Eglises d'Asie

Par crainte d’actions terroristes, il n’y aura pas de messe de minuit à Noël dans la plus grande paroisse catholique de Dacca

Publié le 18/03/2010




La plus grande paroisse de l’archidiocèse de Dacca n’aura pas de messe de minuit, ni à Noël ni au jour de l’An. C’est ce qu’a annoncé le P. A. Jyoti Gomes, curé de la paroisse du Saint Rosaire, lors des messes dominicales du 4 décembre dernier. Pour des raisons de sécurité, a-t-il précisé, la célébration de la veillée de Noël aura lieu tôt, dans la journée du 24 décembre. Il n’y aura également pas de messe de minuit pour la solennité de Marie, Mère de Dieu, le 1er janvier. La paroisse du Saint Rosaire est située dans le quartier de Tejgaon, au centre-ville de Dacca (1). Par ailleurs, le P. Gomes a demandé à ses paroissiens de ne pas prendre de sacs avec eux pour aller à l’église et leur a demandé d’être attentifs aux inconnus ayant un comportement suspect dans les locaux paroissiaux. Il a précisé qu’il avait récemment trouvé un homme errant autour de l’église.

Quand des journalistes ont interrogé le P. Gomes sur la situation, il n’a pas voulu donner de détails. “Ce que j’ai annoncé à la messe du dimanche, le 4 décembre, c’est ce que j’avais à dire, a-t-il répondu. Je ne veux pas en dire davantage.” Des paroissiens ont toutefois rapporté que le P. Gomes avait reçu un coup de téléphone anonyme qui menaçait son église d’une attaque à la bombe (2).

Nirmal Rozario, secrétaire général de l’Association chrétienne du Bangladesh et de l’Union des coopératives chrétiennes de crédit mutuel à Dacca, a confié que le P. Gomes lui avait dit avoir reçu des messages anonymes demandant l’annulation de toutes les activités religieuses en décembre. Il a ajouté que lui aussi devait se montrer très prudent au cours des nombreuses rencontres prévues dans différents quartiers de la ville entre Noël et le jour de l’An. “Ce n’est pas seulement nous qui sommes vulnérables. Le pays tout entier est vulnérable a-t-il souligné.

Des vigiles, engagés par la paroisse, passent au détecteur de métaux tous ceux qui entrent dans les locaux paroissiaux. Ces contrôles ont été décidés à la suite des attaques-suicides contre les tribunaux de deux districts de Gazipur et de Chittagong qui ont fait plusieurs morts, le 29 novembre. Les jours suivants, plusieurs autres attentats ont été commis à Dacca et dans le reste du pays. Sur une période de trois semaines, une vingtaine de personnes, dont des juges, des avocats, des élus et des policiers, ont été tuées. La police a indiqué avoir trouvé, sur un des sites des explosions, un tract du Jama’atul Mujahideen lançant un appel pour l’instauration rapide de la charia dans le pays et promettant de détruire tout ce qui s’opposerait à ce dessein.

Selon la presse locale, les trois attentats suicide sont bien l’ouvre du Jama’atul Mujahideen, groupe islamiste interdit au Bangladesh et déjà impliqué dans l’action du 17 août dernier qui vit exploser 459 bombes dans 63 des 64 districts du pays. Immédiatement après les attaques du mois d’août, la presse affirmait que les responsables des minorités religieuses et leurs locaux étaient la cible des islamistes. Le 22 août, le quotidien Ittefaq, édité en bengali, citait un rapport d’enquête de police disant que les responsables religieux non musulmans étaient sur la liste des cibles des terroristes. L’article citait l’église du Saint Rosaire comme un des trois sites non musulmans susceptibles d’être visés. Les deux autres sites seraient le temple hindou de Dhakeshwari, à Lalbagh, et le monastère bouddhiste de Kamalapur, l’un et l’autre situés à Dacca.

Depuis cette date, des membres des forces de l’ordre et des services de renseignement sont présents dans les locaux de la paroisse du Saint Rosaire, précise le P. Gomes, qui ajoute que la paroisse elle-même, “a, parmi d’autres mesures de sécurité, fait passer le nombre de ses vigiles de un à trois ».

En réaction au climat créé par la multiplication des attentats, des manifestations se sont déroulées un peu partout pour protester contre ces actions qui trahissent les principes fondamentaux de l’islam, ainsi que l’ont affirmé les organisateurs de ces manifestations, des responsables musulmans le plus souvent. Le gouvernement, lui aussi, a encouragé ces manifestations dirigées contre ceux qui portent atteinte à la réputation de l’islam. Pourtant, la Ligue Awami, dans l’opposition, observe que ces problèmes de terrorisme n’ont jamais été débattus au sein de la coalition au pouvoir, ni au gouvernement, ni dans aucune autre instance. Ce qui indique, affirme-t-elle, que le gouvernement n’est pas sincère quand il affirme vouloir combattre le terrorisme.