Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er septembre au 31 octobre 2005

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

Frontière avec le Vietnam

En 1939, l’administrateur français Brévié rattache les deux îles de Koh Trâl et de Krachâs Sès, situées en face du territoire cambodgien, à la juridiction administrative de la Cochinchine. En 1949, la France prend cette ligne comme délimitant les territoires du Cambodge et du Vietnam. Lors de l’accession à l’indépendance, en 1954, le Vietnam s’attribue ces deux îles. Durant la période du Sangkum de Sihanouk, des négociations eurent lieu avec le Vietnam. Les Khmers rouges, par la suite, acceptèrent de conserver la ligne Brévié comme tracé frontalier officiel. Mais sous les régimes successifs, les Cambodgiens de base, même les réfugiés en France, rêvent, non seulement de récupérer ces deux îles et les eaux territoriales (correspondant à un tiers des eaux territoriales du pays), mais également de reconquérir la Cochinchine (appelé “Kampuchéa Kraom ou Cambodge d’en bas). C’est donc un dossier explosif.

Depuis 1979, le Cambodge, occupé par l’armée vietnamienne, signe plusieurs traités de délimitation des frontières avec le Vietnam : 18 février 1979, l7 juillet 1982, le 20 juillet 1983, le 27 décembre 1985. D’après Say Bory, ancien membre du Conseil constitutionnel et actuel haut conseiller du roi-père, la convention signée entre les deux pays en 1979 attribue les deux îles au Vietnam, et stipule que 10 000 km2 des mers khmères deviennent “un espace maritime commun”. Quant aux autres traités, “ils modifient le tracé des frontières terrestres en contradiction avec le tracé reconnu par la communauté internationale”. Depuis décembre 1986, Singapour et le prince Sihanouk, président du GCKD, ne cessent de déclarer ces accords comme “nuls et non avenus”. Les accords de Paris de 1991 qualifient ces arrangements “d’accords et traités incompatibles avec la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité et l’inviolabilité territoriale, la neutralité et l’unité nationale” du Cambodge. La constitution cambodgienne fixe les frontières du royaume dans son article 2 : “L’intégrité territoriale du Royaume du Cambodge est absolument inviolable dans ses frontières délimitées suivant les cartes géographiques au 1/100 000 e établies entre les années 1933-1953, lesquelles frontières étaient internationalement reconnues entre les années 1963-1969.”

Le roi Sihanouk, pour sa part, juge qu’un nouveau traité ne serait acceptable que s’il se fonde sur un contrôle bilatéral officiel des frontières kilomètre par kilomètre en se basant sur une carte française en vigueur entre 1963 et 1969.

Le 29 septembre, une réunion de coopération frontalière de deux jours rassemble à Siem Reap les gouverneurs de onze provinces cambodgiennes et une centaine de délégués vietnamiens.

Le 10 octobre, Hun Sen, accompagné du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l’Economie et de l’Education, se rend à Hanoi, pour signer plusieurs accords : la convention additionnelle au traité frontalier de 1985, un accord sur la réfection de la RN 8 entre Banlong et O’Yadav, un protocole de coopération sur l’éducation et la formation pour 2006-2010, un mémorandum d’entente sur le développement et la gestion des ressources d’eau dans les zones frontalières du bassin du Mékong, un protocole de coopération culturelle pour 2006-2008, un accord de coopération bilatérale pour lutter contre le trafic de femmes et d’enfants et un protocole d’application de l’accord bilatéral sur le transport terrestre.

Pour Say Bory, “la convention additionnelle au traité frontalier de 1985 n’est qu’un prétexte permettant la reconnaissance officielle des traités frontaliers. le Vietnam cherche ainsi à faire perdre au Cambodge son droit à invoquer une cause de nullité de ces cinq traités, en vertu de l’article 45 de la Convention de Vienne sur le droit des traités 

Le 12 octobre, à son retour du Vietnam, Hun Sen menace : “Quiconque m’accuse, accuse le PPC ou le gouvernement d’avoir vendu ou cédé une partie de notre territoire national s’expose à des poursuites judiciaires, quelle que soit sa position. Je porterai plainte contre lui.” Pour le Premier ministre, les accusations portées contre lui ne sont qu’une manouvre politique pour le chasser du pouvoir, comme cela s’était produit en 1970 contre Sihanouk. “Je démissionnerai si le Cambodge perdait un jour une parcelle de son territoire affirme-t-il.

Le texte de l’accord doit être examiné par les commissions parlementaires, puis par l’Assemblée nationale. Pour Cheam Yeap, président PPC de la commission des Finances de l’Assemblée, ce texte a “une portée historique qui amènera la paix dans la région. Si ce texte avait conduit à une perte de territoire, Hun Sen ne l’aurait pas signé la convention selon lui, serait au contraire favorable au royaume qui y gagnerait en surfaces fluviales.

Répression d’opposants

Le 27 septembre, cinq membres du Mouvement des étudiants pour la démocratie (Med) sont arrêtés hier devant le siège de leur organisation alors qu’ils venaient d’entamer une mini-manifestation de dix personnes contre la future signature de cette convention. Le président du Med se cache en province, affirmant qu’il a reçu des menaces de mort par téléphone.

La municipalité de Phnom Penh refuse au Comité de Coordination des Khmers du Kampuchéa Kraom (CCKKK) le dépôt d’une pétition en faveur des droits de leur communauté au Vietnam. Ils accrochent quelques pancartes devant leur siège, très rapidement arrachées par la police.

Le 6 octobre, la police annonce avoir découvert 86 tracts anti-Hun Sen devant un collège du district Mong Russey, dans la province de Battambang, déclarant “Hun Sen est un traître et un criminel “Hun Sen doit arrêter de donner des terres au Vietnam”.

Ce même 6 octobre, Hun Sen se déclare décidé à poursuivre devant les tribunaux ceux qui l’accusent d’avoir cédé des terres au Vietnam, et ainsi inciteraient au désordre. Il avertit l’ambassadeur de France qu’il portait plainte contre Sean Pengsè, français d’origine cambodgienne.

Le 10 octobre, Mam Sonando, directeur de Radio Abeille, est arrêté à son domicile et incarcéré à Prey Sâr, accusé d’“incitation aux troubles, de diffamation et d’insultes” pour avoir diffusé une interview de Sean Pengsè, président du Comité des frontières du Cambodge (CFC) accusant Hun Sen de reconnaître la cession des îles de Phu Quoc et de Krachak Ses au Vietnam. La veille, Mam Sonando avait organisé une petite conférence de presse à son domicile de Kean Svay.

