Eglises d'Asie – Chine
Shanxi : malgré des conditions de travail difficiles et dangereuses, des mineurs catholiques travaillent avec courage tout en vivant leur foi au quotidien
Publié le 18/03/2010
Le puits de la mine dans laquelle travaille Wang descend à deux cent mètres de profondeur, la hauteur des galeries étant seulement d’un ou deux mètres. “La plupart des mineurs doivent se courber pour avancer à l’intérieur de la mine comment le P. Gao Xinliang, du diocèse de Fenyang, beau-frère de Wang, qui ajoute que cette vieille mine est fermée l’hiver à cause de la neige. Les ouvriers ont conscience de la dureté et de la dangerosité du travail dans les mines. “Presque chaque mois, quelqu’un meurt dans un accident minier ajoute Wang. La plupart des mineurs ne sont d’ailleurs pas originaires de la province. Malgré les dangers encourus, la motivation de toucher un meilleur salaire est plus forte : en travaillant dans une mine, les ouvriers toucheront ainsi 1 000 yuans par mois (100 euros), au lieu de 700 yuans (70 euros) en étant, par exemple, chauffeur routier.
A l’origine, Wang et sa famille étaient agriculteurs, mais l’activité agricole ne leur permet pas d’avoir des revenus suffisants pour financer les études de leurs enfants : les frais universitaires annuels de sa fille aînée s’élèvent à 10 000 yuans (1 000 euros). Heureusement, une organisation caritative accorde à la famille une bourse d’un montant de 3 500 yuans par an. Les trois autres enfants de Wang sont en école primaire et au lycée. Les frais de scolarité étant là aussi très élevés, il a dû s’endetter pour que ses enfants puissent continuer d’étudier.
Parmi la douzaine d’ouvriers de la mine, Wang est le seul catholique, mais son responsable et ses collègues respectent sa foi. Malgré les longues journées à la mine, il n’a jamais manqué la messe du dimanche ou celle des fêtes liturgiques comme Noël : “Mes collègues savent que je suis catholique et ils comprennent pourquoi je suis toujours absent ces jours-là. Je m’organise en faisant mes heures avant de partir pour la messe précise-t-il.
Même si Wang a peu de temps libre, il s’arrange pour assister à la messe trois ou quatre fois par semaine. “Même si mon travail est extrêmement risqué, je me confie à Dieu, et je n’ai pas peur des dangers confie-t-il, en ajoutant que, jusqu’à présent, il a été suffisamment chanceux pour ne pas avoir d’accident. Toutefois, l’ouvrier se plaint du comportement des propriétaires miniers qui ne font pas état des accidents auprès du gouvernement, car, explique t-il, “si un incident est répertorié, le site sera fermé pour procéder à une enquête”.
Chaque année, la province du Shanxi produit 300 millions de tonnes de charbon, fournissant 80 % des besoins de la Chine, la production chinoise représentant à elle seule 35 % de la production mondiale. La Chine détient également le record des accidents mortels : 80 % des mineurs morts à la mine dans le monde le sont en Chine. Selon un rapport officiel daté du 26 janvier dernier, 5 938 personnes sont décédées lors de 3 306 accidents miniers au cours de l’année 2005, soit une diminution de 8,32 % du nombre d’accidents et de 1,5 % du nombre des personnes décédées par rapport à 2004. En un an, le nombre d’accidents tuant plus de trente personnes a par ailleurs augmenté de près de 35 %. Selon des statistiques non officielles, le nombre des personnes tuées dans les mines serait en fait beaucoup plus élevé et atteindrait les 20 000. “Le gouvernement exige que les propriétaires miniers indemnisent les familles des victimes d’un accident mortel à hauteur de 200 000 yuans (20 000 euros), mais généralement les propriétaires traitent directement avec les familles en versant une somme inférieure, commente Wang. Si la victime vient d’une autre province que le Shanxi, la famille recevra une indemnité et s’en ira, sans être autorisée à récupérer le corps du défunt.”
Le P. Meng Guoshun, curé à Yanjiazhuang, se désole du peu d’aide que l’Eglise peut apporter aux mineurs (1) : “Quand un accident se produit, les familles viennent récupérer l’indemnité et repartent, mais nous n’avons pas l’occasion de les rencontrer.” Quant à améliorer les conditions d’exploitation, le P. Meng souligne que le respect des mesures de sécurité incombe aux propriétaires des mines, “un domaine où l’Eglise se trouve bien impuissante”. Le prêtre a bien tenté d’aller à la rencontre des mineurs à l’intérieur de la mine, mais ces derniers l’en ont dissuadé. “Que pourriez-vous faire dans un lieu où on n’y voit goutte, où un mineur ne voit même pas ses doigts ? ont-ils argué. A défaut de pouvoir matériellement aider les mineurs (2), le curé de Wang essaie d’apporter une aide spirituelle aux mineurs et “célèbre des messes à l’intention des défunts”.
Le 1er février dernier, près de Jincheng, dans le sud de la province, un coup de grisou dans un puits du site minier Sihe a tué, selon les autorités locales, au moins 23 personnes et blessé 53 autres. Le site, qui est géré par une entreprise d’Etat, produit à lui seul 10,8 millions de tonnes par an.