Eglises d'Asie

Hubei : les obsèques de l’évêque “clandestin” du diocèse de Hanyang, décédé à l’âge de 91 ans, se sont déroulées en présence d’une foule importante de fidèles

Publié le 18/03/2010




Mgr Petrus Zhang Boren (Chang Bai Ren) est décédé le 13 octobre dernier à l’âge de 91 ans. Très affaibli depuis un an, il souffrait de problèmes de santé liés au diabète et est mort d’une défaillance cardiaque. Evêque “clandestin” du diocèse de Hanyang, l’un des trois diocèses, avec Hankou et Wuchang, qui forment la ville de Wuhan, au confluant des fleuves Han et Yang-Tsé (Yangzi Jiang), Mgr Petrus Zhang était l’une des personnalités marquantes de l’Eglise “clandestine” dans la province du Hubei. Ayant passé vingt-quatre ans en prison pour son refus d’adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois, il était connu pour son absolue fidélité au Saint Père et à celle qu’il appelait sa “Sainte Mère l’Eglise” (1). Dans les années 1990, il n’avait pas hésité à aller vivre dans le presbytère d’une église “officielle” de la ville de Wuhan pour participer à la réconciliation des parties “clandestine” et “officielle” des diocèses de Hanyang et de Hankou. Pour ses obsèques, qui ont été célébrées dans son village natal de Zhangjiazhuang, situé près de la ville de Xiantao, les récits divergent quant aux difficultés créées par les autorités politiques, mais il semble qu’elles se soient déroulées en présence d’une foule importante de fidèles.

Né en 1915, Mgr Petrus Zhang appartenait à cette génération d’évêques qui ont été formés juste avant la prise du pouvoir par les communistes en Chine. Entré au grand séminaire de Hankou à l’âge de 21 ans, envoyé à Rome dès 1937 pour étudier, il était docteur en théologie en 1945. Après un séjour de deux années aux Etats-Unis, il était de retour en Chine peu avant 1949. Succédant – en tant qu’administrateur – à son évêque, un missionnaire irlandais expulsé par les communistes, il se heurta très rapidement au nouveau pouvoir en affirmant sa volonté de ne pas adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois que les nouvelles autorités cherchaient alors à mettre sur pied. Condamné à dix années de prison, il passa vingt-quatre ans privé de liberté. Libéré en 1979, ordonné à l’épiscopat dans la clandestinité en 1984, il “écouta les conseils du Saint-Siège selon une source catholique proche de l’évêque défunt, lorsqu’il reprit contact et se réconcilia au début des années 1990 avec Mgr Bernardine Dong Guangqing, évêque “officiel” de Hankou. C’est après cette réconciliation que Mgr Petrus Zhang alla vivre auprès d’une paroisse “officielle” de la ville de Wuhan, avant, quelques années plus tard, de retourner vivre à Xuwan, un village situé près de la ville de Xiantao, où il est mort le 13 octobre dernier.

Les récits qui ont été donnés de ses obsèques, célébrées le 15 octobre, divergent en partie, mais s’accordent sur le fait que la messe de funérailles a été suivie par une foule importante de fidèles. Dans son édition en date du 23 octobre, le Sunday Examiner, hebdomadaire de langue anglaise du diocèse de Hongkong, rapporte que la messe a été célébrée par quinze prêtres, onze “officiels” et quatre “clandestins”. Le P. Valentius Chen De-huai, un prêtre de 73 ans, ancien ouvrier traminot ordonné par Mgr Petrus Zhang il y a douze ans, présidait la célébration qui a eu lieu à Lulinhu, petite bourgade rurale. Après la messe qui a duré de 6 heures à 9 heures du matin et les rites funéraires, un repas a été servi sur place et, selon une source de Wuhan, environ deux cents tables de huit couverts avaient été dressées. La dépouille de l’évêque défunt a été transportée à Xiantao pour y être incinérée et “cela a pris du temps aux fidèles de rejoindre à pied la route principale et, de là, gagner la ville par des moyens de transport motorisés”. Accompagnant l’urne funéraire, une foule d’une centaine de personnes s’est ensuite rendue à Zhangjiazhuang, où se trouve “une grande église”. L’urne a été placée “devant le maître-autel, à côté de celle d’un autre prêtre” qui “a travaillé dans le diocèse de Hanyang au début des années 1950 et qui est mort en prison des suites de blessures consécutives à un passage à tabac”.

Selon le Sunday Examiner, au sujet de leur participation aux funérailles de Mgr Petrus Zhang, les prêtres “officiels” des environs avaient reçu comme seule consigne des autorités politiques d’“agir selon leurs souhaits”. Aucun évêque n’était présent à Lulinhu ce 15 octobre. Ce jour-là, lors de la cérémonie religieuse, les autorités locales sont venues déposer une couronne portant les mots suivants : “A M. Zhang Boren, monsieur d’un grand âge”. Les représentants des autorités ont dit aux personnes assemblées qu’elles pouvaient mener des funérailles publiques, leur déclarant seulement de “faire ce qu’[elles avaient] à faire”.

Selon l’agence AsiaNews, basée à Rome, les autorités locales ont bien autorisé l’organisation de funérailles publiques, mais ont tout fait pour empêcher les fidèles d’y prendre part. Les paroisses catholiques de la province du Hubei auraient ainsi reçu des appels des autorités, mettant en garde contre toute participation à la cérémonie. Finalement, réalisant qu’elles ne pourraient empêcher les funérailles, elles se seraient résolues à les autoriser et ce serait près de 7 000 personnes qui y auraient assisté. La police était présente sur les lieux pour canaliser la foule et veiller au respect de l’ordre public. En dépit de l’interdiction de faire usage du titre d’“évêque” pour qualifier Mgr Petrus Zhang, une bannière, visible durant la messe, portait les caractères : “Mgr Petrus Zhang Boren, évêque clandestin du diocèse de Hanyang”.