accompagner les villageois à l’hôpital, à distribuer des dons alimentaires et à visiter les malades chez eux. Il précise que la source de la pollution est connue : les installations minières et de raffinage appartiennent aux sociétés Padaeng Industry et Tak Mining. En avril 2004, ces sociétés ont versé 1,1 million de bahts (22 000 euros) en dédommagement pour 130 tonnes de riz contaminé qui ont dues être détruites. Padaeng Industry a aussi fourni de l’équipement médical à l’hôpital de Mae Sot pour un montant de 920 000 bahts.

Mais, pour le P. Rangsipol, ces aides sont peu de chose en comparaison des maux causés. Selon lui, les villageois continuent de s’empoisonner parce qu’ils mangent, boivent, respirent là où ils vivent. Des études internationales ont indiqué que 110 000 personnes sont potentiellement en danger dans le district de Mae Sot. De son côté, le gouvernement est intervenu pour dédommager les agriculteurs. L’an dernier, 66 millions de bahts ont été débloqués pour acheter 2 000 tonnes de riz contaminé et les détruire. De plus, une subvention de 56 millions aurait été approuvée pour compenser le manque à gagner des riziculteurs, empêchés de cultiver du riz. Conséquence de ces mesures, aujourd’hui, les paysans doivent acheter du riz pour se nourrir et le P. Rangsipol et les religieuses constituent des stocks de denrées alimentaires pour assurer la “sécurité” des villageois. Malgré ces mesures, le prêtre estime que l’avenir des habitants de la région est sombre. La zone est menacée d’être classée comme étant “inhabitable”. Le mode de vie des Karens et des Thaïs, tous groupes ethniques confondus, a été durablement perturbé. Le riz “étant ce qui fait leur vie que peuvent faire ces paysans ?, interroge le P. Rangsipol.

Le prêtre souligne que des conflits ont éclaté dans les villages. Certains villageois ont reçu de l’argent et ont trouvé un emploi auprès des sociétés minières. D’autres estiment que l’argent “ne peut pas être une compensation pour la perte d’un mode de vie rapporte Surat Deethongkao, coordinateur du Réseau karen pour la culture et l’environnement à Pha Dei. Ce militant ajoute qu’une somme de dix millions de bahts lui a été proposée à condition qu’il arrête de parler de l’empoisonnement au cadmium et affirme qu’il a reçu des menaces de mort.