Le 15 octobre, Rong Chhun, président de l’Association indépendante des enseignants du Cambodge, qui a signé la déclaration de Sean Pengsè, est également incarcéré sous le coup d’une plainte pour diffamation. Un mandat d’arrêt est émis contre Chéa Mony, président du Syndicat indépendant des ouvriers du royaume du Cambodge, contre Man Nath, président de l’Association indépendante des fonctionnaires et contre Ear Channa, secrétaire général adjoint du Mouvement des étudiants pour la démocratie.

Réactions nationales et internationales

Le Comité de 18 ONG de défense des droits de l’homme, le Club des journalistes cambodgiens, l’ambassade américaine s’insurgent, comme “un frein à la liberté d’expression et une menace pour la démocratie”.

Le 12 octobre, la Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui affirme regrouper 500 000 journalistes à travers le monde, condamne l’incarcération de Mam Sonando : “La diffamation est employée abusivement à tous les niveaux des autorités cambodgiennes pour intimider et punir les journalistes et faire taire la presse.”

L’ambassade des Etats-Unis appelle à la libération du directeur de Abeille FM qu’elle considère comme “une importante voix indépendante du Cambodge”. Le 20 octobre, Peter Leuprecht, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour les droits de l’homme au Cambodge, exprime “sa profonde inquiétude quant au respect de la liberté d’expression”. Ce même jour, l’OIT (Organisation internationale du travail) fait part de sa “profonde inquiétude” après l’arrestation de Rong Chhum et les trois mandats d’arrêt contre des syndicalistes. Le BIT rappelle que le succès de l’industrie textile du royaume tient beaucoup à son “image sociale” qu’il ne faudrait pas ternir.

Human Rights Watch proteste contre ces arrestations. La Confédération internationale des syndicats libres, qui revendique 145 millions de membres en 154 pays, le Syndicat national australien du tertiaire, de l’éducation et de l’industrie, l’Internationale des services publics, re-groupant vingt millions d’employés, écrivent au Premier ministre cambodgien. Le puissant syndicat américain l’AFL-CIO et les syndicats d’enseignants malaisien et canadien écrivent au Premier ministre pour demander la libération de Rong Chhun. Ils saluent les efforts entrepris par le Cambodge pour acquérir une bonne réputation internationale en matière de respect des droits sociaux, notamment dans le secteur de la confection textile, qui risquent d’être réduits à néant. Le secrétaire général de la CGT “dénonce” l’arrestation de Rong Chhun. Le syndicat des enseignants de Hongkong (81 000 membres) écrit au Premier ministre pour lui faire part de son indignation.

Sihanouk exprime son amertume : “Les diplomates étrangers ne savent que flatter les hommes au pouvoir et se fichent du sort malheureux du Cambodge. Les Puissances étrangères sont loin d’être ‘tristes’ eu égard à un Cambodge faible, un Cambodge ‘peau de chagrin’, un Cambodge mendiant. Notre deuxième royaume leur offre de multiples opportunités pour y établir leur impérialisme, leur néocolonialisme écrit-il.

Sisowath Thomico, neveu et longtemps secrétaire particulier ainsi que conseiller spécial de Sihanouk, signe et diffuse un texte intitulé “Quand Koh Tral a-t-il vraiment été perdu au profit du Vietnam ? dans lequel il écrit que jusqu’en 1978, l’île de Phu Quoc figurait sur les cartes cambodgiennes mais qu’à partir de 1982, cette île apparaît comme une possession vietnamienne. “A cette époque, le Premier ministre Hun Sen était ministre des Affaires étrangères de la République populaire du Kampuchéa.” Il écrit une lettre à l’ambassadeur de France au Cambodge demandant l’arbitrage de Paris concernant la ligne Brévié. Le 19 octobre, Hun Sen lance un mandat d’arrêt contre lui pour diffamation, mais Sisowath Thomico est parti la veille pour Pékin.

Le Premier ministre se dit indigné qu’on lui fasse porter la responsabilité de pertes territoriales intervenues à l’époque coloniale ou avant lui et justifie les arrestations : “Si j’utilisais les forces armées face à mes accusateurs, personne ne pourrait s’opposer à moi car elles sont toutes entre mes mains. Mais j’utilise la voie légale pour me défendre déclare-t-il, précisant qu’il avait demandé le concours des autorités thaïlandaises pour arrêter Man Nath et Ear Channa, qui se sont réfugiés dans le pays voisin pour échapper à une interpellation.

Le roi Sihamoni annonce son intention de se rendre à Pékin auprès de son père. Plusieurs observateurs voient dans cette annonce le refus de signer la convention additive. Selon la constitution, il n’est pas clair que Chéa Sim, président du Sénat et chef de l’Etat par intérim puisse signer à sa place. Hun Sen menace donc de se passer la signature royale, et même de s’en prendre directement au trône : “Une fois que l’Assemblée nationale l’aura ratifiée, ce sera fini. Personne n’aura le droit de contester, car le pouvoir de l’Assemblée vient du peuple dit-il. “Si la signature de ce texte pose problème, il faudra que nous considérions la question de savoir si nous conservons un régime monarchique ou si nous le transformons en république, ou encore si nous amendons la Constitution de telle sorte que passé un certain délai, en l’absence de la signature du chef de l’Etat, la convention ou le traité en question entrerait automatiquement en vigueur Dans le cas où on devrait passer à un régime parlementaire ou présidentiel, alors “le Trône, la royauté seraient perdants”. Hun Sen précise que ses propos ne constituent pas une “pression” sur le roi ni sur le chef de l’Etat par intérim.

Hun Sen s’en prend aux rois des temps anciens, responsables à ses yeux des territoires cambodgiens au profit du Siam et du Vietnam. Il fait diffuser à la radio le texte d’une lettre envoyée en 1999 par Sihanouk à Pham van Dong, lui proposant de reconnaître la ligne Brévié. Quelques jours auparavant Sihanouk annonce qu’il ne rentrera pas au Cambodge, s’estimant injustement traité, il annonce également qu’il met fin à la diffusion de son Bulletin mensuel de documentation, “pour une raison politique majeure”.

Le 20 octobre, le texte de la convention additionnelle est expliqué au Conseil des ministres, qui l’adopte, puis envoyé à l’Assemblée nationale, mais devant la vague d’arrestations peu de députés oseront critiquer le texte. Ce texte, qui contient des ratures et ajouts manuscrits, est un document très technique difficilement accessible aux non spécialistes des frontières. Il fait état de la résolution de plusieurs litiges frontaliers dans les provinces de Ratanakiri, Mondolkiri et Kandal. Les deux parties se sont entendues sur le tracé frontalier de différentes cartes existantes. Le Vietnam s’engage à aider le Cambodge à publier quarante nouvelles cartes du Cambodge au 1/50 000e, qu’ils produiront “ensemble”. La pose des bornes de démarcation devra être effectuée entre la fin du premier semestre 2006 et le deuxième semestre 2008.

Le gouvernement mobilise tous les moyens audiovisuels : cinq communiqués sont publiés plusieurs fois par jour par les différentes chaînes de télévision.

