Eglises d'Asie – Malaisie
Les minorités religieuses et certains milieux musulmans se réjouissent de la suspension de la Loi islamique sur la famille mais s’inquiètent de la protection de leurs droits
Publié le 18/03/2010
Selon Zainah Anwar, responsable de l’organisation « Sours en islam suspendre l’application de la loi controversée est une bonne chose. « C’est une nouvelle que nous attendions et pour laquelle nous avons prié a-t-elle déclaré. Votée à la fin du mois de décembre dernier malgré la manifestation d’une certaine opposition au sein de la chambre haute du Parlement, la Loi islamique sur la famille avait soulevé de vives polémiques dans le pays. Le courrier des lecteurs de maints journaux, dans un pays où les médias ne jouissent pourtant pas d’une liberté entière, était rempli de lettres au ton virulent. « Désormais, lorsque j’apprendrai que mon mari veut épouser une nouvelle femme, il aura le droit d’user de mes biens pour entretenir son nouveau train de vie ! a-t-on ainsi pu lire, de la part d’une lectrice outragée, dans le courrier des lecteurs du New Straits Times. Selon le droit islamique déjà en vigueur dans le pays, un musulman de Malaisie est autorisé à prendre jusqu’à quatre épouses, la nouvelle loi ne lui faisait plus obligation de prouver qu’il est financièrement en mesure de traiter de manière équitable ses épouses. Le texte de loi suspendu contient également des dispositions que ses détracteurs disent favorables au divorce, dispositions systématiquement favorables aux hommes et défavorables aux femmes.
Au sein des minorités religieuses, non musulmanes, l’agitation est venue ces dernières semaines d’une polémique suscitée par le jugement d’un tribunal civil qui s’est déclaré incompétent pour juger d’une affaire déjà tranchée par un tribunal islamique (1). L’affaire concerne l’inhumation selon les rites musulmans d’un citoyen malaisien d’origine indienne. Ancien militaire, devenu alpiniste chevronné, Moorthy Maniam a été enterré le 28 décembre dernier dans un cimetière musulman. Sa femme, qui souhaitait récupérer son corps et l’incinérer selon les rites hindous, n’a pas réussi à obtenir gain de cause devant la justice. Selon un tribunal islamique, Moorthy Maniam s’était en effet converti à l’islam en 2004, sous le nom de Mohammed Abdullah. Contestant les faits, son épouse avait alors saisi un tribunal civil, qui l’a déboutée. Le juge s’est déclaré incompétent pour décider de l’appartenance religieuse d’un individu et a fait valoir que le tribunal islamique avait déjà reconnu son mari musulman et qu’il n’était pas habilité à casser un tel jugement.
La décision du juge a fait couler beaucoup d’encre en Malaisie. Le Conseil consultatif malaisien du bouddhisme, du christianisme, de l’hindouisme et du sikhisme a estimé que l’entente raciale et reli-gieuse était en jeu (2). « Si d’autres familles – hindoues, chrétiennes ou bouddhistes – se trouvent con-frontées à la même situation que celle de Moorthy, l’unité nationale en pâtira car les non-musulmans auront le sentiment de ne pas être protégés a déclaré le secrétaire général du conseil. Fait inhabituel, les dix ministres non musulmans du gouvernement ont pris position dans la controverse. Ils ont officiellement demandé au Premier ministre de réviser la Constitution et les lois qui, selon eux, vont à l’encontre des droits des minorités religieuses. « Les ministres non musulmans veulent voir un changement de la situation actuelle. Ils ne sont pas satisfaits a déclaré Peter Chin, ministre des Plantations et des Matières premières. Après consultation avec le Premier ministre, les ministres ont retiré leur demande, estimant que l’annonce faite par Abdullah Badawi répondait à leur revendication.
Au sein de l’Eglise catholique, cette actualité a été suivie de près. Après l’annonce du 12 janvier, le porte-parole de la Conférence épiscopale a appelé le Premier ministre « à restaurer le pouvoir souverain des tribunaux civils dans les affaires concernant des non-musulmans sur des sujets liés aux questions islamiques ». C’est en 1988 qu’un amendement a été introduit dans la Constitution fédérale. Son article 121, alinéa 1A, pose comme principe que les tribunaux civils n’ont pas à se saisir d’affaires qui relèvent des tribunaux islamiques.