Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er janvier au 28 février 2006

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

Le 10 octobre 2005, Mâm Sonando, directeur de l’unique radio libre, Nid d’abeille, est arrêté pour avoir diffusé une interview d’un Français d’origine cambodgienne critiquant la convention additive au traité sur les frontières passé avec le Vietnam en 1985. Le 15 octobre, Rong Chun, président de l’Association indépendante des enseignants du Cambodge est arrêté à son tour pour avoir signé une déclaration s’opposant à la dite convention. Ils sont accusés d’avoir diffamé le Premier ministre Hun Sen qui menace toute personne qui critiquerait sa position. Le 31 décembre, la police arrête et incarcère Khem Sokha, directeur du Centre des droits de l’homme (CCHR), et Yeng Viréak, président du Centre d’éducation légale pour la communauté (Clerc), également pour crime de diffamation, des graffitis anti-gouvernementaux ayant été tracés (on ne sait par qui) sur une banderole affichée lors de la journée d’action en faveur des droits de l’homme au Cambodge, le 10 décembre dernier.

Mobilisation nationale pour la libération des détenus politiques

Le 2 janvier, après l’arrestation de Khem Sokha, les 63 associations organisatrices de la journée internationale des droits de l’homme, décident de lancer une campagne de signatures. L’association américaine Human Rights Watch ainsi que l’IRI (International Republican Institute), qui financent le CCHR, estiment que le gouvernement de Hun Sen « semble suivre le modèle birman le département d’Etat fait savoir ses « fortes objections » au Premier ministre cambodgien. Le 3 janvier, Human Rights écrit une lettre à Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, pour dénoncer les arrestations. Le 4 janvier, l’ambassadeur d’Allemagne juge que ces arrestations « ternissent l’image du Cambodge et sont inutiles L’ambassadeur de France fait état de sa « préoccupation Le haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme exprime ses « profonds regrets » et parle du « début d’un régime totalitaire ». L’OIT se déclare fortement troublée par ces arrestations. Le 6 janvier, Le Comité de protection des journalistes de New York proteste contre la détérioration des droits d’expression au Cambodge. La Banque mondiale estime que « les arrestations envoient un signal inquiétant aux investisseurs potentiels ». La presse étrangère est très critique à l’égard du régime cambodgien. Le 4 janvier, Pa Nguon Téang, président par intérim du CCHR, est arrêté à son tour.

Alors que les critiques internationales pleuvent sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, le 6 janvier, 45 membres du Comité des droits de l’homme, créé par le gouvernement reçoivent une médaille pour célébrer ses six années d’existence, et son action pour « la promotion d’une meilleure situation des droits de l’homme au Cambodge ».

Des pétitions affluent sur les radios gouvernementales pour soutenir les arrestations opérées par le gouvernement, notamment des universités nationales de gestion, de droits et sciences économiques, de la fédération des étudiants et intellectuels du Cambodge.

Le 10 janvier, le ministre cambodgien de l’Information laisse entendre que des « excuses » pourraient inciter le gouvernement à « réfléchir Le 11 janvier, après onze jours de détention, Yeng Viréak est libéré, mais reste inculpé pour diffamation. Il se déclare résolu à continuer son action avec plus de vigueur qu’auparavant. Le 12 janvier, trente-trois organisations internationales s’associent au nouveau communiqué des ONG cambodgiennes qui ont organisé la journée des droits de l’homme du 10 décembre, à l’origine des arrestations.

Le 13 janvier, le ministre suédois de la Justice en visite officielle au Cambodge, visite les militants arrêtés et fait part de « sa préoccupation concernant la situation. Les ambassadeurs de l’UE ont la même opinion que moi précise-t-il.

Le 15 janvier, le roi Sihanouk fait don de 1 000 dollars à chacun des quatre détenus, ainsi qu’à Chéam Channy, incarcéré depuis le 3 février 2005, et une somme aux autres trois autres syndicalistes poursuivis pour diffamation.

Le 16 janvier, Christopher Hill, secrétaire adjoint au Bureau des affaires pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, vient inaugurer la nouvelle ambassade américaine et s’entretient « en profondeur » avec le Premier ministre cambodgien.

Libération des quatre détenus

Le 18 janvier, vers 17 heures, sur intervention du Premier ministre Hun Sen, Khem Sokha et son adjoint Pa Nguon, ainsi que Mâm Sonado et Rong Chun, sont libérés, quelques heures après l’entretien avec Christopher Hill. Hun Sen présente ce geste comme « un cadeau pour l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine Cette libération n’est que provisoire, les poursuites judiciaires étant toujours en cours. Si le diplomate américain salue cette libération, il demande qu’« elle soit suivie d’autres pas ». Ces libérations sont unanimement saluées dans le monde, plusieurs ambassades demandent que soient également levées les poursuites judiciaires et le retour au dialogue politique.

Le porte-parole du gouvernement, ainsi que Ranariddh, déclarent que Hun Sen a agi de son propre gré, alors qu’en réalité une pression énorme a été exercée sur lui durant l’entretien qu’il a eu avec Christopher Hill. Plusieurs pays de l’ASEAN ont conseillé la modération au Premier ministre cambodgien. Les pays donateurs d’aides qui doivent tenir leur prochaine réunion les 2-3 mars, ont fait savoir qu’ils ne renouvelleraient sans doute pas leurs aides (pour la première fois, le Japon et la Banque mondiale se sont unis à cette démarche). Même de l’intérieur du PPC, on croit savoir que des élus se sont rendus compte de la sourde opposition de l’ensemble de la population contre le gouvernement et ont averti le Premier ministre que s’il persistait dans cette voie, le parti allait perdre les prochaines élections.

Le 23 janvier, l’alliance pour la liberté d’expression au Cambodge, qui regroupe vingt-sept ONG cambodgiennes, porte une pétition avec 127 154 empreintes digitales, recueillies en six provinces, au roi Sihamoni pour demander qu’un non-lieu soit prononcé en faveur de toutes les personnes poursuivies pour diffamation. La veille Hun Sen a indiqué qu’il pourrait demander la grâce de ceux qui l’ont diffamé, mais seulement après leur condamnation, et si ceux-ci « se corrigeaient ». Le 24 janvier, Hun Sen annonce qu’il va demander au gouvernement de retirer les plaintes en diffamation, en réponse au courrier que lui ont envoyé les quatre ex-détenus pour le remercier, mais non pour s’excuser. C’est un changement radical de position, car jusqu’alors, il affirmait haut et fort que même si le gouvernement décidait de retirer ses plaintes, la justice suivrait son cours.

