Eglises d'Asie

Des religieuses catholiques répondent aux défis lancés par les fléaux de la prostitution et du trafic de femmes

Publié le 18/03/2010




Des religieuses catholiques entendent lutter contre la prostitution et le trafic des femmes thaïlandaises grâce à des mesures de prévention et de soutien en faveur des jeunes femmes, qui sont souvent les victimes désignées de ce commerce. Lors du stage qui s’est déroulé à Sam Phran, au centre pastoral de l’archidiocèse de Bangkok, du 23 au 29 octobre dernier, des religieuses ont proposé une formation aux travailleurs sociaux catholiques confrontés au problème de la prostitution. Vingt-huit religieuses, un prêtre en poste dans le sud de la Thaïlande et un délégué de la Commission épiscopale des migrants ont bénéficié de ce stage. Les religieuses présentes appartenaient à neuf congrégations travaillant dans huit pays différents, tels l’Inde, la Malaisie et la Thaïlande.

Suite aux efforts conjugués de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations), de l’Union internationale des supérieures générales et de l’Union des supérieurs majeurs d’Italie, le stage a abordé les problèmes liés au trafic des femmes en Thaïlande afin de mieux appréhender les enjeux qui en résultent. Sour Boonlom Panthong, qui travaille dans la province d’Ubon Ratchathani, a souligné que la pauvreté était la principale explication au fait que “beaucoup de filles se laissaient happer par le cycle infernal de la prostitution”.

Le nord-est de la Thaïlande, communément appelée la région de l’Isan, recouvre 19 des 76 provinces que compte le pays, et est habitée par le tiers des 62 millions d’habitants de la Thaïlande. Les habitants de l’Isan, le plus souvent des paysans, doivent lutter pour subvenir à leurs besoins dans une des régions les plus anciennement peuplées du monde. D’après Sour Boonlom, chaque semaine, les religieuses Amantes de la Croix d’Ubon organisent des visites dans les villages afin d’aider les paysans à devenir plus autonomes. Elles enseignent la pédothérapie, la culture biologique, la production d’engrais naturels ou la fabrication de shampoings à base de plantes. Les religieuses ont également organisé quatorze structures de micro-crédit dans cinq des provinces de l’Isan.

Tous ces efforts de développement ont pour but d’éviter aux femmes et surtout aux jeunes filles de partir travailler en ville afin de subvenir aux besoins de leur famille. En effet, les proxénètes recrutent dans les villages en promettant un honnête travail aux filles et aux jeunes femmes disposées à quitter leur famille. Pour celles qui se sont laissées embrigadées, sciemment ou non, la destination est souvent la même, à savoir Pattaya, ville touristique balnéaire située sur la côte est du Golfe de la Thaïlande et internationalement connue pour son tourisme sexuel florissant.

Sour Michaël Lopez, de la communauté du Bon Pasteur, travaille au “Centre de la Fontaine de vie” à Pattaya, tenu par sa congrégation afin d’aider les Thaïlandaises à sortir de la prostitution. La religieuse malaisienne confirme que les prostituées travaillant dans les bars ont pour la plupart été trompées ou avaient besoin d’argent pour leur famille. “La pauvreté pousse beaucoup d’entre elles à se vendre constate-t-elle. Le centre leur enseigne les rudiments d’un métier, leur donne des informations sur leurs droits et répond aux demandes d’aide de celles qui se sont laissées piéger. Pour Sour Michaël, “notre devoir est aussi de révéler au monde ce trafic d’êtres humains comme étant un des problèmes les plus graves de notre société”.

Pour Sour Françoise Jiranonda, provinciale des sours de St Paul de Chartres, le nord-est de la Thaïlande est notoirement connu pour “acheter et vendre des filles”. Dans le nord de la Thaïlande, à Chiang Mai, sa congrégation a ouvert une école pour les filles. Par le biais de l’éducation, l'”Ecole Princesse Ubonratana” essaie d’aider les élèves, qui viennent essentiellement de villages peuplés de minorités ethniques et ne disposent pas de papiers d’identité, à ne pas se laisser exploiter, en leur apprenant à lire et à écrire, en leur proposant une formation professionnelle et quelques valeurs de base. La religieuse affirme que “beaucoup de proxénètes viennent à Chiang Mai pour chercher des filles vierges”. La police quelquefois leur amène des rescapées. “Beaucoup d’entre elles ne sont âgées que de onze ans. Certaines ne savent ni lire ni écrire raconte Sour Françoise, qui souligne l’importance de travailler avec les autorités et les ONG. Pourtant, elle tient à souligner que le terme de “trafic” n’est pas uniquement réservé au commerce sexuel, mais touche également “toutes sortes de trafics illégaux comme l’exploitation de la main-d’ouvre qu’on importe ou exporte au-delà des frontières pour faire travailler les gens à moindre coût, le “trafic” des enfants orphelins ou celui des enfants des rues organisé par des associations spécialisées dans la mendicité.

Au sud de la Thaïlande, près de la pointe sud de la Birmanie, les pères et les frères de la congrégation des stigmatins sont au service des travailleurs migrants, illégaux ou non. Le P. Warunyu Laoboonma, curé de la paroisse du Sacré Cour de Jésus à Ranong, explique que les travailleurs venus de Birmanie sont communément exploités par les employeurs thaïlandais qui ne leur proposent qu’un salaire de misère ou les volent. Pire encore, « beaucoup de femmes venues de Birmanie se font violer par leurs employeurs thaïlandais témoigne-t-il. Dans l’espoir d’éviter ce genre d’abus, la congrégation a ouvert une école et un jardin d’enfants pour les fils et filles de ces travailleurs afin de leur apprendre le thaï. L’école comprend 96 enfants de travailleurs migrants dans cette région qui ne compte que quarante familles thaïlandaises catholiques.

Le stage de formation que le P. Warunyu Laoboonma et les religieuses ont suivi à Bangkok comprenait des interventions visant à présenter l’étendue du problème de ce trafic international (1), à définir le profil des victimes et des trafiquants, tout en développant des stratégies et des techniques de prévention, les moyens d’apporter assistance aux victimes. Sour Françoise Jiranonda a également souligné que les participants étaient tombés d’accord sur l’idée de mettre en place un plan d’action dans chacune de leur congrégation, une fois retournés dans leur communauté et leur diocèse. Ce plan d’action prévoit notamment de favoriser le travail avec les ONG, les Educations nationales locales, ainsi que de sensibiliser et de tenir informés les instituteurs et les travailleurs sociaux à l’existence de ce trafic de femmes.