Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er novembre au 31 décembre 2005

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

La signature de la convention annexe au traité de 1985 sur les frontières avec le Vietnam occupe une partie de l’activité politique du mois de novembre. Les arrestations arbitraires liées à cette signature entraînent une série de protestations internationales.

Une demande d’extradition est lancée à l’encontre de Ear Channa, secrétaire général adjoint du Mouvement des étudiants pour la démocratie, et à l’encontre de Man Nath, président de l’Association indépendante des fonctionnaires du Cambodge, réfugiés en Thaïlande. Les ONG de défense des droits de l’homme estiment que ce serait une violation du traité d’extradition entre les deux pays, car ces deux personnes sont poursuivies pour délit d’opinion. Un officier de police et deux adjoints vont être nommés attachés de police à l’ambassade cambodgienne de Bangkok, rendant plus faciles les extraditions !

Deux nouvelles plaintes sont lancées contre Mâm Sonando, directeur de Radio Abeille, arrêté le 11 octobre : l’une pour incitation à des troubles de l’ordre public et l’autre pour diffusion de fausses nouvelles.

Le 31 décembre, la police arrête et incarcère à Prey Sâr, Kem Sokha, directeur du Centre des droits de l’homme au Cambodge (CCHC) et Yeng Viréak, directeur du Centre d’éducation légale pour la communauté (CLEC). Lors de la célébration de la Journée internationale des droits de l’homme, le 10 décembre dernier, des inconnus ont déployé une banderole datant de 2003, sur laquelle étaient écrits des commentaires hostiles au gouvernement et au Premier ministre. Les organisateurs, avertis par la police, ont fait immédiatement retirer la banderole, mais le gouvernement a lancé une plainte en diffamation contre eux, le 21 décembre. Le CCHC a été fondé et est financièrement aidé par les Etats-Unis. Kem Sokha est un ancien sénateur.

Condamnations internationales

Le 10 novembre, Reporters sans frontière demande la libération de Mâm Sonando, directeur de Radio Abeille, qui a défendu deux fois le Premier ministre. Le 11 novembre, l’Union européenne (UE) demande fermement au gouvernement de relaxer Mâm Sonando et Rong Chun, ainsi que d’annuler les mandats d’arrêts contre Mân Nath, Ear Channa, Chéa Mony, et Sisowath Thomico, neveu et conseiller spécial de Sihanouk, opposants à la signature de la convention annexe au traité de 1985. Sok An répond que le Cambodge est le champion de la liberté de la presse (ce qui est vrai pour la presse en langue étrangère), et que c’est un paradis pour les 2 000 ONG qui y travaillent. Le ministre de l’Information dit que Hun Sen se devait de réagir contre ces gens qui visaient à le renverser, sinon c’eut été un suicide politique. Hun Sen envisage des poursuites contre Sean Pensé et Say Bory, conseiller du roi-père et réfugié en France, qu’il estime instigateurs des gens poursuivis. Le roi-père conseille à Say Bory de rester en France, bien qu’il n’ait rien à se reprocher. Le 30 novembre, le représentant de l’UE exprime ses préoccupations concernant la détérioration des droits de l’homme au Cambodge et envisage d’y envoyer une mission d’enquête.

Le 5 décembre, Yash Gai, Kenyan d’origine indienne et nouveau représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour les droits de l’homme au Cambodge, demande la libération de Chéam Channy, Mâm Sonando et Rong Chun et leur rend visite en prison.

Le 6 décembre, une trentaine de représentants de l’AIEC (Association indépendante des enseignants du Cambodge) remettent une pétition au Premier ministre pour lui demander la libération de leur président. Le 20 décembre, le syndicat Education Internationale qui affirme regrouper 29 millions d’adhérents, écrit à Hun Sen pour lui demander la relaxe de Rong Chun.

Les ambassadeurs de Grande-Bretagne et des Etats-Unis, présents lors de l’arrestation de Kem Sokha et de Teng Viréak, le 31 décembre, ne cachent pas leur réprobation.

Frontières avec le Vietnam

Le 11 novembre, l’Assemblée nationale ratifie à main levée, la convention annexe au traité de 1985 par 97 voix contre zéro. Les quatorze députés de l’opposition ont quitté l’assemblée avant le vote. Hun Sen remercie les députés de leur sens aigu des responsabilités. Sur les sept points litigieux de la frontière vietnamienne, il en resterait un non résolu à Dak Dam. D’après Sok An, ministre du Conseil des ministres, aucun pouce de terre n’a été perdu. Le 25 novembre, le Sénat approuve la convention par 49 voix sur 50, les quatre sénateurs de l’opposition ayant quitté la séance. Le 30 novembre, le roi Sihamoni signe la dite convention. Sihanouk insinue que les ambassades de France et des Etats-Unis ont poussé le roi à le faire. L’ambassade des Etats-Unis reconnaît avoir donné son avis. L’échange des instruments de ratification de la convention annexe entre les ambassadeurs du Vietnam et du Cambodge a lieu de 6 décembre après-midi.

De Pékin, le 1er décembre, Sisowath Thomico qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour diffamation, pour s’être montré critique par rapport à la convention annexe, écrit une lettre à son cousin Sihamoni dans laquelle il adresse “ses plus chaleureuses félicitations” à l’Assemblée nationale, et tout particulièrement à “notre Grand Leader Samdech Hun Sen reprenant les termes employés par Ruom Ritt, ami d’enfance du roi-père. Certains, pas forcément à tort, soupçonnent quelque ironie derrière cette missive.

Selon Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, les discussions avec le Vietnam ne sont pas terminées, Hanoi souhaiterait une autre délimitation de la ligne Brévié, ce qui causerait “une grosse perte” pour le Cambodge.

Le 8 novembre, un nouveau poste frontière est ouvert avec le Vietnam à Trapéang Phlong (Ponhéa Krek), ce qui permet à la province de Kompong Cham d’être reliée à celle de Tay Ninh.

Elections sénatoriales

Le scrutin devant élire pour la première fois 57 sénateurs au suffrage indirect à bulletin secret par 11 384 électeurs représentant les membres des conseils communaux (sangkat), ainsi que des 123 membres de l’Assemblée nationale, se tiendra le 22 janvier dans les chefs-lieux de province. Trente-trois urnes seront réparties entre les vingt-quatre chefs-lieux de province et municipalités. Le budget du scrutin est de 457 000 dollars. Elections chères et inutiles, disent les ONG d’observation électorale.

Le 10 novembre, les 236 élus communaux du PSR procèdent à l’élection de ses onze candidats (cinq titulaires et six suppléants) aux élections sénatoriales pour la circonscription de Phnom Penh. Les partis ont jusqu’au 18 novembre pour déposer auprès du Comité national électoral (CNE) la liste de leurs candidats. Le PSR compte aujourd’hui sept sénateurs.