Le 25 janvier, à contre-courant, le Sénat américain adopte une résolution très musclée, demandant au gouvernement cambodgien de libérer tous les détenus politiques et de lever toutes les charges. Le porte-parole du gouvernement cambodgien réagit violemment, en considérant cette résolution comme une ingérence dans ses affaires intérieures : « Ce n’est pas surprenant que tant de pays détestent les Etats-Unis a-t il dit.

Le 26 janvier, après un échange de lettres avec Sisowath Thomico, également accusé de diffamation, Hun Sen promet de « proposer au tribunal de lever les charges et le mandat d’amener contre son Altesse Le même jour, Sam Rainsy, réfugié en France depuis un an, écrit à Hun Sen.

Le 30 janvier, Hun Sen invite les ex-détenus à se tenir tranquilles pendant trois ans pour voir abandonnées les poursuites contre eux. Mais tous se disent déterminés à poursuivre leur action. Son Chhay, du PSR, accueille tout de même favorablement cette nouvelle attitude de dialogue. Au nom de son parti, il demande au gouvernement de solliciter la grâce de Chéam Channy, pour l’anniversaire de son arrestation.

Le 31 janvier, Hun Sen déclare avoir été contacté par Sam Rainsy, mais n’avoir rien à négocier avec lui. Le lendemain, Son Chhay, cependant, fait savoir que Sam Rainsy prépare un compromis avec Hun Sen et cherche à faire libérer Chéam Channy. Sam Rainsy cesserait de demander à la communauté internationale de faire pression sur Hun Sen, et diminuerait ses critiques à l’égard du Premier ministre.

Le 1er février, Chéa Mony, secrétaire général du SIORC (Syndicat Indépendant des Ouvriers du Royaume du Cambodge), inculpé également pour diffamation et qui s’était réfugié en France, revient au Cambodge sans être inquiété, accueilli par une centaine de sympathisants. Il a auparavant envoyé une lettre au Premier ministre, copie conforme de celle envoyée par Rong Chun, le remerciant « d’avoir levé l’accusation contre lui ». Il déclare accepter la convention additive, origine du conflit, puisque les représentants du peuple et du pays l’ont acceptée. Ear Channa, secrétaire général adjoint du Mouvement des étudiants pour la démocratie, et Men Nath, président de l’Association des fonctionnaires indépendants du Cambodge, restent toujours en exil en Norvège.

Le 2 février, Hun Sen demande au roi Sihamoni de réduire « pour bonne conduite » la peine de Chéam Channy, député PSR, arrêté le 3 février 2005, et condamné à sept ans pour création d’ « une armée de l’ombre le 9 août 2005. Il demandera plus tard une grâce complète. Le roi Sihamoni réduit donc la peine du condamné à trois ans. Le lendemain, l’avocat du gouvernement annonce que les plaintes déposées contre sept militants des droits de l’homme sont retirées.

Le 3 février, une lettre de Sam Rainsy est lue à la télévision cambodgienne dans laquelle il exprime ses regrets pour avoir accusé Hun Sen d’avoir été mêlé à l’attentat du 30 mars 1997. Dans une lettre-réponse, également lue le même jour à la télévision, Hun Sen remercie Sam Rainsy, et espère qu’il pourra revenir très bientôt au Cambodge, et lui demande de régler au mieux les affaires judiciaires qui l’opposent à Ranariddh. Le 5 février, le roi Sihamoni grâcie Sam Rainsy (condamné en décembre pour avoir diffamé Ranariddh) et Chéam Channy. Les banderoles anti-Sam Rainsy disparaissent des murs des écoles et universités.

« Cela a duré en tout 71 heures. c’est de la politique éclair commente Hun Sen, précisant qu’à aucun moment la communauté internationale n’a exercé de pression : « Les Etrangers ne peuvent résoudre les problème des Khmers affirme le Premier ministre. Les réactions internationales sont très favorables à ces amnisties.

De Paris, Sam Rainsy annonce qu’il entend que son parti devienne « une force de propositions constructives en renforçant le dialogue avec le gouvernement et en promettant « un PSR assez différent de ce qu’il était il y a un an ». « Nos principes restent les mêmes affirme cependant Sam Rainsy qui ne tient pas à faire partie du gouvernement, mais à être une sentinelle pour dénoncer la corruption et les spoliations de terres, comme le lui aurait conseillé Hun Sen.

Tous les membres du PSR ne sont pas d’accord avec la position de Sam Rainsy, qu’ils accusent de brader trop facilement ses positions et de se mettre aux ordres de Hun Sen. Certains pensent que le pardon de Hun Sen est une ruse pour diviser le PSR. D’autres affirment leur crainte d’un assassinat dont on ferait porter le chapeau aux dissidents du PSR.

Sam Rainsy rentre au Cambodge le 10 février. Le 12, il s’entretient pendant trois heures et demi avec le Premier ministre. Les deux hommes se mettent d’accord pour « renforcer la collaboration entre l’opposition et les partis du gouvernement notamment en ce qui concerne les problèmes fonciers et la corruption. Hun Sen lui aurait demandé de « l’aider à dresser des rapports sur la condition du peuple car « son personnel administratif lui établit de faux rapports Immédiatement après cet entretien, Sam Rainsy rend visite aux quelque 600 personnes qui campent sur l’esplanade de la pagode Botum Voddey pour réclamer leurs droits. Il ne leur fait aucune promesse.

Du 10 au 13 février, une grande marche de Phnom Penh à Oudong est organisée par un collectif de 28 ONG. Les anciens détenus pour diffamation et une centaine de personnes, y réclament la liberté d’expression et manifestent contre la violence organisée.