Le 25 octobre, le roi Sihamoni se rend en Chine pour célébrer l’anniversaire de son auguste père dans un “climat familial” et annonce son retour pour le 6 novembre, alors que le comité permanent de l’Assemblée nationale transmet la convention additionnelle “aux commissions spécialisées” (Affaires étrangères, Défense et Lois), pour étude. Le roi-père annonce son retour avec son royal fils pour le 5 novembre, puis décide de rester en Chine pour raisons de santé (diplomatique ?).

Le 27 octobre, le Premier ministre appelle les Cambodgiens “de toutes tendances” à s’unir pour mieux faire valoir le point du vue du royaume dans les négociations sur les tracés frontaliers : “On ne peut pas imaginer partir en guerre pour récupérer la Cochinchine ou la province de Surin en Thaïlande car nos voisins ont les moyens d’organiser des représailles dit-il.

Querelles judiciaires entre partis politiques

Le 4 septembre, Ranariddh demande que le FUNCINPEC et le PPC en finissent avec “la culture de l’insulte. Ce que nous devons faire, c’est gouverner ensemble pour la stabilité du pays, le bonheur et la justice Les deux partis ont d’ores et déjà convenu d’un accord sur le poste de Premier ministre selon le résultat des élections législatives. “Si le PPC l’emporte, je soutiendrai la candidature de Samdech Hun Sen au poste de Premier ministre. Si c’est nous qui l’emportons, alors Samdech Hun Sen soutiendra ma candidature Il appelle les électeurs du PSR à se détacher de Sam Rainsy pour apporter leur voix à son parti.

Le 7 septembre, la cour municipale de Phnom Penh classe “sans suite” la plainte déposée par Sam Rainsy contre le Premier ministre, accusant les gardes du corps de Hun Sen d’être complices des auteurs de l’attentat du 30 mars 1997. L’avocat du Premier ministre qualifie cette décision de “très correcte et juste”. De son côté, le 14 septembre, le général Hing Bun Heng, chef des gardes du corps de Hun Sen, porte plainte pour désinformation, diffamation, et atteinte à son honneur contre Saumura Thioulong (femme de Sam Rainsy) et Eng Chhay Ieng (secrétaire général du PSR), qui ont fait publier le script de l’interrogatoire des deux lanceurs de grenades, affirmant avoir agi sur les ordres du général. Un des deux suspects est décédé dans des conditions non éclaircies.

Sam Rainsy annonce que son retour au Cambodge est reporté à la mi-octobre, suite au dépôt d’une plainte contre le Premier ministre devant une cour américaine en début septembre. “Les plaignants affirment que Hun Sen est responsable de nombreux actes de torture, génocide, exécutions et tentatives d’exécution extrajudiciaires, arrestations et détentions illégales” depuis “la fin des années 1970, quand il était officier durant la période génocidaire du régime Pol Pot, jusqu’aux jours actuels inclus”. Le doyen de la Faculté de droit et des associations représentant 157 écoles primaires, collèges, lycées, universités et centres de formation de Phnom Penh demandent l’autorisation de manifester contre Sam Rainsy. Ces manifestations regrouperaient 6 270 élèves, enseignants et fonctionnaires, à l’aéroport de Pochentong et devant le siège du PSR avant, pendant et après le retour du chef de file de l’opposition et le dénonceront comme un homme guidé uniquement par “intérêt politique qui “provoque des troubles sociaux, installe la peur quotidienne parmi les citoyens, invente des histoires engendrant l’instabilité politique, c’est un criminel contre la paix Alors que toute manifestation est interdite depuis deux ans, Hun Sen donne son accord à la manifestation. Le 28 septembre, le PSR annonce qu’il portera plainte en diffamation contre un certain nombre de personnalités accusant Sam Rainsy de traîtrise : “Un traître ? Lui n’a pas déboisé, ni vendu des biens de l’Etat.” (Le 24 octobre, cette plainte sera classée sans suite). Le PSR annonce que 10 000 personnes iront accueillir Sam Rainsy à son retour “afin de le féliciter et le soutenir Rong Chum, président de l’AIEC (Association Indépendante des Enseignants du Cambodge), demande au ministère de l’Education nationale que soient retirées les pancartes hostiles à Sam Rainsy des établissements scolaires.

Le 22 septembre, le Premier ministre porte plainte pour diffamation contre Sam Rainsy à qui il réclame 25 millions de dollars de dédommagements.

Lors de la réunion de l’Organisation interparlementaire de l’Asean, tenue à Vientiane le 26 septembre, Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, promet aux députés du PSR la participation de leur parti dans les commissions parlementaires, mais il doit préalablement demander l’accord du Premier ministre.

Les parlementaires de l’opposition poursuivis en justice sont au nombre de cinq depuis le début de l’année. Plusieurs plaintes seront portées contre les opposants politiques, accusés de “diffamation Il est vrai que souvent, des deux côtés, on mêle désinformation et insultes à des réclamations légitimes. La démocratie n’est qu’un habit importé de l’étranger. L’opposition est naïve de penser que la justice suivra son cours quand elle dépose une plainte, quant au parti au pouvoir la justice lui est totalement acquise.

Le 6 octobre, Sam Rainsy annonce qu’il rentrera au pays accompagné de trois députés européens, et attend donc qu’ils soient libres de le faire.

Assemblée nationale

Le 31 août, l’Assemblée nationale ratifie un protocole d’accord d’une convention internationale de l’ONU sur la lutte contre l’immigration clandestine. Des groupes de Pakistanais, d’Afghans et de Chinois ont immigré clandestinement au Cambodge durant les dernières années. L’Assemblée ratifie également un accord dur la répression des crimes transfrontaliers.

Le 19 septembre, l’Assemblée nationale adopte à l’unanimité un projet de loi sur les instruments de financement et les transactions de paiement (chèques, lettres de change et billets à ordre). Cette législation est un premier pas vers la suppression de la corruption et de l’établissement d’un système bancaire au Cambodge.

Le 16 septembre, l’Assemblée nationale adopte la loi sur la violence domestique, après quatre années de travail. Il s’agit maintenant de mener des campagnes d’information pour faire connaître leurs droits aux femmes concernées. 23 % des femmes âgées entre 15 et 49 ans sont victimes de violences.

Pour l’Assemblé nationale, 168 nouveaux employés sont recrutés, ce qui porte le nombre des employés à 921. On accuse leur choix de favoritisme et de népotisme. Chaque député a donc sept personnes à son service. Beaucoup n’ont rien à faire, ni même d’endroit où travailler.

Montagnards

Le 30 septembre, vingt-trois Montagnards qui ont décidé de rentrer au pays sont rapatriés par les autorités cambodgiennes au Vietnam. Les autorités vietnamiennes assurent que les réfugiés ne subiront aucune mesure de rétorsion à leur égard, ils seront traités comme des “victimes, non comme des coupables”.

