Eglises d'Asie – Chine
Le processus de nomination des évêques est une préoccupation majeure du Vatican pour l’avenir de l’Eglise catholique
Publié le 18/03/2010
S’agissant du statut de ces différents évêques, il est désormais acquis que la plupart d’entre eux sont en pleine communion avec le pape. A Rome, au mois d’octobre dernier, lors du Synode des évêques sur l’Eucharistie, l’évêque de Hongkong, Mgr Zen Ze-kiun, a publiquement déclaré devant ses pairs qu’une majorité écrasante des évêques de Chine était reconnue par le pape. Le cardinal taiwanais Paul Shan Kuo-hsi, qui a pris sa retraite du diocèse de Kaohsiung le 5 janvier dernier, confirme ce fait, précisant que « seul un petit nombre » d’évêques « officiels » ne sont pas à ce jour en pleine communion avec Rome. Selon certaines sources bien informées, ce « petit nombre » serait autour de « la douzaine ».
Sur la question de la nomination des évêques, l’influente revue jésuite La Civiltà Cattolica, dont les articles sont relus avant publication par la Secrétairerie d’Etat, a fait paraître un compte-rendu de voyage en Chine du jésuite Hans Waldenfels. Ce dernier y indique que, désormais, les candidats pressentis pour l’épiscopat cherchent, dans la plupart des cas, à obtenir l’aval du Saint-Siège, avant d’accepter d’être consacrés dans l’Eglise « officielle » (2). Au-delà de cette attitude, que le Saint-Siège considère comme très positive, le responsable du Vatican interrogé par l’agence Ucanews s’inquiète du choix des futurs évêques de l’Eglise de Chine, précisant que Rome souhaite que « des hommes de valeur » soient choisis pour succéder aux évêques actuels.
Il précise que le terme « homme de valeur » recouvre plusieurs qualités. Premièrement, le candidat à l’épiscopat doit avoir été « bien préparé théologiquement » car, « devant être un pasteur pour son peuple, il doit être en mesure d’enseigner une saine doctrine et veiller à ce que celle-ci soit communiqué à travers tout son diocèse ». Deuxièmement, le candidat à l’épiscopat doit jouir « d’une bonne réputation morale auprès de son peuple » ; en d’autres termes, « il doit avoir eu une vie morale droite, fidèle à l’enseignement de l’Eglise catholique ». Troisièmement, le candidat à l’épiscopat doit « avoir la capacité à communiquer avec aisance avec son peuple, ne pas être timide ou peureux ». Toutes qualités qui définissent « un bon pasteur dit-il.
Dans le contexte actuel chinois, le Saint-Siège reconnaît qu’il n’est pas toujours possible de choisir « le meilleur » candidat ou la personnalité « idéale » pour tel ou tel diocèse, mais Rome tient à être certain que ceux qui sont nommés sont des hommes « de valeur des hommes « bons ». En effet, précise encore le haut responsable, étant donné les circonstances actuelles de la Chine, le Saint-Siège estime qu’il existe un risque réel de voir des hommes « indignes » de l’épiscopat être imposés à la tête de communautés catholiques dans certains diocèses. Rome veut certainement éviter une telle éventualité car, si tel était le cas, cela signifierait que le développement de l’Eglise en Chine est « empêché pour, sans doute, les vingt ou trente prochaines années ».
Dans les communautés « officielles », selon les procédures en place, le mode de désignation des évêques se veut « démocratique c’est-à-dire que les prêtres, des religieuses et des laïcs votent pour le candidat qu’ils estiment être le plus capable. Mais, précise encore le responsable, le Saint-Siège « est conscient » que, « dans bien des lieux l’Association patriotique des catholiques chinois « exerce des pressions sur les électeurs de façon à ce que ses candidats soient choisis, et il arrive que ceux-ci ne soient pas des personnalités adéquates pour devenir évêques ».
Selon le haut responsable, le Vatican a soulevé ce point récemment auprès de ses interlocuteurs du gouvernement chinois, et ceux-ci ont répondu que ni les prêtres ni les évêques n’avaient obligation de s’affilier à l’Association patriotique. Or, dans la pratique, il est de notoriété publique que, « dans bien des lieux, au niveau de la base l’Association patriotique exerce des pressions pour que les prêtres et les évêques adhèrent. C’est notamment le cas dans la province du Hebei, où l’on compte huit diocèses « officiels » et d’importantes communautés catholiques « clandestines ». Selon certaines estimations, cette province compte un quart des quelque douze millions de catholiques de Chine populaire.
Au sujet des sièges épiscopaux qui seront prochainement à pourvoir, se trouve celui de Pékin, souligne le haut fonctionnaire du Vatican. A 66 ans, l’évêque « officiel », Mgr Michael Fu Tieshan, n’est pas âgé, mais on le dit malade. Du fait de son rôle au sein des instances officielles, à la fois comme président de l’Association patriotique et, depuis mars 2002, comme l’un des quinze vice-présidents de l’Assemblée nationale du peuple, il est une personnalité controversée. La question de sa succession est une question « très importante » pour l’Eglise de Chine. Le Saint-Siège tient à ce qu’un homme « de valeur » lui succède, dans la mesure où l’évêque de Pékin occupe, vis-à-vis du gouvernement, une place particulière, tout comme les archevêques de Paris, de Westminster et de Washington, face à leurs gouvernements respectifs.
Pour parvenir à une solution satisfaisante tant pour le Vatican que pour Pékin, il est nécessaire que « des négociations officielles soient ouvertes précise-t-il. La Chine a suspendu les « pourparlers officiels » au moment de la canonisation des martyrs de l’Eglise de Chine, en octobre 2000 (3). Si des signes d’un timide rapprochement sont apparus en avril dernier, à l’occasion des funérailles de Jean-Paul II puis de l’élection de Benoît XVI, la partie chinoise a indiqué qu’elle ne considérait pas que « les discussions officielles » avaient repris (4). La Chine, à ce jour, n’a pas donné suite aux ouvertures du Saint-Siège, prêt à entamer un dialogue « au plus tôt ».
Selon d’autres sources vaticanes, en cas de futures négociations, le Saint-Siège souhaite que le gouvernement chinois « normalise la situation de l’Eglise catholique sur le continent chinois ». Cela passe par « une solution générale acceptable par les deux parties, concernant la nomination des futurs évêques. En 2005, rappellent ces sources, des nominations d’évêques ont eu lieu de manière pragmatique, sans que les deux parties ne se consultent ou passent un accord préalable (5). Sur cette base, une solution générale est à portée de main, estime-t-on au Vatican, et la balle est dans le camp chinois. Viendra ensuite la question de la reconnaissance par Pékin des évêques « clandestins ». Enfin, au-delà des nominations d’évêques, tout éventuel accord entre le Vatican et la Chine devra aborder la question plus générale de la liberté religieuse. Ainsi qu’on l’explique au Vatican, « nous avons bien conscience que nous ne pouvons attendre pour tout de suite une liberté de religion qui soit pleine et entière, mais nous devons avoir des garanties sur un degré raisonnable de liberté ».