Le 13 février, le PPC annonce qu’il serait d’accord d’adopter l’amendement à la constitution proposé jadis par Sam Rainsy, supprimant la majorité des deux tiers pour le vote de confiance à un gouvernement, et de ne se contenter que de la majorité absolue (50 % plus une voix). Le PSR explique que c’est pour assurer la stabilité politique du pays, Hun Sen explique que cela évitera de nouvelles crises politiques lors des prochaines élections. Après quelques jours de réflexion, le FUNCINPEC se déclare d’accord avec le changement de l’amendement. Hun Sen se déclare favorable à la dépénalisation de la diffamation, mesure demandée tant par l’ambassadeur des Etats-Unis que par les ONG de défense des droits de l’homme.

Le PSR et le PPC pensent tous deux aux élections de 2008 qu’ils espèrent gagner. Le PPC ne fait plus mystère qu’il en a assez du FUNCINPEC, dont il traite les membres de corrompus et d’inefficaces. Le FUNCINPEC voit le danger d’être marginalisé, et fait feu de tous bois contre le PSR. La radio du FUNCINPEC attaque régulièrement Sam Rainsy, accusé d’hypocrisie, de mensonge, appelle les militants du PSR à rejoindre ses rangs, etc.

Le 14 février, Hun Sen dénonce publiquement les agissements d’une femme d’un personnage important (l’actuelle maîtresse de Ranariddh) et d’autres femmes de ministres qui se mêlent de la répartition des postes « depuis les responsables de bureaux jusqu’à ceux des écoles » en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes, il se plaint du fait que certains responsables nommés par le FUNCINPEC sont des incapables : « un boucher est devenu gouverneur ou adjoint au gouverneur de province ». Il refusera désormais toute nouvelle nomination proposée par le FUNCINPEC. Pour les écoles, la qualité de l’enseignement est préférable aux quotas des directeurs attribués à chaque parti, comme lui demandait Ranariddh. Selon le Premier ministre, « le FUNCINPEC suce le sang du PPC Il en parle comme de « vieux gangsters » et de leurs maîtresses qui achètent des maisons en France, en Australie, aux Etats-Unis ou au Canada. Il demande à la police de ces différents pays d’enquêter sur l’origine des fonds nécessaires à l’achat de ces maisons. Il va demander au PPC la création d’une loi permettant de poursuivre les ministres qui ont des maîtresses, qui « mangent le riz des Cambodgiens ». Il fustige le nombre excessif des conseillers de gouvernement (le Funcinpec détient 1 200 postes gouvernementaux), dont « certains ne sont jamais venus au bureau, et ne savent même pas comment travailler Il demande que les politiciens cessent de demander de nouvelles voitures. Tant au FUNCINPEC qu’au PPC, on affirme cependant que la coalition gouvernementale n’est pas en danger, bien qu’il apparaît de plus en plus clairement que les deux partis ne se supportent plus.

Le 15 février, une escorte de douze membres est fournie à Sam Rainsy par le ministère de l’Intérieur. Le PSR y voit en cette escorte « un signe positif » de la volonté du gouvernement.

Hun Sen préfère parler désormais de « parti hors du gouvernement » que du « parti d’opposition Il voudrait que le PSR entre dans le gouvernement après les élections de 2008, et laisser l’opposition aux ONG. Les ONG pensent que ce serait une erreur, les ONG n’ayant pas accès aux informations gouvernementales, l’opposition ne pouvant plus exercer son rôle. Il faut « unir toutes les intelligences pour la reconstruction du pays dit Hun Sen.

Un conflit mineur pour la construction d’un marché à Kompong Thom a été rapidement résolu grâce à la collaboration des deux partis.

Le 23 février, Hun Sen, dans un effort de réconciliation, propose deux présidences et deux vice-présidences de commissions parlementaires sur neuf au PSR, afin de mieux représenter les résultats des élections de 2003. C’est une vieille demande de Sam Rainsy. Il propose également que deux représentants du PSR et deux du FUNCINPEC soient présents dans chaque commission, aux côtés des cinq élus du PPC. Le PPC préside cinq commissions, le FUNCINPEC quatre. Ces postes se feraient aux dépens du FUNCINPEC. Celui-ci préférerait ajouter des postes, plus que de supprimer les siens. Cependant, par esprit de conciliation, Sam Rainsy ne demande que la présidence d’une commission, la vice-présidence de deux autres, deux secrétariats de commissions et deux membres dans chaque commission. Pour Sam Rainsy, il n’est pas nécessaire de s’en prendre aux maîtresses des ministres, mais d’avoir des critères précis pour la nomination aux différents postes gouvernementaux.

Au FUNCINPEC, on commence à réfléchir sérieusement à l’avenir. En 1993, le parti avait le vent en poupe à cause du souvenir du roi Sihanouk, mais depuis, le parti n’a pas su définir des objectifs politiques clairs, sa seule idéologie semblant être de s’enrichir par tous les moyens. A peine 20 % de la plateforme commune signée avec le PPC en 2004 ont été atteints. On accuse Ranariddh d’avoir une relation avec une actrice cambodgienne, ce qu’elle nie. On ne prête qu’aux riches, tous savent que les déplacements de Ranariddh à l’étranger ont des causes strictement personnelles.

Le 28 février, l’Assemblée nationale rétablit à l’unanimité l’immunité parlementaire des trois députés qu’elle avait été retirée le 3 février 2005. Cette crise politique est provisoirement close. « C’est le plus beau jour dans l’histoire du processus démocratique dit Hun Sen. « Je suis sûr que cet esprit de réconciliation va continuer, pour le bien de la nation déclare Sam Rainsy. Les ONG de défense des droits de l’homme déclarent qu’elles « continueront à observer 

Elections sénatoriales

Comme on pouvait s’y attendre, les élections sénatoriales du 22 janvier se déroulent dans l’indifférence générale et sans incident, sans présence d’étrangers. Six ONG cambodgiennes, parfaitement inconnues, et une ONG japonaise envoient 115 observateurs pour vérifier les élections sénatoriales. Les 17 ONG cambodgiennes spécialisées dans cette surveillance refusent de participer à la tenue de ces élections qu’elles jugent inutiles et jouées d’avance.

Le PPC sort grand vainqueur avec plus de 70 % des voix, et quarante-cinq sièges. Le FUNCINPEC obtient dix sièges (il en perd onze), le PSR deux (il en perd cinq). La PPC contrôle six commissions, le FUNCINPEC trois.