407 Montagnards sont partis pour la Finlande et le Canada. 314 sont encore sous la protection du HCR à Phnom Penh. 51 Cambodgiens d’origine djaray, et donc, faux réfugiés, ont été reconduits dans leur province.

TRIBUNAL POUR JUGER LES EX-RESPONSABLES KHMERS ROUGES

Les juges cambodgiens toucheront un salaire d’environ 65 000 dollars par an, soit la moitié de ce que toucheront leurs homologues étrangers.

Les Etats-Unis versent une dotation de deux millions de dollars au Centre de documentation du Cambodge qui collecte les données et témoignages sur le temps des Khmers rouges.

Hun Sen estime que Pékin n’a pas soutenu les polpotistes dans leur politique d’extermination et que, si la Chine devait être mise en cause, d’autres pays devraient l’être également, comme “amis des Khmers rouges en premier lieu les Nations Unies qui “ont commis une faute très sérieuse en laissant les Khmers rouges siéger parmi elles au nom du Cambodge entre 1975 et 1979”.

Le 7 octobre, l’Inde annonce une contribution d’un million de dollars sur les 11,8 millions dévolus au gouvernement cambodgien. C’est la première contribution de ce type.

Le 25 octobre, Chuk Rin, condamné pour le meurtre des trois jeunes Occidentaux, dont Jean Michel Braquet, en 1994, est arrêté dans la province d’Oddar Méan Chhey où il s’était caché. Son arrestation avait été demandée par le président français lors de la visite du Premier ministre cambodgien en France, le 19 septembre.

ECONOMIE

D’après l’Institut national des statistiques, en 2004, le taux de croissance s’est élevé à 7,7 % soit le taux le plus élevé depuis 2001 (8 %). Les recettes de l’industrie (27,5 % du PIB) ont augmenté de 16 %, notamment grâce à la confection textile dont les revenus ont augmenté de 25 % ; les recettes du bâtiment ont crû de 13,2 %, les services (35,8 % du PIB) de 9,2 % “grâce aux touristes et aux joueurs”. En revanche, l’agriculture (31 % du PIB) est en baisse de 2 %, la production de riz en baisse de 11,5 %, la pêche de 3,3 %. Les ressources de l’exploitation forestière ont légèrement augmenté, de 0,2 %. Le PIB par habitant s’élèverait à 328 dollars (en augmentation de 4,6 %).

Selon Sokh Hach, économiste cambodgien indépendant, le revenu des 20 % les plus aisés de la population a doublé ces dernières années, alors que celui des 80 % restant n’a pas bougé. En réalité, on peut même dire que le niveau de vie baisse au Cambodge. Il y a certes une petite partie de la population qui décroche de la pauvreté, mais l’extrême pauvreté augmente. On peut estimer à 10 à 20 % le nombre de gens qui s’appauvrissent. “On évalue l’inflation à 5 %, mais elle tourne en réalité autour de 10 %.”

Suite à l’augmentation du carburant, le coût de l’électricité augmente de 11 % à partir du 1er novembre.

Agriculture

La pauvreté pousse les paysans à couper leurs palmiers à sucre. Déjà un tiers des deux millions de palmiers ont disparu. Un tronc vaut entre deux et trois dollars. Les revenus totaux des palmiers à sucre représentent environ 1,2 million de dollars, soit 10 % de l’économie rurale. Le sucre importé de l’étranger est moins cher que le sucre de palme. Le palmier rapporte à l’âge de 15 ou 20 ans, et peut être exploité jusqu’à 75 ou 100 ans.

Le 16 octobre, la palme d’or de NatExpo 2005, tenu à la porte de Versailles, à Paris, est décernée à Comfirel, producteur de vin, de vinaigre, de sucre et de boissons non alcoolisées à partir du jus de palme.

Un insecte nommé Brontispa longissima s’attaque aux feuilles de cocotiers. Huit des 12,8 millions de cocotiers dénombrés au Cambodge en seraient déjà victimes. Au Vietnam, on emploie un parasite de cet insecte pour lutter contre lui sans insecticide.

D’après la Radio Free Asia, 900 familles souffriraient de la faim au Cambodge, cinq personnes en seraient mortes dans la province de Kompong Speu, information démentie par le gouvernement, mais confirmée par le gouverneur.

Selon des données de la FAU, en 2001, seuls 270 000 hectares de terres étaient irrigués, 20 % des terres auraient été irriguées durant les cinq dernières années. Une quinzaine de projets d’irrigation ont été mis en ouvre depuis 1995 avec le soutien du Japon, de la France, de la BAD et la BM, de l’Union européenne, de la Corée du Sud ou de l’Italie. Une dizaine de projets sont à l’étude et représentent plus de cent millions de dollars de prêts et de dons, sur dix ans, auxquels s’ajoutent les investissements réalisés par le gouvernement.

Bois

Le 27 juillet, le procureur de la cour municipale de Phnom Penh inculpe cinq personnes, dont le commandant de l’unité 203 des garde-frontières, son adjoint, l’ancien directeur et un garde forestier pour déforestation à grande échelle de la région de Kantuy Néak (frontière khméro-lao-vietnamienne). Au moins 500 camions de bois auraient gagné le Vietnam. Le 19 septembre, un garde forestier est placé en détention provisoire. Ni le gouverneur ni le commissaire ne sont inculpés, bien que le gouverneur ait autorisé la construction d’une piste pour évacuer le bois. Un hélicoptère ou un petit avion survolera une fois par mois le parc national de Vireak Chey pour tenter d’endiguer la déforestation. Cette opération, d’un coût de 22 000 dollars, est financée par la BM et le Fonds mondial pour l’environnement.

La rénovation de la route de Stoeung Treng à la frontière laotienne donne lieu à une forte demande d’achat de terrains de chaque côté de cet axe, de la part de gens de Phnom Penh, de Siem Reap, de Kompong Cham. Les activités de déboisement s’étendent sur 100 à 200 m. de chaque côté de la route. Des militaires seraient impliqués dans ces activités.

Le 10 octobre, Global Witness accuse la Banque mondiale de fermer les yeux sur les coupes de bois illégales en n’appliquant pas les recommandations des nombreux rapports déjà publiés sur le sujet. Une nouvelle étude indépendante, la quatrième depuis 2000, financée par la BM conclue que “le système des concessions est structurellement vicié, abusivement exploité par des opérateurs pirates, et doit donc prendre fin”. “Quand est-ce que le gouvernement cambodgien et les pays donateurs cesseront de commander des rapports coûteux pour traduire leurs conclusions en acte ? s’interroge l’ONG.

