Eglises d'Asie

Les responsables des Eglises chrétiennes en appellent au président de la République pour déterminer les responsabilités au sujet de la profanation de plusieurs lieux de culte chrétiens

Publié le 18/03/2010




Le 14 novembre dernier, les responsables des principales Eglises chrétiennes du Pakistan ont écrit au président de la République, Pervez Musharraf, pour demander l’ouverture d’une enquête judiciaire afin de déterminer les responsabilités dans les incidents qui ont eu lieu le 12 novembre dans un village chrétien du Pendjab. Les responsables chrétiens rappellent que, ce jour-là, en fin de matinée, “une foule bien organisée d’environ trois mille hommes” a investi la localité rurale de Sangla Hills, située à environ 90 km. à l’ouest de Lahore, pour y profaner trois lieux de culte chrétiens et saccager plusieurs propriétés d’Eglises. Ils demandent au président que les coupables de ces actes de violence, qui n’ont pas causé de dégâts autres que matériels, soient “punis de manière exemplaire”.

Selon la lettre des responsables chrétiens, les faits se sont déroulés de la façon suivante : la foule a d’abord investi l’église presbytérienne de Sangla Hills, pour la saccager et brûler 250 bibles, avant de vandaliser la résidence du pasteur. Puis les quelque trois mille hommes s’en sont pris à l’église catholique, où des bibles ainsi que d’autres livres religieux et les registres paroissiaux, remontant à 1912, ont été brûlés. Selon les médias pakistanais, le troisième lieu de culte attaqué appartient à l’Armée du Salut. Puis, peut-on encore lire dans la lettre adressée à Pervez Musharraf, les hommes ont poursuivi leur chemin jusqu’au couvent catholique Sainte-Marie, où “tous les objets sacrés visibles” ont été détruits. Ce fut ensuite au tour de l’école Saint-Anthony et du pensionnat adjacent, où les vitres ont été brisées et le mobilier incendié. Les lieux étaient quasiment déserts au moment de l’attaque, souligne la lettre, les religieuses et les enfants ayant fui avant. L’école est fermée sine die, rapportent encore les responsables religieux.

La lettre est signée de Mgr Lawrence Saldanha, archevêque de Lahore et président de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan, de Mgr Alexander John Malik, de Lahore et modérateur de l’Eglise (anglicane) du Pakistan, de Victor Azariah, secrétaire exécutif du Conseil national des Eglises (protestantes) au Pakistan, et de Gulzar Patras, commandeur territorial de l’Armée du Salut.

Les violences commises à Sangla Hills le 12 novembre trouvent leur origine dans l’accusation lancée à l’encontre d’un chrétien du lieu, Yousaf Masih, qui aurait profané un exemplaire du Coran la veille. Selon la lettre des responsables chrétiens, cette accusation est tout sauf étayée. Selon eux, Yousaf et deux musulmans jouaient pour de l’argent et les deux auraient perdu une forte somme. Lorsqu’ils ont demandé à Yousaf que celui-ci leur rende l’argent en question et que le chrétien a refusé, ils l’ont alors accusé d’avoir profané par le feu un exemplaire du Coran. Une boîte contenant les restes calcinés de quelques pages du Coran a effectivement été retrouvée, écrivent les responsables religieux, mais l’enquête devra déterminer l’identité de la ou des personnes qui ont commis cet acte.

Le 11 novembre au soir, tandis que la tension montait autour de cette affaire de supposée profanation du Coran, certains responsables musulmans ont commencé à attiser les passions en appelant les fidèles via les haut-parleurs des mosquées, rapportent encore les responsables chrétiens. Sentant poindre le danger, le curé de la paroisse catholique de Sangla Hills, le P. Samson Dilawar, a prévenu la police. Il était environ 11 heures du soir. Selon des sources catholiques, 450 familles chrétiennes de la localité ont préféré fuir leurs maisons et ne sont revenues au village que vingt-quatre heures plus tard. Selon la lettre adressée au président de la République, la police n’a pas réagi, envoyant sur place une poignée d’hommes, qui “n’étaient même plus en faction” lorsque la foule a investi les lieux. Une enquête judiciaire est nécessaire pour éclaircir ce volet de l’affaire, estiment encore les responsables chrétiens, et des sanctions doivent être prises s’il s’avère que des officiers de police n’ont pas fait leur devoir.

Depuis cet incident, les chrétiens de Sangla Hills sont sous le choc, peinés par “ces actes haineux de profanation de leurs lieux sacrés”. “Tout ceci n’est pas l’ouvre d’une foule qui aurait agi sous le coup de l’émotion, mais a été organisé par des militants bien organisés, venus de l’extérieur et dotés d’armes incendiaires élaborées poursuivent les responsables chrétiens, qui ajoutent que ce nouvel incident prouve une fois de plus “l’inefficacité” de lois anti-blasphèmes. Depuis des années, les Eglises chrétiennes au Pakistan demandent la révocation de ces lois, l’article 295-B du Code pénal qui punit de la prison à vie la profanation du Coran et l’article 295-C qui punit de la peine de mort la diffamation du Prophète Mahomet (1).

Pour les jours à venir, les responsables chrétiens ont appelé à une journée d’action le 17 novembre. Ce jour-là, toutes les institutions éducatives animées par les Eglises chrétiennes seront fermées. Si les autorités n’ont pas pris de mesures significatives pour montrer leur détermination à déterminer les circonstances exactes des incidents de Sangla Hills, d’autres mesures de protestation seront employées, préviennent les responsables chrétiens. Selon les médias locaux, à la date du 14 novembre, la police avait procédé à l’interpellation d’une quarantaine de personnes, chrétiennes et musulmanes, les accusant de terrorisme et de destruction de propriété publique. Par ailleurs, Yousaf était toujours introuvable, mais son frère, Salim, avait été arrêté (2).