Eglises d'Asie

L’épiscopat catholique se dit prêt, sous bénéfice d’inventaire, à accorder sa confiance au président de la République nouvellement élu

Publié le 18/03/2010




Dans une lettre communiquée aux médias locaux le 20 novembre dernier, les évêques catholiques du Sri Lanka ont fait part de leurs meilleurs voux à Mahinda Rajapakse, le cinquième président du pays, après sa victoire aux élections du 17 novembre. Ils espèrent, ont-ils écrit, que le nouveau président accomplira son mandat en ayant à cour les intérêts de la population, et ils ne cachent pas que, sous sa présidence, ils sont inquiets quant aux perspectives de paix dans le pays ainsi que pour l’avenir de l’Eglise.

Premier ministre sortant, Mahinda Rajapakse a remporté les élections avec une très faible majorité, ne précédant que de deux points de pourcentage son adversaire, le leader de l’opposition Ranil Wickremesinghe (1). Les observateurs des opérations électorales ont attribué la défaite de ce dernier au boycott électoral imposé à mots couverts dans le nord et l’est du pays par les rebelles tamouls du LTTE. Dans un discours à la nation, le 18 novembre, Mahinda Rajapakse a déclaré qu’il ne sera pas “le maître” du Sri Lanka mais son protecteur. Il démentit nourrir de quelconques préjugés religieux. “Durant mon mandat, les fidèles de toutes les religions pourront librement professeur leur foi et librement mener leurs activités religieuses dans les temples, les églises, les mosquées et les kovil (lieux de culte hindous). Il n’y aura pas d’ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses a-t-il précisé.

Pour les évêques catholiques, les assurances données par le président ne suffisent pas. “La tâche qui est la sienne aujourd’hui est difficile, a précisé Mgr Frank Marcus Fernando, évêque de Chilaw, diocèse situé juste au-dessus de l’archidiocèse de Colombo. La polarisation du pays entre le nord et le sud est grande. Nous espérons et nous prions qu’il soit capable de mener à bien le processus de paix et de permettre au pays de se développer.” Au-delà des déclarations de principe du nouveau président, l’évêque a ajouté que l’inquiétude vient des alliances passées par Mahinda Rajapakse avec deux formations cinghalaises : les nationalistes bouddhistes du Jathika Hela Urumaya (JHU, Héritage national cinghalais) et les marxistes intransigeants du Janatha Vimukthi Peramuna (JVP, Front populaire de libération).

Ces deux partis extrémistes refusent toute concession face aux Tigres tamouls et, notamment, un partage du pouvoir avec la minorité tamoule. L’avenir du processus de paix, enlisé depuis la mi-2003, après le cessez-le-feu signé en février 2002 par le LTTE et le Premier ministre de l’époque, Ranil Wickremesinghe, apparaît fragile. Par ailleurs, sur un plan religieux, le JHU a introduit l’an dernier au Parlement un projet de loi dit “anti-conversion”. En mai dernier, le texte est passé en seconde lecture devant les députés ; il est depuis retourné en commission et doit revenir devant les députés pour une troisième et ultime lecture. Parallèlement, certains hommes politiques poussent en avant un projet d’amendement à la Constitution visant à donner au bouddhisme le statut de religion d’Etat (2).

Dans ce contexte sensible d’un point de vue tant politique que religieux, Mgr Winston Fernando, évêque de Badulla, se dit prêt à donner une chance à Mahinda Rajapakse, en lui accordant le bénéfice du doute. “Nous devons donner au nouveau président une chance de faire ses preuves. Il peut être un leader fort et contribuer à une renaissance culturelle, dont le Sri Lanka a terriblement besoin si l’on veut que soit éradiquée la culture de la violence qui y prévaut a-t-il déclaré, ajoutant que la crainte de voir le JVP et le JHU prendre trop d’ascendant ou de poids est réelle. Le 23 novembre, le nouveau président a formé son gouvernement : assumant les portefeuilles de la Défense et des Finances, il a nommé Ratnasiri Wickremanayake au poste de Premier ministre, un nationaliste connu pour s’être toujours opposé à toute forme de concession aux Tigres tamouls (3). Aucun portefeuille n’a toutefois été confié à ses alliés marxistes et bouddhistes.

Chez les protestants, qui constituent une petite minorité de la communauté chrétienne (4), le Rév. Jansz, pasteur presbytérien, a estimé que, par le passé, Mahinda Rajapakse avait plutôt fait preuve de modération (5). “Le président est connu pour avoir un point de vue nuancé sur les choses et, dans son parcours politique, il n’a pas embrassé d’idées extrémistes. Nous prions qu’il ne soit pas captif des idées défendues par le JVP et le JHU a-t-il estimé.