Eglises d'Asie – Sri Lanka
A l’approche de l’élection présidentielle, des responsables de l’Eglise catholique ne cachent pas leur inquiétude quant à l’avenir du pays et à la place des chrétiens dans la nation
Publié le 18/03/2010
Pour cette élection présidentielle, la présidente Chandrika Kumaratunga ne pourra pas se représenter, ayant effectué deux mandats consécutifs (2). C’est donc son Premier ministre qui se présentera devant les électeurs au nom du Parti de la liberté, contrôlé par la présidente. Il a le soutien des deux formations nationalistes que sont le JVP (Front de libération du peuple, d’inspiration marxiste) et le JHU (Jathika Hela Urumaya, Héritage national cinghalais, d’inspiration bouddhiste). Face à lui se présente l’ancien Premier ministre Ranil Wickremasinghe, à la tête du Parti national uni, qui peut compter sur le soutien des partis musulman et tamoul.
Pour les responsables de l’Eglise catholique, la perspective de voir l’actuel Premier ministre gagner les présidentielles est lourde de menaces dans la mesure où le très fragile cessez-le-feu, passé en février 2002 entre Colombo et les Tigres tamouls, risque de ne pas survivre à la surenchère que ne manqueront pas de provoquer le JVP et le JHU. Les deux partis ne font pas mystère d’un ordre du jour ouvertement nationaliste pro-cinghalais et ont dit leur opposition à la façon dont les négociations avec le LTTE ont été menées jusqu’à ce jour.
Pour Mgr Marius Peiris, évêque auxiliaire de Colombo et secrétaire générale de la Conférence épiscopale, “nous sommes au bord d’une catastrophe”. Non seulement les soubresauts qui agitent la scène politique et l’état latent de crise sociale ruinent la santé économique du pays, explique l’évêque, mais on peut craindre que le cessez-le-feu avec les Tigres ne tienne pas. En outre, ajoute Mgr Peiris, les catholiques se posent désormais ouvertement des questions quant à leur propre avenir dans l’île, tant les actions des extrémistes bouddhistes ont gagné en intensité depuis que le JHU a réussi à faire entrer neuf moines bouddhistes au Parlement élu en avril 2004 (3). La menace que fait peser sur la communauté catholique le projet de loi dit “anti-conversion introduit l’an dernier devant les députés (4), est réelle, estime encore Mgr Peiris. Si ce texte est voté, les chrétiens peuvent craindre que n’importe lequel des services sociaux qu’ils assurent dans la société puisse être interprété devant les tribunaux comme une tentative visant à convertir (un non-chrétien au christianisme). Récemment, des hommes politiques ont suggéré l’idée d’introduire un amendement à la Constitution de façon à ce que le bouddhisme devienne religion d’Etat.
Sur un terrain moins politique mais tout aussi dévastateur quant à ses conséquences quotidiennes, Mgr Peiris a dénoncé la corruption régnant dans le pays. “L’administration s’est profondément politisée et le service rendu à la population est faible. Les bureaux sont remplis de sous-fifres qui travaillent servilement pour leurs supérieurs hiérarchiques indique-t-il encore, insistant sur le fait que la corruption “gangrène la société, détruisant tout sens de l’honneur, de l’unité et de la paix”.
Dans un tel contexte, les responsables de l’Eglise veulent continuer à croire que la prochaine élection présidentielle représente encore une chance pour l’avenir du pays. “Résoudre le conflit ethnique (entre Tamouls et Cinghalais) est LA priorité car c’est de cela que dépend le développement du pays souligne le P. Noel Dias, de l’archidiocèse de Colombo. “Nous appelons les catholiques à manifester leur opposition, ainsi qu’à rester unis dans la prière et la foi. Nous pouvons appeler et prier mais nous ne soutiendrons jamais la violence ajoute-t-il. Dans tout le pays, les paroisses catholiques encouragent les fidèles à prier pour la paix et un déroulement juste et pacifique des élections à venir ; la prière du rosaire et la lecture du Livre des heures sont mises à l’honneur.