Eglises d'Asie – Chine
Des prêtres catholiques, qui avaient eu l’heureuse surprise de prendre part à une audience papa-le à Rome, n’ont pas été réprimandés par les autorités à leur retour à Pékin
Publié le 18/03/2010
Pour les vingt-deux prêtres (cinq recteurs, six vice-recteurs et onze directeurs spirituels), responsables de grands séminaires à Pékin, Chengdu, Jilin, Shanghai, Shenyang, Shijiazhuang, Wuhan, Xi’an et ailleurs, cette visite en Europe, organisée par les moines bénédictins des monastères allemands de Saint-Ottilien, était l’occasion de se familiariser avec la spiritualité bénédictine ainsi que de se former au contact de différents lieux d’Eglise en Europe, à Münsterschwarzach, en Allemagne, à Camaldoli, en Italie, ainsi qu’à Fiecht, en Autriche, Cologne, en Allemagne et Florence, en Italie. L’escale romaine de leur périple ne prévoyait pas de participation à l’audience générale que le pape tient les mercredi lorsqu’il est au Vatican. En ce début du mois d’août, la présence du pape à Rome était d’ailleurs improbable.
La surprise fut donc grande pour les vingt-deux prêtres lorsqu’il leur fut annoncé que Benoît XVI se trouvait à Rome le mercredi 3 août et qu’ils pouvaient assister à l’audience. Contacté le 31 août dernier par l’agence Ucanews (1), le P. Zheng Xuebin, recteur du séminaire de Pékin, témoigne de ce moment : “Nous avions pris place parmi les milliers de catholiques et de personnes présentes dans le grand hall Paul VI. Nous étions assis au premier rang, près de l’allée centrale. Plusieurs d’entre nous – dont moi – avons pu serrer la main du Saint-Père tandis qu’il descendait l’allée pour gagner la scène. Nous n’avons pas eu d’entretien particulier, ni rencontre spéciale avec lui.” En dépit de la brièveté de l’événement, le P. Zheng garde un souvenir intense, “inexprimable avec des mots de sa “rencontre – la première de [sa] vie – avec le représentant du Christ sur terre”. Lorsque, peu après, Benoît XVI a salué la présence des prêtres chinois, ceux-ci se sont levés et ont entonné l’hymne en mandarin “Le grand pape”. Selon le témoignage d’un des vingt-deux prêtres, “certains d’entre nous ont regretté de ne pas oser monter sur la scène pour saluer le pape et baiser son anneau mais ont compris que la solennité des audiences générales ne permettait pas un tel geste.
Selon le témoignage de prêtres de la délégation, au moment même de l’audience, ils ont bien réalisé qu’ils encouraient des sanctions disciplinaires une fois de retour en Chine pour avoir rencontré le pape sans en avoir référé au préalable, mais “cette expérience inoubliable selon l’expression de l’un d’eux, valait la peine de courir ce risque. De retour à Pékin, les prêtres ont effectivement été réunis au grand séminaire national de Pékin. Là, le 8 août, ils ont raconté leur séjour européen à trois hauts responsables de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, ainsi qu’à des responsables de l’Association patriotique et de la Conférence des évêques “officiels”.
A l’agence Ucanews, plusieurs prêtres se sont exprimés sur cette rencontre du 8 août, à condition que leur anonymat soit préservé. L’un d’eux rapporte ainsi qu’“un officiel nous a rappelé l’importance d’observer ‘la discipline’ lors des voyages à l’étranger”. Cet officiel a continué en disant que la délégation représentait l’Eglise de Chine et que, par conséquent, le groupe avait voyagé “selon le programme approuvé (au préalable) par les autorités de l’Eglise et aurait dû se montrer prudent quant à la participation à des événements qui n’étaient pas approuvés”. Toujours selon ce prêtre, l’officiel a ajouté que le groupe aurait dû au minimum informer à l’avance Pékin ou l’ambassade de la République populaire de Chine auprès de l’Italie de la participation à l’audience papale. Selon un autre prêtre, ce même officiel a dit que de tels gestes ne favorisaient pas – au contraire – l’amélioration des relations entre la Chine et le Saint-Siège. Mais, à la grande surprise des prêtres de la délégation, les critiques des autorités chinoises se sont arrêtées là ; il ne leur a pas été demandé de faire leur autocritique et un des officiels leur a même déclaré apprécier pleinement leurs sentiments religieux en tant que catholiques et leur vif désir de rencontrer le pape. Le responsable de la section ‘christianisme’ de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses a déclaré que les autorités ne prendraient pas de sanction pour cette fois-ci et qu’à l’avenir, avant d’entreprendre d’éventuelles visites à l’étranger, la communication avec les organes de l’Eglise devrait être améliorée.
A Hongkong, un observateur des questions liées à l’Eglise en Chine a mis en garde contre la tentation de “sur-interpréter” la présence des vingt-deux prêtres à l’audience générale du 3 août, un événement qui appartient au domaine des relations entre l’Eglise de Chine et l’Eglise universelle, et non à celui des relations entre le Vatican et la Chine populaire. A Pékin, Anthony Lui Bainian, vice-président de l’Association patriotique, est allé dans le même sens, en déclarant, le 5 septembre à l’agence Ucanews : “Le pape Benoît exprimait son amitié envers la Chine, mais cela ne signifie pas que les relations entre le Saint-Siège et la Chine s’améliorent, tout particulièrement du fait que les prêtres n’étaient pas [à Rome] en tant que délégation envoyé par le gouvernement chinois.”