Les députés du PSR dénoncent des procédés d’achats de votes, sous forme de prêts, de dons, ou même d’espèces. Ranadiddh remercie les grands électeurs du PSR qui ont voté FUNCINPEC et invite les élus du PSR à rejoindre le FUNCINPEC.

Les hommes d’affaires les plus riches du Royaume entrent au Sénat : Mon Rethhthy, Ly Yong Phat (propriétaire des casinos de Koh Kong et d’O Smach), Kong Triv (KT Pacific), Lav Meng Khine (président de la Phéapimex), Kok An (Cigarettes 555), Men Sarun (Import-export). Norodom Chakrapong y remplace Sisowath Chivan Monirak. Bopha Dévi, ex-ministre de la Culture, et Ung Huot, Premier ministre en 1997, entrent également au Sénat pour le FUNCINPEC, ainsi que Kong Korm, président du PSR. Pour ce dernier, « qu’il y ait un Sénat ou qu’il n’y en ait pas ne change rien, les nouveaux sénateurs ne vont pas utiliser leur pouvoir pour le bien du peuple, mais pour protéger leurs bénéfices 

MONTAGNARDS

Du 12 au 14 janvier, l’UNHCR recueille 75 Montagnards vietnamiens dans la province de Ratanakiri. Le 13, une vingtaine sont appréhendés par les autorités cambodgiennes à Koh Nhiek (Mondolkiri) et reconduits au Vietnam par camion. Une femme serait morte durant le transfert. Six Montagnards arrivent au Cambodge durant la dernière semaine de février. Ils se cachent dans la jungle.

TRIBUNAL DES EX-RESPONSABLES KHMERS ROUGES

Le 18 janvier, Séan Visoth, directeur de l’administration des chambres extraordinaires et le chef d’Etat major des FARC (Forces Armées Royales du Cambodge) célèbrent officiellement la cession du terrain et des locaux devant accueillir le tribunal. Une clôture et une nouvelle entrée, différente de l’entrée principale, seront construites, ainsi qu’un centre de détention. On attend 300 personnes, dont 200 Cambodgiens, pour travailler au tribunal.

Le 30 janvier, le Premier ministre déclare que les pays ayant placé le Cambodge sous embargo après la chute des Khmers rouges (7 janvier 1975) devraient verser des dédommagements en plus des aides internationales ! Ils ont une dette à l’égard du Cambodge que n’efface pas l’aide internationale accordée depuis les accords de Paris (1991).

Le 4 février, Michelle Lee, adjointe de Séan Visoth, arrive au Cambodge. C’est le début effectif de la collaboration entre le Cambodge et les Nations Unies. Ce tribunal pourrait être en place dès le milieu de cette année, et les jugements commencer en 2007.

Ieng Sary, 77 ans, est hospitalisé en Thaïlande pour problèmes cardiaques. Sa femme Ieng Thirith y est également hospitalisée pour rupture du col du fémur. Nuon Chéa se porte bien, malgré les rumeurs concernant sa santé.

ECONOMIE

Agriculture

Selon l’IEC (Institut d’Economie du Cambodge), l’agriculture est la seconde source de revenus du Cambodge et représente 31 % du PIB, derrière les services (35 %), mais devant l’industrie (29 %). C’est cependant la plus faible d’Asie. Elle emploie directement ou indirectement 70 % de la population. Cependant, sa croissance est inférieure aux autres secteurs (2,5 % alors que l’industrie et les services croissent de 10 % par an), ses coûts de production ne sont pas compétitifs avec ceux de l’étranger (la tonne de riz à 118 dollars ; en Thaïlande 103 ; en Chine 141. La tonne de maïs : 73 dollars contre 52 au Brésil et 93 aux Etats-Unis) ; le développement de l’agriculture semble le moyen le plus efficace pour lutter contre la pauvreté. 91 % des pauvres vivent en zone rurale. Le nombre des paysans sans terre augmente (20 %). Le Cambodge est le pays le moins irrigué de la région avec 7 % des terres (19 % au Laos, 45 % au Vietnam).

Seulement 52 % des fruits, 55 % des légumes, et 80 % du riz consommés au Cambodge sont produits localement, le reste étant importé.

Pour lutter contre la contrebande du riz vers le Vietnam ou vers la Thaïlande, où le riz est acheté plus cher qu’au Cambodge, le ministère des Finances autorise le gouvernement à lancer des prêts d’un montant de 1,52 millions de dollars aux décortiqueries dans trois provinces.

Dans la province de Ratanakiri, le trafic de latex s’intensifie, avec des militaires qui escortent les trafiquants.

Pétrole

Le 17 janvier, le responsable de l’Autorité nationale du pétrole du Cambodge révèle que dix nouveaux forages pétroliers vont être réalisés dans les eaux cambodgiennes par la société américaine Chevron-Texaco, et que les ressources pétrolières du pays sont estimées à 500 millions de barils. La première production de brut pourrait commencer en 2009. L’installation d’une raffinerie, qui représenterait un investissement de 400 millions de dollars, est à l’étude. Une production de 200 000 barils par jour pourrait générer un bénéfice de deux milliards de dollars par an.

Cimenteries

Le 26 janvier est officiellement lancée la cimenterie de Kampot, société mixte Khao Chuly (20 %)-Siam Cement (80 %), qui investit 300 millions de dollars, et prévoit de produire un million de tonnes de ciment en 2008. Le Cambodge a besoin de 1,5 million de tonnes chaque année. La nouvelle société pense pouvoir augmenter sa production jusqu’à deux millions de tonnes. Elle fournira 400 emplois. La société AZ et Thai Boon Rong ont également investi 200 millions de dollars pour relancer la cimenterie d’Etat de Chakrey Ting.

Tourisme

Le ministre du Tourisme estime que le Cambodge perd 200 millions de dollars par an des ressources du tourisme. C’est le deuxième poste de revenus du pays, que se situe entre 700 à 800 millions par an. Mais au moins 35 % de ces revenus repartent à l’étranger pour l’achat de boissons, de légumes et de fruits que le Cambodge pourrait produire.

Un projet financé par l’Union européenne, prévoit d’organiser la vie de plusieurs villages de la région de Battambang d’une façon traditionnelle pour y attirer les touristes.

