Eglises d'Asie

Selon l’agence Chine Nouvelle, l’Association patriotique juge que l’invitation du Vatican à quatre évêques témoigne d’un manque de “respect” envers les catholiques chinois

Publié le 18/03/2010




Dans une dépêche de l’agence de presse officielle chinoise Chine Nouvelle, en date du 10 septembre dernier, on pouvait lire qu'”un responsable de l’Eglise de Chine a[vait] déclaré que l’invitation du pape exprimait un manque de respect aux cinq millions de catholiques en Chine et un mépris de l’autonomie de l’Eglise de Chine, de la Conférence des évêques catholiques de Chine et de l’Association patriotique des catholiques chinois”. C’est en ces termes que les autorités chinoises ont exprimé ce qui apparaît comme une fin de non recevoir à l’invitation rendue publique deux jours auparavant de Benoît XVI conviant quatre évêques chinois au Synode sur l’Eucharistie, qui aura lieu à Rome du 2 au 23 octobre prochain (1).

Selon Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique, les instances officielles de l’Eglise catholique de Chine ont, dans un premier temps, perçu l’invitation de Benoît XVI comme “un signe positif un geste de bonne volonté qui aurait pu créer les conditions favorables à l’établissement de relations entre le Vatican et Pékin, ainsi qu’une reconnaissance que le Saint-Siège n’avait pas traité justement l’Eglise de Chine par le passé. Le responsable de l’Association patriotique a ajouté que, lorsque le ministère chinois des Affaires étrangères a été informé par le Vatican de l’existence de ces quatre invitations, le gouvernement chinois a fait savoir à Rome que ces dernières n’étaient pas appropriées étant donné le grand âge ou la mauvaise santé de trois des évêques invités. Quant au quatrième, Mgr Joseph Wei Jingyi, âgé de 47 ans, Anthony Liu Bainian a fait mine de ne pas le connaître : “Il n’existe pas de membre de la Conférence des évêques de l’Eglise catholique en Chine répondant à ce nom. Nous ne savons pas quand il a été ordonné, pas plus que nous ne savons s’il a reçu une quelconque formation au sacerdoce.” En dépit des remarques du ministère des Affaires étrangères, “il est apparu que le Vatican a maintenu la liste des quatre noms en l’état et l’a rendue publique a poursuivi le responsable laïc. “C’est pourquoi nous nous sentons désolés et nous avons le sentiment d’avoir été blessés du fait de ne pas avoir été respectés a-t-il ajouté, refusant de dire si, selon lui, cet épisode représentait ou non un pas en arrière pour le dossier des relations entre le Vatican et Pékin. L’amélioration de ces relations, s’est-il contenté de déclarer, dépend de ce qu’entreprendra le Vatican.

Anthony Liu Bainian s’exprimait ainsi le 12 septembre. Le lendemain, il ajoutait, dans une déclaration à France-Presse (2), que le refus d’honorer les invitations adressées par le Vatican était dû aux relations diplomatiques que le Saint-Siège maintenait avec Taiwan. “Le Vatican conserve de soi-disant relations extérieures avec Taiwan. Nous devons donc empêcher la situation qui aurait vu la manifestation de ‘deux Chine’ ou ‘Taiwan et la Chine’ durant le synode. Cela aurait été très dommageable à l’image de l’Eglise catholique chinoise auprès du peuple chinois a-t-il précisé, allusion sans doute au fait qu’au moins un évêque de l’Eglise de Taiwan participera au synode. Le même jour, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères réitérait la position chinoise : “Le Vatican doit rompre les relations diplomatiques avec Taiwan et reconnaître le gouvernement de la République populaire de Chine comme unique gouvernement légitime de la Chine.”

Pour Kwun Ping-hung, observateur attentif des questions liées à l’Eglise catholique en Chine, la Chine a fait clairement connaître sa position quant à ces invitations et a manifesté son refus de laisser les quatre évêques partir pour Rome. Cependant, remarque-t-il, la formulation de la dépêche de l’agence Chine Nouvelle, qui cite “un responsable de l’Eglise de Chine est suffisamment peu précise pour signifier que le gouvernement chinois se laisse une marge de manouvre pour entamer de façon plus constructive un éventuel dialogue avec le Vatican. Pékin ne transige toutefois pas sur les préalables à un tel dialogue : la rupture du Vatican avec Taiwan, mais aussi la reconnaissance par le Saint-Siège de la Conférence épiscopale “officielle” et de l’Association patriotique. Puisque que le Vatican a envoyé les invitations directement aux quatre évêques concernés pour précisément éviter de s’adresser à la Conférence épiscopale “officielle” et à l’Association patriotique, Pékin a beau jeu de dire que les relations entre les deux parties ne sont pas normales, puisque les invitations “négligent” les deux instances officielles que sont la Conférence épiscopale et l’Association patriotique. Dans cette affaire, souligne Kwun Ping-hung, tant Pékin que le Vatican se montrent fermes quant au respect des principes qui sont les leurs et on voit mal ce qui pourrait débloquer la situation à court terme.

A Hongkong, Mgr Joseph Zen Ze-kiun, évêque du diocèse catholique du lieu, a estimé que, dans l’affaire de ces invitations, le Vatican s’était peut-être montré trop optimiste quant à la volonté de changement des autorités chinoises et à leur désir réel de normaliser leurs relations avec le Saint-Siège. “Cela aurait constitué un développement positif cette fois si l’invitation avait été discutée via des canaux diplomatiques, car cela aurait signifié qu’un canal diplomatique pour des communications bilatérales avait été ouvert a-t-il déclaré au South China Morning Post du 14 septembre. L’évêque a ajouté qu’il regrettait de ne pas avoir été consulté par le Vatican sur ce dossier : “A l’avenir, le Saint-Siège devrait nous consulter car nous pourrions peut-être aider.”

Par ailleurs, deux autres évêques chinois, qui avaient été invités à participer à la Cinquième rencontre ocuménique européenne sur la Chine, ont vu leurs demandes de sortie du territoire chinois refusées. Cette rencontre doit avoir lieu du 16 au 20 septembre 2005 au collège Saint-Anselme, à Rome ; elle réunira des chrétiens chinois et européens pour débattre de la situation des Eglises chrétiennes en Chine. Mgr Peter Feng Xinmao, le jeune évêque “officiel” de Hengshui (province du Hebei), ordonné le 6 janvier 2004 avec l’accord des autorités chinoises et en communion avec Rome (3), ainsi que Mgr Pius Jin Peixian, l’évêque “officiel” du diocèse de Shenyang (province du Liaoning), n’ont pas été autorisés à sortir de Chine, car, a déclaré Anthony Liu Bainian, leurs demandes lui sont parvenues trop tard. Mgr Jin Peixian a précisé qu’il avait déposé sa demande à l’Administration d’Etat des Affaires religieuses en juillet dernier et qu’en janvier de cette année, il avait pu se rendre sans difficulté à une rencontre sur la Bible organisée aux Philippines.