Plusieurs magnats de l’économie cambodgienne figurent en bonne place sur la liste du PPC : Mom Rethy; Kok An, patron du Casino Golden Crow ; Ly Yung Phat, patron du casino de Koh Kong ; Kong Triv, de KT Pacific group. Beaucoup voient dans la présence de ces personnalités un conflit d’intérêt : “Comment pourront-ils défendre l’intérêt public avant de défendre leurs propres intérêts ?”

Le 29 décembre, Kheam Véasna, exclu du PSR en juillet, se voit exclu du vote pour les sénatoriales, mais garde son poste de député, en contradiction avec la Constitution qui stipule que les députés soient inscrits et présentés par un parti. Il pense fonder le parti de la Ligue pour la démocratie.

Chéam Channy, incarcéré depuis le mois d’août, est rayé des listes de l’Assemblée nationale. Selon le porte-parole du PSR, cette radiation est illégale, seule la mort ou la démission étant prévues comme cas de radiation.

Election des maires

424 conseils communaux sur 1 621 disposent d’un bureau. Leur construction a coûté plus de 17 millions de dollars (45 000 par bureau), financés par le gouvernement, la Suède, la Hollande et la BAD. Le 19 décembre, le ministère de l’Intérieur annonce son intention de nommer les chefs de villages et leurs adjoints, en raison de 70 % pour le PPC et 30 % pour le FUNCINPEC. Les ONG de défense des droits de l’homme s’insurgent : cette façon de procéder est jugée anticonstitutionnelle. Le ministère n’a pour rôle que de préciser les modalités de la loi, non de nommer les maires ! Elles demandent que les maires soient élus au suffrage universel. Finalement, les maires seront élus par les conseillers déjà élus.

Le 20 décembre, la Commission européenne et le PNUD signent un programme de 12,5 millions de dollars destiné à soutenir les conseils municipaux pendant cinq ans, dans cinq municipalités pilotes. Le programme a pour but, une fois de plus, de réduire la pauvreté à travers la coopération intercommunale. Une association de 76 conseils communaux est créée le 21 décembre, à Phnom Penh. Désormais, tous les conseils municipaux d’une province devraient se réunir dans une association similaire, puis en une “alliance nationale des conseils municipaux” à l’échelon du pays.

Vie des partis

FUNCINPEC

Les 14-15 novembre, le FUNCINPEC tient un congrès extraordinaire de 4 500 délégués, tous en uniforme et casquettés de blanc aux couleurs du FUNCINPEC, au stade olympique, avec la présence de plus de 400 chanteurs, batteurs, danseuses. Le Premier ministre Hun Sen est invité à y prononcer le discours inaugural comme hôte d’honneur (après les événements de juillet 1997, sa présence est considérée comme quelque peu étrange par certains). Il affirme qu’il soutiendra Ranariddh si ce dernier gagne les élections de 2008. Ranariddh célèbre la solidité du partenariat avec le PPC, et fustige Sam Rainsy dont les partisans sont désormais “sans travail”, alors qu’il a réussi à placer 2 118 de ses partisans. Il déconseille à ses partisans de donner des interviews à Voice of America ou à Radio Free Asia. Quelques réformes structurelles sont décidées, visant à réduire le nombre des responsables.

Ce congrès à l’américaine vise à donner un sentiment de puissance aux membres du FUNCINPEC quelque peu décontenancés par les prises de position de leur président. Ranariddh qui a dû préciser que les responsables du parti ne se sont pas partagés l’argent de la vente de l’ancien quartier général, mais que cet argent a servi à l’achat de 21 hectares pour une somme de 1 189 671 dollars et que la construction d’un nouveau siège coûtera plus de 400 000 dollars.

Le FUNCINPEC propose la création d’un ministère de l’immigration, prévu dans les accords de coopération avec le PPC. Hun Sen refuse, et préfère faire appliquer les lois existantes.

PPC

Le congrès extraordinaire du PPC se tient du 21 au 23 novembre, avec 827 participants, dans une ambiance studieuse et avec moins de pompe que celui du FUNCINPEC. Aucun membre d’autres partis n’y est invité. Le PPC se félicite de la coopération avec le FUNCINPEC et veut la renforcer. 121 membres supplémentaires (dont Y Chhien, Kun Kim, tous deux anciens Khmers rouges) sont élus au Comité central, qui en comprend désormais 268. Le PPC nomme Hun Sen comme son candidat pour les élections de 2008. Le congrès réitère son engagement à l’établissement d’un tribunal pour juger les ex-responsables Khmers rouges.

Le FUNCINPEC et le PPC annoncent la création d’une plate-forme commune en 2007, et la volonté d’éviter les critiques mutuelles, pour ne pas faire le jeu du PSR.

PSR

Deux banderoles fustigeant le PSR sont apostées sur les murs de l’ambassade de Chine. Les membres du PSR demandent de les enlever. D’autres continuent à orner les murs de la faculté de droit et de sciences économiques.

Le 22 novembre, un mandat d’amener est lancé contre Sam Rainsy qui est en France.

Le 29 novembre, le PSR fête son dixième anniversaire. Environ 2 000 membres viennent de quinze provinces. Sam Rainsy leur parle par téléphone de France. Les ambassadeurs des Etats-Unis, du Canada, de Cuba, les représentants de l’IRI, du NDI, de la fédération Konrad Adenauer sont à la tribune officielle. Le parti est forcé de se renouveler en l’absence de son chef. Hun Sen déclare avoir des espions au sein du PSR.

Le 7 décembre, Hun Sen s’en prend à Pen Sovann, ex-Premier ministre du Cambodge, limogé le 2 décembre. Il avoue l’avoir fait arrêter lui-même. Pen Sovann a souvent attaqué Hun Sen pour sa trop grande tolérance à l’immigration vietnamienne. Pen Sovann émet la possibilité de rejoindre un des trois autres partis, il aimerait le PSR, avec les 70 000 membres du parti du Soutien national du Cambodge. Mais le PSR s’en méfie. Ranariddh demande aux membres du PSR de lâcher Sam Rainsy qui va être jugé et condamné (il affirme cela une semaine avant le procès).

Le 12 décembre, Eng Chhay Eang, secrétaire général du PSR depuis six ans, annonce sa démission. Ce n’est pas pour des raisons de divisions internes du parti, mais pour des raisons personnelles de santé, et à cause de sa passion excessive pour le jeu. Il est remplacé par le sénateur Meng Rita, qui assurera l’intérim jusqu’aux élections à ce poste qui auront lieu dans trois mois.

