Eglises d'Asie – Pakistan
La conversion à l’islam d’un célèbre joueur catholique de cricket, champion adulé des foules, déstabilise la communauté chrétienne
Publié le 18/03/2010
Yousaf Youhanna est né dans un quartier ouvrier pauvre de Lahore, Bail Ahata, de parents catholiques. Grâce à son talent de « batsman il fut intégré à l’équipe nationale de cricket en 1998. Il a fait gagner son équipe dans de nombreuses rencontres internationales et faisait, jusqu’à aujourd’hui, l’admiration de ses supporters chrétiens par ses signes de croix faits en public, au milieu des musulmans, chaque fois qu’il avait gagné 50 ou 100 points. Sportif de haut niveau, il a gagné beaucoup d’argent, s’est fait construire une belle maison et roule en Mercedes. Ancien élève des salésiens, accompagné de sa femme et de sa petite fille de quatre ans, il participait souvent à la messe dominicale de sa paroisse, dans la ville de Lahore.
Pour nombre de chrétiens, c’est sous la pression de son entourage, de ses coéquipiers et surtout de la société missionnaire islamique appelée « Tablighi Jama’at » que Yousaf s’est converti. Des chrétiens ont cependant fait remarquer que, si le nouveau venu avait été chaleureusement accueilli par les fidèles musulmans, il ne sera jamais accepté comme musulman à part entière et restera toujours un « masalli le nom donné aux nouveaux convertis issus des basses castes. Pour certains, Yousaf, outre ses qualités incontestables de sportif, avait été promu dans l’équipe pour donner de ce sport et de son pays une image de fair-play et de tolérance ; désormais devenu musulman, il va perdre de son aura, liée à son statut de joueur issu d’une minorité.
Dans la petite communauté chrétienne du Pakistan, la nouvelle de la conversion à l’islam de Yousaf a semé la consternation. De nombreux chrétiens, catholiques mais aussi protestants, ont souligné combien l’appartenance au christianisme de Yousaf Youhanna avait été un objet de fierté pour eux, si souvent discriminés pour leur appartenance religieuse et sujets à de fréquentes pressions pour se convertir à l’islam. Dans un premier temps, Mgr Lawrence Saldanha, l’archevêque catholique de Lahore, a déploré l’invitation lancée par le nouveau converti aux chrétiens d’abandonner leur religion. De tels propos, a-t-il déclaré, « ne reflète pas la politique de ‘modération éclairée’ voulue par le président Musharraf, qui souhaite promouvoir une image plus tolérante de l’islam ». Puis, dans une Lettre pastorale datée du 22 septembre, l’archevêque a appelé les catholiques à garder le calme et à trouver force et réconfort dans la prière. « Les chrétiens se sentent démoralisés et abattus. Certains ont réagi avec des mots très forts, voire des actes irréfléchis (.). En ma qualité de pasteur, (.) je vous demande de prier pour Yousaf et sa famille afin que tout aille bien pour eux a écrit Mgr Saldanha, dont les propos ont été lus en chaire le dimanche 25 septembre. Il a fait remarquer, enfin, que si sa femme et son enfant s’étaient faites musulmanes, le reste de la famille ne l’avait pas suivi. Son père et sa mère, en particulier, ont quitté sa belle maison pour retourner vivre à Bail Ahata.
Selon le P. Emmanuel Yousaf, vicaire général de l’archidiocèse de Lahore, la conversion du joueur de cricket ne doit pas être considérée comme un événement considérable. De tels incidents, a-t-il précisé, font partie de la réalité de la vie des chrétiens pakistanais, où la conversion à l’islam peut être une solution tentante afin d’échapper aux discriminations dont souffrent les non-musulmans. « Dans de telles circonstances, ce qui nous est demandé, c’est d’avoir foi au Christ, notre Seigneur a-t-il ajouté.