Eglises d'Asie

Un tribunal de Pékin a condamné trois chrétiens protestants à des peines de prison ferme pour avoir imprimé des bibles sans autorisation gouvernementale

Publié le 18/03/2010




Le 8 novembre dernier, un tribunal de Pékin a condamné à des peines de prison ferme et à de fortes amendes trois chrétiens protestants. Arrêté en septembre 2004, Cai Zhuohua, responsable d’une Eglise domestique, i.e. non enregistrée auprès du Mouvement des trois autonomies, a été condamné à trois ans de prison et 200 000 yuans (18 800 euros) d’amende. Il encourait une peine de dix années de prison. Selon le chef d’accusation retenu par les juges, Cai Zhuohua, âgé de 34 ans, a été reconnu coupable d'”exercice illégal d’activité commerciale”. Son épouse, Xiao Yunfei, âgée de 33 ans, a été condamnée à deux ans de prison et 150 000 yuans d’amende. Le frère de celle-ci, Xiao Gaowen, âgé de 37 ans, a été condamné à dix-huit mois de prison et 100 000 yuans d’amende. Enfin, l’épouse de Xiao Gaowen, Hu Jinyun, a été acquittée car, selon le verdict rendu par les juges, elle a collaboré avec la police en fournissant des éléments d’information qui ont permis d’étayer l’acte d’accusation porté contre Xiao Yunfei.

Agissant à titre bénévole, huit avocats et juristes ont assuré la défense des accusés, qui ont annoncé leur volonté de faire appel du verdict rendu contre eux. Selon les défenseurs des droits de l’homme en Chine, si la liberté de religion est bien inscrite dans la Constitution de la République populaire de Chine et les fidèles jouissent de la liberté de culte pourvu qu’ils pratiquent leur religion dans les lieux enregistrés auprès des autorités, le gouvernement recourt de plus en plus fréquemment à des “prétextes judiciaires” pour réprimer les Eglises, communautés et autres groupes religieux qui pratiquent en-dehors des structures officielles.

Dans l’acte d’accusation porté contre Cai Zhuohua, il est fait mention de l’impression illégale de 237 000 exemplaires de la Bible, que la police aurait retrouvés dans un entrepôt appartenant au pasteur, mais les attendus du jugement ne précisent pas combien de bibles ont été imprimées, ni quel profit Cai Zhuohua a tiré de la vente de ces ouvrages. En juillet dernier, à Hongkong, le Ta Kung Pao, quotidien pro-Pékin, avait cité Ye Xiaowen, directeur du Bureau des Affaires religieuses, disant que Cai Zhuohua avait illégalement imprimé quarante millions d’exemplaires de la Bible et d’autres publications chrétiennes. Ye Xiaowen accusait également le chrétien protestant d’avoir tiré profit de la vente de plus de deux millions de bibles. Enfin, le haut responsable chinois soulignait que cette affaire n’avait rien à voir avec une affaire de persécution religieuse. “Objectivement parlant, la religion est un point de pénétration par lequel les forces occidentales anti-chinoises cherchent à occidentaliser et à démanteler la Chine avait déclaré Ye Xiaowen. Pour Gao Zhisheng, l’un des avocats de Cai Zhuohua, “les bibles imprimées ne devaient en aucune façon entrer sur le marché, étant donné qu’elles devaient être distribuées à titre gratuit aux membres de l’Eglise [domestique de Cai Zhuohua]. Qu’elles aient été légales ou illégales, ce ne sont pas les transactions commerciales qui sont en jeu dans cette affaire. Les tribunaux ne devraient pas être utilisés pour opprimer les religions ou restreindre la liberté de religion, mais les autorités recourent sans cesse à des prétextes économiques pour régler des questions politiques et religieuses a déclaré l’avocat, dénonçant l’instrumentalisation de la justice en Chine par le pouvoir politique (1).

La condamnation de Cai Zhuohua et de deux de ses proches intervient à quelques jours de la visite officielle que le président américain George W. Bush doit effectuer en Chine, du 19 au 21 novembre prochain. A Washington, un porte-parole du département d’Etat a protesté du verdict, “incompatible avec le désir affiché par la Chine de faire progresser l’Etat de droit” (2). Ce même 8 novembre, à Washington, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice rendait public le rapport 2005 du département d’Etat sur les violations de la liberté religieuse dans le monde, rapport qui est publié chaque année par les Etats-Unis depuis sept ans. Parmi “les pays dont les gouvernements ont entrepris ou toléré des violations particulièrement graves des libertés religieuses au cours de l’année dernière” figure la Chine populaire, aux côtés de l’Iran, de la Birmanie, de la Corée du Nord, le Vietnam, l’Erythrée, le Soudan et l’Arabie Saoudite. En haut de l’échelle de gravité établie par les Etats-Unis, on trouve la Birmanie, la Chine, la Corée du Nord et Cuba, dont les gouvernements sont accusés de mener “des actions totalitaires ou autoritaires pour contrôler les croyances ou les pratiques religieuses”. Selon une loi américaine, les pays figurant sur cette “liste noire” encourent des sanctions gouvernementales dans les 180 jours qui suivent sa publication. Enfin, le président américain a fait part aux autorités chinoises de son désir d’assister à un office religieux chrétien lors de son passage dans la capitale chinoise ; selon le Bureau des Affaires religieuses de Pékin, George W. Bush pourrait se rendre au temple protestant de Gangwashi, situé dans l’ouest de la ville.