Tourisme

Durant les sept premiers mois de 2005, le nombre des touristes étrangers est évalué à 800 000 personnes, soit une hausse de 38 % par rapport à la même période de 2004. On en attend 1,6 million en 2006 et 4 millions entre 2010 et 2015. En 2004, les revenus imputables au tourisme s’élevaient à 777 millions de dollars, dont 30 à 40 % repartent à l’étranger du fait des produits importés.

La compagnie aérienne privée Royal Khmer Airlines reprend du service après une interruption de plusieurs mois, 61 % des actions de la compagnie appartiennent à des Cambodgiens, le reste à des étrangers (Malaisiens, Singapouriens, Japonais et Coréens). Le 28 octobre, Siem Reap Airways ouvre une ligne entre Phnom Penh et Hongkong, avec retour via Siem Reap.

Le Cambodge compte vingt-trois zones protégées, classées dans quatre catégories : parc national, zone de protection de la vie sauvage, paysages protégés et zone à usage multiple. Elles couvrent plus de 32 000 m , soit 18 % du territoire national. Un rapport de 36 pages publié le 31 août, établi suite à une réunion en septembre 2004 de 80 représentants du ministère de l’Environnement, du BPAMP (Projet de gestion de la biodiversité et des zones protégées) et de plusieurs ONG, déplore le déboisement illégal, l’extension des exploitations qui grignotent peu à peu les zones boisées, le braconnage et le développement des infrastructures.

Angkor été élu comme deuxième plus beau site touristique mondial, derrière la cité Inca de Machu Picchu au Pérou, et juste devant le Taj Mahal et l’ancienne cité de Petra, en Jordanie.

Taxes et finances

Le 1er septembre, le Premier ministre réduit la dotation mensuelle de carburant des ministres de 10 % afin d’aider les paysans qui doivent pomper l’eau dans leurs rizières. Pour alléger le prix des carburants, le ministère des Finances n’a augmenté ses taxes que de 18 %, alors que les produits pétroliers ont augmenté de 50 %. L’opposition demande au gouvernement de diminuer les taxes sur les carburants. Le gouvernement répond que ces taxes ont rapporté 66 millions de dollars en 2004 et ont financé l’administration et le développement du pays. Il limite par contre la répercussion de la hausse des cours mondiaux du pétrole en ne taxant que la moitié de la tonne importée.

Le marché automobile est en pleine expansion, 21 000 voitures ont été enregistrées durant les six premiers mois de l’année, contre 14 000 pour toute l’année dernière. Cette augmentation semble résulter de l’enrichissement d’une classe moyenne, de la normalisation du secteur (paiement des taxes d’importation non payées durant les dernières années), et de la spéculation immobilière. A la fin 2004, le pays comptait 107 400 voitures, 19 000 bus et camions, et 359 000 motos.

Le rapport pour 2005-2006 de l’Institut économique du Cambodge (IEC) place le Cambodge au 112e rang (sur 117 pays) en terme de compétitivité, moins bien que le Bangladesh.

DONS, AIDES ET INVESTISSEMENTS

D’après le Centre de développement du Cambodge (CDC), en 2004, les investissements réalisés en 2004 s’élèvent à 342 millions de dollars. La Chine est largement en tête avec 109 millions (essentiellement dans la confection textile), puis la Malaisie (32 millions), Singapour (15 millions). La France vient en sixième position avec sept millions, mais est le premier investisseur européen. Pour le premier semestre 2005, les investissements s’élèvent à 417 millions, la Chine a triplé ses investissements, avec 334 millions. Taiwan arrive en seconde position avec 33 millions. Près de 20 000 emplois ont été ainsi créés.

Le 9 septembre sont inaugurés les travaux de construction du pont qui reliera la province de Prey Veng à celle de Dông Thâp au Vietnam, en enjambant le fleuve Seyha sur une longueur de 123 m. La construction de ce pont s’élèvera à 3 millions de dollars, pris totalement en charge par le Vietnam. Il devrait être achevé en décembre 2006.

Le 14 septembre, un rapport co-parrainé par la Banque mondiale place le Cambodge au 133e rang (sur 155) pour les possibilités et facilités de fonder une entreprise, loin derrière la Thaïlande (20e) et le Vietnam (99e), à peine mieux classé que le Laos. On incrimine les délais d’enregistrement (86 jours), le coût incroyablement élevé d’enregistrement. Cependant d’importants progrès ont été réalisés depuis la rédaction du rapport : les délais ne seraient plus que de dix jours, et le coût de 177 dollars.

Les comités de coordination des pays donateurs se rencontrent le 15 septembre. ADHOC demande au gouvernement et aux donateurs d’appliquer la loi sur les concessions, notamment qu’il y ait plus de transparence. Selon un rapport de l’ONU, en 2004, un tiers des 6,5 millions d’hectares cultivables du royaume sont accordés à 64 concessions, qui dépassent largement la limite des 10 000 hectares prévus pas la loi. Selon l’estimation de l’ONU, 1,7 million de paysans sont sans terres. Le gouvernement envisage d’amender la loi foncière pour légaliser la taille des concessions, ou, selon ADHOC, “adapter la loi à ceux qui la violent 

Selon le ministère des Finances, le Cambodge a besoin de 3,5 milliards de dollars pour atteindre les objectifs définis dans la stratégie rectangulaire entre 2006-2010 ; 60 % du budget seraient dirigés vers les zones rurales, les infrastructures, les ressources humaines et le développement du secteur privé. Sok Hach, directeur de l’Institut économique du Cambodge, fait remarquer que la même proportion du budget était déjà destinée aux zones rurales pour la période 2000-2005.

Le 19 septembre, Hun Sen est reçu par le président français Jacques Chirac pour un entretien de 45 minutes. Les deux hommes évoquent la coopération bilatérale et la mise en place du tribunal censé juger les anciens dirigeants khmers rouges. Hun Sen précise les priorités économiques de son gouvernement : l’irrigation, l’hydroélectricité, le développement des ressources naturelles. Priorité donnée à Air France, au détriment de Singapore Airlines, pour participer à la création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale. Un accord de partenariat pour 2006-2010 et deux conventions de financement pour l’aménagement du site d’Angkor et la formation universitaire dans le domaine de la santé sont signés entre les deux pays. En 2005, le Cambodge bénéficiera d’une aide publique française au développement de 25 millions d’euros. Le Premier ministre rencontre ensuite les dirigeants du MEDEF pour discuter des perspectives d’investissements dans le royaume. Selon la direction du MEDEF, à la fin 2004, la France totalise 280 millions de dollars d’investissements au Cambodge, à travers 70 sociétés : Vinci, Total, Pharma Product, des implantations commerciales comme Alcatel, Air France, Etde, Pierre Fabre, Aventis, Peugeot, Servier, etc. Le 10 octobre, Alcatel annonce la signature d’un contrat de 7,2 millions d’euros pour étendre et moderniser le réseau mobile de l’opérateur cambodgien CamGSM, avec les technologies GPRS et EDGE.