Une enquête menée par la JICA (Agence de coopération du Japon) se montre assez critique sur la mauvaise gestion de la manne touristique du Cambodge. Certes le tourisme a généré 55 000 emplois, mais profite relativement peu à la population locale. L’impact sur l’environnement est jugé négatif (égouts insuffisants ou en mauvais état), construction anarchique de bâtiments à Siemréap, les infrastructures (eau, électricité, ressources humaines) manquent pour inviter les touristes à allonger leur séjour. Sur 65 projets de réhabilitation, évalués à 300 millions de dollars, quinze débuteront cette année.

Pour attirer les riches touristes, le Cambodge va se lancer dans la construction de trois terrains de golf supplémentaires (il en possède déjà deux), deux à Siemréap et un à Sihanoukville.

Commerce

L’Allemagne devient le plus gros acheteur de produits cambodgiens, après les Etats-Unis, avec entre 12 et 15 % de ces produits (vêtements, chaussures, noix de cajou, riz, mangues), d’une valeur de 250 millions en 2005. L’ambassadeur d’Allemagne fait toutefois savoir que le climat politique actuel risque de faire diminuer des achats.

Le 8 février, Hun Sen demande aux fonctionnaires d’appliquer les réformes destinées à faciliter les échanges économiques. « Les réformes sur le papier, cela ne sert à rien, il faut des actes Il faut que « les fonctionnaires changent d’attitude dit le Premier ministre.

Environnement

Dans son bilan annuel, le ministère de l’Environnement déplore une augmentation des crimes forestiers en 2005, commis spécialement dans les zones protégées de Bokor, Phnom Kulen, et de Phnom Aural. Cinquante-sept plaintes ont été dressées.

Le ministre de l’Environnement accuse un homme d’affaires de destruction de 1 690 hectares de forêt inondée dans le secteur de Ponhéalu.

Les militaires ont déboisé plus de 1 000 hectares de forêts dans la région de Samlaut.

DONS ET INVESTISSEMENTS

La Banque mondiale a onze projets au Cambodge, pour une valeur de 252 millions de dollars dont 93 ont déjà été versés.

Le 27 janvier, le Conseil des ministres approuve un document concernant deux milliards d’investissements publics entre 2006 et 2008, pour 617 projets dont 298 sont en voie de réalisation, 36 sous contrats, 283 en haute priorité. Les pays donateurs, dont les délégués se réunissent les 2-3 mars, doivent décider de l’octroi de subventions.

Le 31 janvier, Hun Sen annonce que le gouvernement va rembourser à tempérament (760 000 dollars tous les six mois) les trois millions de dollars que Royal Air Cambodge doit à la France depuis la faillite de la compagnie en 2002 pour la location d’avions ATR. La question avait été abordée avec Jacques Chirac lors de sa visite en France le 19 septembre. Le gouvernement doit 32 millions à diverses sociétés. 22,5 millions sont budgétés pour remboursement de dettes en 2006.

La société française Alcatel signe un contrat pour la fourniture du réseau mobile 3G/UMTS avec Mobitel (CamGSM). La société française devient donc le principal fournisseur de solutions de télécommunications. Elle va fournir ce réseau mobile dans les mois à venir.

Le 15 février, Hun Sen donne son accord à la création de deux nouvelles zones économiques spéciales (ZES), en addition des sept déjà en construction (Svay Rieng, Sihanoukville, Koh Kong et Poïpet). La première sera développée par Mme Lim Chhiv Ho (épouse d’un ministre, et possédant des parts dans la capital de la société Attwood), à Kambol, dans la périphérie de Phnom Penh, sur 365 hectares, pour un investissement de 60 millions de dollars, et regroupera des usines de confection, de chaussures et d’électronique. La deuxième sera développée par Duong Chhiv, président de l’association des Chinois du Cambodge, sur un terrain de 57 hectares, dans la région de Takéo (Kirivong), pour un investissement de 70 millions de dollars, orientée vers l’agro-alimentaire.

La BM et le FME (Fonds Mondial pour l’Environnement) débloquent 1,2 million de dollars pour des projets gouvernementaux de protection de la biodiversité et des ressources du parc naturel de Virachey et autres sanctuaires protégés. La première tranche de 2000 à 2005, d’un montant de 4,9 millions, ayant été menée à bien (?), il est promis un autre don de 5 millions pour un plan s’étalant de 2007 à 2010. « La BM et le FME déplorent les opérations à grande échelle menées dans le parc de Virachey. »

Le 21 février est inauguré un centre de formation professionnel et d’enseignement du japonais, financé par le Japon à hauteur de 4,5 millions de dollars.

Les 2 et 3 mars se réunit le Groupe consultatif des pays et organisations internationales donateurs d’aides au Cambodge. Ces pays adoptent profil bas, et ne posent pratiquement plus d’exigences concernant les droits de l’homme ni la démocratie au Cambodge, jugeant que ces exigences sont inopérantes. Les donateurs ne demandent que la mise en jugement des fonctionnaires corrompus et la fin des concessions de terrains. Le Cambodge compte sur 1,3 milliard de dollars pour les trois années à venir, mais en recherche encore 450 à 500 supplémentaires pour réaliser ses programmes de développement.

Les ONG internationales de défense des droits de l’homme s’insurgent, et demandent que soit renforcée la lutte contre la corruption, contre la destruction des ressources naturelles, contre les abus concernant les droits de l’homme. Elles demandent que l’argent des pays donateurs leur soit versé, au lieu de le verser au gouvernement.

Des observateurs s’étonnent du colonialisme moderne de ces ONG, comme si c’étaient à elles de définir la politique gouvernementale. Kéat Chhon, ministre cambodgien des Finances, le dit on ne peut plus clairement : « Le pays est le nôtre, les problèmes sont les nôtres, c’est nous qui conduisons. » Un conseiller spécial de Kofi Annan proposerait une aide d’un milliard chaque année pour venir à bout de la pauvreté.

Le 27 février, les ONG locales déposent une déclaration de 77 pages dans laquelle elles demandent aux pays donateurs de faire pression sur le gouvernement notamment dans la restructuration du Conseil suprême de la magistrature, du Comité national des élections, pour l’établissement d’une commission indépendante des droits de l’homme. Elles demandent la transparence des finances des partis, la fin des concessions de plus de 10 000 hectares, etc.

Electricité

Le 21 février est mise en service une nouvelle centrale électrique à Phnom Penh, qui compte deux générateurs alimentés au fioul, don du Japon (34 millions de dollars).

