Eglises d'Asie

Des catholiques ouvrent en faveur des malades du sida et développent des campagnes de prévention, malgré le peu d’attention que suscite la pandémie dans la société

Publié le 18/03/2010




A quelques dizaines de kilomètres au nord de Colombo, le P. Callistus Fernando, soucieux du peu d’attention que suscite le problème du virus du sida dans son pays, a ouvert un centre d’écoute et d’entraide pour les personnes contaminées par le virus, où il les encourage à extérioriser leurs souffrances. Le Sri Lanka, qui est considéré comme un pays peu touché par l’épidémie dans le rapport 2004 de l’UNAIDS, affiche un taux de contamination se situant en dessous de la barre des 0,1 % de sa population. En 2003, selon des associations travaillant en lien avec les malades du sida, le nombre de cas déclarés s’élevait à 161, et 119 personnes étaient mortes du sida. Selon l’agence des Nations Unies, l’estimation de personnes atteintes par le virus en 2003 s’élevait à 3 500 personnes.

Toutefois, des personnes craignent une propagation du virus si ce sujet n’est pas abordé rapidement et de manière explicite dans la société sri-lankaise. Selon le ministère de la Santé, le développement d’une petite mais florissante industrie du sexe dans le pays employant des Sri Lankais et des travailleurs migrants, ainsi que les risques de contamination encourus par les Sri Lankais travaillant à l’étranger sont des facteurs qui pourraient venir gonfler les chiffres des dernières statistiques de l’UNAIDS.

Le P. Callistus Fernando aimerait « que l’Eglise catholique puisse faire plus pour les personnes atteintes par le sida Des membres de l’Eglise catholique soulignent que l’Eglise n’est pas insensible à ce problème, mais qu’elle doit se montrer prudente dans la manière d’aborder le sujet du fait de mentalités conservatrices ancrées dans la société. Le P. Fernando, qui a ouvert trois centres pour les malades du sida, n’est pas le seul homme d’Eglise à prendre en charge les malades du sida ou à faire de la prévention auprès de la population, mais il précise : « Nous ne faisons pas de publicité. »

Selon le P. Fernando, la raison principale pour laquelle l’Eglise catholique se montre discrète vis-à-vis des actions menées autour de la pandémie, tient essentiellement au contexte politique actuel, à savoir que des éléments extrémistes du bouddhisme surveillent l’Eglise et ses actions sociales. « Une implication directe de l’Eglise pourrait susciter des critiques et décourager les catholiques précise t-il (1).

Malgré ce contexte, l’Eglise catholique tente de sensibiliser les fidèles aux risques que représente le virus du sida, notamment en les informant des conséquences que « certains actes d’égarement » peuvent engendrer, mais également en favorisant une prise de conscience par rapport à la maladie elle-même et vis-à-vis des personnes atteintes par le virus. « L’éducation sexuelle a été renforcée dans les écoles catholiques. Les équipes de préparation au mariage, les réunions de jeunes ou de couples mariés abordent également ces thèmes de prévention et de conscientisation précise le P. Fernando, qui ajoute que le sida reste un sujet tabou du fait de normes culturelles et qu’il ne fait pas partie des priorités du gouvernement.

Le P. Ernest Porithotha, curé de la paroisse de Kirimatiyagoda, au nord-est de la capitale, sensibilise ses paroissiens aux dangers du sida car il estime que les connaissances de base de la population sri-lankaise vis-à-vis de la pandémie ne sont pas suffisantes. Il ajoute aussi que l’ignorance et la peur font beaucoup de dégâts. « Des centres doivent être créés et les Sri Lankais doivent être sensibilisés au fait que les gens atteints pas le virus du sida doivent pouvoir bénéficier de soin, de soutien psychologique, et d’amitié ajoute le curé de Kirimatiyagoda. Le P. Fernando précise qu’il existe des personnes atteintes par le virus qui n’osent pas annoncer qu’elles ont été contaminées, de peur d’être rejetées par leurs proches ou la société.

Selon une catholique sri-lankaise, des discriminations existent dans la société sri-lankaise puisqu’à l’hôpital d’Angoda, spécialisé dans les maladies infectieuses, les personnes atteintes par le virus sont placées dans une pièce réservée aux victimes de la pandémie. Le Dr. Eshan Diaz, spécialiste de la prévention des maladies infectieuses, organise des campagnes de sensibilisation auprès de groupes de jeunes en insistant sur la chasteté et la fidélité, moyens qu’il présente comme étant les plus sûrs pour se préserver du sida. Selon lui, le nombre des personnes atteintes par le virus serait plus important que les chiffres officiels, le virus se propageant essentiellement par le biais des relations extraconjugales. « Les représentants d’instances internationales comme l’OMS ou l’UNICEF préconisent l’utilisation du préservatif pour avoir des relations sexuelles ‘sans risque’, mais cela ne fait qu’encourager la jeunesse à multiplier les expériences sexuelles précise t-il en ajoutant que, si le gouvernement était plus ouvert à la question du sida et ouvrait des centres en faveur des personnes atteintes par le virus, il faciliterait la tâche à l’Eglise catholique qui pourrait ainsi s’impliquer davantage.