Le 18 octobre, Hun Sen emmène une trentaine d’hommes d’affaires cambodgiens à la foire commerciale Chine-Asean de Nanning, en Chine. Le royaume y sera représenté par 25 stands sur un espace de plus de quatre hectares pendant plus de deux mois. Un consulat sera ouvert prochainement à Nanning. La Chine a exonéré 500 produits cambodgiens de taxe d’importation.

A la suite de discussion entre l’Allemagne et le Cambodge tenue les 18-19 octobre, l’Allemagne débloque 27,5 millions d’euros pour les deux années à venir.

Avec le nouvel établissement bancaire ANZ (joint-venture entre la banque australienne et néo-zélandaise ANZ royal et le conglomérat cambodgien Royal Group), le système bancaire cambodgien se développe : 17 banques sont enregistrées, avec plus de 900 millions de dollars de dépôts, 550 millions de crédits accordés. Cinq banques étrangères représentent à elles seules 37 % du montant total des dépôts et 27 % des crédits.

Le 22 octobre, la First Investment Specialized Bank (FISB spéciali-sée dans le crédit aux petites et moyennes entreprises (PME), a ouvert ses portes. C’est la quatrième banque spécialisée, après la Rural Development Bank, la Specialized Bank Peng Heng SME Ltd et la Cambodia Agriculture Industrial Specialized Bank. Elle ne dispose d’aucun dépôt, et fonctionne exclusivement avec un capital de 3,8 millions de dollars. Elle accorde des prêts à partir de 1 000 dollars, sur deux ans maximum. L’ensemble des PME emploie plus de monde que les usines textiles, mais elles peinent à avoir accès au crédit et se plaignent de taux d’intérêt trop élevés.

La compagnie sud-coréenne Hwang Won Remicon/Asscon Industrial signe un mémorandum en vue d’investir dans un projet touristique à Phnom Bokor, comprenant des équipements de loisirs, un établissement hôtelier de luxe, un casino, etc. Le montant des investissements s’élèverait à 500 millions de dollars.

Corruption

Le premier discours du nouvel ambassadeur des Etats-Unis stigmatise la corruption. Selon l’ambassadeur, la compétitivité du Cambodge passe par “cinq piliers” : développement de la langue anglaise, amélioration des infrastructures, élimination de la corruption, simplification du système administratif et diversification.

Une étude menée entre juillet et décembre 2004, conjointement par le gouvernement et la Banque mondiale, sur quatre grands projets financés par la BM au Cambodge (gestion des zones protégées et de biodiversité ; réhabilitation d’urgence face aux inondations ; réhabilitation des routes, gouvernance locale et investissement rural) relève des fraudes : engagements non respectés, appels d’offres truqués, attributions de marchés opaques, probables détournements de fonds à des fins personnelles. Dans le cadre des quatre grands projets étudiés, 632 contrats ont d’abord été sélectionnés de façon aléatoire, 119 d’entre eux ont fait l’objet d’études approfondies à partir de documents, d’entretiens et d’inspections sur le terrain, mais les règles garantissant transparence et gestion saine n’ont pas toujours été respectées. Selon les personnes interviewées, la corruption est le premier frein au développement de la compétitivité. Pour la première fois, le Cambodge figure dans le rapport de Transparency International, et figure à la 130e place sur 159 pays pour le niveau de corruption. En Asie, seuls quatre pays font pire : Indonésie, Pakistan, Birmanie et le Bangladesh. La France est au 18e rang. Une famille cambodgienne consacrait 1,4 % de son budget annuel aux “faux frais” générés par la corruption des services publics.

Selon un rapport de 157 pages, le Centre pour le développement social (CDS), on estime qu’un fonctionnaire ne possédant pas les relations doit verser entre 500 et 1 000 dollars pour une promotion. Il doit donc emprunter et racketter d’une manière ou d’une autre ses concitoyens. En ville, chaque élève doit verser 12,5 dollars mensuels en corruption. Le tribunal est l’institution la plus hautement corrompue, un service “informel” étant évalué à 375,5 dollars, chiffre supérieur au PIB par habitant.

L’OIT semble découvrir que les ouvriers doivent verser entre 30 et 100 dollars à des intermédiaires pour être embauchés dans les usines textiles, spécialement après la suppression des quotas. Des responsables syndicaux participeraient eux-mêmes à ces activités. Des artisans à la tête de petites entreprises exigent ainsi entre 40 et 50 dollars de la part de demandeurs d’emploi, sous le prétexte de les former dans leurs ateliers avant de partir travailler dans de grandes usines. Des associations frauduleuses réclament 100 dollars de frais d’adhésion aux nouveaux membres contre la promesse tacite d’un emploi.

SOCIETE

Le Cambodge est classé au 130e rang sur 175 dans le rapport du PNUD de 2005 concernant le développement humain (espérance de vie, scolarisation, analphabétisme, PNB) devant le Laos (133e), mais loin derrière le Vietnam (108e) et la Thaïlande (73e).

Problèmes fonciers

Du 22 août au 3 septembre, Miloon Kothari, rapporteur spécial sur le droit au logement décent de la commission des Nations Unies sur les droits de l’homme, effectue une mission dans plusieurs provinces. Il présente des conclusions alarmantes, mettant surtout l’accent sur les problèmes de propriété foncière, une source majeure “de conflits futurs”. Il se montre particulièrement préoccupé par la multiplication des expulsions, déplore l’utilisation “de menaces et d’intimidations de la part des autorités locales et de promoteurs privés, qui conduisent à des accords factices et à des relogements forcés”. Selon le haut fonctionnaire de l’ONU, ces abus sont la conséquence “de l’absence de plan cadastral, de procédures et de lois foncières inappropriées, d’une délimitation floue des terrains appartenant à l’Etat ainsi que de la faiblesse du système judiciaire” cambodgien. Il dénonce “la culture d’impunité et la corruption “l’absence de distinction claire entre les rôles civils et militaires au sein du gouvernement ainsi qu’entre “les responsabilités publiques et les responsabilités des sociétés privées “le manque de transparence et l’absence d’accès à l’information Il appelle donc les autorités à faire appliquer la loi foncière de 2001, qu’il estime être “un remarquable texte législatif” mais qui nécessite, “de toute urgence l’adoption de décrets d’application. “Des milliers de personnes sont encore menacées” par ces expropriations, “les conflits futurs n’auront pas lieu à cause des ethnies (…), mais à cause des terres et de la propriété”.

Les 9 et 11 septembre, des bulldozers, accompagnés de policiers et de militaires, rasent 280 maisons où vivent 540 familles, à Phnom Penh Thmey, au profit de “neuf familles propriétaires” à qui le Conseil des ministres a accordé la propriété.