Le 22 décembre, Sam Rainsy est condamné à 18 mois de prison et à 13 500 dollars de dommages et intérêts pour avoir diffamé Ranariddh sur Radio Abeille, en 2004, l’accusant d’avoir touché au moins 50 millions de dollars (les chiffres d’ECI sont de 60 millions !), un avion et un hélicoptère, pour participer au gouvernement de coalition avec les PPC, le 14 juillet 2004. Le 22 septembre, Hun Sen avait également porté plainte pour “diffamation et insultes contre Sam Rainsy qui l’accusait d’être le commanditaire de l’attentat du 30 mars 1997 qui a fait au moins seize morts et environ 120 blessés (dans tout pays démocratique, le Premier ministre aurait dû trouver les coupables, ou démissionner).

Le verdict de cette parodie de justice ne surprend personne. Les Etats-Unis stigmatisent ce jugement comme une “érosion de la démocratie au Cambodge”. Amnesty International met en doute “l’impartialité l’indépendance et la crédibilité des juges Yash Gashi exprime sa “profonde inquiétude” et estime ce procès en diffamation “anti-constitutionnel même si les articles 62 et 63 de la loi de l’APRONUC reconnaissent le délit de diffamation, mais depuis, il y a eu la Constitution. Le 28 décembre, l’UE exprime son inquiétude et prône le dialogue politique à la place des procès.

Hun Sen ironise sur la position des Etats-Unis : ils vont nous couper l’aide militaire qu’ils nous ont promise, mais nous avons refusé leur proposition de participer à la guerre en Irak. Quant au Kenyan Yash Gashi, qu’il s’occupe de réduire la pauvreté dans son pays ! “Je suis heureux de n’avoir pas eu à le rencontrer ! »

Sam Rainsy ne fera pas appel, car ce serait cautionner une justice qu’il ne reconnaît pas. Il se dit fier d’être “le symbole de la lutte pour la démocratie”. Le 28 décembre, il demande l’amnistie du roi, comme l’ont fait avant lui Ranariddh et Siriwuth. Mais Hun Sen s’oppose à cette amnistie, tant qu’il n’aura pas purgé les deux tiers de sa peine. Le porte-parole du gouvernement affirme pour sa part que selon la Constitution, le roi peut amnistier qui il veut. Kong Korn, qui dirige le PSR par intérim, écrit au président du Sénat et de l’Assemblée nationale pour demander pardon.

Ranariddh invite les militants du PSR à se dissocier de Sam Rainsy.

Administration

Sok An, ministre du Conseil des ministres, annonce une augmentation du nombre des fonctionnaires, en plus du recrutement annuel de 3 000 diplômés. Dix mille étudiants sont diplômés chaque année. Il y aurait 49 729 diplômés depuis les années 1980 dans 19 universités d’Etat et 31 universités privées. Il recrutera notamment 150 secrétaires de mairie.

En dépit de la remarque faite par le Premier ministre à son ministre des Transports, le 6 décembre, on doit constater que cette année, beaucoup de routes nationales et même de routes latérisées, sont réparées en fin de saison des pluies.

Montagnards

Le 3 novembre, dix Montagnards vietnamiens sont retournés volontairement au Vietnam, portant à quatre-vingt le nombre d’entre eux ayant fait ce choix.

Six Montagnards sont condamnés par les autorités vietnamiennes à des peines allant de sept à dix-sept ans de prison, pour atteinte à la sécurité nationale.

Durant la deuxième quinzaine de novembre, 52 Montagnards cherchant refuge au Cambodge ont été refoulés au Vietnam. Ce refoulement viole non seulement la convention internationale sur les réfugiés, mais également le mémorandum signé avec le Vietnam en janvier dernier. Au 21 décembre, 83 Montagnards vietnamiens seraient cachés dans les forêts de Ratanakiri depuis plusieurs semaines (29 sont arrivés le 20 décembre). 35 autres ont été arrêtés par la police vietnamienne au moment de passer la frontière

Deux Djarais cambodgiens ont été emprisonnés par la police vietnamienne les 7 et 10 décembre, sous accusation d’aider les Djarais vietnamiens à quitter leur pays. Ils seront relâchés le 23 décembre, mais se plaignent d’avoir été torturés par les autorités vietnamiennes.

PROCES DES EX-RESPONSABLES KHMERS ROUGES

Le 24 novembre, le gouvernement rend publique la nomination de Séan Visoth au poste de directeur de l’administration des chambres extraordinaires. Il était jusqu’alors secrétaire général chargé de la mise en place du tribunal. Kranh Tony, sous-secrétaire d’Etat au bureau du Conseil des ministres, est nommé comme suppléant. La Chinoise Michelle Lee, désignée par l’ONU comme son adjointe, se rend au Cambodge du 6 au 16 décembre pour une première séance de travail, accompagnée de six fonctionnaires de l’ONU. Selon Mme Lee, les audiences des témoins commenceront au deuxième semestre de la seconde année qui suivra son arrivée définitive au Cambodge.

Les ONG cambodgiennes de défense des droits de l’homme réclament la transparence dans le choix des magistrats cambodgiens.

L’Inde s’engage à verser un million de dollars pour la partie dévolue au Cambodge, par l’intermédiaire du PNUD. Le 28 décembre, la Commission européenne annonce qu’elle versera 1,2 million au PNUD qui gèrera les fonds dans la transparence, dès que le tribunal sera formé. Séan Visoth accueille volontiers les donations de la part de ses riches concitoyens (ce que Hun Sen avait refusé le 8 juin). Le reliquat de 6,9 millions de dollars de la mission de l’APRONUC pourrait être utilisé pour le tribunal.

ECONOMIE

Selon les estimations de la Banque mondiale (BM), en date du 3 novembre, la croissance économique du Cambodge atteindra un taux de 6,1 % cette année, ce qui est conforme à la moyenne des pays du sud-est asiatique. L’économie cambodgienne semble avoir bien résisté à la hausse du prix du pétrole, à la levée des quotas dans l’industrie textile, et à la crise de la grippe aviaire. Les perspectives de croissance se sont également améliorées grâce à “la politique macro-économique du gouvernement”, “à ses mesures fiscales et monétaires » et aux réformes structurelles qu’il a menées ces dernières années. Le gouvernement estime le taux de croissance à 6,3, l’Institut économique du Cambodge (EIC) à 5 %.