Le 23 février est signé un contrat sur la construction et l’exploitation de trois nouvelles centrales hydro-électriques sur la rivière de Kamchay (Kampot) avec une société chinoise. La société investira 280,5 millions de dollars et construira une usine de 180 mégawatt, une autre de 10 MW et une troisième de 3,2 MW. La construction devrait être achevée en 2010. La société reçoit la concession pour 40 ans. « C’est un vieux rêve des Cambodgiens depuis les années soixante qui se réalise déclare Sok An. Une autre centrale de 15 MW devrait être construite à Kirirom, en 2007, une autre encore de 202 MW à Stoeung Treng, sur la Sré Pok. Le gaz naturel du golfe de Thaïlande pourrait également être utilisé pour une centrale électrique thermique. Un débat continue à avoir lieu pour savoir si le Cambodge ferait mieux de produire sa propre électricité ou d’en importer des deux pays voisins, à un coût inférieur. La corruption et le manque de transparence bloquent tout progrès économique dans ce domaine. Seuls 17 % de la population ont accès à l’électricité.

Déminage

Le 5 janvier, l’Allemagne contribue à hauteur d’un peu plus d’un million de dollars aux programmes de déminage en 2006 dans les provinces de Siemréap et d’Oddar Méan Chhey.

Le CMAC (Centre cambodgien de déminage) rencontre des difficultés pour boucler son budget de 2006, les pays donateurs devenant réticents à financer les dépenses administratives qui représentent 6 % du budget annuel total, estimé à dix millions. Les pays donateurs commencent à marquer un désintérêt pour le déminage. Or il reste encore 4 000 km à déminer. Chaque année, les différents organismes déminent 40 km . Dans dix ans, on estime que les 460 km prioritaires seront déminés.

Le 1er février, dix chiens renifleurs de mines suédois, entraînés en Bosnie, arrivent au Cambodge. Le gouvernement suédois a dépensé 40 000 dollars pour l’entraînement de chaque chien. Le CMAC en emploie actuellement quarante-six. CIMAC découvre environ 100 000 mines par an.

Au début du mois de mars, dix soldats démineurs sur 135, partent au Soudan pour déminer le pays. Déjà un bateau transportant 25 véhicules, 70 détecteurs de mines et autres équipements est parti de Sihanoukville le 17 février.

SOCIETE

D’après un rapport de la Banque mondiale pour la réunion des pays donateurs, la pauvreté a décru de 47 % en 1993 à 35 % actuellement, mais les inégalités ont explosé. La richesse des pauvres a augmenté de 8 %, celle des plus riches de 45 %.

Selon le rapport de ADHOC, la liberté d’expression et les droits de l’homme en général sont tombés en chute libre durant l’année 2005.

Justice

Durant les deux derniers mois, on constate que la justice commence à s’en prendre aux militaires et aux policiers, jusqu’alors intouchables. Certes ce sont souvent des subalternes, mais cela indique peut-être une nouvelle prise de conscience de la justice.

Le 11 janvier, l’adjoint au chef de la police de la province de Ratanakiri comparaît devant la cour municipale de justice pour le déboisement massif du parc national de Virachey découvert en 2004. Cinq cents camions chargés de bois précieux, d’une valeur de quinze millions de dollars, sont partis en contrebande au Vietnam. Le 23 janvier, le gouverneur de Ratanakiri, le commissaire et le chef du bureau pénal de la province sont mutés, en relation avec ces coupes de bois illégales. Un garde forestier est en prison depuis le 19 septembre. Plusieurs mandats d’arrêt sont lancés contre des officiers supérieurs, en fuite. Quatre policiers sont incarcérés le 24 janvier.

Le 23 janvier, deux policiers sont suspendus pour extorsion de fonds sur un étranger et dans un conflit foncier.

Le 28 janvier, six policiers sont incarcérés pour le meurtre d’une commerçante durant son interrogatoire. Ces policiers sont des proches collaborateurs de Heng Peuv, commissaire général de la police municipale de Phnom Penh, promu (?) le 13 janvier au ministère de l’Intérieur.

Plusieurs policiers sont arrêtés, soupçonnés d’avoir participé à l’assassinat du juge Sétha Mony en avril 2003, et de tentative d’homicide à l’encontre de Ouk Savuth, procureur de la cour municipal de Phnom Penh, et de Sao Sokha, commandant de la gendarmerie.

Le 14 février, Sar Kheng, co-ministre de l’Intérieur accuse des policiers de coopérer avec les bandits.

Le 17 février, le patron de l’hôtel Chhay Hour 2 qui avait défrayé la chronique le 8 décembre dernier, et valu au Cambodge d’être rétrogradé au 3e degré dans l’échelle des pays ne luttant pas avec suffisamment de forces contre le trafic d’êtres humains, a été condamné à cinq ans de prison. Il fait appel.

Le 28 février, la cour d’appel confirme la condamnation du colonel Sath Soeung à dix ans de prison. Il se faisait appeler « le Maître de la terre et est responsable de plusieurs meurtres.

Corruption

 Le 21 février, Sok An, ministre du Conseil des ministres, demandent que soient punis les hauts fonctionnaires corrompus. On considère généralement que c’est un effet d’annonce avant la réunion des pays donateurs. « On s’enfonce de plus en plus profondément dans la corruption. Il ne faut pas simplement en parler, il faut agir commente un député du PSR.

Un dossier de 460 pages, avec documents à l’appui, détaillant la corruption dans le ministère de l’Aménagement du territoire, disparaît. Il concernerait 200 000 dollars dépensés spécialement en frais de représentation, repas, voyages, etc.

Les autorités responsables des Affaires sociales de Kompong Cham détournent 200 000 dollars, réservés à la retraite des vétérans handicapés. Sur 1 823 vétérans handicapés, seuls 368 ont reçu leur pension.

Prisons

Le nombre de morts dans les prisons cambodgiennes en 2005 a doublé par rapport à 2004 : 100 morts au lieu de 55. La mauvaise qualité des bâtiments, de l’eau insalubre, la surpopulation et le manque de fonds (environ 20 centimes d’euro pour la nourriture quotidienne par personne) en sont les raisons ; la prison de Kompong Cham a été transférée à 10 km. plus loin.