Le 19 septembre, le ministère de l’Intérieur donne une semaine aux 168 familles habitant le terrain qui jouxte l’hôpital Preah Monivong, à Phnom Penh, pour quitter les lieux. Cette parcelle qui appartient à l’hôpital de la police a été louée pour un bail de 89 ans à Royal Group. Plusieurs terrains situés autour de l’établissement, dont le commissariat central, ont déjà été cédés à des sociétés privées, dans le cadre d’un échange avec Phéapimex. Un dédommagement de 1 000 dollars ou la mise à disposition d’un terrain de deux hectares à Kap Srov, à la périphérie de Phnom Penh, est prévu pour l’ensemble des 168 familles. “Ce n’est pas la peine de discuter, il faut suivre les ordres. Le régime de Pol Pot a été renversé, des manifestations de plusieurs milliers de personnes ont été dispersées, alors vous pensez bien qu’une centaine de familles ne seront pas difficiles à déménager. Si vous refusez, il vous faudra abandonner les grades et les fonctions que vous avez obtenus après 20 ou 30 ans de service affirme un général.

Dans la nuit du 28 septembre, quatre inconnus attaquent la station locale du ministère de l’Environnement dans le village de Pleuv Ko, district d’Oral, province de Kompong Speu, tuant deux fonctionnaires et blessant un villageois. Ils emportent avec eux deux motos, trois fusils, deux I-com et un GPS.

A Ratanakiri, le 27 septembre, 110 familles de minorités ethniques du district d’O Choum portent plainte devant la cour de Ratanakiri contre un militaire qui revendique la propriété de 200 hectares sur la commune. En 1996, ce militaire a obtenu du Département général de l’aménagement du territoire un certificat de propriété, à charge de le mettre en valeur dans les trois ans. Comme rien n’était entrepris, en 1999, les habitants ont planté des anacardiers et des haricots sur ces terres. En 2004, le militaire fait creuser un fossé autour du terrain, puis arracher les plantations des villageois, sans les avertir. L’enquêteur de l’Adhoc constate que la province de Ratanakiri intéresse de plus en plus d’hommes de pouvoir alors que la valeur de la terre augmente : “Comme les titres de propriété sont en majorité rédigés par le Département général sans passer par les cadastres locaux, certains ne savent même pas où se trouvent leurs terrains.” En l’espace de quelques semaines, six ou sept conflits fonciers se sont produits dans cette province reculée.

Le 1er septembre, un journaliste de Radio Free Asia qui enquêtait sur le trafic de bois est blessé par un commandant dont le camion trans-portait des essences rares. Les représentants des ONG s’intéressant à ces affaires sont de plus en plus fréquemment menacés et surveillés.

Les groupes associés sous le nom Samaki, de Ratanakiri, saignent les hévéas pour la société Tai Seng à qui a été accordée la concession de 4 300 hectares par le gouvernement depuis 1996, demandent l’autorisation de manifester contre la société qui leur achète le caoutchouc à 1 200 riels le kilo (0,25 dollar), alors que dans la province de Kompong Cham le kilo se vend plus de 3 600. Cette différence de prix engendre la contrebande. Après négociations, la société accepte de payer 2 550 riels le kilo. La direction de la société fait détruire 189 bicoques de travailleurs des ouvriers de Samaki installées sur la plantation.

Le 5 octobre, trois cents habitants de Païlin manifestent suite à la décision de la municipalité de réquisitionner 800 hectares.

Le bureau de l’administration forestière de Siem Reap publie, après une enquête de neuf mois, une liste de 180 personnes qui auraient violé des zones forestières appartenant à l’Etat. Beaucoup sont des hauts fonctionnaires, des responsables au niveau provincial ou du district. Les fraudes concerneraient une superficie de 20 112 hectares. Ces fonctionnaires contactent des habitants dont les terres sont à proximité de terres d’Etat et leur achètent au tarif de 500 à 700 dollars l’hectare, puis ils installent leur clôture bien au-delà des limites de leur parcelle, débordant parfois de 500 mètres. Ils se rendent ensuite auprès des autorités communales pour valider la nouvelle superficie qu’ils revendiquent et s’empressent de vendre les terres à des Phnompenhois entre 2 000 et 2 500 dollars l’hectare. Les autorités locales continuent impunément à donner leur accord à ces transactions illégales.

Emigrés

Selon Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur, 10 000 Cambodgiens seraient détenus dans les prisons thaïlandaises pour diverses affaires.

USAID a signé un accord avec la Vietnam Veterans of America Foundation (VVAF) pour financer à hauteur de 800 000 dollars pendant trois ans un Programme de soutien à l’intégration des quelque 1 500 Cambodgiens expulsés des Etats-Unis.

Santé

A partir du 1er octobre, tous les médicaments en circulation devront porter un timbre avec un code d’enregistrement. Le ministère de la Santé entend ainsi lutter contre la vente de faux médicaments. Phnom Penh compte 500 pharmacies légales, et une cinquantaine d’illégales. Sur les 6 000 médicaments en circulation, 4 000 ont été contrôlés, parmi eux 10 % seraient des faux. Dans les campagnes, les faux médicaments sont très répandus.

30 000 personnes ont été infectées par le paludisme durant le premier trimestre de 2005, contre 45 000 pendant la même période de l’an dernier, 121 en sont mortes. Le directeur du centre de lutte contre le paludisme a reçu deux millions de dollars pour acheter des moustiquaires, mais se plaint du manque de budget pour en doter les 1 600 000 personnes vivant en zone impaludées.

Chaque année, 95 Cambodgiens sur 100 000 meurent de la tuberculose. 75 % des personnes suspectées d’être contaminées par la tuberculose se rendent directement à la pharmacie pour chercher un remède plutôt que dans un service de santé public, engendrant ainsi la résistance du bacille de Koch. Le Cambodge fait partie des vingt-deux pays les plus touchés par la maladie. Les experts de l’OMS estiment qu’en 2005, la tuberculose concerne 508 personnes sur 100 000, la tuberculose du foie atteindrait 225 personnes sur 100 000, soit le taux le plus élevé de la zone Asie-Pacifique Ouest.

Les Etats-Unis accordent une nouvelle aide de 1,2 million de dollars pour améliorer le système de santé. Cela porte à 31,5 millions l’aide apportée au Cambodge dans le domaine de la santé.

La BAD envisage de consacrer quatre millions de dollars au Cambodge pour lutter contre les maladies animales en 2006. Les Etats-Unis vont fournir deux millions de dollars, pour renforcer les contrôles dans les provinces et à augmenter la capacité d’expertise. Le stock de Tamiflu pour lutter contre la grippe aviaire dont dispose le Cambodge est de 1 600 doses, plus un millier bientôt fournies par la BAD. Le laboratoire Roche, fabriquant du Tamiflu, annonce un don de trois millions de doses en vue de constituer un stock régional, opérationnel en milieu d’année prochaine.