Selon la BM, le nombre de Cambodgiens vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 47 % en 1993, à 35 % actuellement. L’EIC, quant à elle, estime que 42 % des Cambodgiens vivent en dessous du seuil de pauvreté fixé à un dollar par jour (le seuil retenu par la BM varie entre 1 750 et 2 350 riels, soit une variation d’environ un demi dollar, selon les zones). Une enquête menée par ONG Forum dans 40 villages, révèle que peu de résultats sont perçus dans la lutte contre la pauvreté. Le PIB serait de 380 dollars, alors qu’il était de 320 en 2004.

Le 24 novembre, l’Assemblée nationale approuve un audit officiel concernant le budget de 2003 par 77 voix contre 12. Le gouvernement a dépassé le budget de 53,6 millions de dollars : le ministère de l’Intérieur l’a dépassé de 40,4 millions, celui du Conseil des ministres de 10,3 millions, le CNE de 7,8 millions. Par contre le ministère de la Santé n’a dépensé que 77 millions sur un budget de 80 millions de dollars, le ministère du Développement rural aurait dépensé quatre fois plus que ce qui lui était attribué, mais les intéressés affirment n’en avoir reçu que la moitié.

Le projet de budget pour 2006 augmente de 20 % par rapport à celui de 2005. Initialement, une taxe sur la propriété devait être lancée pour financer l’augmentation du budget, mais le projet, accepté par le Conseil des ministres a été retiré. Les parlementaires pensent qu’il convient de mieux récolter les taxes déjà existantes plus que d’en créer une nouvelle. Il y a plusieurs milliers d’entreprises enregistrées au ministère du Commerce, mais seules quelques centaines payent leurs taxes. De même les taxes sur l’essence sont loin d’être rationnellement collectées. Les ressources prévues devraient s’élever à 908 millions. Le budget de la Santé n’augmente que de 13 %, l’Agriculture et l’Education nationale de 20 et 23 %, et les dépenses du Palais de 70 %. Les dépenses dues à la décentralisation représentent 3 %. La Défense augmente de 8 %. Cependant, la Santé, l’Education et l’Agriculture, secteurs prioritaires ne représentent que 17 % du budget. 25 millions sont prévus pour des projets d’irrigation. Le déficit budgétaire de 243 millions de dollars sera comblé par des dons ou des emprunts. Le 23 décembre, l’Assemblée approuve le budget par 84 voix contre 12.

Il convient cependant de prendre tous ces chiffres avec circonspection, car ils n’indiquent qu’une orientation générale pour l’étranger. Les ministères de la Défense, de l’Intérieur, du Conseil des ministres dépassent toujours leurs dotations (parfois de plus de 100 %), les ministères sociaux ne reçoivent qu’une partie de l’argent attribué.

Agriculture

La récolte de riz est excellente : “cinq millions de tonnes estime le ministère de l’Agriculture, contre 4,1 millions l’an dernier, malgré la sécheresse du début de la saison des pluies. 97 % de la surface totale des rizières, évaluée à 2,2 millions d’hectares, ont été cultivés. Sur la route de Prey Veng, on peut voir des centaines de camions transporter chaque jour du riz vers le Vietnam, où il se vend plus cher. Le ministre de l’Agriculture ne voit rien à redire à cette pratique qui prive pourtant le gouvernement de droits de douane. Un excédent de 1,3 millions de tonnes restait de l’année dernière, cependant, en 2005, le PAM a distribué 25 000 tonnes de riz aux gens affamés, et au moins six personnes de Kompong Speu sont mortes de faim.

Une compagnie coréenne lance un projet pilote de développement à Mondolkiri pour y planter des fruits et des légumes. Mais les Phnongs de Dak Dam accusent cette société de déboiser la forêt, dont dépend leur survie. Déjà quatre hectares ont été déboisés.

Si généralement les pêcheurs se plaignent du peu de poissons à pêcher, 250 000 tonnes ont tout de même été pêchées en 2005, soit 15 % de plus que l’an dernier, et 26 000 tonnes de moins qu’en 2003. A Battambang, il y a eu de véritables pêches miraculeuses : 800 tonnes de poissons pris en quatre jours. On n’avait pas vu cela depuis dix ans.

Forêts

Selon un rapport de la FAO en date du 16 novembre, le Cambodge a perdu 29 % de ses forêts primaires entre 2000 et 2005. Il se situe ainsi devant le Nigeria qui en a perdu 55,7 % et le Vietnam (54,5 %). Les forêts primaires cambodgiennes couvraient 766 000 hectares en 1990, 456 000 en 2000, 322 000 actuellement. Si l’on compte les forêts modifiées par des plantations, le Cambodge serait couvert de 10,4 millions d’hectares, soit 59,2 % de son territoire, soit 10 % de moins qu’en 2000. Le Cambodge n’est qu’en 13e position pour la surface de forêts parmi les pays tropicaux. Le gouvernement s’insurge contre ce rapport, mais la SGS (Société générale de surveillance) à qui il a confié la surveillance des forêts a confirmé le rapport par ses observations réalisées par satellite. La SGS précise que des hommes en uniforme déboisent la province de Préah Vihéar, spécialement le srock de Choam Ksan. “La plupart des commanditaires sont des officiers supérieurs, des parlementaires et autres fonctionnaires confirme le responsable adjoint de l’administration provinciale de la forêt.

Le 7 décembre, Hun Sen s’en prend violement à un projet de loi du ministère de l’Environnement visant à placer les Cardamones en zone protégée, et à une proposition de l’UNESCO visant à inscrire 100 km2 du Tonlé Sap dans le patrimoine mondial. Le 12 décembre, deux zones protégées d’un million d’hectares sont inaugurées dans la province de Mondolkiri.

Le 16 décembre, le Conseil des ministres approuve un sous décret pour l’attribution de concessions, selon les voux du Groupe consultatif des donateurs de 2004.

Textile

En novembre, l’industrie textile employait 279 000 personnes. Douze des plus gros acheteurs de textile cambodgien (Adidas, H&M, Levi Strauss, Sears, Wal-Mart, Nike, Reebok, entre autres), dont le montant d’achat s’élève à un milliard de dollars pour un montant total de vente de confection cambodgienne de 1,9 milliards de dollars, félicitent le pays pour l’amélioration des conditions de travail. Cependant, certains disent que les menaces sur les libertés politiques et syndicales, ainsi que sur les droits de l’homme, notamment depuis les arrestations d’octobre, pourraient remettre en cause leurs achats. Walt Disney menace de mettre fin à ses achats qui durent depuis neuf ans. En octobre, on assiste à une croissance de 16,6 % en valeur dans les exportations vers les Etats-Unis, 43 nouvelles usines ont ouvert leurs portes durant l’année, et environ 72 millions de dollars mensuels sont versés en salaires. L’OIT (Organisation internationale du travail) améliore son programme de surveillance des conditions de travail “Better Factory 

Le Conseil d’arbitrage (CA) compte trente arbitres, parmi lesquels figurent cinq femmes : un tiers est nommé par les syndicats, un autre tiers par les associations d’employeurs et un tiers par le ministère du Travail et de la formation professionnelle. Ses services sont gratuits. Depuis sa création en 2003, le CA a examiné plus de 200 affaires dont presque 70 % ont débouché sur des issues positives. Cette structure bénéficie du soutien de donateurs et de l’OIT, mais aussi des départements américains du Travail et des Affaires étrangères, des agences de coopération des Etats-Unis, de Nouvelle-Zélande et d’Australie, Asia Foundation, Levi Strauss & Co. Foundation, entre autres.

