Eglises d'Asie

Benoît XVI a nommé quatre évêques de Chine continentale pour prendre part au Synode des évêques sur l’Eucharistie, organisé à Rome en octobre prochain

Publié le 18/03/2010




Selon le Bulletin publié ce jeudi 8 septembre par la salle de presse du Saint-Siège, Benoît XVI a nommé quatre évêques catholiques de Chine continentale pour prendre part au Synode des évêques, qui se tiendra à Rome du 2 au 23 octobre prochain, sur le thème de “l’Eucharistie : source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise”. Ces quatre évêques, dont les noms figurent sur une liste de trente-six cardinaux, évêques et religieux, appartiennent, pour deux d’entre eux, à l’Eglise “officielle” et, pour les deux autres, à l’Eglise “clandestine” (1).

Les deux évêques “officiels” sont Mgr Anthony Li Du’an, évêque de Xi’an (province du Shaanxi), et Mgr Aloysius Jin Luxian, évêque de Shanghai. Les deux évêques, qui appartiennent à l’Eglise “officielle” et dont la qualité épiscopale a été reconnue par le Saint-Siège, ont récemment reçu des évêques auxiliaires pour les aider dans leur mission pastorale. Agé de 78 ans, Mgr Li Du’an souffre d’un cancer du foie. Agé de 89 ans et affaibli par la maladie, Mgr Jin Luxian a dû être hospitalisé à plusieurs reprises ces derniers mois. Ces dernières semaines, les deux nominations d’évêques auxiliaires ont retenu l’attention dans la mesure où elles avaient été reconnues par le pape et approuvées par le gouvernement chinois (2).

Les deux évêques “clandestins” sont Mgr Lucas Li Jingfeng, évêque de Fengxiang, dans la province du Shaanxi, et Mgr Joseph Wei Jingyi, évêque de Qiqihar, dans la province du Heilongjiang. Tous deux sont des personnalités bien connues de l’Eglise “clandestine” et ont régulièrement eu affaire à la Sécurité publique et à l’administration des Affaires religieuses, qui exercent des pressions sur les catholiques “clandestins” dans le but de les voir rejoindre les structures de l’Association patriotique. Consacré évêque du diocèse de Fengxiang en 1980, Mgr Lucas Li, âgé de 83 ans, anime une communauté catholique qui présente la particularité d’être entièrement “clandestine”. La trentaine de prêtres, la trentaine de religieuses et les 20 000 fidèles de ce diocèse refusent en effet de rejoindre les structures de l’Eglise “officielle”, en dépit des campagnes lancées en ce sens par les autorités locales (3). De ce fait, la cathédrale, les églises, le séminaire et les différentes organisations de ce diocèse sont certes “clandestines” mais bien visibles aux yeux de tous. Mgr Joseph Wei Jingyi appartient quant à lui à cette génération de jeunes prêtres qui accède aux responsabilités dans l’Eglise de Chine. Agé de 47 ans, Mgr Wei est né en mai 1958 dans une famille originaire de Baoding, dans le Hebei, qui avait fui la famine consécutive au Grand Bond en avant en partant s’installer dans le Nord-Est chinois. Il a été formé à la prêtrise au début des années 1980 alors que l’Eglise catholique commençait tout juste à se relever après la Révolution culturelle (1966-1976). Ordonné prêtre en 1985, il est arrêté en 1987 à Qiqihar pour avoir fait imprimer des livres religieux sans autorisation préalable. Emprisonné sans avoir été jugé, il est libéré en 1989 puis tente d’organiser avec son évêque, Mgr Guo Wenzhi, une Conférence épiscopale “clandestine”, dont il devient le secrétaire général. Arrêté en 1990, ainsi que tous ceux qui avaient pris part à une réunion de cette conférence clandestine, il est condamné à trois ans de rééducation par le travail puis sort de camp au bout de deux ans, en 1992. Son évêque étant très âgé et malade, il est nommé, en accord avec le Saint-Siège, évêque coadjuteur de Qiqihar en 1995. Depuis le retrait de Mgr Guo, il est l’évêque en titre du diocèse de Qiqihar (4). Très actif, il est régulièrement interpellé par la police. Sa dernière arrestation remonte au mois de mars 2004 : il avait alors été rapidement libéré, après dix jours de détention, le Saint-Siège ayant publiquement protesté contre son arrestation (5).

Selon les observateurs, l’invitation par le pape de quatre évêques de Chine continentale à participer à un événement de la vie de l’Eglise universelle présente un caractère particulier à plusieurs titres. Premièrement, du fait du contexte de division au sein de l’Eglise catholique de Chine, entre “officiels” et “clandestins”, Rome a toujours pris soin de ne pas prendre parti pour l’une ou l’autre des composantes de cette Eglise. Au printemps 1998, lors du Synode des évêques pour l’Asie, Jean-Paul II avait invité deux évêques de Chine continentale : il s’agissait de Mgr Matthias Duan Yinming, évêque “officiel” du diocèse de Wanxian, dans la province du Sichuan, et de son coadjuteur, Mgr Joseph Xi Zhixuan. En 1998, Mgr Duan Yinming était le dernier évêque chinois vivant en Chine continentale à avoir été nommé avant la prise du pouvoir par les communistes. Mgr Duan Yinming, nommé en 1949 par Pie XII, et son coadjuteur s’inscrivaient, sans conteste possible, dans la succession apostolique (6). Les autorités chinoises de l’époque avaient cependant rejeté la demande de sortie du territoire chinois des deux prélats et, durant toute la durée du Synode, deux sièges vides avaient symbolisé leur absence. Avec les nominations qui viennent d’être rendues publiques, Benoît XVI replace publiquement l’Eglise de Chine au sein de l’Eglise universelle et, tous les évêques nommés avant 1950 étant aujourd’hui décédés, il choisit d’inviter quatre évêques représentatifs des différents visages de l’Eglise catholique en Chine.

Deuxièmement, la nomination de ces quatre évêques pour prendre part au Synode sur l’Eucharistie s’inscrit dans une actualité marquée par une évolution des rapports entre le Saint-Siège et Pékin. A la suite de la querelle née de la canonisation de martyrs de l’Eglise de Chine, en 2000, les contacts entre les deux parties ont, semble-t-il, été gelés (7). Récemment, à l’initiative notamment de la communauté de Sant’Egidio, des échanges ont eu lieu peu avant le décès de Jean-Paul II et depuis l’élection de Benoît XVI (8). Sur le dossier de la normalisation des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République populaire, le secrétaire du Saint-Siège pour les rapports avec les Etats a déclaré que les difficultés pour y parvenir n’étaient “pas insurmontables” (9Sur la question de la nomination des évêques en Chine, les nominations d’évêques auxiliaires à Shanghai et à Xi’an indiquent qu’un certain modus operandi peut être trouvé, sans que les deux parties s’entendent pour autant au préalable. L’atmosphère a donc changé. Le pape nomme quatre évêques chinois à un synode qui se tiendra à Rome. Reste à savoir si les autorités chinoises délivreront ou non des passeports à ces quatre prélats.