Eglises d'Asie

Les Eglises chrétiennes déplorent l’assassinat du ministre des Affaires étrangères et s’inquiètent pour l’avenir de la paix dans le pays

Publié le 18/03/2010




Les responsables des Eglises chrétiennes ont été unanimes à déplorer l’assassinat, le 12 août dernier, de Lakshman Kadirgamar, ministre des Affaires étrangères du Sri Lanka. L’archevêque de Colombo, Mgr Oswald Gomis, et la Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka, ont condamné dans les termes les plus fermes “cet acte barbare exprimant leur inquiétude quant à son impact sur “une solution politique négociée” au conflit ethnique qui divise le pays. Le Conseil national des Eglises chrétiennes du Sri Lanka, qui regroupe huit Eglises protestantes, a qualifié l’assassinat de “choc” pour tous ceux qui veulent la paix et qui “craignent un retour de la guerre dans le climat actuel”. “Le pays a perdu un leader courageux à l’heure où le pays a besoin de tels hommes pouvait-on lire dans le communiqué du Conseil national des Eglises chrétiennes, publié le 16 août.

Agé de 73 ans, Lakshman Kadirgamar, un chrétien – anglican – tamoul, était une personnalité respec-tée. Avocat de formation, doué d’un grand charisme et crédité d’une réputation d’honnêteté, il assu-mait le portefeuille des Affaires étrangères sans interruption depuis 1995, avec un intermède de deux ans lorsque le Parti national unifié (UNP) était au pouvoir. A ce poste, il avait su représenter efficace-ment son pays sur la scène internationale, expliquant sans relâche la complexité du conflit ethnique sri-lankais. L’assassinat n’a pas été revendiqué, les Tigres tamouls ont démenti en être les commanditai-res, mais la presse locale et le gouvernement sri-lankais sont convaincus du contraire. Les autorités ont affirmé que des preuves indiquaient que le LTTE, les Tigres tamouls, était derrière ce meurtre.

L’assassinat du ministre des Affaires étrangères intervient à un moment-clé du processus de paix engagé par la signature, en 2002, d’un cessez-le-feu entre Colombo et les Tigres tamouls. Au début de ce mois de septembre, les Norvégiens, qui jouent le rôle de médiateur dans ce conflit, doivent organiser une rencontre entre les autorités et les rebelles tamouls pour éviter une flambée de la violence et garantir la trêve. A cette fin, la Norvège a réussi à obtenir – après l’assassinat du ministre – un accord de principe du gouvernement et du LTTE pour une réunion de révision du cessez-le-feu. Le climat s’est cependant nettement dégradé ces dernières semaines. Avant même que la présidente Chandrika Kumaratunga décrète l’état d’urgence après l’assassinat du ministre des Affaires étrangères – état d’urgence prolongé pour un mois le 18 août par le Parlement -, la suspension d’un accord sur l’aide internationale aux victimes du tsunami du 26 décembre dernier avait jeté un froid.

Le 15 juillet dernier, en effet, la Cour suprême a suspendu l’application de clauses importantes de l’accord que le gouvernement avait signé le 24 juin avec le LTTE (1). Cet accord prévoyait la mise en place d’“une structure de gestion opérationnelle” pour permettre la distribution de l’aide internationale dans les zones contrôlées par le gouvernement et dans celles tenues par les Tigres tamouls. Les donateurs internationaux tenaient à la mise en place de cette structure commune au gouvernement et au LTTE pour la distribution des trois milliards de dollars d’aide promis, car nombreux sont ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas donner des fonds directement aux rebelles tamouls, considérés comme une organisation terroriste par un certain nombre de pays. Dès la décision de la Cour suprême connue, l’Union européenne, les Etats-Unis, le Japon et la Norvège ont exhorté le gouvernement sri-lankais et les Tigres à respecter leur engagement en faveur du cessez-le-feu, mais ces appels ont rencontré un faible écho. Pour le LTTE, qui contrôle les régions à majorité tamoule du nord et de l’est du pays, la décision de la Cour suprême signifie que les Tamouls ne peuvent s’attendre à une répartition équitable de l’aide internationale de la part des autorités cinghalaises. “En réalité, nous nous dirigeons très vite vers la fin des efforts de paix a déclaré S. P. Thamilselvan, chef de la branche politique du LTTE.

Du côté des Eglises chrétiennes, les conséquences de la décision de la Cour suprême ont été déplorées. “A cause de cet obstacle, nous sommes dans une impasse, a déclaré le pasteur Kingsley Perera, président de l’Union baptiste du Sri Lanka, qui assumait en juillet la présidence du Conseil national des Eglises chrétiennes. L’acheminement de l’aide aux victimes du tsunami ne sera pas facilité et la situation ne fera qu’empirer.” Chez les catholiques, les évêques des diocèses des régions Nord et Est du pays sont allés à la rencontre des leaders politiques du LTTE. Le 29 juillet, Mgr Rayappu Joseph, de Mannar, Mgr Thomas Savundranayagam, de Jaffna, et Mgr Kingsley Swampilai, de Batticaloa-Trincomalee, sont allés à Kilinochchi, au cour des territoires tenus par les Tigres tamouls, pour enjoindre les responsables du LTTE, dont S. P. Thamilselvan, de sauvegarder la paix.

Enfin, le 26 août dernier, la Cour suprême s’est prononcée pour l’organisation des élections présiden-tielles d’ici à la fin de l’année, et non en décembre 2006 comme le souhaitait l’actuelle présidente Chandrika Kumaratunga. L’entrée en campagne électorale des partis politiques ne paraît pas propice à un avancement des négociations de paix entre Colombo et le LTTE, estiment les observateurs, repoussant à plus tard une solution négociée à un conflit qui, depuis 1983, a fait 60 000 morts.