Levi Strauss, le deuxième plus important acheteur de confection cambodgienne, affirme que “si l’élimination des tarifs douaniers américains se produisait, la combinaison de la compétitivité inhérente au Cambodge, du respect des droits du travail et d’exportations dédouanées rendrait le Cambodge imbattable La même société a remis la somme de 10 000 dollars à la Fondation du Conseil d’arbitrage, et 40 000 dollars à Care Cambodge pour soutenir des programmes d’éducation destinés aux ouvrières de Phnom Penh.

Tourisme

Plusieurs touristes se plaignent de devoir payer leur visa 29 dollars à l’ambassade cambodgienne de Hanoi, 29 dollars à celle du Laos, 25 dollars à Poipet, etc. Le Premier ministre redoute que ces fluctuations ne donnent une mauvaise image du pays, et menace de limoger ses ambassadeurs. Bien sûr, tout cela est de la faute des organisateurs de voyages qui ponctionnent, au passage, un pourcentage.

Le Cambodge possède dix-neuf casinos, dont deux ont suspendu leurs activités. Cette année, le gouvernement a autorisé l’ouverture des casinos de Svay Rieng et de Chrey Thom. Les casinos ont rapporté 9,1 millions de dollars à l’Etat (9,2 en 2004; 12,5 prévus en 2006). Dix salles de jeux électroniques sont autorisées à Phnom Penh, et trois en province. L’opposition s’insurge contre les aspects sociaux négatifs des jeux : délinquance, transferts déguisés de capitaux vers l’étranger.

Le 22 décembre, l’aéroport de Siemréap a reçu son millionième passager.

Une énorme ville de la culture est en préparation avec des hôtels de luxe, des musées, des centres culturels sur plus de 1 000 hectares situés près d’Angkor, loués par l’Autorité Apsara à des sociétés privées pour 70 ans. Pour ce faire, il faut déloger les rapatriés des camps de Thaïlande installés par l’UNHCR en 1993. Mais en 1997, l’Etat a déclaré que ces terres étaient propriété d’état. L’autorité Apsara propose le mètre carré à deux dollars, mais ce prix trop bas est refusé par les intéressés pour leur déménagement.

INVESTISSEMENTS ET AIDES

Le 7 novembre, sur conseils du FMI, la Banque Nationale pour le Commerce Extérieur est privatisée en société mixte, avec participation du gouvernement (10 %), de la Canadian Bank (46 %), et de ING Holding (44 %), appartenant à la société AZ, dirigée par un membre du PPC. On peut penser que cette privatisation marque un progrès dans l’efficacité et la qualité des services, mais elle place désormais la Canadian Bank en position dominante, et rend plus difficile la concurrence.

Le 7 novembre, la Chine s’engage à verser 12,4 millions de dollars (dont la moitié en don), pour la construction des huit étages du Conseil des ministres qui coûtera 49 millions de dollars. Les travaux devraient être terminés en 2008. L’opposition estime ce coût exagéré.

Un rapport préliminaire du Conseil pour le Développement du Cambodge (CDC), en date du 31 octobre, révèle 976 millions de dollars d’investissements dans l’année, dont 621 en investissements directs de l’étranger. Ces investissements devraient créer 82 350 emplois. La Chine est le premier investisseur, avec 442 millions de dollars, suivie par la Thaïlande avec 66 millions, Taiwan avec 41 millions de dollars. La Chine prévoit d’investir dans une raffinerie de pétrole pour un montant de 200 millions de dollars. Quarante et une entreprises de textile investissent, dont dix-neuf extensions. Cependant, un économiste cambodgien émet des réserves : généralement, seulement 40 à 50 % des projets se réalisent.

Début décembre, la quatrième conférence des investisseurs internationaux fait entendre ses habituelles doléances : corruption de plus en plus grande, contrebande, vénalité des juges, règlements peu clairs. Ils ont à nouveau droit à de très belles promesses.

Le 12 décembre, l’Union européenne annonce que sont aide au développement pour 2006 s’élèvera à 151 millions de dollars.

Le 21 décembre, le FMI confirme la remise de la dette du Cambodge à son égard de 82 millions de dollars (ainsi que celle de 18 autres pays), en raison des “bonnes performances macroéconomiques du pays, des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté, et dans l’amélioration de la gestion des dépenses Plusieurs observateurs estiment cette suppression de la dette comme un encouragement fait au gouvernement de dépenser en toute irresponsabilité. Un économiste cambodgien n’est pas fier de cette suppression, estimant que ce n’est pas un signe de renforcement de l’économie : “Si nous ne sommes pas capables de rembourser la dette. C’est honteux. Si nous sommes capables d’emprunter, nous devrions être capables de croissance.” La Banque mondiale n’envisage toutefois pas de supprimer la dette de 455 millions de dollars du Cambodge à son égard, qui doit également 500 millions de dollars à la BAD (Banque asiatique de développement).

Le 21 décembre, la Grande-Bretagne accorde un don de 2,9 millions de dollars pour l’amélioration de la santé des Cambodgiennes, notamment en permettant de réduire le nombre d’avortements hasardeux.

Le 23 décembre, l’Union européenne accorde 2,8 millions de dollars à huit organisations de défense des droits de l’homme et de la démocratie.

Le 28 décembre, la BAD accorde un prêt de 29 millions de dollars pour des programmes sanitaires (eau potable pour les populations autour du Tonlé Sap, prévention des maladies transmissibles).

Le 28 décembre, la Chine accorde un prêt sans intérêt de 12,4 millions de dollars, sans affectation.

Le 18 novembre, un bateau battant pavillon cambodgien entre en collision avec une embarcation dans la mer Noire, causant un mort.

La date d’application de la loi de l’OMC sur les copyrights prévue le 31 décembre 2005 est reportée à 2013. Cela permettra aux usines pharmaceutiques d’Inde et du Brésil de s’installer au Cambodge. Cependant, 20 000 produits sont enregistrés auprès du gouvernement, et plusieurs plaintes pour contrefaçon ont été lancées. Depuis 1966, les Etats-Unis obligent le Cambodge à respecter la loi sur le copyright pour les produits qui les intéressent.