Spoliations

Le 6 février, Hun Sen dénonce une nouvelle fois publiquement la déforestation, les spoliations de terres et la lenteur et la réforme foncière. (En 1999, il avait déjà donné onze directives pour que cessent les spoliations ; en 2000, il avait menacé les riches spoliateurs de sanction ; en octobre 2004, il avait ordonné aux sociétés et aux puissants de rendre les terrains spoliés ; le 7 décembre 2005, il avait ordonné que cessent les spoliations, « de peur que n’éclate une révolution des paysans Il demande au gouvernement de « récupérer sans aucune pitié les terrains qui ont été occupés illégalement ». Il déclare recevoir chaque jour entre trois et cinq dossiers demandant son intervention dans des conflits fonciers. Le 16 février, il ordonne aux ministères de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Occupation des sols d’adresser des plaintes officielles contre les membres du gouvernement qui spolieraient les paysans. Les électeurs pourraient quitter le PPC en masse, à cause de ces spoliations.

Hun Sen annonce qu’un comité de résolution des problèmes fonciers va être créé, présidé par Sok An, ministre du Conseil des ministres, des membres du PSR, du FUNCINPEC, de la société civile. Le PSR a déjà nommé son avocat. Les représentants des ONG de défense des droits de l’homme préféreraient une institution permanente, non liée aux partis politiques

Depuis le 14 novembre, les militaires ont brûlé plus de 200 maisons dans le secteur du mont Aural (Kompong Speu), et lancé plus de 20 mandats d’arrêt pour s’emparer des terres. Le 19 janvier, huit représentants de 300 familles du Srok Aural sont condamnés à un an de prison et à 12 500 dollars d’amende pour violation de biens, suite à une plainte portée par l’un des chefs de la région militaire. Vingt et un autres, absents, sont condamnés par contumace à la même peine. Ce procès est entaché de nombreux vices de forme.

Le 5 janvier, deux membres des minorités ethniques sont arrêtés à O Chum (Ratanakiri) dans un conflit foncier qui les oppose à un militaire depuis plusieurs années pour la possession de 200 hectares. D’autres, invités à se présenter au poste de police, prennent le maquis. « C’est un nouveau moyen d’intimidation pour effrayer les villageois dans les histoires de spoliations de terres déclare le délégué d’ADHOC, pour qui les arrestations sont de plus en plus fréquentes. Le nouveau gouverneur de Ratanakiri nomme un groupe d’experts pour enquêter sur le conflit foncier.

Dans un autre conflit, dans la même région, deux plaintes sont portées contre un groupe de militaires qui coupent la forêt et menacent les gens avec leurs fusils. Quatre m3 seraient coupés chaque jour. A O Yadav, une autre dispute portant sur 500 hectares a commencé depuis 2004. Des menaces de mort sont prononcées, un tueur à gages aurait été payé.

Des villageois se plaignent de ce que le général Nuon Phéa, adjoint du chef du ministère de la Défense qui avait déjà eu une histoire en 2001 après avoir acheté 1 205 hectares à Bokéo pour quelques sacs de sel, ait envoyé des militaires en armes, en mai 2004, sur un terrain qu’il voulait s’approprier. Sous la menace, il a fait accepter 110 dollars par hectares à plusieurs paysans.

Quarante-huit familles de O Yadav (Ratanakiri) accusent la sour du ministre des Finances, qui est également épouse du ministre de l’Aménagement du territoire, de les avoir forcées à vendre 500 hectares de terrain en 2004, pour 400 dollars l’hectare.

Dans la province de Mondolkiri, la société Wuzhistan, liée à la Phéap Imex (proche de Hun Sen), affirme avoir reçu une concession de 199 999 hectares pour y planter des pins. Le ministère de l’Agriculture dément.

Depuis la mi-janvier, une trentaine de familles venant de la province de Kompong Speu (Phnom Srouch), 125 familles de Sihanoukville, 68 villageois de Battambang (Ratanak Mondol), 210 familles d’Anlong Veng (Oddar Méan Chhey) campent sur une pelouse près du palais royal pour demander justice contre des spoliations de terrains. Le 23 janvier, le roi fait don d’un sac de riz et de 5 dollars à chaque famille. Suite à un rêve, le 6 février, 117 moines sont invités à venir prier pour la résolution des conflits. Le 14 février, Sar Kheng, co-ministre de l’Intérieur, ordonne aux gouverneurs des cinq provinces auxquelles appartiennent les 609 squatters de Vat Botum, de les ramener chez eux et de régler les problèmes fonciers. Le 15 février, la police commence à en expulser un certain nombre. D’autres se réfugient au siège du PSR qu’elles quitteront le 27 février. D’autres se dispersent dans Phnom Penh.

Le 21 janvier, les autorités de Samlaut donnent une semaine à 240 familles pour quitter leur village à Stoeung (O Tavao), parce qu’elles ont construit leur maison dans une zone protégée.

Le 3 février, les autorités de la province de Koh Kong détruisent 14 maisons et en chassent les habitants pour créer un jardin.

Le 11 février, sept paysans de Sihanoukville sont arrêtés pour déboisement de la mangrove de Prey Nop. Ce sont de fait des hauts fonctionnaires du gouvernement qui louent ces paysans pour faire défricher et transformer la mangrove en bassin d’élevage de crevettes.

Depuis la mi-février, des hauts fonctionnaires de la province de Pursat ainsi que des militaires déboisent la forêt de Kbal Trach. Ils s’arrogent des lopins de terre dans la concession de la Phéap Imex, suspendue l’an dernier.

Le 15 février, les autorités de Sisophon détruisent trente baraques et déplacent 500 poteaux autour d’un terrain de 80 hectares revendiqué par l’Association agricole nationale, entité jusque-là inconnue.

Le Forum des ONG dénombre 1 151 conflits fonciers en attente. La loi foncière de 2001 crée une commission cadastrale qui n’est établie, de fait, que depuis 2003. Cette commission a recensé 2 000 disputes en deux ans, dont un quart ont été résolues. Les terrains ont été cadastrés en onze provinces, et l’administration espère délivrer un million de certificats de propriété d’ici à 2007. 80 % des terres ne sont pas encore enregistrées, ce qui pousse les grands à spolier les terres pendant qu’ils le peuvent. D’après Hun Sen, 20 000 titres de propriété sont distribués chaque mois.

