Eglises d'Asie

Shanxi : âgé de 68 ans, un servant de messe a été à l’origine d’un grand nombre de vocations sacerdotales

Publié le 18/03/2010




Dans la province du Shanxi, à une heure de route de Taiyuan, la capitale provinciale, se trouve le village de Liuhe, dans le district de Qingxu. Avec 6 000 fidèles, Liuhe est une des plus importantes paroisses catholiques du pays. Le village est en grande majorité catholique et, parmi ses habitants, se trouve Sun Guifu. Agé de 68 ans, le visage souriant et complètement ridé, l’homme a traversé l’histoire de la Chine de ces dernières décennies avec un souci en tête, servir l’Eglise. Enfant, il voulait être prêtre, un souhait qu’il ne lui a pas été possible de réaliser dans la Chine communiste. Désormais âgé, il est à l’origine d’un nombre impressionnant de vocations sacerdotales.

Né dans une famille catholique, alors enfant, il était servant de messe à l’église paroissiale et, à l’âge de 7 ans, il savait qu’il voulait devenir prêtre. A 13 ans, il entrait au petit séminaire de Taiyuan. Les communistes étaient au pouvoir depuis un an et, deux années plus tard, en 1952, le séminaire fut contraint de fermer ses portes, les missionnaires étrangers qui y enseignaient étant expulsés. Le jeune Sun Guifu retourna chez lui, continuant à servir la messe jusqu’à que, peu à peu, les activités d’Eglise deviennent impossibles, vers la fin des années 1950. Les prêtres étaient arrêtés et envoyés en prison ou en camps de rééducation par le travail. « En l’absence de prêtres, je servais de témoin principal pour les mariages des couples catholiques et je baptisais les nouveaux-nés de notre village témoigne-t-il aujourd’hui. Durant toutes ces années, même au cours des années noires de la Révolution culturelle (1966-1976), les familles de Liuhe, catholiques depuis plusieurs générations, insistaient pour voir leurs enfants baptisés, en dépit des persécutions.

Durant ces années, « la croyance religieuse ne pouvait s’exprimer que dans le secret des esprits » et ne pouvait jamais être exprimée en mots, rappelle le vieil homme. « Comme chez les autres familles catholiques, nous ne pouvions pas prier ensemble, en famille, ouvertement. Le plus souvent, chacun de nous devait prier individuellement et secrètement raconte-t-il.

En 1968, Sun Guifu se maria et travailla dans une ferme collective jusqu’en 1984. Durant ces années, en fonction des circonstances, une dizaine de catholiques prenaient le risque de se réunir discrètement chez lui pour prier. En 1980, il entendit dire que des prêtres étaient libérés et célébraient à l’occasion la messe dans l’église du village. « Dès qu’un prêtre venait, j’assistais à la messe et j’assurais à nouveau le service de l’autel explique-t-il. Au fur et à mesure que la situation se détendait – et en l’absence d’un prêtre résident -, lui et d’autres laïcs ont relancé les activités de la paroisse, telles une chorale, un groupe de servants de messe et des classes de catéchisme pour les enfants. Sun Guifu cousait également des vêtements liturgiques et des aubes pour les servants de messe. « Parfois, je me rendais dans d’autres paroisses pour prendre des idées quant aux formes et aux motifs, mais toujours, je prenais soin de coudre une grande croix sur le devant de ces habits. »

Après avoir été durant un demi-siècle servant de messe, Sun Guifu est aujourd’hui responsable des questions liturgiques dans sa paroisse. Lorsque les enfants sont en période d’examens scolaires, il ne rechigne pas à servir à nouveau la messe. Mais sa plus grande fierté réside dans le groupe paroissial d’enfants de chour, dont sont issus dix-huit prêtres et trente-deux séminaristes. « Si un jeune s’adresse à moi pour un conseil, j’en parle au curé et je recommande tel ou tel au séminaire explique-t-il, ajoutant que, de la paroisse, sont également issues dix-sept vocations religieuses féminines.

Contrairement à ce que l’on constate dans les villes, où l’Eglise connaît une crise des vocations, « ici, de nombreux jeunes souhaitent toujours devenir prêtres remarque-t-il, ajoutant qu’il les encourage à conserver ce désir et à faire grandir leur vie spirituelle. Le plus grand regret de Sun Guifu est sans doute que, de ses quatre enfants – trois fils et une fille -, seul un fils, le troisième, Yongwei, a choisi de servir l’Eglise par le ministère sacerdotal. Il est aujourd’hui en quatrième année de théologie au séminaire régional du Shaanxi, à Xi’an. Le Shaanxi est une province voisine de celle du Shanxi. Lors de fêtes traditionnelles, comme la fête du printemps, le père avoue que l’absence de son fils Yongwei lui pèse, mais, ajoute-t-il : « Je prie pour lui toutes les fois où je pense à lui. »

L’épouse de Sun Guifu est, elle aussi, engagée dans la paroisse, en tant que « laïque évangélisatrice pour prêcher la Bonne Nouvelle et aider les personnes dans le besoin des villages non catholiques avoisinants.

Pour le P. Hu Jimin, curé le Liuhe de 1991 à 1996, Sun Guifu est un homme ordinaire qui sert l’Eglise fidèlement et loyalement, sans se plaindre. « Il ne veut jamais prendre de vacances s’agissant de la formation des enfants de chour ou du catéchisme explique le prêtre, âgé de 41 ans, qui ajoute qu’il l’a beaucoup aidé à renforcer la paroisse et, notamment, à introduire l’usage du chinois pour la célébration de la messe au début des années 1990. « Par la simplicité de vie, l’intensité de sa foi et l’humilité Sun Guifu est « comme sainte Thérèse de Lisieux conclut-il.