SOCIETE

Emigration

Plus de cent Cambodgiens, dupés par des recruteurs de travailleurs étrangers pour la Thaïlande, se retrouvent pêcheurs en Somalie où ils sont battus, torturés et non payés depuis huit mois. Certains ont pu regagner le Cambodge début septembre. D’autre part, le gouvernement suspend le recrutement de Cambodgiens pour l’Arabie Saoudite, où ils seraient également maltraités. Trente-quatre Cambodgiens travaillent depuis trois mois dans ce pays, et envoient régulièrement entre 400 et 1 000 dollars par mois à leur famille. Un accord non officiel prévoyait que 20 à 25 000 Cambodgiens iraient travailler chaque année en Arabie Saoudite.

Le 21 novembre, un protocole d’accord sur l’envoi de travailleuses cambodgiennes en Malaisie est signé entre un syndicat proche du gouvernement et la société malaisienne Philimore, en présence de délégués du ministère cambodgien du travail et de l’OIT. Mille Cambodgiennes pourraient ainsi y trouver du travail chaque année. Actuellement, 4 000 sont employées en Malaisie. Des bruits courent sur les mauvais traitements qu’elles y subissent.

Le 12 décembre, le gouvernement de Corée demande au gouvernement cambodgien de créer un service d’émigration en Corée plutôt que de confier cette émigration à des sociétés privées qui exploitent les intéressés. Il y aurait actuellement 1 700 travailleurs cambodgiens en Corée du Sud, 700 s’apprêteraient à partir durant les prochains mois.

176 956 Cambodgiens sont sortis de leur pays durant les neuf premiers mois de l’année, ce qui montre l’émergence d’une classe moyenne.

Conflits sociaux

En février, l’usine Sam Han fermait définitivement ses portes après que son patron coréen eut pris la fuite. La cour municipale a procédé à la vente des biens du propriétaire de l’usine, qui a rapporté 2,1 millions de dollars. Mais la justice a décidé de n’accorder satisfaction qu’à la banque UCB, lui accordant plus de 900 000 dollars au titre du remboursement, augmentés de 50 000 dollars de dédommagements. “La cour n’a pas fait preuve de neutralité en n’écoutant que la banque, sans penser à la pauvreté des ouvriers se plaint le représentant des syndicats.

Le 21 décembre, plus de 1 000 ouvriers de l’usine textile Franco Garment d’Ang Snuol, se mettent en grève, suite à l’annonce par leur patron de la suspension du travail pendant deux mois, pendant les-quels les 2 044 ouvriers seront payés dix dollars chacun. Ils gagnent actuellement en moyenne 50 dollars et demandent la moitié de leur salaire.

Conflits fonciers

Le 7 décembre, le Premier ministre, sentant peut-être que le danger de révolte couve dans les campagnes, ordonne aux fonctionnaires et militaires de cesser de s’approprier des terres des pauvres, des forêts et des propriétés d’Etat. Il menace de faire comparaître les officiers supérieurs, les hauts fonctionnaires devant les tribunaux, comme de simples citoyens. Paroles verbales à destination de l’étranger.

Le 7 novembre, un jugement de la cour de Ratanakiri dépossède 110 Montagnards d’ethnie Tampuon de 200 hectares de terres sur lesquels ils vivaient depuis 1979, vendus à un militaire en 1996 par les autorités locales. Les villageois affirment régulièrement être l’objet de menaces par les autorités et les militaires. Le 25 novembre, les villageois semblent avoir réussi à bloquer les bulldozers. Le 20 décembre, huit d’entre eux ont manifesté à Phnom Penh.

Le ministère de l’Environnement avait porté plainte contre la société Green Rich pour avoir déboisé le parc national de Botum Sakor et y avoir construit une route sans autorisation, dans la province de Koh Kong et demandait à la société de payer une amende d’un million de dollars. Sur lettre du CDC et du ministère de l’Agriculture, en date du 14 novembre, le procureur de Koh Kong déclare un non-lieu. “C’est une injustice, car nous avions suffisamment de preuves déclare un représentant du ministère de l’Environnement.

Les militaires se sont emparés de 700 hectares de terrain dans la région d’Aural (Kompong Speu). Le 14 novembre, les militaires encerclent le village où les gens sont installés depuis 1999 et tirent des coups de feu. Vingt villageois ont pris le maquis, d’autres sont partis se cacher à Phnom Penh ou dans d’autres provinces. Sept villageois sont arrêtés sous l’accusation d’avoir pris la terre des militaires. Plus de 25 mandats d’arrêt sont lancés. Le 30 décembre, le ministre de la Justice convoque les deux fonctionnaires de Kompong Speu qui ont lancé les mandats d’arrêt pour consultation.

Le 25 novembre, des soldats de la brigade 53 ouvrent le feu sur 300 paysans du village de Bavel (Battambang) qui les entouraient, à la suite d’un conflit opposant 1 656 familles vivant sur plusieurs hectares, convoités par les militaires. Trois villageois sont blessés.

Le 28 novembre, une quarantaine d’habitants de Banteay Méan Chhey manifestent devant la cour provinciale pour réclamer la libération de deux villageois incarcérés depuis le 24 novembre, accusés d’avoir fait signer une fausse pétition contre le chef de village. Celui-ci a vendu des étangs qui assuraient la nourriture des villageois. 130 familles ont signé la pétition.

Le conflit qui opposait les habitants de l’île de Koh Pich, en face du casino Hun Sen, et la municipalité prend fin : la municipalité accepte de payer entre 10 et 12 dollars le mètre carré, alors qu’autrefois elle ne proposait que 2 à 6,5 dollars le mètre carré. Le prix du terrain est au moins de 25 dollars. Trois irréductibles refusent l’accord. Les militaires armés de fusils d’assaut encerclent l’île depuis le 28 décembre et interdisent l’accès aux journalistes.

Le 6 décembre, Heng Samrin, vice-président de l’Assemblée nationale, accuse les pauvres de détruire les écosystèmes des forêts. Les gens de Pursat lui répondent que ce sont plutôt les riches sociétés, les officiers supérieurs et les fonctionnaires du gouvernement qui rasent les forêts.

Le 7 décembre, les soldats du 504e bataillon de surveillance des frontières tente de faire évacuer par la force plus de 60 familles de Ratanak Mondol, dans la province de Battambang, pour s’emparer des 105 hectares qu’elles cultivent depuis 1998. Dix maisons ont été brûlées quelques jours auparavant.