Le 24 octobre, la BAD annonce qu’elle va accorder un don de dix-huit millions de dollars au Cambodge pour assainir l’eau potable et le système sanitaire d’un million de personnes vivant autour du Tonlé Sap, dans les provinces de Battambang, Kompong Chhnang, Kompong Thom, Pursat et Siem Reap. La participation de la BAD couvre 75 % des vingt-quatre millions du projet, le gouvernement et les bénéficiaires devraient régler les six millions restants. Ce projet devrait être achevé d’ici décembre 2011.

Le ministère de la Santé lance un appel d’offres pour renouveler le stock de médicaments des hôpitaux du pays, en réservant une enveloppe de deux millions de dollars aux six entreprises pharmaceutiques locales, soit cinquième de la commande totale annuelle. Les laboratoires nationaux sont capables de produire deux cents types de préparations.

Justice

Le 31 août, la Cour suprême de Phnom Penh condamne un journaliste du Cambodia Daily à une amende de 7 500 dollars pour diffamation, suite à une plainte déposée par Hor Nam Hong, ministre des Affaires étrangères, contre trois journalistes, dont deux japonais. Les journalistes rapportaient les propos d’une femme sénateur du FUNCINPEC, ancienne prisonnière du camp de Boeung Trabek, décédée récemment, qui affirmait que le dit ministre avait été responsable du camp de Boeung Trabek et proche de Ieng Sary. Le 23 janvier 2001, un tribunal français avait innocenté le ministre d’une semblable accusation portée par le roi Sihanouk. Sisowath Thomico, neveux du roi-père, avait porté semblable accusation.

Le 28 septembre, quatre juges de la cour de Phnom Penh, dont Nor Sophon, sont démis de leurs fonctions par le Conseil supérieur de la magistrature, sans que soient révélées les raisons de ce limogeage. Par contre, 15 des 31 juges atteints par l’âge de la retraite sont autorisés à poursuivre leur travail.

Le 13 octobre, la cour de Phnom Penh change de président, l’ancien président étant atteint par la limite d’âge de 60 ans. Depuis 2000, la cour compte sept juges, quatre procureurs et 123 greffiers. Sous la présidence du juge sortant, la cour a décidé 42 remises de peine et a acquitté douze détenus. Chiv Keng, nouveau président, ancien juge attaché à la Cour suprême, promet de s’attaquer à la corruption, pour que la cour se mette au service des citoyens. Il s’engage également à renforcer la collaboration entre la cour et la police judiciaire.

Les journalistes ne sont plus autorisés à assister aux procès sans autorisation.

Education nationale

Le Japon accorde une aide de 1,8 million de dollars au ministère de l’Education pour l’amélioration de la qualité, de l’accessibilité de l’éducation de base en six provinces. Cette aide provient du Fonds japonais pour le développement social (JICA) et est versée à la Banque mondiale. Un programme est prévu pour les filles handicapées.

Le 27 septembre, est révélé le Plan stratégique de développement de l’éducation pour la période 2006-2010. Le gouvernement vise à scolariser 100 % des enfants en âge d’entrer à l’école primaire et 50 % de ceux en âge d’entrer en maternelle. En 2010, le nombre d’élèves devrait atteindre 1,2 million en premier cycle (dont 45 % de filles) et 358 000 dans le second (40 % de filles). Il encourage la participation du secteur privé et l’ouverture de nouvelles écoles.

L’Institut de la langue khmère et l’Académie royale du Cambodge ont édité un nouveau dictionnaire de 866 pages, avec 41 000 mots dont il fixe l’orthographe. Vingt-cinq personnes travaillent à ce dictionnaire depuis 1988. C’est le premier dictionnaire digne de ce nom paru depuis la cinquième édition de celui de Chuon Nath, en 1967.

Le 11 octobre, est inauguré le Département à l’emploi francophone (DEF), fruit de la collaboration entre l’Agence universitaire francophone et la Chambre de commerce franco-cambodgienne. Le DEF a pour mission de faciliter le recrutement qualifié par les entreprises francophones.

Le pays compte 58 écoles d’enseignement supérieur, dont vingt publiques, mais le niveau des professeurs est nettement insuffisant, ne correspondant pas aux normes internationales. Les écoles privées sont plus soucieuses d’encaisser les droits d’inscription que d’offrir une formation de qualité à leurs élèves.

L’association Reporters sans Frontières classe le Cambodge au 91e rang dans son index de 2005.

Religion

Une statue de Bouddha, sans doute en bois d’ébène, est repêchée du Mékong à Prek Ta Méak, à 30 kilomètres de Phnom Penh. Un musulman, qui l’avait déjà repérée il y a trois mois mais ne l’avait pas repêchée, est mort depuis de maladie. Elle proviendrait d’une pagode ancienne emportée par les eaux du Mékong.

Phnom Penh

Dans le cadre de la politique de relogement des squatters de la ville de Phnom Penh, 5 000 familles, installées près des égouts et des voies de chemin de fer, devraient être déplacées en priorité. La construction d’infrastructures pour subvenir à leurs besoins immédiats devrait être lancée, mais les autorités municipales manquent de moyens pour réaliser de tels travaux.

Le 20 octobre, le Conseil des ministres crée un comité national de résolution des problèmes des sans-abri pour l’ensemble du pays. A ce jour, seule Phnom Penh possédait une telle structure. Entre 1999 et 2005, une structure semblable aurait “réinséré plus de 6 000 sans-abri, soit 900 familles”. L’ONG Mith Samlanh, non consultée, se réjouit de cette création, en restant toutefois sceptique sur les méthodes employées par le passé : ramassage forcé, violation des droits élémentaires de cette catégorie de population. En prévision de la veille de la fête des eaux (15-17 novembre), près de 800 enfants et adultes vivant dans les rues de la capitale, sont ramassés par la police. L’ONG Mith Samlanh ouvre deux centres d’hébergement pour les sans-abri.

Mith Samlanh forme les motos-taxis et les patrons de guest house à la lutte contre la pédophilie.

Le 17 octobre, quatorze vice-gouverneurs des sept arrondissements sont nommés à Phnom Penh.

DIVERS

Aide aux victimes de catastrophes

Le gouvernement cambodgien offre 20 000 dollars pour les victimes du cyclone Katrina. “Il est bon de partager, même une cuillère de riz.” De son côté, le roi accorde une aide dont on ne connaît pas le montant.

Le Premier ministre adresse ses condoléances aux dirigeants des trois pays frappés par un tremblement de terre (Pakistan, Afghanistan et Inde), et promet de leur remettre 60 000 dollars d’aide, “une très modeste contribution” pour soulager les souffrances des victimes et celles de leurs familles.