Sécurité

La municipalité de Phnom Penh fait état d’un accroissement des crimes durant l’année 2005 (847, soit 45 de plus qu’en 2004), dont 44 assassinats et 430 vols. Vingt quatre maisons de jeux et treize maisons closes ont été fermées, seize de leurs patrons incarcérés, 460 membres de gangs arrêtés. Trois millions de dollars en taxes et d’amendes ont été récoltés. Le 14 février, le ministère de l’Intérieur donne d’autres chiffres : les crimes auraient diminués de 515 cas, pour l’ensemble du pays, avec 395 morts et 1 373 blessés, dont 178 de viols. La police est intervenue en 3 458 affaires, et a arrêté 5 131 malfaiteurs (dont 26 ont été tués).

D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, en 2005, 376 réseaux de trafic de drogues ont été démantelés, avec 704 arrestations de vendeurs et 830 de consommateurs. 290 000 pilules d’amphétamine, 1 910 pilules d’ecstasy, 1 kilo de cocaïne, 8,7 kg d’héroïne, 2 kg d’opium et 5,6 kg de poudre d’amphétamine ont été saisis.

DIVERS

Religion

Le 1er janvier, le vénérable Tep Vong, patriarche de l’Ordre Mohanikay, nomme 179 moines de la capitale membres de comités disciplinaires dans chaque arrondissement de la ville chargés de débusquer les faux moines. Ces comités doivent envoyer un rapport tous les mois au cabinet du patriarche. Une dizaine de faux moines ont été interceptés depuis décembre.

Phnom Penh

Le 12 janvier, la municipalité de Phnom Penh signe un bail accordant à la société OCIC (Oversea Cambodia Investment Company), proche de la Canadian Bank, l’île de Koh Pich pour 99 ans. La société devra payer un loyer de 47 millions de dollars pendant les dix premières années. Elle devra construire trois ponts, dont un parallèle au pont Monivong. La société y construira une nouvelle ville avec une tour de 222 m de haut, des écoles, un hôpital, des centres culturel et touristique, etc. On peut comprendre la colère des familles à qui l’on a donné 2,5 à 5,25 dollars par m de leurs terres. Les quatre dernières familles sont expulsées manu militari le 23 février. Leur avocat, les membres du PSR et les journalistes ont été interdits d’accès.

Le 14 janvier, la municipalité interdit toute transaction immobilière à Russey Kéo, le long de la route nationale 6A, afin d’y créer une nouvelle ville. Elle a besoin de 387 hectares pour les accorder à la société malaisienne Sunway. Ce développement affectera les quartiers de Chroy Changvar, Prek Léap et de Prek Tasek.

Le 6 février, la municipalité de Phnom Penh signe un contrat avec Sok Kong, président de la Sokimex et frère de Sok An, ministre du Conseil des ministres, un bail de 99 ans, portant sur quinze hectares dans la presqu’île de Chroy Changvar, pour une valeur de 5,6 millions de dollars, soit nettement au-dessous du prix du marché (40 dollars au lieu de 80 à 100 dollars selon les estimations). Il va y investir entre 50 et 70 millions de dollars, pour construire « un centre de conférences, de la culture, un centre commercial, un centre de loisirs et un motel de luxe 

La municipalité de Phnom Penh recense 1 305 familles soit 4 189 sans abri en deux jours, afin de mieux les aider. L’augmentation est continue. L’ONG Mith Samlanh estime qu’il y a au minimum 10 500 enfants des rues, sans parler des familles. Beaucoup de sans abris se sont cachés lors du recensement par les services municipaux, de peur d’être ramassés et envoyés en camps, en dehors de la ville.

Selon le Premier ministre, les constructions à Phnom Penh ont représenté 1,6 milliard de dollars en 2004 et 2005. 38 % des 2 239 projets de construction, représentant 238 millions ont été construits sans permis. Les frais « non officiels » trop élevés seraient la cause des constructions sans permis.

La flotte de complaisance comprend 700 bateaux, mais le pays ne dispose que de trois pilotes, dont deux seuls en activité. Un centre de formation maritime pour 25 élèves, pendant trois et six mois de pratique, vient d’être lancé à Phnnom Penh, financé par l’Union européenne, avec la collaboration des ports de Haiphong, d’Amsterdam et de Cork.

Patrimoine

Le 6 janvier est signé un préaccord de jumelage entre les grottes de Lascaux et les temples d’Angkor.

Selon les recherches récentes menées par l’EFEO (Ecole française d’Extrême-Orient), Angkor était la plus grande métropole d’Asie, quadrillée d’une manière régulière en grand damier, avec plus de 150 km de rues, 3 000 bassins. D’autres fouilles vieillissent le Bakon (ensemble de Rolous) d’un siècle, pour le faire dater de 770. L’EFEO présente une étude extrêmement précise sur les 4 000 sites archéologiques répertoriés (soit le double du chiffre de 1982).

Un Français, propriétaire d’une guest house à Kep, qui avait acheté un objet d’art au marché noir de 96 cm sur 53, datant du règne de Yasovarman (889-910), le restitue au musée national.

Heritage Watch lance un cri d’alarme concernant les pillages du cimetière de Vat Chas, dans la province de Bantéay Méan Chhey, remontant à l’âge du fer, et qui comprenait plus de 1 000 tombes. Les vols y sont particulièrement nombreux depuis trois mois. Cependant, quarante poteries et six sculptures de bronze sont récupérés et exposés au musée de Phnom Penh.

Suite à une étude réalisée par des Japonais, le pompage des nappes phréatiques situées au dessous de Siemréap font courir une menace d’effondrement des temples d’Angkor. On y pompe quotidiennement 16 000 m3 d’eau, en plus de 300 puits, à une profondeur de 70 m., pour les 382 hôtels de la ville, alors qu’on ne devrait pas dépasser les 8 000 m3. On envisage de recreuser le Baray et de pomper l’eau du Tonlé Sap. Après un an de travaux, un nouveau château d’eau, financé par la coopération japonaise, pour treize millions de dollars, fournira jusqu’à 8 000 m3 d’eau par jour.

Le 25 janvier, le SIPAR inaugure sa centième bibliothèque.