Selon les agents d’ONG de défense des droits de l’homme de Kampot, un commandant de la 11e division et celui du 111e bataillon auraient ordonné à leur subordonnés de s’emparer de 570 hectares de terres du village de Chumkiri Chrès, où habitent environ 400 familles. Ces familles vivent là depuis 1991. Le ministre de la Défense dément.

A Anlong Veng (Oddar Méan Chhey) une association d’aide aux handicapés (SDB) projette de créer une ville avec 4 800 familles. Elle commence à déboiser la forêt pour y installer 1 600 familles, dont 600 familles d’handicapés. Le 21 décembre, les militaires brûlent 41 maisons de personnes handicapées, ainsi que deux écoles. SDB accuse les militaires d’avoir déboisé 800 hectares. 200 villageois partent manifester à Phnom Penh le 27 décembre.

Plus de 350 paysans venus de Sihanoukville, de Kompong Speu et de Banteay Méan Chhey font du sitting dans le parc Hun Sen à Phnom Penh. Ceux de Bantéay Méan Chhey réclament justice pour leurs cinq morts et sept blessés en mars dernier. Les 67 paysans de Kompong Speu protestent contre un officier supérieur de la région 3 qu’ils accusent d’avoir volé dix hectares de leurs terres. Le 20 décembre, la police les empêche de rejoindre la résidence de Hun Sen.

Le 28 octobre, le juge donne raison à 131 familles de Poy Tamoung (Kompong Som) au sujet de la possession d’un terrain que conteste le magnat Kong Triv. Le 19 décembre, la police armée de matraques électriques les expulse. Au moins deux personnes sont blessées. Le lendemain, ils manifestent à Phnom Penh.

Santé

Le 3 novembre, lors du sommet régional réunissant les chefs de gouvernement birman, cambodgien, laotien, thaïlandais et vietnamien, intitulé ACMECS (Ayeyawady-Chao Phraya-Mekong Economic Cooperation Strategy), la Thaïlande promet une aide de 2,5 millions de dollars à ses pays voisins, dont le Cambodge, dans la lutte contre l’épidémie de grippe aviaire. Le Vietnam met à la disposition d’éventuels malades cambodgiens atteints de la grippe aviaire, un pavillon dans l’hôpital régional de Kien Giang, proche de la frontière cambodgienne.

Durant la fête des Eaux (15-17 novembre), les spots publicitaires à la radio et à la télévision pour l’utilisation de préservatifs sont interdits, pour éviter que les étrangers n’aient une mauvaise impression du Cambodge. Les ONG qui distribuaient gratuitement 300 000 préservatifs l’an dernier, l’ont fait à moins grande échelle, ayant vu leurs aides en provenance d’organisations chrétiennes américaines réduites.

Une nouvelle aile de trois étages, avec 250 lits, est en construction à l’hôpital pédiatrique de Phnom Penh, financée par l’Agence internationale de coopération de la Corée du Sud, pour un montant de 2,4 millions de dollars.

Le Vietnam met fin à un réseau de trafiquants d’héroïne en prove-

nance du Cambodge qui a réussi à passer 350 kilos d’héroïne depuis 2002, dans la région de Kampot. D’autre part, plusieurs dizaines de milliers de pilules d’amphétamine ont été saisies depuis le début de l’année, acheminées par le Laos, par la province de Préah Vihéar.

La BAD et l’OMS (Organisation mondiale de la santé) débloquent un budget de 38,7 millions de dollars pour aider le Cambodge, le Laos et le Vietnam à lutter contre les maladies transmissibles, comme la grippe aviaire et le sida. Ce programme sera coordonné à partir de Hanoi.

Le 8 décembre, la Fondation Mérieux inaugure un laboratoire de recherche médicale et pharmaceutique à Phnom Penh. Ce laboratoire permettra à une dizaine d’étudiants en troisième cycle de pharmacie de préparer leur DES de biologie médicale.

L’Allemagne débloque une enveloppe de six millions de dollars pour aider le Cambodge et le Laos à lutter contre la grippe aviaire.

Le 29 décembre est inauguré le quatrième hôpital pédiatrique Kanthéa Bopha, d’une capacité de 555 lits, financé par une contribution des citoyens suisses à hauteur de quinze millions de dollars et d’un don de 200 000 dollars du roi-père. Cet hôpital est équipé selon les normes internationales, avec quatre salles d’opération modernes et un scanner. Chaque année, Kanthéa Bopha soigne gratuitement 70 000 enfants.

Sécurité

Le 11 novembre, 36 missiles SA3 de type soviétique sont détruits, pour éviter qu’ils ne tombent un jour entre les mains de terroristes. Leurs lanceurs avaient été détruits par l’APRONUC. L’an dernier, l’armée royale a détruit 233 de ses missiles portables Strela-2. 180 000 armes ont été détruites depuis mai 1999 dans le cadre du programme européen ASAC.

Plusieurs fils de dignitaires du régime sont auteurs de nombreux accidents de la route. Certains font même la course à plus de 150 km à l’heure dans les rues de Phnom Penh. Le 5 mai, trois personnes sont tuées par le fils d’un fonctionnaire du ministère de la Défense, qui est libéré de prison après que son père eut payé 15 000 dollars. En septembre, sept personnes sont tuées par un fils de militaire. Le 22 novembre, une voiture finit sa course contre le mur du ministère des Affaires étrangères. Ce même soir du 29 novembre, la voiture du fils d’un haut fonctionnaire percute le stupa situé devant la gare. De la voiture qui suit, sort un jeune homme avec un pistolet qui menace les badauds. Le 17 décembre, le fils de l’adjoint au chef de la police provinciale de Takeo provoque deux accidents consécutifs, tuant un homme et en blessant un autre grièvement. Le chauffard s’en sort à la suite d’un arrangement financier par papa avec les victimes. Le 20 décembre, le fils d’un adjoint d’un chef d’arrondissement tire au fusil d’assaut AK 47 sur une cérémonie de mariage, causant un blessé. “Si les enfants d’un général commettent une faute, celui-ci sera dégradé déclare Hun Sen le 29 novembre. Toujours de lassantes promesses verbales !

Le 27 décembre, la police de Pursat obtient un mandat d’arrêt contre le fils de l’adjoint au chef de la prison provinciale accusé d’avoir tué un homme en septembre. La police avait arrêté deux membres de la famille du défunt, et demandé une somme de 300 dollars pour les relâcher.

Justice

Le 1er décembre, un ancien adjoint du directeur de la lutte contre le trafic humain est arrêté pour avoir reçu des pots de vin lors d’une action de police qui a libéré 41 filles d’un bordel de Kompong Speu, en septembre 2004. Il a été suspendu de ses fonctions depuis mars dernier.

