Eglises d'Asie

A la suite de la profanation de lieux de culte chrétiens à Sangla Hill, des responsables chrétiens appellent au dialogue avec les musulmans et à la suppression des lois anti-blasphème

Publié le 18/03/2010




Tandis que les milieux chrétiens continuent d’appeler à ce que toute la lumière soit faite sur les événements qui ont abouti à la profanation de plusieurs lieux de culte chrétiens à Sangla Hill (1), des voix s’élèvent pour demander que le dialogue avec les musulmans soit renforcé afin de dissiper les préjugés et les fausses idées que les uns et les autres peuvent nourrir quant à la religion chrétienne et à la religion musulmane. Le 12 novembre dernier, une foule de 3 000 musulmans avait investi le village chrétien de Sangla Hill, à proximité de Lahore, et profané trois lieux de culte chrétiens ; ils agissaient en représailles à ce qui leur avait été présenté comme un acte de profanation du Coran commis par un chrétien, Yousaf Masih.

Le 19 novembre dernier, dans la paroisse catholique de St Anthony, à Lahore, des responsables catholiques ont organisé une rencontre islamo-chrétienne, à l’issue de laquelle a été fondée la “Société islamo-chrétienne rabita” (rabita signifiant coopération en ourdou). Selon le curé de la paroisse, le P. George Daniel, “l’Eglise veut créer un lieu où le dialogue puisse s’épanouir et les incompréhensions être dissipées”. Progressivement, en se connaissant mieux les uns les autres, ainsi qu’en travaillant sans cesse à l’étude comparative des religions, nous espérons qu’une nouvelle génération de personnes aux idées progressistes apparaîtra, a poursuivi le prêtre, ajoutant qu’un travail était nécessaire dans le domaine de la communication.

Les attentes des chrétiens du pays ont été relayées jusqu’à la présidence de la République à l’occasion de la visite au Pakistan de l’archevêque de Canterbury, Rowan Williams, chef de la Communion anglicane. Le 22 novembre, à Islamabad, l’archevêque anglican a rencontré le général Pervez Musharraf, puis, le lendemain, le Premier ministre Shaukat Aziz. Selon la presse locale, Rowan Williams a demandé au président la refonte des lois anti-blasphème et a plaidé pour une meilleure compréhension entre chrétiens et musulmans. Après avoir visité un village de tentes abritant des rescapés du tremblement de terre qui a ravagé le Cachemire le 8 octobre dernier, l’archevêque a pris part à une table ronde organisée à l’Université islamique internationale. Devant un auditoire composé de religieux chrétiens et musulmans et d’universitaires, Rowan Williams a posé ce qui, selon lui, doit gouverner le dialogue interreligieux : “Dialoguer, ce n’est pas débattre. Dialoguer, ce n’est pas chercher à être prosélyte. Dialogue, ce n’est pas tenter de convaincre. Dialoguer, ce n’est pas négocier. Lorsque j’entre en dialogue avec quelqu’un d’une autre tradition religieuse que la mienne (.), je ne suis pas là pour aboutir à un accord, je cherche à parvenir à comprendre.”

Par ailleurs, à Lahore, la Commission ‘Justice et paix’ de l’archidiocèse catholique a demandé que les accusations de profanation du Coran portée contre Yousaf Masih soient abandonnées. Les autorités doivent s’attacher à trouver des solutions à long terme pour lutter contre l’intolérance. Cela passe notamment par l’abandon des lois anti-blasphème, qualifiées de “discriminatoires” par la Commission. A propos des arrestations opérées à la suite de l’attaque de Sangla Hill, le P. Peter Jacob, secrétaire de la Commission ‘Justice e paix’ de la Conférence épiscopale, a déclaré : “Il est malheureux de constater que la police a bouclé des musulmans sans avoir mené une enquête sérieuse. Nous voulons que la justice prévale. Nous sommes opposés à toute arrestation non étayée par une enquête digne de ce nom.”