Eglises d'Asie

Shaanxi : pour récupérer la pleine propriété d’un terrain qui appartient à des religieuses, le diocèse de Xi’an se voit demander par la ville une forte somme

Publié le 18/03/2010




Selon l’agence Ucanews (1), le diocèse catholique de Xi’an, dans la province du Shaanxi, se voit demander par la municipalité la somme de 6,5 millions de yuans (650 000 euros) pour récupérer la pleine propriété d’un terrain situé en centre-ville. Le terrain en question est celui d’une école autrefois catholique, confisqué par les autorités en 1952 et qui fait aujourd’hui l’objet d’un projet de développement immobilier entre le Bureau de l’Education local et un promoteur immobilier. Selon la politique religieuse mise en place après les réformes de Deng Xiaoping au début des années 1980, les titres de propriété de ce terrain auraient dû être remis sans frais à la congrégation de religieuses qui gérait l’école à la date de sa confiscation, mais, dans le cas présent, cette politique n’a pas été appliquée. Des hommes de main ont été envoyés sur place pour déloger les religieuses qui défendaient l’accès au terrain. Particulièrement violents, ils ont pris à parti les religieuses et en ont battu plusieurs, leur infligeant de graves blessures.

L’affaire remonte à l’année dernière. A cette époque, les religieuses, dont le couvent est adjacent au terrain convoité, avaient eu vent d’un projet de développement immobilier. Elles avaient saisi la justice et un tribunal local était censé déterminer la réalité de leurs droits de propriété. Le jugement devait être rendu le 25 novembre 2005. Cependant, ce jour-là, le tribunal n’a rendu aucune décision de justice. Trois jours auparavant, le 22 novembre, des ouvriers avaient coupé le courant électrique et avaient entamé la destruction du mur d’enceinte érigé autour de l’ancienne école. Selon un prêtre du diocèse cité par l’agence Ucanews, “aucune information n’avait été communiquée aux religieuses ou au diocèse au sujet de ces travaux”. Le lendemain, à neuf heures du matin, une quarantaine de jeunes hommes se tenaient devant le couvent, proférant des insultes aux religieuses. Quelques-unes de celles-ci sont sorties à leur rencontre, une vingtaine d’autres se tenaient devant le mur d’enceinte de l’école. C’est alors que le groupe d’hommes est devenu violent. “Nos sours ont été battues à coups de bâton. Certains hommes criaient même : ‘Tuez-les !’ rapporte une religieuse. Les responsables du couvent ont fait appel à la police, mais celle-ci ne s’est pas déplacée.

A la suite de cette attaque, cinq religieuses ont été hospitalisées. Agée de 42 ans, Sr Dong Jianian est blessée aux vertèbres lombaires et risque la paralysie des membres inférieurs. Agée de 34 ans, Sr Qing Jing a dû être opérée des yeux, mais pourrait perdre un oil. Les autres religieuses ont été blessées à la tête ou aux membres.

Le 25 novembre, l’Association patriotique des catholiques de Xi’an a émis deux “appels urgents à destination de l’Association patriotique à Pékin et du Bureau des Affaires religieuses de Xi’an, demandant que les autorités et l’Eglise règlent l’affaire. Deux jours plus tard, les autorités ne réagissant pas, environ six cents catholiques, des religieuses et des fidèles, sont descendus dans la rue, à Xi’an, portant des banderoles dénonçant le “vol” dont les religieuses étaient victimes. Partie de la cathédrale, la manifestation a été bloquée à proximité de l’hôtel de ville. Les manifestants se sont dispersé sans heurt après avoir reçu la promesse que l’affaire serait réglée dans la soirée.

Selon des sources catholiques, le même jour, ce 27 novembre, l’évêque coadjuteur du diocèse, Mgr Anthony Dang Mingyan (2), accompagné de Li Boyi, secrétaire de l’Association patriotique locale, ont négocié avec la municipalité, représentée par une trentaine de fonctionnaires, issus de différents départements (Affaires religieuses, Education, Police, etc.). Le 28, un accord a été conclu : le terrain, d’une surface de 2,73 mu (1 800 m ), est rendu à l’Eglise contre le paiement d’une somme de 6,5 millions de yuans. Le 29 au matin, le secrétaire général adjoint de la municipalité et divers autres responsables se sont rendus au chevet des religieuses hospitalisées, leur offrant à chacune 3 000 yuans à titre de compensation.

Selon une religieuse citée par le South China Morning Post du 30 novembre dernier, une telle somme suffit à peine à payer les frais médicaux engagés et les fonctionnaires n’ont pas présenté d’excuses. Une autre confiait : “Nous nous consacrons à la société en aidant les plus faibles de ses membres. Les autorités auraient dû nous soutenir et nous céder le terrain.” Un prêtre commentait : “Ce terrain appartenait à l’Eglise et, maintenant, nous devons payer pour le récupérer. Est-ce raisonnable ? Mais c’est la décision de l’évêque.”

Avant la Révolution et la confiscation de 1952, les religieuses, de la Congrégation des franciscaines missionnaires du Sacré Cour, animaient sur ce terrain le Collège du Rosaire. Devenu “Ecole primaire de la rue Wuxing” après 1952, l’établissement cessa de fonctionner en tant qu’école en 2003. Vacants, les locaux devaient être démolis pour laisser place à un développement immobilier.

Le 30 novembre, à Rome, le Vatican a réagi à cet incident. “Il s’agit d’informations que nous ne sommes pas en mesure de vérifier, mais qui suscitent douleur et réprobation, a déclaré le directeur de la salle de presse, Joaquin Navarro-Valls. La violence mise en ouvre à Xi’an à l’encontre de religieuses sans défense ne peut qu’être condamnée fermement.” Le porte-parole du Saint-Siège a ajouté : “Quant à l’arrestation de six prêtres à Zhengding (3comme auparavant celle de plusieurs prêtres dans d’autres villes, elle suscite une sérieuse préoccupation (.). Comme dans de précédentes occasions, on ne connaît pas les raisons de ces mesures coercitives.” Ces derniers mois, à l’occasion d’arrestations d’évêques, de prêtres et de séminaristes “clandestins”, le Saint-Siège avait émis de semblables remarques (4).