Un gardien de la prison de Ratanakiri qui menaçait de sévices sexuels une prisonnière mineure est suspendu de ses fonctions.

Le 17 novembre, le ministre de l’Environnement demande à la cour de Phnom Penh de mettre en examen le gouverneur de Ranakiri et le chef de la police pour déforestation massive du parc national de Virachey, à Kantuy Néak, en 2004, pour une valeur de 18 millions de dollars. La veille, le corps d’un policier relevant le cadastre dans le parc de Virachey est retrouvé dans sa voiture à Phnom Penh. Peu auparavant, il avait été invité par un personnage auquel il avait répondu : “Oui, excellence, j’y serai» Le juge d’instruction Kim Sophorn, homme sérieux, saisi du dossier, a été muté le 14 octobre. Le 15 décembre, le chef du poste de police de Kantuy Néak, est écroué.

Le 21 décembre, sept magistrats et greffiers des cours de Phnom Penh et de Stoeung Treng, accusés d’avoir relâché des coupables en échange de pots de vins, sont condamnés à quatre ans de prison, suivant la politique de Hun Sen désignée sous le nom de “main de fer d’abord Trois corrupteurs sont condamnés à un an et demi de prison. Les ONG de défense des droits de l’homme saluent ce verdict, mais regrettent de gros vices de forme dans le procès, ainsi que le manque d’indépendance de la justice par rapport à l’exécutif.

Le 28 décembre, la cour alourdit les peines à l’encontre de six des 25 membres des CFF (Cambodian Freedom Fighters) qui avaient fait appel de leur condamnation : trois voient leur peine de trois ans doublée, trois autres voient leur peine de trois ans rallongée à dix ans.

Education

La province vietnamienne de Gia Lai finance la construction d’un internat pour 150 élèves dans la province de Ratanakiri, pour un montant de 700 000 dollars.

Depuis le 30 décembre, l’Education nationale lance des spots publicitaires à la radio, à la télévision et dans les journaux pour faire supprimer le versement de contributions occultes aux enseignants. Une augmentation de 15 % de leur salaire est prévue en 2006. Leur salaire d’environ 40 dollars passera ainsi à 46 !

Le terrain de l’URBA (Université royale des Beaux-Arts), près du stade Lambert de Phnom Penh, cédée à la société Mong Rethy, a été revendu à une société chinoise qui y construira une China Town pour huit millions de dollars.

DIVERS

Communications

Une radio libre, La Voix de la Démocratie, profite de l’interdiction des karaokés par le Premier ministre pour rassembler du matériel radio et diffuser pendant quatre heures par jour. Cette radio peut être reçue par 65 % de la population. Elle diffuse notamment des émissions sous forme de questions-réponses avec un médecin. Elle a reçu 100 000 dollars d’aide par l’USAID et l’IRI.

A partir du 21 décembre, une nouvelle émission de télévision organise des tables rondes entre hommes politiques sur un sujet de société.

Patrimoine

Plus de 4 000 sites archéologiques cambodgiens sont répertoriés, photographiés, décrits et datés par l’EFEO (Ecole française d’Extrême-Orient). La situation de ces sites se superpose presque parfaitement à la carte contemporaine des densités de population. Beaucoup de ces sites ont été pillés par les villageois, faisaint ainsi disparaître des informations sur le patrimoine du Cambodge.

Le Baphuon, le plus grand temple sivaïte du groupe d’Angkor, datant du XIe siècle, est désormais ouvert au public après sa rénovation commencée en 1960, interrompue par la guerre, puis reprise grâce à un fonds de 4,7 millions de dollars en provenance du ministère français des Affaires étrangères, par l’intermédiaire de l’EFEO, puis par le fonds de solidarité prioritaire du site d’Angkor. 300 000 pierres entreposées sur dix hectares ont été patiemment rassemblées.

Une sculpture khmère du XIe ou du XIIe siècle, volée récemment au Cambodge, est mise aux enchères à l’hôtel Drouot, pour 2 000 euros, apparemment sans états d’âme de la part des vendeurs. Le pillage des temples continue.

Le 25 novembre, l’UNESCO inscrit le théâtre d’ombres Sbaèk Thom sur la liste du patrimoine mondial.

La presse française est unanime pour saluer le film de Rithy Panh Les Artistes du théâtre brûlé.

Phnom Penh

Lors d’un concours international tenu à Londres les 5 et 6 décembre derniers, la ville de Phnom Penh s’est vue classée première, dans la catégorie “rénovation urbaine” pour le meilleur plan d’urbanisme. La capitale comprend 1,5 millions d’habitants, mais en prévoit le double en 2020. La ville passera de 375 km2 à 750 km2. Un appel d’offres est lancé pour la construction de quatre ponts sur le Tonlé Sap et le Mékong.

Le 8 décembre, le Conseil des ministres approuve le schéma directeur d’un projet de développement d’une ville annexe de Phnom Penh, au nord de celle-ci, sur une superficie de 119 ha. Elle sera construite par la société World City, dont les capitaux sont détenus à 51 % par des Cambodgiens, et 49 % par des Coréens. Cette société investira plus de deux milliards de dollars. Les travaux devraient durer jusqu’en 2018. Trois autres ville satellites sont prévues : l’une de 450 ha. à Russey Kéo, une autre de 40 ha. à Koh Pich, une dernière de 400 ha. à Boeug Sgnao.

Fête des Eaux

La traditionnelle fête des Eaux (15-17 novembre) a rassemblé plus de 20 000 rameurs sur 399 pirogues, et plus de deux millions de personnes. Pour la première fois, des participants des six pays du Grand Mékong y participaient, en plus du Cambodge : Birmanie, Laos, Thaïlande, Vietnam, Chine y participaient. La Thaïlande a gagné la course, mais le Cambodge a battu le Vietnam. Deux cents toilettes publiques ont été installées. Un homme de 28 ans s’est noyé après que la pirogue ait chaviré.

Sports

Ranariddh, président du Comité national olympique (CNO), décide remplacer la sélection nationale de football, à la dernière minute, pour les jeux de Sea Games, par son propre club, Khémara, sacré champion du Cambodge le mois dernier. La sélection est battue 5-0 par la Malaisie, puis 4-2 par les Philippines. Ce choix d’une équipe privée, par Ranariddh, contre toute règle, risque de faire perdre au Cambodge les 250 000 dollars annuels donnés par la FIFA. Le Cambodge remporte une médaille d’argent en pétanque et neuf médailles de bronze, et termine avant-avant dernier, devant Brunei et le Timor-Oriental.

Une Anglaise se suicide à Kampot, dans une guest house dont le propriétaire fait de la publicité sur Internet pour l’euthanasie. La guest house est fermée.