Eglises d'Asie

Tianjin : des catholiques, prêtres et laïcs, ont été passés à tabac par des hommes de main pour un litige lié à la propriété de biens immobiliers appartenant à l’Eglise

Publié le 18/03/2010




Le 16 décembre dernier, dans la ville de Tianjin, une trentaine d’hommes de main, envoyés semble-t-il par un promoteur immobilier, ont passé à tabac une cinquantaine de catholiques, prêtres et laïcs, venus des diocèses de Taiyuan et de Yuci, dans la province du Shanxi, pour défendre le titre de propriété de l’Eglise catholique sur un bien immobilier. Sept des catholiques ont été blessés (des doigts cassés, de profondes ecchymoses et des blessures superficielles), deux d’entre eux – un prêtre et un diacre – ont perdu un temps connaissance. Selon le témoignage des catholiques, les assaillants ont fui lorsque la police, appelée à la rescousse, est arrivée sur les lieux.

Les origines de cette affaire remontent à plusieurs années. En effet, après la prise du pouvoir par les communistes en 1949, les titres de propriété des biens immobiliers que possédaient les congrégations et sociétés missionnaires étrangères pour aider à financer les missions ont été transmis aux diocèses de l’Eglise de Chine. Au fur et à mesure de la mise en place du pouvoir communiste, les diocèses ont peu à peu perdu la jouissance des revenus procurés par ces biens immobiliers. Lors de la Révolution culturelle (1966-1976), les registres ont disparu et les titres de propriété ont été brûlés. Avec la mise en place des réformes sous Deng Xiaoping, dans les années 1980, les autorités chinoises ont posé le principe du retour d’un grand nombre de biens confisqués ou occupés à leur propriétaire d’origine. Pour l’Eglise catholique, les lieux de culte ont été ainsi progressivement rendus à leur vocation première, mais, souvent, les autres biens immobiliers, tels les immeubles de rapport qui servaient autrefois à financer la vie de l’Eglise, n’ont pas été rendus (1).

Pour la seule ville de Tianjin, il est estimé que 1 200 biens fonciers ou immobiliers ont été ainsi acquis par l’Eglise. Ces dernières années, les diocèses de Taiyuan et de Yuci, du Shanxi, province située à l’ouest de Pékin, ont entrepris des démarches auprès des autorités de Tianjin, ville portuaire située au sud-est de Pékin, pour récupérer une partie de ces biens. Depuis 1993, ceux-ci ont été regroupés par le Bureau des Affaires religieuses de Tianjin dans une structure ad hoc, la “Société immobilière des biens religieux de la ville de Tianjin”. Aucune des démarches menées par les catholiques de Taiyuan et de Yuci n’a jusqu’ici abouti. Au début du mois de décembre dernier, toutefois, un catholique du Shanxi a eu connaissance du projet d’un promoteur immobilier de rénover un immeuble de la rue Jinbu (‘progrès’), à Tianjin, appartenant à l’Eglise. Craignant que ce projet prélude à la vente ou à la mise en location de l’immeuble, des prêtres et des laïcs des deux diocèses en question ont décidé de se mettre en route pour régler l’affaire avec les autorités de Tianjin.

Arrivée le 15 décembre devant l’immeuble – un bâtiment de trois étages construit dans un style italianisant -, la délégation a demandé à être reçue par la municipalité. La requête ayant été rejetée, les prêtres ont revêtu leurs aubes et manifesté par un froid glacial en brandissant une banderole : “Appliquez la politique religieuse ! Rendez les propriétés d’Eglise ! Construisez une société harmonieuse !” Le soir venu, les prêtres et les laïcs ont investi le bâtiment de la rue Jinbu, campant sur place, sans eau ni électricité – qui avaient été préalablement coupées. Le lendemain, ils étaient attaqués par des hommes de main.

A Taiyuan, selon des sources catholiques locales, Mgr Silvester Li Jiantang, évêque officiel du diocèse, âgé de 80 ans, a subi des pressions en vue d’obtenir le rappel de ses prêtres. Les célébrations de Noël approchant, une trentaine de catholiques sont repartis à Taiyuan et à Yuci le 22 décembre, mais cinq prêtres, quatre séminaristes et deux religieuses sont restés sur place pour occuper le bâtiment de la rue Jinbu. Ce même jour, dans la soirée, des officiels de la municipalité ont fait savoir qu’ils avaient accepté que les travaux de rénovation soient stoppés ; ils ont aussi exigé que les catholiques évacuent les lieux et ont refusé que l’alimentation en eau et en électricité soit rétablie. “Nous espérons que les autorités sont sincères dans leur volonté de résoudre cette affaire a déclaré un prêtre impliqué dans le dossier, qui s’inquiète de voir que la municipalité persiste à désigner l’immeuble de la rue Jinbu sous l’appellation “Site de construction n° 5”.